jeudi 5 mai 2011

Le Devoir : « L'école n'est pas au service des parents. »

Louis Cornellier (ci-contre) [1], [2] professeur de cégep et arbitre autoproclamé des essais québécois dans les colonnes du Devoir du samedi, avait déjà déclaré que 1000 élèves instruits à la maison par leurs parents, c'était trop. Que c'était « antidémocratique ». Ils doivent aller « à l’école, comme tout le monde ».

Ne réprimant ses instincts jacobins et autoritaires, ce journaliste à temps partiel a récidivé le 23 avril dans une recension partisane du livre La Religion sans confession dont nous avons déjà parlé (ici, ici et ). Ce livre publié chez Médiaspaul comprend trois « papiers » en faveur du programme d'éthique et de culture religieuse (ECR) et trois opposés à celui-ci. Les trois détracteurs du cours qui ont écrit dans ce collectif sont Mme Suzanne Lavallée, « la mère » qui a demandé l'exemption, le directeur Paul Donovan qui a refusé d'enseigner ECR dans une perspective « laïque» dans son collège privé et l'ancien ministre Louis O'Neill.

La lecture que Cornellier fait de cet ouvrage est caricaturale :  il résume à un paragraphe les positions des trois opposants à l'imposition du programme ECR, sans jamais vraiment expliquer leurs arguments. Ceux du directeur du collège Loyola sont par exemple totalement occultés. Tout le reste de l'article qui fait onze longs paragraphes (5 colonnes sur la moitié d'une page entière) n'est là que pour rassurer et donner raison aux partisans du programme ECR. Cornellier n'hésite d'ailleurs pas à prendre parti et affirme ainsi que « Le théologien Alain Gignac pense plutôt, avec raison ». On peut faire mieux en termes d'information impartiale et complète.

École « démocratique » en haut,
école capitaliste fermée en bas.
Affiche de propagande soviétique
du début des années 50[1].
Emporté dans son élan et par sa fougue, Cornellier lance ce cri du cœur jacobin : «  L’école n’est pas au service des parents ». Pris à partie par cette remarque, le théologien et ancien ministre Louis O'Neill, un des trois opposants à l'imposition du cours ECR, réplique en ces termes sur son carnet :
Dans Le Devoir du 23 avril Louis Corneillier écrit : « Personne, en effet, ne nie aux parents le droit d’inculquer les valeurs de leur choix à leurs enfants. Or l’école, elle, n’a pas à se soumettre à ces valeurs. L’école n’est pas au service des parents. Elle assume plutôt une fonction sociale démocratiquement définie ». 
Le raisonnement apparaît un peu simple. Comme si les parents étaient réduits à la fonction de porteurs d’enfants que des experts en pédagogie et des bureaucrates prendraient en charge à un moment donné pour leur imprimer un faciès conforme à « une fonction sociale démocratiquement définie ». L’entrée dans le réseau scolaire marquerait l’échéance des droits des parents. 
Nous voilà renvoyés à plusieurs coudées de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (article 26, para. 3), qui spécifie que   les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants ». Aussi à bonne distance de l’ancien article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés, aboli arbitrairement, qui affirmait que « les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d’exiger que, dans les établissements d’enseignement public, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi ». On est proche en revanche de la conception étatique jadis à la mode dans des pays tombés sous le joug d’idéologies totalitaires et dont les rédacteurs de la Déclaration de 1948 avaient pu observer de près les effets néfastes. 
Il est vrai que certaines valeurs transmises dans des familles peuvent aller à l’encontre de celles reconnues dans l’ensemble d’une société moderne telle que la nôtre, dont les racines plongent dans la tradition judéo-chrétienne. Des conflits peuvent surgir. On doit alors recourir au dialogue, à la persuasion, parfois à des accommodements. Mais cela ne constitue pas une raison suffisante pour s’en prendre aux droits fondamentaux des parents, surtout quand ils concernent des convictions religieuses ou éthiques auxquelles ceux-ci adhèrent en toute sincérité. Rien n’oblige, en cette matière, à soumettre tout le monde aux diktats des bureaucrates qui trônent au sein du Ministère de l’Éducation. 
D’où vient ce besoin d’imposer à tous une solution unique et de style totalitaire ? Surtout que la Loi sur l’Instruction publique prévoit un droit d’exemption en cas de situations particulièrement délicates dont certaines peuvent concerner la liberté de conscience. Le vivre ensemble n’exclut pas le droit de penser ou de croire autrement. Mais les fabricants de la nouvelle cuvée dite de culture religieuse ne semblent pas apprécier le droit à la dissidence. 
Même arrimés à des devoirs et marqués par des balises, les droits des parents en éducation embarrassent les planificateurs étatiques. Mais ils incarnent en revanche une valeur collective, une garantie de santé démocratique. Ils méritent qu’on les sauvegarde.




[1] Traduction du texte russe de l'illustration :

En URSS : de 1951 à 1955 la construction d'écoles en ville et dans les villages augmentera de 70 % par rapport au précédent plan quinquennal.

Aux É-U : 1 % du budget [fédéral!] est consacré à l'éducation alors que 74 % va aux dépenses militaires. Aux É-U, plus de 10 millions de personnes sont illetrées; près d'un tiers des enfants n'étudient pas.  (Sur le panneau de l'image en bas on lit : « L'école est fermée »).


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3 commentaires:

Romanus a dit…

« L’école n’est pas au service des parents. Elle assume plutôt une fonction sociale démocratiquement définie »

... démocratiquement définie? Depuis quand?

Et quoi encore ? a dit…

La notion de « démocratie » de ce Cornellier est très bizarre.

Cela ressemble fort à la dictature de la majorité, ou plus précisément ceux qui contrôlent les représentants (poteaux?) de la majorité.

Anonyme a dit…

J'ai fait mon bacc à l'UQAM avec M. Cornellier. Le lavement de cerveau qu'on y reçoit là-bas est redoutable. Il ne s'en est toujours pas remis. Peu s'en remettent d'ailleurs...