samedi 12 mars 2016

Mahomet et l'ange Gabriel à l'indicatif, la résurrection du Christ au conditionnel

Comparons le traitement de deux récits cruciaux dans le manuel d’ECR Mélodie publié par Modulo et destiné à tous les enfants québécois de 7 ans.

D’abord l’histoire de la révélation du Coran à Mahomet[1] :


(Illustration du manuel d’ECR Mélodie, publié par Modulo, destiné au 1er cycle du primaire, manuel B, p. 27)

Tous les temps sont à l’indicatif ou à l’impératif. C’est une constante adoptée dans les récits, voir par exemple ce récit amérindien sur la création du monde (en fin de billet).

(On notera, une nouvelle fois, dans la question posée en bas de page la volonté de renforcer auprès des enfants le fait que tous les récits religieux se ressemblent alors que ce qui est bien sûr plus intéressant, c’est ce qui les distingue).

Affirmer la résurrection était-il vraiment trop dur pour les éditeurs ?

Comparons maintenant avec le traitement de l’élément central de la foi des chrétiens : la résurrection.


(Illustration du manuel d’ECR Mélodie, publié par Modulo, destiné au 1er cycle du primaire, manuel B, p. 46)

Ici, on trouve un verbe au conditionnel ; celui qui prouve la résurrection du Christ : la rencontre des disciples avec le Christ ressuscité. Après on revient à l’indicatif pour affirmer plus sûrement que ces personnes dont on ne sait s’il faut croire les dires ont prétendu avoir vu le Christ ressuscité des morts.

On remarque la même chose avec Bouddha : « Il fut illuminé » (et non « il aurait été illuminé » ou « ses disciples disent qu’il a été illuminé ») et « il comprit le sens de toute chose » (et non « les bouddhistes croient qu’il comprit le sens de toute chose »). Aucun conditionnel, aucun verbe modal ou d’introduction, tout est à l’indicatif.



Alors que, lorsqu’on parle ailleurs du christianisme, on prendra soit de mettre force verbes introducteurs (« Les chrétiens reconnaissent en Jésus le Fils de Dieu »…, « les disciples de Jésus annoncèrent que Dieu l’avait ressuscité »… « Les chrétiens croient que Jésus a ainsi vaincu la mort »). Notons aussi le choix d’Antioche comme ville emblématique pour le christianisme dans ce livre (chaque religion à une capitale), Jérusalem étant déjà prise par le judaïsme.






[1] Mahomet dans les dictionnaires français depuis des siècles, Muhammad dans sa graphie pédante adoptée par le Monopole de l’éducation du Québec pour les enfants de 7 ans et, par la suite, par tous les éditeurs, conformistes et « suiveux », dans les livres d’éthique et de culture religieuse que nous avons pu consulter. Si on veut faire malin, pourquoi ne pas indiquer que le « h » est un ha' (ح) et non un hé' (ه) et écrire Muḥammad (h avec un point souscrit), c'est plus exact si on aime faire pédant.

Voir aussi

Cours d’éthique et de culture religieuse — Réponse du théologien Guy Durand à l’abbé Gravel

Spiritualité autochtone, écologie et norme universelle moderne (notamment dans manuels ECR)

L'harmonie dans le tipi (l'amérindien fantasmé et le faux sang indien des Québécois)

Étude de trois manuels du primaire d'ECR



Vu de France — Le fiasco de la réforme scolaire québécoise

Le Québec a mis en place en 2005 le « Renouveau pédagogique », une réforme du secondaire semblable à la nôtre. Dix ans après, c’est un échec retentissant.

Elle s’appelait le « Renouveau pédagogique ». La politique éducative lancée au Québec en 1997 et mise en place en 2005 n’a pas apporté les résultats escomptés, loin de là. L’objectif affiché était pourtant fort louable : permettre aux garçons et aux élèves en difficulté de mieux réussir, et diminuer le décrochage scolaire. Son principe reposait sur l’approche par compétences, l’interdisciplinarité, l’introduction de « domaines généraux de formation qui font référence aux enjeux sociaux actuels » (« Santé et bien-être, Orientation et entrepreneuriat, Environnement et consommation, Médias ainsi que Vivre-ensemble et citoyenneté », des intitulés proches de ceux des Enseignements pratiques interdisciplinaires mis en place en France à la rentrée prochaine)…

Un argumentaire qui ressemble à s’y méprendre à la réforme du collège française [proposé par la très controversée ministre socialiste Najat Belkacem], dont les mots-clefs sont identiques. Dans l’Hexagone, la réforme annoncée est largement décriée : nivellement par le bas, fin annoncée de la plupart des classes bilangues et européennes, affaiblissement de l’enseignement des langues anciennes, interdisciplinarité imposée au détriment des enseignements disciplinaires purs… Autant d’arguments brandis par ses nombreux détracteurs, qui s’appuient désormais de plus en plus sur l’expérience québécoise pour tenter de faire reculer le ministère.

Résultats en baisse et hausse des inégalités

En effet, le « Renouveau pédagogique » québécois a été un échec retentissant. Une évaluation de cette politique éducative s’est déroulée de 2007 à 2013, sur 3 724 jeunes et 3 913 parents, répartis en trois cohortes distinctes, dont deux seulement étaient soumises à la réforme. Les conclusions de l’équipe de chercheurs de l’Université de Montréal, dirigée par les professeurs Simon Larose et Stéphane Duchesne, sont sans appel. Les résultats scolaires ne se sont pas améliorés avec la réforme : ils ont légèrement baissé en maths, et ont diminué plus nettement en français, malgré l’ajout de 150 heures d’enseignement entre la 6e et la 4e [début du secondaire de 11 ans à 14 ans].

Les élèves performants n’auraient pas trop souffert de cette réforme, contrairement à ceux les plus vulnérables, comme les garçons et les jeunes issus de milieux défavorisés, dont les résultats ont nettement diminué, et qui ont été moins diplômés dans le secondaire que ceux qui n’étaient pas passés par ce « Renouveau ». « L’écart entre les cohortes exposées au Renouveau et la cohorte contrôle s’est accentué pour les élèves jugés à risque par leurs parents et pour ceux fréquentant des écoles de milieux défavorisés », assure l’étude : l’objectif de lutte contre les inégalités n’a donc pas été atteint. Mais ce n’est pas tout : les élèves ont également développé une vision plus négative de l’école, tout comme leurs parents.

Et le rapport de recommander d’élever le niveau culturel et de remettre en place des enseignements pluridisciplinaires, pour améliorer les performances du système scolaire. En somme, un retour aux bonnes vieilles méthodes. Celles que nous nous apprêtons à abandonner en France.

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