Antoine-Laurent Lavoisier, qui par la découverte d’une nouvelle théorie chimique a rendu son nom immortel, naquit à Paris le 16 août 1743. Après avoir terminé ses humanités avec éclat, il conçut tant de goût pour les sciences mathématiques et physiques, qu’il résolut de s’y consacrer tout entier. À cet effet, au sortir du collège, il s’occupa d’approfondir la science du calcul et l’astronomie, pratiqua la chimie, et apprit la botanique.
Il avait à peine atteint sa vingtième année, lorsqu’il fit pressentir ce qu’on devait attendre un jour de lui. L’Académie des sciences avait mis au concours la question de trouver, pour la ville de Paris, un mode d’éclairage à la fois plus efficace et plus économique que celui dont on s’était servi jusqu’alors. Lavoisier obtint le prix ; mais trop désintéressé pour le prendre, il le fit distribuer à trois artistes qui avaient entrepris des expériences dispendieuses pour arriver à la solution du problème.
Lavoisier fut chimiste, philosophe et économiste. Il est souvent présenté comme le père de la chimie moderne, qui se développera à partir des bases et des notions qu'il a établies et d'une nouvelle exigence de précision offerte par les instruments qu'il a mis au point. Il a inauguré la méthode scientifique, à la fois expérimentale et mathématique, dans ce domaine qui, au contraire de la mécanique, semblait devoir y échapper.
Au delà de la découverte de l'oxydation, des composants de l'air et de l'eau, de l'état de la matière, ses contributions à la révolution chimique sont à la fois techniques, expérimentales et épistémologiques. Elles résultent d'un effort conscient d'adapter toutes les expériences dans le cadre d'une théorie simple dans laquelle, pour la première fois, la notion moderne d'élément est présentée de façon systématique. Lavoisier a établi l'utilisation cohérente de l'équilibre chimique, a utilisé ses découvertes sur l'oxygène, dont il a inventé le nom ainsi que ceux de l'azote et de l'hydrogène, pour renverser la théorie phlogistique, et a développé une nouvelle nomenclature chimique qui soutient, ce qui se révélera inexact, que l'oxygène est un constituant essentiel de tous les acides. Précurseur de la stœchiométrie, il a surtout traduit des réactions dans les équations chimiques qui respectent la loi de conservation de la matière, donnant à celle-ci une solide assise expérimentale.
Financier de son métier, soucieux d'établir des statistiques précises utiles à ce qu'il appelle à la suite de Condorcet l'arithmétique politique, il a été sollicité par l'administration royale puis révolutionnaire sur de très nombreux sujets depuis l'instruction publique jusqu'à l'hygiène en passant par le système monétaire. Il a aussi produit dans la lancée de Joseph Black la première théorie expérimentale de la chaleur, à travers l'étude non seulement de la combustion mais aussi de la respiration et de la fermentation des sols.
Après avoir enrichi la science d’une foule de découvertes et d’observations de détails sur lesquelles nous ne pouvons nous appesantir, Lavoisier se proposait de coordonner tous ses travaux, et d’en former un corps complet de doctrine ; il s’était, à cet effet, associé, à Armand Seguin, qui l’avait déjà aidé à employer la théorie nouvelle pour l’explication des phénomènes de la respiration et de la transpiration. Il marchait à grands pas vers l’exécution de ce louable projet, lorsque, pour employer encore les expressions de Cuvier, « une vie si belle et si utile fut terminée par un des crimes atroces qui ont déshonoré cette époque. Au fond de sa prison, lorsqu’il n’ignorait pas que l’on préméditait son assassinat, Lavoisier s’occupait encore, avec calme et sérénité, de suivre l’impression de son ouvrage, qui devait avoir huit volumes. Les bibliothèques ne possèdent pas de monument plus touchant.
Ces dernières lignes d’un homme de génie écrivant encore à la vue d’un échafaud, ces volumes mutilés, ces discours interrompus au milieu d’une phrase, et dont la suite est perdue pour toujours, rappellent tout ce que les temps affreux dont nous parlons produisirent d’horreur et d’effroi. La catastrophe qui a mis fin aux jours de Lavoisier fut une suite de sa carrière administrative, qu’il avait cependant parcourue avec non moins d’honneur et de talent que sa carrière scientifique. Il avait été fermier général en 1769. Malgré les préventions que devaient exciter contre lui, dans une telle compagnie, ses occupations savantes, il y obtint promptement un crédit proportionné à l’habileté qu’il y développa, et devint en peu de temps l’un des membres les plus actifs du corps, celui que l’on chargeait des affaires les plus difficiles.
Les hauts taux tuent les totaux
Ses vues étaient éclairées ; il savait combien une fiscalité excessive nuit quelquefois aux recettes, et en plusieurs occasions il fit supprimer des droits qui, fort onéreux pour le peuple, n’étaient pas très lucratifs pour l’Etat. Que la fiscalité excessive nuise aux recettes n'était pas une découverte cependant. Au XVIe siècle déjà, l’économiste français et conseiller de Henri IV, Barthélémy de Laffemas, avait déjà constaté que plus on taxe les riches, moins ils paient d’impôts. C’est d’ailleurs lui qui serait l’auteur de la formule « les hauts taux tuent les totaux ». Puis, en 1844, ce fut au tour de Jules Dupuit, ingénieur et économiste français, d’observer le même phénomène. Plus récemment, pendant les années Reagan, l’économiste américain Arthur Laffer s’est fait connaître pour sa formule « trop d’impôt tue l’impôt ».
La communauté des Juifs de Metz lui donna un témoignage honorable de gratitude pour la décharge qu’il avait obtenue en leur faveur d’un péage à la fois vexatoire et ignominieux... Lavoisier faisait aussi des recherches particulières d’agriculture et d’économie domestique. Comme grand propriétaire dans la généralité d’Orléans, il fut nommé, en 1787, membre de l’assemblée provinciale, et il ne se borna point, pour remplir cette honorable mission, à des conseils et à des travaux lors des intempéries de 1788, il avança à la ville de Blois une somme de cinquante mille francs pour acheter des blés, et il en dirigea si habilement l’emploi, que cette ville échappa, sans qu’il lui en coûtât rien, aux effets de la famine qui mirent le désordre et produisirent des séditions dans tant de lieux...
À cette époque, la France entière, provoquée par son roi, s’occupait des améliorations dont le gouvernement et l’administration paraissaient avoir besoin : Lavoisier crut devoir payer son tribut, et son Traité de la richesse territoriale de la France est une sorte de modèle de la manière dont on pourrait exposer les faits de l’économie politique... Le choix que l’Académie fit de lui, en 1790, pour être un des membres de la commission chargée de fixer les nouvelles mesures, lui offrit encore une occasion d’appliquer à la fois son génie pour les expériences et son esprit pratique... Tant de services, et des services si divers, ne lui obtinrent point de grâce auprès des hommes de 1793...
La République n'a pas besoin de savants
Traduit au tribunal révolutionnaire avec les autres fermiers généraux, il fut du nombre des vingt-huit condamnés à mort. On espéra encore un moment que sa renommée dans les sciences inspirerait de l’intérêt ; on se reposait sur les instances que quelques-uns de ses anciens confrères paraissaient à portée de faire en sa faveur ; mais la terreur glaça tous les cœurs ; personne n’osa en parler aux décemvirs... Un citoyen courageux, Hallé, osa seul tenter un effort public ; il se hâta de faire au Lycée des Arts un rapport sur ce que les découvertes de ce grand homme avaient d’utile, et ce rapport fut produit au tribunal.
Ayant demandé un sursis pour pouvoir achever une expérience, il s’entend répondre par le président du tribunal révolutionnaire, Jean-Baptiste Coffinhal : « La République n'a pas besoin de savants ni de chimistes ; le cours de la justice ne peut être suspendu. ». Il est guillotiné place de la Révolution le 8 mai 1794, à l'âge de cinquante ans, en même temps que l'ensemble de ses collègues de la Ferme. Son corps, dépouillé, est empilé dans la fosse commune des Errancis.
Le lendemain de l'exécution de Lavoisier, le grand mathématicien Louis de Lagrange commente : « Il ne leur a fallu qu'un moment pour faire tomber cette tête et cent années, peut-être, ne suffiront pas pour en reproduire une semblable ».
Son matériel et ses notes sont saisis mais ses travaux d'économétrie, dont il avait fait don à l'Assemblée constituante, peuvent être repris et publiés en 1796 par Lagrange.
Il avait à peine atteint sa vingtième année, lorsqu’il fit pressentir ce qu’on devait attendre un jour de lui. L’Académie des sciences avait mis au concours la question de trouver, pour la ville de Paris, un mode d’éclairage à la fois plus efficace et plus économique que celui dont on s’était servi jusqu’alors. Lavoisier obtint le prix ; mais trop désintéressé pour le prendre, il le fit distribuer à trois artistes qui avaient entrepris des expériences dispendieuses pour arriver à la solution du problème.
Lavoisier fut chimiste, philosophe et économiste. Il est souvent présenté comme le père de la chimie moderne, qui se développera à partir des bases et des notions qu'il a établies et d'une nouvelle exigence de précision offerte par les instruments qu'il a mis au point. Il a inauguré la méthode scientifique, à la fois expérimentale et mathématique, dans ce domaine qui, au contraire de la mécanique, semblait devoir y échapper.
Au delà de la découverte de l'oxydation, des composants de l'air et de l'eau, de l'état de la matière, ses contributions à la révolution chimique sont à la fois techniques, expérimentales et épistémologiques. Elles résultent d'un effort conscient d'adapter toutes les expériences dans le cadre d'une théorie simple dans laquelle, pour la première fois, la notion moderne d'élément est présentée de façon systématique. Lavoisier a établi l'utilisation cohérente de l'équilibre chimique, a utilisé ses découvertes sur l'oxygène, dont il a inventé le nom ainsi que ceux de l'azote et de l'hydrogène, pour renverser la théorie phlogistique, et a développé une nouvelle nomenclature chimique qui soutient, ce qui se révélera inexact, que l'oxygène est un constituant essentiel de tous les acides. Précurseur de la stœchiométrie, il a surtout traduit des réactions dans les équations chimiques qui respectent la loi de conservation de la matière, donnant à celle-ci une solide assise expérimentale.
Expériences de Lavoisier sur la composition de l’air
Financier de son métier, soucieux d'établir des statistiques précises utiles à ce qu'il appelle à la suite de Condorcet l'arithmétique politique, il a été sollicité par l'administration royale puis révolutionnaire sur de très nombreux sujets depuis l'instruction publique jusqu'à l'hygiène en passant par le système monétaire. Il a aussi produit dans la lancée de Joseph Black la première théorie expérimentale de la chaleur, à travers l'étude non seulement de la combustion mais aussi de la respiration et de la fermentation des sols.
Après avoir enrichi la science d’une foule de découvertes et d’observations de détails sur lesquelles nous ne pouvons nous appesantir, Lavoisier se proposait de coordonner tous ses travaux, et d’en former un corps complet de doctrine ; il s’était, à cet effet, associé, à Armand Seguin, qui l’avait déjà aidé à employer la théorie nouvelle pour l’explication des phénomènes de la respiration et de la transpiration. Il marchait à grands pas vers l’exécution de ce louable projet, lorsque, pour employer encore les expressions de Cuvier, « une vie si belle et si utile fut terminée par un des crimes atroces qui ont déshonoré cette époque. Au fond de sa prison, lorsqu’il n’ignorait pas que l’on préméditait son assassinat, Lavoisier s’occupait encore, avec calme et sérénité, de suivre l’impression de son ouvrage, qui devait avoir huit volumes. Les bibliothèques ne possèdent pas de monument plus touchant.
Ces dernières lignes d’un homme de génie écrivant encore à la vue d’un échafaud, ces volumes mutilés, ces discours interrompus au milieu d’une phrase, et dont la suite est perdue pour toujours, rappellent tout ce que les temps affreux dont nous parlons produisirent d’horreur et d’effroi. La catastrophe qui a mis fin aux jours de Lavoisier fut une suite de sa carrière administrative, qu’il avait cependant parcourue avec non moins d’honneur et de talent que sa carrière scientifique. Il avait été fermier général en 1769. Malgré les préventions que devaient exciter contre lui, dans une telle compagnie, ses occupations savantes, il y obtint promptement un crédit proportionné à l’habileté qu’il y développa, et devint en peu de temps l’un des membres les plus actifs du corps, celui que l’on chargeait des affaires les plus difficiles.
Les hauts taux tuent les totaux
Ses vues étaient éclairées ; il savait combien une fiscalité excessive nuit quelquefois aux recettes, et en plusieurs occasions il fit supprimer des droits qui, fort onéreux pour le peuple, n’étaient pas très lucratifs pour l’Etat. Que la fiscalité excessive nuise aux recettes n'était pas une découverte cependant. Au XVIe siècle déjà, l’économiste français et conseiller de Henri IV, Barthélémy de Laffemas, avait déjà constaté que plus on taxe les riches, moins ils paient d’impôts. C’est d’ailleurs lui qui serait l’auteur de la formule « les hauts taux tuent les totaux ». Puis, en 1844, ce fut au tour de Jules Dupuit, ingénieur et économiste français, d’observer le même phénomène. Plus récemment, pendant les années Reagan, l’économiste américain Arthur Laffer s’est fait connaître pour sa formule « trop d’impôt tue l’impôt ».
La communauté des Juifs de Metz lui donna un témoignage honorable de gratitude pour la décharge qu’il avait obtenue en leur faveur d’un péage à la fois vexatoire et ignominieux... Lavoisier faisait aussi des recherches particulières d’agriculture et d’économie domestique. Comme grand propriétaire dans la généralité d’Orléans, il fut nommé, en 1787, membre de l’assemblée provinciale, et il ne se borna point, pour remplir cette honorable mission, à des conseils et à des travaux lors des intempéries de 1788, il avança à la ville de Blois une somme de cinquante mille francs pour acheter des blés, et il en dirigea si habilement l’emploi, que cette ville échappa, sans qu’il lui en coûtât rien, aux effets de la famine qui mirent le désordre et produisirent des séditions dans tant de lieux...
À cette époque, la France entière, provoquée par son roi, s’occupait des améliorations dont le gouvernement et l’administration paraissaient avoir besoin : Lavoisier crut devoir payer son tribut, et son Traité de la richesse territoriale de la France est une sorte de modèle de la manière dont on pourrait exposer les faits de l’économie politique... Le choix que l’Académie fit de lui, en 1790, pour être un des membres de la commission chargée de fixer les nouvelles mesures, lui offrit encore une occasion d’appliquer à la fois son génie pour les expériences et son esprit pratique... Tant de services, et des services si divers, ne lui obtinrent point de grâce auprès des hommes de 1793...
La République n'a pas besoin de savants
Traduit au tribunal révolutionnaire avec les autres fermiers généraux, il fut du nombre des vingt-huit condamnés à mort. On espéra encore un moment que sa renommée dans les sciences inspirerait de l’intérêt ; on se reposait sur les instances que quelques-uns de ses anciens confrères paraissaient à portée de faire en sa faveur ; mais la terreur glaça tous les cœurs ; personne n’osa en parler aux décemvirs... Un citoyen courageux, Hallé, osa seul tenter un effort public ; il se hâta de faire au Lycée des Arts un rapport sur ce que les découvertes de ce grand homme avaient d’utile, et ce rapport fut produit au tribunal.
Lavoisier est traduit devant le Tribunal révolutionnaire
Ayant demandé un sursis pour pouvoir achever une expérience, il s’entend répondre par le président du tribunal révolutionnaire, Jean-Baptiste Coffinhal : « La République n'a pas besoin de savants ni de chimistes ; le cours de la justice ne peut être suspendu. ». Il est guillotiné place de la Révolution le 8 mai 1794, à l'âge de cinquante ans, en même temps que l'ensemble de ses collègues de la Ferme. Son corps, dépouillé, est empilé dans la fosse commune des Errancis.
Le lendemain de l'exécution de Lavoisier, le grand mathématicien Louis de Lagrange commente : « Il ne leur a fallu qu'un moment pour faire tomber cette tête et cent années, peut-être, ne suffiront pas pour en reproduire une semblable ».
Son matériel et ses notes sont saisis mais ses travaux d'économétrie, dont il avait fait don à l'Assemblée constituante, peuvent être repris et publiés en 1796 par Lagrange.
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