jeudi 23 septembre 2010

Éthique — L'élection des juges pour résoudre la crise de légitimité ?

L'Occident vit une crise de légitimité de l'autorité judiciaire et la magistrature n'échappe pas aux traditionnels soupçons de soumission au pouvoir ou de justice de classe. L'élévation de la justice aux fonctions de mainteneur de l'État de droit impose une évaluation sans exclusive des divers modes de sélection et de désignation des magistrats.

Or, le procédé électif est aujourd'hui systématiquement écarté en France ou Canada, jugé contraire à nos traditions, alors même qu'il fut pratiqué à la Révolution française, puis revendiqué jusqu'au début du XXe siècle par un large secteur de l'opinion républicaire comme l'authentique moyen de légitimation du pouvoir du juger. Maintenu en France pour les tribunaux de commerce, appliqué aux conseils de prud'hommes et encore aux tribunaux paritaires de baux ruraux, les expériences françaises de justice élective sont suffisamment prégnantes pour mériter une analyse historique susceptible de rendre compte des vertus et des faiblesses d'un tel recrutement. C'est le régime de Vichy qui récemment a restreint le plus sévèrement la présence des jurys populaires dans les prétoires.

En Suisse, pour les juges cantonaux et fédéraux, on pratique l’élection, de toute ancienneté. L’originelle structure fédérale de cette république ne saurait expliquer seule cette spécificité. L’élection des magistrats y est tenue pour la modalité la plus conforme à la nature démocratique du régime. Trois modes électifs sont pratiqués : le suffrage universel direct, l’élection par le pouvoir législatif, l’élection par un collège de magistrats. Les conditions d’éligibilité varient, mais en pratique les choix bénéficient aux candidats à forte qualification et expérience juridiques préalables. La plupart des mandats sont de quatre ans et la réélection est la règle. De nombreuses incompatibilités visent à préserver l’indépendance des magistrats.

Aux États-Unis, l’électivité des juges des États tient à une tradition juridique et politique situant le magistrat en principal agent de l’État de droit. À peine institué (première fois en 1832, par l’État du Mississippi) le procédé électif suscita des flots de protestations. Le peuple, faisait-on déjà valoir au siècle dernier, est le plus mauvais juge des qualités nécessaires au bon magistrat, et les élections contrôlées par les partis politiques sont outrageusement partisanes. Restaurer la confiance publique dans la justice et recruter des juristes qualifiés a conduit depuis 1940 certains États à combiner le modèle de la nomination avec celui de l’élection. Là où le système électif intégral a été conservé, les modalités n’en demeurent pas moins variables.



Histoire du syndicat de la magistrature française




Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

7 commentaires:

Sébas a dit…

J'aime beaucoup votre commentaire.

J'espère que Me Bastarache fera des recommandations allant dans ce sens... au moins tout ce 'cirque', vraiment pas rigolo ou divertissant, servira à quelque chose de constructif.

Ça se calme ? a dit…

La vidéo est géniale : comment des activistes de gauche prennent le contrôle de la magistrature.

Sébas a dit…

Il y a des avocats ou ex avocats qui osent affirmer qu'il y a un problème 'structurel' au Québec:

«Peut-être qu'il y aurait lieu maintenant de se demander s'il ne devrait pas y avoir aussi pour les juges en chef un processus de sélection qui dépolitise la nomination en mettant accent sur la transparence et la compétence», a suggéré Mme St-Louis.»

http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/dossiers/laffaire-bellemare/201009/09/01-4314031-selection-des-juges-un-probleme-dethique-politique-selon-une-ex-juge.php

***

«Il n’y a pas de lieu pour les citoyens pour se plaindre de comportements délinquants, si ce n’est sur un bulletin de vote aux quatre ans. Et ça, c’est peut-être compliqué.»

Selon l'ancienne juge en chef adjointe à la Cour du Québec, Huguette St-Louis.

http://fr.canoe.ca/infos/quebeccanada/archives/2010/09/20100909-163852.html

Sébas a dit…

Et finalement, j'ai ceci dans mes archives:



Repenser le Barreau du Québec ?

Louis Lapointe
13 juillet 2007


La séparation des pouvoirs est un riche héritage que nous devons sauvegarder. Le devoir de réserve en est un précieux corollaire, si les juges ne peuvent pas critiquer les décisions de l'exécutif, les représentants de celui-ci ne peuvent pas non plus critiquer les décisions des tribunaux. Dans cette perspective, on comprend la colère de la Juge Otis qui, face à un système où seuls les plus riches peuvent débattre allègrement de leurs litiges devant la cour, ne peut le critiquer ouvertement puisque sa réforme relève d'un autre pouvoir que le sien.

Pourtant, elle a raison. De moins en moins de citoyens ont les moyens de se payer cette justice qui est surtout une affaire d'avocats. Les citoyens n'ont jamais été aussi absents des débats sur le système judiciaire, même s'ils sont de plus en plus nombreux à faire valoir leurs droits sans être représentés par avocat. On aimerait voir plus de juges faire preuve d'autant d'ouverture et de générosité comme le fait la juge Otis, mais ce n'est pas leur rôle, c'est celui du Barreau !

Si le Barreau du Québec occupe toute la place publique en matière de justice, c'est qu'il a accaparé ce pouvoir de représentation au fil des années en raison de son devoir de protéger le public. Cette fonction du Barreau serait aussi fondamentale que celle de défendre les intérêts de ses membres, les avocats. Le Barreau honore-t-il ces deux fonctions convenablement dans l'intérêt de la justice et des justiciables?

Comment peut-on à la fois défendre le loup et l'agneau alors qu'on est soit même un loup? Forcément, un jour ou l'autre le naturel revient au galop et lorsqu'il y a un conflit entre les droits du public et ceux des avocats, ce sont ceux des avocats qui ont préséance, particulièrement ceux des plus riches qui travaillent dans les plus grands cabinets, justement ceux qui représentent les plus grandes entreprises que dénoncent la juge Otis en raison de leurs litiges qui monopolisent une grande partie du temps des débats devant la cour.

En un mot, la situation que dénonce la juge Otis est en grande partie le fait d'un Barreau négligent qui ne représente pas adéquatement le public et la grande majorité de ses membres qui n'ont pas tous de gros clients influents et fortunés. Le Barreau ne serait-il tout simplement pas en conflit d'intérêts dans l'exercice de ses responsabilités les plus fondamentales? Sa structure organisationnelle actuelle en serait non seulement une preuve patente, mais également la cause première.

Sébas a dit…

Suite;



Protéger le public et défendre les membres?

Alors que l'une des principales missions du Barreau est de protéger le public, paradoxalement, personne dans l'organigramme du Barreau n'a la responsabilité de représenter le public auprès de la direction et du Bâtonnier. Il existe bien un service aux membres, mais pas de service à la clientèle, pas d'ombudsman du Barreau. Étonnant pour un ordre professionnel qui se décrie comme un champion de la justice, comme un défenseur de la veuve et de l'orphelin.

Par ailleurs, il n'existe pas non plus au Barreau du Québec de fonction de coordination des services professionnels pour veiller aux intérêts professionnels des membres. Contrairement à la majorité des établissements du Québec qui ont des fonctions publiques comme les universités et les hôpitaux, le Barreau du Québec n'a pas de direction des services professionnels pas plus qu'il n'a de direction des services à la clientèle. Étonnant pour une organisation qui se targue de bien représenter le public et de défendre tous ses membres.

La raison de tout cela est fort simple. Le Barreau est plus une organisation politique que professionnelle. Le pouvoir qui y règne, est entre les mains des plus influents membres de la profession qui proviennent majoritairement des grands cabinets d'avocats de Montréal, ceux-là mêmes que dénonce la juge Otis à mots couverts. Que ce soit au sein des comités du Barreau ou à la plus haute fonction de Bâtonnier du Québec, ces charges politiques sont dans la plupart des cas occupées par des représentants des grands cabinets, car le pouvoir est là !


Une direction des services professionnels

Une façon de rééquilibrer les choses serait de doter le Barreau d'une administration ayant un plus grand poids professionnel. Ainsi, la coordination de l'ensemble des fonctions professionnelles du Barreau que sont, entre autres, la formation permanente, la formation professionnelle, l'inspection professionnelle, le bureau du syndic et le service aux membres devraient être sous l'égide d'une direction des services professionnels. Ces fonctions relèvent présentement directement de la direction générale du Barreau. Or, cette direction n'a pas et n'a jamais eu toute la distance voulue pour coordonner ces dossiers, puisque d'année en année le directeur général doit s'ajuster politiquement aux exigences des nouveaux bâtonniers dont le mandat est d'une année de calendrier. Dans une telle perspective, il est impossible de donner des orientations à long terme à ces services sans tomber dans les inévitables agendas politiques des comités et du Bâtonnier du Québec.


Sébas a dit…

Suite et fin;



Une direction des services à la clientèle

Plus fondamentalement, s'il veut représenter le public adéquatement, le Barreau doit également créer une direction des services à la clientèle qui aurait pour mandat de représenter le public auprès de toutes les instances du Barreau, une fonction indépendante dont le titulaire pourrait contredire les positions officielles du Barreau lorsque c'est dans l'intérêt du public. Un véritable représentant des justiciables au sein de l'organisation qui pourrait remettre en question les mécanismes d'indemnisation des victimes d'avocats incompétents ou véreux que sont le fonds d'indemnisation et le fonds d'assurances responsabilité professionnelle. Quelqu'un qui aurait le droit de critiquer le bureau du syndic ou le service d'inspection professionnelle lorsqu'il y a complaisance dans le traitement du dossier de certains avocats. Par ailleurs, pour des raisons bien évidentes, cette direction devrait jouir de son propre service de recherche indépendant de celui du Barreau et du Bâtonnier.

Enfin, pour des raisons tout aussi évidentes, les titulaires de la direction des services professionnels et de la direction des services la clientèle auraient le pouvoir conjoint de recommander au nom du Barreau du Québec les meilleurs avocats à la fonction de juge lorsque l'avis du Barreau est requis des autorités compétentes.


Une réforme en profondeur

De tels changements au sein du Barreau auraient pour effet de rééquilibrer le pouvoir des forces en présence entre les comités, les professionnels et le public et de redorer l'image du Barreau auprès du public qui n'a actuellement plus aucune raison apparente de croire que le Barreau défend réellement ses intérêts en matière de justice et d'accès à la justice. Cela sera-t-il suffisant pour raviver la confiance du public envers ses avocats étant donné qu'il y a de plus en plus de justiciables qui sont convaincus que la réforme du Barreau devrait être encore plus draconienne et conduire à une scission pure et simple de l'organisme par l'abolition du Barreau qu'on connaît actuellement, lequel serait remplacé par deux organismes distincts, soit un ordre professionnel responsable de policer les avocats et de veiller aux intérêts du public et une association professionnelle des avocats responsable de défendre ses membres ?

Si le Barreau ne trouve pas le courage et l'audace de se réformer lui-même, il risque d'être confronté un jour ou l'autre à l'inévitable scission que lui imposera le gouvernement à la suite de pressions grandissantes qu'exercera le public qui aura perdu le peu de confiance qui lui restait en cette institution devenue obsolète.

Louis Lapointe
Directeur
École du Barreau du Québec
1995-2001



Durandal a dit…

Les juges sont élus dans certains États américains mais, à ce que je sache, les juges fédéraux sont nommés, ils ont beaucoup trop de pouvoir.

L'American Civil Liberties Union (ACLU - lobby d'avocats ultra-gauchistes) prend très habilement avantage de cette situation en copinant avec des juges militants pour imposer les idéaux progressistes, nonobstant de la volonté du peuple.

http://www.stoptheaclu.com/
2006/08/30/the-aclu-vs-america
-the-numbers-dont-lie/