mercredi 11 décembre 2019

Partialité idéologique de la juge en chef de la Cour d'appel du Québec (m-à-j)

Nouvelle plainte contre Mme Duval Hesler — Inventer un droit nouveau

La juge Duval-Hesler avec le conférencier Robert Leckey
à l’Association de juristes Lord Reading, le 24 septembre 2019
On apprend par ailleurs que la juge Duval Hesler fait l’objet d’une nouvelle plainte pour ses actions en marge de la contestation de la loi 21. L’Association Lord Reading a reçu, le 24 septembre dernier, le doyen de la Faculté de droit de l’université McGill, Robert Leckey, pour une conférence dont le titre était Advocacy Notwithstanding the Notwithstanding Clause (Plaider nonobstant la clause dérogatoire). « Ses propos sont un véritable mode d’emploi pour les juristes et autres partisans du gouvernement des juges qui souhaitent invalider la loi 21 malgré la clause dérogatoire et en dépit du fait que cette législation ait été votée démocratiquement par l’Assemblée nationale du Québec », explique Frédéric Bastien, qui a fourni au journal Métro une exemplaire de l’allocation de M. Leckey.

« Pour arriver à ses fins, M. Leckey propose ni plus ni moins d’inventer de toute pièce du droit nouveau », s’inquiète le professeur. Nicole Duval Hesler était alors dans l’assistance. Elle se trouve dans les photos de l’événement affichées sur la page Facebook de l’association. L’ancien député bloquiste Yves Rocheleau a porté plainte au Conseil canadien de la magistrature en lien avec sa présence.

En entrevue à Métro, M. Bastien souligne que la juge a le droit de s’informer concernant les arguments pour et contre la loi 21. Mais sa présence physique à une telle conférence porte atteinte à son apparence de neutralité, selon lui. Rappelons que des dizaines de plaintes ont déjà été déposées contre la magistrate, notamment pour ses commentaires au Procureur général du Québec, Me Éric Cantin, lors de l’audience sur la suspension de la loi 21. « Qui souffre davantage, les allergies visuelles de certains, ou les enseignantes qui perdent la possibilité de s’engager dans la profession qu’elles ont choisi ? » avait-elle demandé.

Soupçons de partialité du juge Nicholas Kasirer de la Cour suprême du Canada

Lors de la nomination de Nicholas Kasirer à la Cour suprême du Canada l’été dernier, l’Association de juristes Lord Reading s’est réjouie sur Twitter en diffusant le message suivant le 11 juillet 2019 : « The Society is thrilled at the nomination of our member, past speaker and good friend the Honourable Nicholas Kasirer to the Supreme Court of Canada. We know he will serve this country brilliantly! ». (« La Société est ravie de la nomination de notre membre, ancien président et bon ami l’honorable Nicholas Kasirer à la Cour suprême du Canada. Nous savons qu’il servira ce pays avec brio ! ») L’association Lord Reading avait déjà, à ce stade, présenté un mémoire contre la loi 21 en commission parlementaire. Depuis, elle s’est jointe à la contestation de ladite loi devant les tribunaux.

Pour l’historien Frédéric Bastien, la Cour suprême doit aussi clarifier le rôle que jouerait le juge Kasirer si, selon toute vraisemblance, la contestation de la loi 21 se rend en Cour suprême, ce qui pourrait arriver rapidement sur la question de la suspension de la loi et ce qui pourrait arriver plus tard sur la question du fond. Les liens entre le juge Kasirer et Lord Reading le mettent dans une position délicate pour entendre cette cause. Le juge Kasirer devait présenter la juge Duval-Hesler dans une conférence qu’elle devait donner le 10 décembre 2019 à Lord Reading et qui a été reportée. Cette organisation est au front contre la loi 21.



Billet originel du 6 décembre

Adoptée en juin 2019, la nouvelle Loi québécoise sur la laïcité de l’État (loi 21) doit maintenant passer le test des tribunaux. Mais voilà que la juge chargée d’examiner la loi est accusée de partialité.

Spoutnik a fait le point avec le plaignant, l’historien Frédéric Bastien, et Guillaume Rousseau, l’un des architectes de cette loi controversée.


C’est un rebondissement majeur dans le duel épique que se livrent partisans canadiens de la laïcité et du multiculturalisme au Québec. Conseiller du Premier ministre québécois sur la laïcité : « la question nationaliste revient ».

Le 1er décembre dernier, l’historien réputé Frédéric Bastien a déposé une plainte au Conseil canadien de la magistrature en lien avec la nouvelle Loi québécoise sur la laïcité de l’État. Selon lui, le juge chargé d’entendre la requête d’opposants à la loi ne serait pas impartial dans ce dossier. La juge en chef Nicole Duval Hesler doit prochainement rendre une décision concernant la suspension éventuelle de cette loi qui interdit le port de signes religieux aux juges, policiers, gardiens de prison et enseignants.

« J’ai porté plainte jeudi au Conseil canadien de la magistrature contre la juge en chef de la Cour d’appel du Québec, Mme Nicole Duval Hesler, dans la cause en appel qu’elle entend sur la suspension de la loi 21. La juge en chef a manqué à son devoir de réserve pour plusieurs raisons et elle devrait se récuser », a écrit l’historien et professeur au collège Dawson de Montréal sur sa page Facebook.

La juge Duval Hesler ferait preuve de « militantisme juridique », estime-t-il, ce qui le rendrait inapte à se prononcer sur la loi. « Mme Duval Hesler est une juge militante. C’est quelqu’un qui fait de l’activisme juridique en raison de son adhésion au multiculturalisme et de son rejet de la laïcité. D’ailleurs, presque tous les juges fédéraux au Canada partagent cette même vision, étant tous nommés par le gouvernement fédéral. Le jupon dépasse beaucoup... Elle viole son devoir de réserve », a tranché M. Bastien au micro de Spoutnik.

Professeur de droit à l’Université de Sherbrooke et ex-conseiller du gouvernement Legault sur la laïcité, Guillaume Rousseau estime que des questions soulevées par son collègue sont légitimes. M. Rousseau est l’un des architectes de la loi 21 et en publiera prochainement une version annotée. Selon lui, le fait que le juge en chef ait plusieurs fois exprimé son désaccord avec la laïcité est matière à réflexion. Les principes de déontologie judiciaire déconseillent fortement à un juge d’exprimer publiquement des opinions politiques, rappelle-t-il. ​Pourtant, dans un texte juridique publié en 2011, Mme Duval Hesler écrivait que le multiculturalisme était un phénomène inéluctable qu’il était vain de remettre en cause. Rappelons que le multiculturalisme est perçu comme une idéologie fondamentalement opposée à l’interdiction des signes religieux au Canada.

« C’est donc dire que le discours sur les conséquences négatives du multiculturalisme ne peut mener nulle part. L’on ne saurait par diktat mettre fin au multiculturalisme, pas plus que l’on ne saurait ignorer le besoin d’accommoder nos minorités », écrivait notamment Mme Duval Hesler dans ce texte. Par ses commentaires et son attitude lors d’une récente audience, Mme Duval Hesler peut être perçue comme ayant exprimé un préjugé favorable envers les opposants à la loi, observe M. Rousseau. « Au cours de l’audience du 26 novembre 2019, les juges Duval Hesler et Bélanger se sont montrées beaucoup plus dures envers les avocats représentant le Procureur général et donc le gouvernement Legault. Ces mêmes juges se sont montrées beaucoup moins dures envers les avocates des appelantes et elles ont exprimé des opinions politiques défavorables à la loi 21 en pleine Cour », s’indigne le professeur. Selon les informations recueillies par Spoutnik, au cours de cette même audience, la juge Duval Hesler s’est déclaré « féministe », en faisant notamment valoir que la Loi affecterait particulièrement les femmes. La juge en chef a également comparé la loi à des « allergies visuelles » envers les signes religieux, des propos qui refléteraient des opinions politiques impropres à être exprimées à la Cour.


Frédéric Bastien se demande toutefois si cette vision ne serait tout simplement pas celle exprimée dans la Constitution canadienne : « Cette vision défavorable de la laïcité fait toutefois partie de l’ADN même du régime constitutionnel canadien implanté en 1982. La Charte des droits et libertés, qui a été intégrée à la Constitution, sert à imposer au Québec le multiculturalisme et le bilinguisme canadien. Les juges fédéraux sont le fer de lance de ce travail permanent visant à affaiblir l’identité québécoise. Le comportement de la juge en chef est un très bel exemple de cette logique du régime », analyse Frédéric Bastien. Le 10 décembre prochain, Mme Duval Hesler devait prononcer un discours à l’occasion d’une soirée de charité [pour collecter de l’argent] pour le compte de l’association Lord Reading, connue pour son opposition à la laïcité. Un autre élément faisant douter de l’impartialité du juge dans ce dossier épineux.

Personnalité pressentie pour devenir chef du Parti québécois (PQ), principale formation souverainiste au Québec, M. Bastien espère donc que la juge en chef décide de lui-même de se récuser, seule manière de changer la composition du tribunal. Quant à Guillaume Rousseau, anticipant un maintien de la magistrate, il espère que celle-ci respectera le droit du Québec à utiliser la clause dérogatoire, laquelle permet de mettre des lois importantes à l’abri du « gouvernement des juges ». « Si la Loi sur la laïcité de l’État était suspendue par la Cour d’appel, il s’agirait d’un immense recul pour la démocratie parlementaire et l’autonomie du Québec. Par le fait même, il s’agirait d’une victoire du gouvernement des juges », a conclu le professeur.

Cela fait des années que Frédéric Bastien, se penche sur le gouvernement par les juges et sur la Constitution canadienne de 1982. Son livre phare La bataille de Londres raconte comme un roman excitant les magouilles jamais révélées derrière le rapatriement de 1982 que le Québec s’est fait enfoncer dans la gorge. Il est allé fouiller dans les archives du Foreign Office de Londres, ouvrant des dossiers jamais consultés, pour raconter l’inédit. La Constitution de 1982 a redéfini le pouvoir des tribunaux. Il faut mesurer son impact sur l’identité au Québec, sur le multiculturalisme qui nous est imposé.

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