dimanche 22 octobre 2017

Le charme et l'utilité des manuels d'antan

Le Figaro est formel : ils sont nombreux, parents qui font l’école à la maison, mais aussi instituteurs du privé comme du public, à utiliser les trésors passés de l’édition de manuels scolaires pour faire classe aux enfants.

Les échos sont unanimes : un contenu clair et progressif, une exigence réaliste, et surtout, un supplément d’âme, là où l’édition scolaire aujourd’hui se contente bien souvent d’idéologie. La Méthode Boscher permet des résultats excellents et rapides dans l’apprentissage de la lecture, quand les Malet et Isaac font rêver les écoliers et donnent du souffle à l’épopée de notre histoire européenne. Jean-Pierre Picandet, enseignant dans le public, l’admet sans complexe. Quant à Catherine Huby, du GRIP (Groupe de Réflexion Interdisciplinaire sur les Programmes), elle avoue également puiser son inspiration dans le génie simple de ces titres qui ont fait leurs preuves.



Ce n’est pas faire de passéisme ou de nostalgie mal placée que de le reconnaître. En la matière, l’efficacité pédagogique devrait être, comme souvent, le seul juge. La liberté scolaire, où l’on que soit, où que l’on enseigne, ne devrait-elle pas commencer par la liberté du choix des manuels scolaires ?


Les manuels scolaires d’autrefois peuvent enrichir les pratiques pédagogiques d’aujourd’hui

Marguerite et Lætitia connaissent bien les gravures colorées du Dumas-Collin et les textes de grands auteurs du recueil Une semaine avec… de Marcel Berry. Ces manuels d’autrefois peuplent une étagère entière de leur domicile, près de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire). « Je pense que si j’ai de la facilité à écrire aujourd’hui, c’est grâce à Écrire et parler. CM1 de Verret et Furcy, que j’aimais beaucoup », estime


Où sont passées les leçons de notre enfance ? Dans les brocantes, les foires aux livres, auprès des bouquinistes le long de la Seine, à Paris, Gisèle Haguet a fini par mettre la main sur ses livres scolaires favoris. « Je passais tous mes dimanches à fouiner. J’ai retrouvé la toute première édition de la méthode Boscher d’apprentissage de la lecture, en noir et blanc », se félicite l’octogénaire. Sa rare acquisition a plus de 110 ans et fait partie des centaines de manuels d’autrefois qu’elle a rassemblés. « Surtout d’école primaire, de lecture et d’histoire. » Après avoir révéré ces menhirs d’images et de savoir pendant plusieurs décennies, elle les vend désormais à La Bouquinerie, boutique ouverte en 2000 avec l’aide de sa fille, Annie Pansard, dans la petite ville de Plurien (Côtes-d’Armor). Plus de 400 manuels scolaires y trônent, parmi les dizaines de milliers de livres d’occasion.

Les habitués de La Bouquinerie souvent des nostalgiques. Personnes âgées, instituteurs, parents… « Des gens émerveillés recherchent les histoires de CP-CE1 grâce auxquelles ils ont appris à lire. Ils s’arrachent les manuels d’Ernest Pérochon illustrés par Raylambert (lire ci-dessous) », font valoir les deux bouquinistes.

Grande popularité

Les dictées et les exercices du siècle dernier s’échangent désormais de plus en plus sur Internet. Pas moins de 130 exemplaires de la méthode Boscher, neufs ou d’occasion, s’offrent aux amateurs sur le site Le Bon Coin. Il y en a presque autant du Tour de France par deux enfants sur Amazon. Les prix d’autres titres non réédités s’envolent, comme le livret de lecture Mico mon petit ours, publié dans les années 1960 et en vente sur Amazon, entre 35 et 90 euros.

Quand il n’enseigne pas à ses élèves de primaire, Julien numérise et met en ligne les ouvrages qu’une quarantaine de passionnés lui ont prêtés ou donnés. Ce professeur des écoles anime depuis cinq ans un blogue riche de plus de 1 300 titres en accès libre. Une tâche colossale, « des milliers d’heures » de travail, afin que ce patrimoine ne devienne pas le continent perdu de la pédagogie. « Ce n’est pas une simple lubie de collectionneur nostalgique, assure Julien. Mon but principal est de dépasser les préjugés et les idéologies sur l’éducation, pour améliorer l’instruction des enfants et des adultes. » S’il concède que « ces manuels peuvent paraître démodés dans leur mise en page et leurs illustrations », il note que « leur contenu est souvent admirable. Il suffit de comparer les programmes et manuels d’hier avec ceux d’aujourd’hui. Nous avons énormément régressé par rapport à ce qui se faisait avant les grandes réformes de 1970 ».

« Les collections d’anciens manuels peuvent enrichir les pratiques pédagogiques contemporaines », ajoute Delphine Campagnolle, à la tête du Musée national de l’éducation de Rouen (Seine-Maritime) où 64 000 livres scolaires sont exposés, des premiers abécédaires de lecture de la fin du Moyen Âge aux manuels d’aujourd’hui. « Le ressort de la nostalgie est très puissant parmi nos visiteurs, avec l’idée que l’école, “c’était mieux avant”. Mais il ne faut pas se limiter à ça, selon Delphine Campagnolle. C’est toute la difficulté de notre travail : montrer ce qui a fonctionné, mais aussi souligner les limites de chaque modèle. Dans l’école de Jules Ferry par exemple, très peu d’élèves allaient vers le secondaire. »

En collaboration avec le Musée national de l’éducation, les responsables de la bibliothèque Diderot de l’ENS Lyon, forte de 80 000 manuels scolaires, se sont lancés dans la constitution d’une bibliothèque numérique. Mais, à l’heure où une large part du travail scolaire s’effectue sur ordinateur, Delphine Campagnolle souhaite intégrer à cette conservation les cahiers de textes numériques des élèves et des professeurs. « Sinon tout un pan de l’éducation va disparaître. »

Source : Le Figaro

Voir aussi

Manuels anciens : Ce carnet a pour objectif de présenter des manuels du passé selon les trois points de vue suivants : nostalgie, histoire de l’éducation et pédagogie. « Avant les années 70, la France et les pays francophones avaient les meilleurs systèmes éducatifs du monde. Voyez les pages “Histoire de l’éducation”, “Pédagogie”, “Programmes”, puis étudiez les manuels. »

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