lundi 6 mai 2019

Intolérable question : « Peut-on s'adapter aux changements climatiques ? »

Beaucoup de bruit la semaine passée autour de la question d’examen de français de la dernière année du secondaire au Québec (à la fin de la 11e année de scolarité, vers 16/17 ans).

Pour les lecteurs non québécois, il faut préciser que cet examen de français ne porte sur aucun auteur classique ni sur des connaissances littéraires. Il s’agit plutôt d’écrire une courte lettre ouverte dont le thème est connu à l’avance, thème préparé en classe sur la base d’un dossier fourni par le ministère. Lors de l’examen, l’élève peut amener le matériel suivant : une feuille de notes basées sur le dossier et la préparation à l’examen, un ​dictionnaire, une grammaire et un recueil de conjugaison. Apparemment, même dans ces conditions, certains élèves parviennent à échouer l’épreuve.


Les jeunes avaient donc reçu quelques jours auparavant un « dossier préparatoire » qui indiquait que la question à l’examen porterait sur « les changements climatiques ». Mais ce n’est que jeudi matin qu’ils ont appris la nature précise de la question, comme le prévoient les règles pour cette épreuve d’écriture de trois heures et un quart qui consistait à rédiger une « lettre ouverte » de 500 mots.

« Question si maladroite » pour Le Devoir

Pour le Devoir, « une question d’examen posée sur le réchauffement climatique était si maladroite que des milliers d’élèves ont écrit sur une page Facebook pour se moquer le ministère de l’Éducation. »

Quelle était donc cette question ?

« Peut-on s’adapter aux changements climatiques ? » La question, posée jeudi dans l’épreuve uniforme de français des élèves de secondaire V partout au Québec, a causé une vague d’indignation dans des groupes d’élèves militants.

Vendredi matin, plus de 35 000 comptes Facebook avaient rejoint un groupe qui avait été créé, au départ, pour que les finissants du secondaire échangent sur l’examen en question.

Maladresse envers toute une génération

Selon Radio-Canada, la page Facebook, intitulée « Examen du ministère 2019 » a pris une autre tournure lorsque les milliers d’élèves ont voulu dénoncer l’angle de la question au sortir de l’examen.

« C’est normal que ça intéresse les élèves. On fait des mouvements pour l’environnement. Il n’y a rien qui se passe et on nous fait passer un examen là-dessus », affirme Francis Claude, administrateur et créateur du groupe Facebook en question.

L’élève à l’école secondaire du Mont Sainte-Anne estime que le ministère de l’Éducation a fait preuve de maladresse envers sa génération. Toute une génération, rien que cela...

Il ne faut pas s’adapter aux changements climatiques. Il faut tenter de les inverser.

« On veut faire changer les choses [par rapport aux changements climatiques]. On fait des recherches et on se rend compte qu’il faut agir vite. […] On fait des manifestations, et la réponse du gouvernement, c’est de nous faire passer des examens là-dessus. Tout ce qu’on va écrire dans nos textes, ils ne liront jamais ça. On dirait qu’ils rient de nous », affirme-t-il.

Étrangement, ce dossier de préparation ne peut être divulgué au public... Serait-il partial ?

Pourquoi prendre au sérieux cette indignation ?

Pourquoi cette question suscite-t-elle ce rejet de la part de ces élèves et Le Devoir n’hésite-t-il pas à parler de question « si maladroite » ?

Il s’agissait d’un examen de français, pas d’un examen de science, ces élèves pouvaient donc dire qu’il n’est pas possible de s’adapter, qu’il vaut moins atténuer ou inverser les changements climatiques, si c’est leur opinion... Pour peu qu’ils rédigent leur lettre correctement, de manière structurée, en présentant des arguments de façon éloquente et dans un bon français.

Sur le fond, s’adapter au réchauffement climatique n’exclut pas de vouloir atténuer ou inverser les « changements climatiques ». Aucune incompatibilité logique.

D’ailleurs, des militants écologiquement corrects prônent l’adaptation aux « changements climatiques » comme la Fondation Suzuki.


Pourquoi cette indignation donc ?

Parce que militants et encore très jeunes, ces élèves manichéens et peu subtils ne comprennent pas qu’agir n’est pas incompatible avec s’adapter, que s’adapter c’est déjà agir ?

Parce qu’il fallait sortir un peu de sa bulle de confort ? Parce que pour répondre à la question, il faut présenter et développer des arguments étayés (mais pas nécessairement imparables sur le plan scientifique) et cela demande un effort de rédaction ? Parce que défiler dans la rue c’est plus facile, plus valorisant ?

Ou s’agit-il simplement d’un prétexte pour parler d’inverser la courbe du « réchauffement » dans les médias et dénoncer l’idée même d’adaptation qui pourrait séduire le commun des mortels plus pragmatiques ?



Ministre Roberge, flagorneur et climatiquement correct

Questionné sur la situation lors d’une étude de crédits, le ministre de l’Éducation a affirmé qu’il n’était pas au courant de la question, qui relevait plutôt des fonctionnaires du ministère de l’Éducation.

« Drôle de question, en effet », a commenté vendredi le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, sur Twitter à propos de la question formulée par son ministère. « À mon avis, on aurait dû demander comment lutter contre les changements climatiques, et non s’il était possible de s’y adapter. »

« Je me réjouis de la réaction des élèves. Je trouve intéressant qu’ils soient en mode solution, proactifs, dans la lutte contre les changements climatiques. Je suis encouragé. Les élèves disent : on veut participer aux solutions », a-t-il ajouté, en entrevue au Devoir, avant de préciser que cette « question n’a rien à voir avec la politique du gouvernement du Québec ».

Qu’un ministre de l’Éducation applaudisse sur Twitter aux erreurs de raisonnement de ces jeunes en disant qu’à son avis, « on aurait dû demander comment lutter contre les changements climatiques, et non s’il était possible de s’y adapter » est affligeant. Car il faudrait plutôt admettre l’évidence : même si l’on arrêtait demain matin de produire des gaz à effet de serre, même si l’on croit qu’il y a des changements en cours qui doivent être arrêtés ou inversés (nous n’en sommes pas convaincus, le Québec pourrait bénéficier d’un climat plus chaud), même si l’on croit qu’il y a urgence (ce dont nous doutons), même dans ce cas les changements ne s’arrêteront pas d’un coup : il y a en effet une inertie des systèmes physiques, il faudra donc bien s’adapter aux « changements climatiques » qui ont toutefois le dos large. Voir De plus en plus d'inondations à cause des « changements climatiques », vraiment ?


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je ne vois pas pourquoi on pose une telle question pour un examen de français. J'imagine qu'une réponse ''non conforme'' pourrait vous faire couler cet examen. Je suis aussi surpris que le sujet est annoncé plusieurs jour d'avance, qu'on a droit a un dictionnaire, une grammaire, un Bescherelle, alouette! De mon temps (fin années 60), c'était ma feuille et mon crayon... le sujet, un surprise... on avait deux ou trois choix de sujets... maintenant, réfléchis et compose! On avait pas 3h et quart... quelque chose comme deux...