dimanche 8 mai 2016

L’immigration « remède imaginaire » au déclin démographique, mais gain électoraliste

Extraits d'un article du Devoir qui n'étonneront pas les lecteurs de ce carnet (nous avions déjà consacré plusieurs billets sur ce sujet et notamment sur les travaux de Guillaume Marois). C'est pourtant un bon résumé des faits et des études publiées sur le sujet.

Comme la population n’assure pas sa propre survie par la natalité [voir La fécondité continue de chuter au Québec (depuis 7 ans, fécondité désormais sous le niveau de la Russie)], le Québec « a besoin d’un moteur de croissance démographique plus important. Et l’immigration, c’est un de ces moteurs », disait le 8 mars dernier le Premier ministre du Québec, Philippe Couillard. Le Québec [aurait dû] accueillir 10 000 immigrants de plus par année, précisait-il, faisant passer leur nombre total de 50 000 à 60 000.

« C’est un mythe de croire une chose pareille, déclare le démographe Guillaume Marois, chercheur postdoctoral à l’Université de Montréal. L’immigration augmente l’effectif, mais, à long terme, elle n’est pas une solution à la dénatalité et aux conséquences du vieillissement de la population. »

Coauteur avec Benoit Dubreuil du Remède imaginaire, paru en 2011 chez Boréal, M. Marois a étudié cette question [...].

Sa conclusion : non seulement la hausse de l’immigration ne freine pas le vieillissement démographique, mais elle pourrait même avoir l'effet inverse! Le «remède imaginaire» consiste à hausser les seuils d’immigration en donnant l’impression que le vieillissement va cesser. Une politique qui fait image et à laquelle il est difficile, politiquement, de s’opposer, comme l’a constaté le chef de la Coalition Avenir Québec, François Legault, accusé par le premier ministre [dont le parti le PLQ a une forte base électorale anglophone et allophone, comme par hasard...] de souffler «sur les braises de l’intolérance». [Rappelons que seuls 21% des francophones mais une masse de 72% de non-francophones soutiennent le PLQ au pouvoir, selon un sondage Léger en date du 24 mars 2016.]

Même si la ministre de « l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion »MC [intitulé orwellien s'il en est], Kathleen Weil, a affirmé par la suite que cette augmentation était impossible à court terme, Philippe Couillard n’a pas officiellement reculé sur la question.

Politiques natalistes sont plus efficaces

Les recherches en démographie sont consensuelles : les politiques natalistes comme l’instauration d’un régime de garderies à bas tarifs et les crédits d’impôt aux familles [pour toutes les familles et pas uniquement les moins nanties...] ont une incidence beaucoup plus significative sur la lutte contre le vieillissement de la population. «Il apparaît contre-intuitif de penser que l’immigration ne freinera pas le vieillissement démographique à long terme au Québec. C’est pourtant un fait», assure le professeur émérite du Département de démographie de l’Université de Montréal Jacques Légaré, qui dirigeait l’Équipe de recherche sur le vieillissement de la population [...].

D’abord, l’âge moyen des immigrants qui arrivent au Québec (30 ans) est si élevé qu’une bonne partie d’entre eux n’auront pas d’enfants. Ensuite, une grande proportion d’immigrants (au-delà de 20 %, selon certaines estimations) choisissent de quitter le Québec une fois leur statut régularisé. En outre, plusieurs études mentionnent que les immigrants adoptent très vite les mœurs de leur pays d’accueil en matière de natalité; ils ont donc moins d’enfants que s’ils étaient restés dans leur pays d’origine.

Résultat : le taux de fécondité reste pour ainsi dire inchangé. L’effet pourrait même être négatif.

L’annonce du premier ministre Couillard, appuyée par un document du ministère de l’Immigration, étonne d’autant plus les démographes qu’elle entre en contradiction avec les recommandations de deux économistes qui ont déposé un rapport sur cette question il y a 18 mois. «Nous recommandons de maintenir les niveaux d’admission actuels, soit autour de 50 000 immigrants permanents par an. Rien ne prouve que l’économie a besoin de beaucoup d’immigrants pour se développer», écrivent Brahim Boudarbat, chercheur à l’Université de Montréal, et Gilles Grenier, du Groupe de recherche sur l’économie de l’immigration de l’Université d’Ottawa, dans le document intitulé L’impact de l’immigration sur la dynamique économique du Québec et daté du 12 novembre 2014.

[Comme le soulignait Mathieu Bock-Coté personne n'ose même mentionner ce qui semble évident devant le manque de moyens pour les franciser et leur donner du travail : diminuer le nombre d'immigrants.

Rappelons ce que déclarait récemment le démographe de l'Université de Montréal Marc Termote : «Toutes les études montrent que l'impact économique de .

«Il y aura des pénuries, mais ce seront des pénuries très ponctuelles, dans des secteurs bien spécifiques. Et ce n'est pas en ajoutant 10 000 immigrants de plus qu'on va régler cette pénurie-là. (...) Ce n'est pas par une politique générale qu'on règle le problème», a-t-il ajouté.

Montréal a du mal à intégrer les immigrants qu'elle a déjà accueillis, alors que le taux de chômage pour les résidants nés à l'extérieur du pays se situe à 11 %, comparativement à sept pour cent pour ceux qui sont nés au Canada.]

Quand on parle des conséquences du vieillissement de la population, c'est surtout l’accroissement de la proportion de gens âgés qui inquiète : plus de dépenses, moins de personnes pour payer. Sur ces éléments, l'immigration a une influence limitée, d'autant plus que les difficultés d'intégration économique rendent la contribution des néo-Québécois aux finances publiques encore plus incertaine.

Jacques Légaré soutient aussi que la hausse du nombre d’immigrants est une erreur qui témoigne de la méconnaissance des études démographiques. «C’est essentiellement une déclaration partisane et électoraliste», affirme-t-il. Même le nombre actuel d’immigrants semble élevé pour notre capacité d’accueil, à son avis. «À 30 000 nouveaux arrivants par année, l’intégration se déroulait de manière plus efficiente», estime-t-il. Et il ne faut surtout pas réduire les ressources allouées à l’intégration.

D’autres raisons d’accepter l
immigration

M. Marois signale que ses études se penchent principalement sur la question de la lutte contre le déclin démographique dans une société vieillissante. Or, indique-t-il, «il y a d’autres raisons d’accueillir des immigrants».

La crise des réfugiés que l’on connaît depuis quelques années force les pays d’accueil à ouvrir leurs frontières et à reconsidérer leurs critères de prise en charge pour des raisons humanitaires. À son avis, les seuils d’immigration eux-mêmes devraient être abandonnés au profit d’objectifs d’intégration. « Le problème auquel il faut s’attaquer, c’est l’intégration des immigrants à la société d’accueil. Il y a des lacunes à corriger de ce côté avant de se lancer vers de nouvelles cibles », conclut-il.

Voir aussi

La fécondité continue de chuter au Québec

L'immigration, le remède imaginaire

Montréal : en 2031 les minorités visibles représenteront 31 % de la population

Les universités anglophones du Québec seraient démesurément financées

Québec — Plus bas nombre de naissances depuis 8 ans, record de décès [mars 2016]

Les immigrés de 2e génération réussissent mieux en moyenne que les Québécois de souche et préfèrent nettement le CEGEP anglophone (2008)

Les CPE ont échoué sur le plan pédagogique... comportemental et démographique

Pologne — Allocation familiale universelle pour lutter contre l'implosion démographique

Le coût des garderies québécoises

L'histoire évacuée du 375e de Montréal en faveur du festivisme officiel bilingue ?

L'utilité du français pour un emploi est-elle quasi nulle à Montréal pour les immigrants récents ?

Québec — Le français perd de plus en plus de terrain au travail

L'anglais intensif est optionnel en 6e au Québec, il progresse peu malgré les fonds supplémentaires (l'État pousse à la bilinguisation généralisée des francophones)

Québec — Toujours pas de plan pour l'amélioration du français à l'école

ECR — Un cours réducteur qui rate la cible

Étude — Baisse de « solidarité » corrélée à l'augmentation du nombre d'étrangers

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