dimanche 19 juillet 2015

Chine — La natalité ne remonte guère malgré l'assouplissement de la politique de l'enfant unique

Depuis novembre 2013, les règles strictes de « planification familiale » en Chine ont été assouplies. Les couples sont maintenant autorisés à avoir un deuxième enfant si un des parents est enfant unique. Après plus de 35 années d’application, souvent brutale, de la politique de l’enfant unique par couple, certains avaient prévu un mini baby-boom. La Commission nationale de la santé et de la planification familiale avait estimé que les nouvelles règles permettraient à 11 millions de couples supplémentaires d’avoir un deuxième enfant. Certains couples bénéficiaient déjà d’une exemption, notamment les membres de minorités ethniques. La Commission pensait que 2 millions de ces couples essaieraient d’avoir cet enfant supplémentaire lors de la première année de ce régime plus souple. Mais, à la fin de l’année 2014, moins de 1,1 million de personnes avaient demandé le permis nécessaire pour avoir ce second enfant.

Ceci inquiète le gouvernement chinois qui a modifié ces règles non pas par sympathie pour les enfants uniques ou les parents qui désireraient un autre héritier, mais en raison du vieillissement de la population. Le pays vieillit rapidement. En 2012, son bassin d’emploi a diminué pour la première fois en 50 ans. Dans les grandes villes, le taux de fécondité — c’est-à-dire le nombre moyen d’enfants qu’une femme est susceptible d’avoir au cours de sa vie féconde — est parmi les plus bas dans le monde et se situe à environ un enfant par femme. Ce chiffre très bas est similaire à celui qu’on retrouve dans de nombreuses grandes villes occidentales. Pour le pays dans son ensemble, le taux de fécondité est inférieur à 1,6, bien en dessous de 2,1 enfants par femme nécessaires pour assurer le remplacement des générations (voir le graphique ci-dessous).


La politique de l’enfant unique n’a pas freiné la fécondité chinoise autant que ses partisans l’imaginent. Au moment où cette politique a été instaurée en 1979, le taux de fécondité était déjà tombé à 2,8 par rapport à 5,8 une décennie plus tôt en raison de mesures moins contraignantes qui encourageaient déjà les familles à avoir moins d’enfants. L’application impitoyable de la nouvelle politique à partir de 1979 a donné lieu à de nombreux avortements et infanticides forcés. Elle a causé des souffrances aux parents qui voulaient plus d’enfants. Mais son impact global sur les naissances a été limité. Dans la plupart des pays, les États-Unis étant une exception notable ces derniers quarante ans, la prospérité croissante s’est accompagnée par une baisse de la natalité. Le taux de fécondité de l’Inde a constamment diminué pendant la même période, sans loi ni politique explicite, même si son économie n’a pas cru aussi rapidement que la Chine. Dans la riche Corée du Sud, le taux de natalité est tombé à 1,3 enfant par femme, alors qu’il était de six en 1960.

Les autorités chinoises ont maintenant changé leur fusil d’épaule : au lieu de proclamer sans relâche les vertus de l’enfant unique, elles encouragent désormais les couples admissibles à « procréer légalement ». Mais elles ne devraient pas être surprises de ne pas atteindre leur objectif dans les circonstances actuelles.

Depuis les années 1980, les familles rurales dont le premier enfant était une fille ont été autorisées à avoir un second enfant. Plus récemment, les couples formés de deux enfants uniques ont été autorisés à avoir une deuxième progéniture, puis depuis novembre 2013 ceux dont un des parents était enfant unique. Pourtant, l’augmentation des naissances a été faible. Plusieurs universitaires, parmi lesquels Cai Yong de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, ont mené une étude en 2007-10 dans la province côtière du Jiangsu (Kiang-sou). Ils ont constaté que parmi les 2500 femmes citadines et paysannes qu’ils ont interrogées et qui étaient autorisées à avoir un deuxième enfant, seuls 6,5 % d’entre elles l’ont fait. Les minorités ethniques (près d’un dixième de la population) peuvent depuis longtemps avoir deux enfants ou plus. Mais en moyenne, chaque femme issue d’une minorité ethnique ne donne naissance qu’à environ 1,5 enfant, selon un recensement effectué en 2010.

M. Cai estime que la hausse des revenus est une des principales causes de la diminution de la taille de la famille. « Le développement est le meilleur contraceptif », dit-il. Notons cependant que cette explication n’est pas universelle : les États-Unis ont une natalité supérieure à celle du Québec, de l’Espagne ou des pays baltes par exemple, tout en étant plus riches et plus « développés ». Selon M. Cai, le nombre de naissances aurait chuté même sans la politique de l’enfant unique, mais pas aussi vite ni aussi bas.

Les familles s’inquiètent des frais associés aux enfants : une bonne éducation et de bons soins de santé coûtent de plus en plus cher. Une étude du Crédit suisse en 2013 a révélé que les couples dépensent généralement plus de 22 500 yuans (4750 $) par an pour élever un enfant jusqu’à l’âge de 18 ans. C’est plus de trois quarts du revenu disponible annuel moyen par citadin adulte. Un rapport du gouvernement en 2015 affirmait que, dans les cinq premières années de la vie d’un enfant, les parents citadins dépensent deux fois plus que ceux de la campagne, avant même que le coût élevé de l’habitat urbain ne soit pris en compte — en particulier près des meilleures écoles (voir le billet suivant).

Les familles chinoises désirent que leur progéniture bénéficie non seulement d’une bonne instruction, mais acquière également un avantage sur ce qu’ils considèrent comme le marché mondial de l’emploi. Il n’est pas rare que des parents dépensent ainsi près de 15 % de leur revenu annuel sur des cours particuliers, y compris des cours d’anglais hebdomadaires. Il en va de même en Corée où plusieurs considèrent qu’il s’agit d’un gaspillage d’argent qui participe à l’effondrement de la démographie. Plus de la moitié des enfants chinois de moins de six ans suivent des cours supplémentaires en plus de ceux de l’école maternelle, selon iResearch, une société d’études de marché chinois.

Les grands-parents permettent d’atténuer le coût de la garde d’enfants (ils vivent souvent avec leurs enfants adultes). Mais des mariages et des maternités de plus en plus tardives signifient que l’âge des grands-parents vivants augmente également ; ils sont désormais moins alertes pour s’occuper de deux enfants. N’avoir qu’un seul enfant est devenu si coutumier en Chine que la société chinoise n’est plus préparée à accueillir une progéniture multiple : les chambres d’hôtel pour deux enfants ne peuvent pas être réservées en ligne (les parents doivent appeler en personne) ; les voitures de jeu dans les parcs peuvent transporter deux adultes et un enfant ; le porte-brosse à dents dans les salles de bains familiales n’a souvent de place que pour trois brosses.

Des décennies de propagande sur les seuls avantages de l’enfant unique ont changé les mentalités, déclare Wang Feng, de l’Université de Californie à Irvine. La croyance selon laquelle la Chine est trop peuplée est largement partagée, tout comme la conviction que le pays s’en serait moins bien sorti sans la politique de l’enfant unique. De nombreux Chinois sont enclins à croire que la surpopulation, plutôt qu’une mauvaise organisation, est la cause des terribles embouteillages ainsi que de la pollution de l’air et de l’eau qui affligent leur pays. Avoir un seul enfant est perçu comme un acte patriotique sur ce plan.

La prochaine mesure du gouvernement dans ce dossier pourrait être de permettre à tous les couples d’avoir deux enfants. On spécule beaucoup que le parlement du pays approuvera cette mesure l’an prochain. Les bureaucrates de planification familiale s’inquiètent encore de ce qui pourrait arriver si les restrictions devaient être levées. Mais, il est fort probable que la mentalité actuelle quant à la famille idéale, les coûts et les tracas associés à la présence de plusieurs enfants continueront à réduire le taux de natalité, peu importe la vitesse à laquelle la politique de l'enfant unique sera ajustée. Comme les Japonais et les Coréens, un nombre croissant de jeunes Chinois préfèrent désormais ne pas se marier ou ne pas avoir d’enfant du tout.

Voir aussi

« Demain, la Chine ne sera plus ! »

Démographie et déflation

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Éthique — Le « mariage homosexuel » ne change-t-il vraiment rien dans la vie des autres ?

On entend souvent que la légalisation du mariage entre personnes de même sexe ne change rien dans la vie des autres. Mais est-ce vrai ?

Prenons deux exemples récents :
  • À la suite de la décision de cinq juges non élus contre quatre d’imposer le « mariage homosexuel » à tous les États de l’Union américaine, le gouverneur du Kentucky, Steve Beshear, a publié un communiqué affirmant que les employés du gouvernement, et notamment les greffiers chargés de l’état civil, doivent établir des licences pour les « mariages » homosexuels sous peine de licenciement. La menace formulée par le gouverneur démocrate précise que les fonctionnaires « sont tenus de reconnaître les mariages de même sexe comme valide et permettre à ceux-ci d’avoir lieu. » Elle a connu sa première exécution lorsque Steve Beshear a donné à un greffier du comté l’ordre de choisir entre l’objection de conscience et la démission. C’est une mise en application concrète de l’arrêt Obergefell c. Hodges par lequel la Cour suprême des États-Unis a imposé le « mariage » homosexuel à tous les États de l’Union.

    Le greffier en question, Casey Davis, fait partie des officiers d’état civil qui dans nombre d’États ont décidé de ne pas suivre l’injonction de la Cour suprême et qui refusent de fournir des licences en vue du mariage aux couples de gays ou lesbiennes. Il a été convoqué par le gouverneur qui s’est montré intraitable. Steve Beshear lui a dit : « Délivre des licences de mariage ou démissionne ! ». « Je ne peux pas démissionner… », a déclaré Casey Davis à la presse : « J’ai une hypothèque à payer. » Davis espérait voir Beshear convoquer une session législative extraordinaire en vue de discuter de la question de la liberté religieuse des chrétiens du Kentucky, et plus largement de ceux qui adhèrent à la définition traditionnelle du mariage.

    Le gouverneur a rejeté sa demande au motif que l’opération serait trop onéreuse : il a préféré opposer à Davis un ultimatum qui marque le mépris des partisans du « mariage » gay à l’égard de ceux qui s’y opposent pour des raisons religieuses – mais aussi par charité et amour des personnes homosexuelles puisqu’ils estiment que leur activité leur fait un tort à la fois spirituel et physique. Le coût d’une session extraordinaire des législateurs du Kentucky est estimé à 63.000 dollars ; il s’en est tenu 9 au cours de ces 10 dernières années. Au total, 57 des 120 greffiers que compte l’État ont réclamé par lettre la tenue d’un tel débat. Casey Davis a refusé de plier devant les menaces du gouverneur Beshear : il ne compte ni délivrer des licences pour des « mariages » homosexuels ni démissionner. « La loi de la nature prévaudra sur n’importe quelle loi que l’homme mettra sur un bout de papier. Mon travail ne peut pas passer outre à ce que ma conscience autorise », a-t-il déclaré à la presse locale. « Je ne suis pas à vendre », a-t-il insisté lors d’une manifestation en sa faveur peu avant son entretien avec le gouverneur. Davis a rappelé qu’il avait été choisi par les électeurs de son comté pour remplir la charge de greffier et qu’il avait juré « devant Dieu » de l’accomplir du mieux qu’il le pouvait. « C’est ce que j’ai l’intention de faire. » Il a proposé que les licences pour « mariages » gays ne soient plus délivrées par des greffiers, personnes physiques, mais par voie automatisée en ligne, de même qu’on tient ses comptes ou que l’on fait ses courses en ligne. « Nous achetons nos permis de pêche et de chasse en ligne : pourquoi pas les licences de mariage ? Cela soulagerait les 120 greffiers de comté de cet État », a-t-il lancé.

    Une autre greffière du Kentucky, Kim Davis, a refusé de délivrer une licence à deux gays qui voulaient se « marier » : la vidéo de leurs échanges a été postée en ligne et a déjà été vu plus 1,5 million de fois. Elle fait l’objet de poursuites de la part de l’American Civil Liberties Union (ACLU) qui réclame d’importants dommages et la saisie de la propriété de la greffière. Si un partisan du « mariage » homosexuel comme le gouverneur du Kentucky est prêt à sanctionner des objecteurs de conscience au nom d’une loi positive, l’affaire révèle que toutes les lois n’ont pas le même poids à ses yeux. Avant la décision de la Cour suprême, le Kentucky était sous le régime de l’amendement de « Protection du mariage » inscrit dans la loi de l’État. Jack Conway, procureur de l’État, s’était opposé en 2014 à la mise en œuvre cette loi au nom de son opposition à la « discrimination », en refusant d’interjeter appel contre une décision d’un juge de l’État qui avait ordonné que le « mariage » gay soit reconnu. Casey Davis a dénoncé ce « deux poids deux mesures » en ajoutant que si la défense de sa liberté religieuse devait l’amener en prison, il était « prêt ».
  • Le couple propriétaire d’une boutique de cadeaux et d’un bistrot ont décidé de fermer leur commerce après avoir été contraints de payer des dommages et intérêts, pour avoir refusé d’accueillir un mariage d’un couple gay dans leur commerce. Richard et Betty Odgaard, les mennonites propriétaires de Görtz Haus Gallery à Grimes, dans l’État américain de l’Iowa, cesseront définitivement leur activité fin août. L’affaire remonte à 2013, lorsque le couple a refusé d’héberger la célébration de mariage d’un couple gay. Les clients potentiels ont porté plainte. Les commerçants ont été contraints d’accepter un accord de dédommagement de 5000 dollars. Dans la foulée, ils ont cessé d’offrir la location de leurs locaux pour des mariages.

Ajoutons les propos de militants de la cause homosexuelle en vue dans le monde anglo-saxon (et russe) qui disent clairement qu’ils sont pour le mariage homosexuel, dans un premier temps, et pour l’abrogation de l’institution conjugale ensuite. Ce n’est, dans leur esprit, qu’en apparence contradictoire comme la vidéo ci-dessous reprenant leurs interventions l’explique :




Entretemps, les partisans LGBTTIQQ2S affirment déjà que les églises devraient perdre leur statut d’exonération fiscale. Revendication reprise avec enthousiasme par Mark Oppenheimer dans le New York Times. En d’autres mots, si vous voulez « défendre » votre « homophobie » vous devrez casquer un maximum au Trésor américain. Un journal de Pennsylvanie a également annoncé qu’il ne permettrait pas aux partisans du « mariage non égal » de défendre leurs points de vue dans ses colonnes ou dans son courrier des lecteurs. Donc, les « haineux » peuvent défendre leur haine devant d’autres « haineux » pendant une heure le dimanche matin dans un lieu clos appelé une église, mais quand ils iront travailler ou qu’ils liront un journal, il vaudrait mieux pour eux qu’ils aient laissé leur opinion rétrograde à la maison et qu'ils se conforment. L’intention est évidente : le christianisme, et plus généralement toute conviction morale conservatrice, doit être relégué à la périphérie — dans un coin obscur et honteux — incompatible avec la fonction publique, les médias ou simplement toute carrière valorisante.

On ne peut sous-estimer le poids des médias dans les changements récents survenus aux États-Unis. Ils sont résolument « progressistes » et défendent leurs points de vue ouvertement. En 1995, deux sociologues Stanley Rothman et Amy Black avaient mené une enquête, intitulée, « L’Élite des médias », auprès des éditeurs et journalistes les plus influents aux États-Unis. Leur travail a été reproduit dans des études ultérieures. Parmi les conclusions de celles-ci :
  • 91 % de l’élite médiatique avaient voté pour Bill Clinton en 1992 — une élection dans laquelle il n’avait remporté que 43 % du vote populaire.
  • 77 % d’entre eux se disaient démocrates, contre 5 % qui se considéraient comme républicains.
  • 97 % croyaient en un droit à l’avortement, une profonde conviction pour 86 %. Par comparaison, selon un sondage Gallup 2014, le peuple américain est très partagé sur la question : 47 % pro-avortement contre 46 % pro-vie.
  • Il y a déjà 20 ans, 73 % de l’élite médiatique pensaient que l’homosexualité était un mode de vie acceptable.



France — La recatholicisation des écoles catholiques

L’auteur, enseignant dans un établissement libre sous contrat d’association avec l’État français, et donc subventionné par celui-ci, répond aux critiques adressées par de nombreux parents sur le respect du caractère propre de l’enseignement catholique. Il met en lumière les efforts menés par ses dirigeants pour rechristianiser l’école catholique.

IL EST UN EFFET DE MODE, depuis quelques mois, qui consiste, dans certains milieux catholiques, à ouvrir le feu contre l’enseignement catholique en France, dont on oublie un peu vite qu’il est une institution d’Église, dépendant directement des évêques ou des congrégations religieuses.

Pour faire court, celui-ci est accusé de n’être tout simplement pas catholique, de se coucher devant les projets de réformes issus du ministère de l’Éducation nationale français, en somme d’être devenu du « public payant ». (C’est oublier un peu vite que depuis 1959, il est lié à un contrat d’association avec l’État et doit donc accepter ces réformes, tant qu’elles n’attaquent pas son caractère propre. Sans ce contrat, il ne serait pas en mesure de scolariser les 2 000 000 d’enfants qui lui ont été confiés et de salarier les 140 000 adultes qui veillent à leur instruction.)

Plusieurs mises au point s’imposent, car il semble que les auteurs de récentes publications, Béatrice de Ferluc sur Liberté politique, Gabrielle Cluzel sur le site Le Rouge et le Noir, Pierre de Laubier dans son ouvrage L’École privée… de liberté, et quelques autres, fassent de leurs cas particuliers des cas généraux, au risque de l’erreur.

De nouveaux statuts

Premièrement, l’enseignement catholique, loin de ne plus l’être, l’est davantage que par le passé. En 1992, celui-ci s’était doté de nouveaux statuts qui auraient pu être ceux de n’importe quelle structure privée. La référence au catholicisme ou à l’Église en était quasi absente. La conférence des évêques de France, qui alors se désintéressait largement des questions d’enseignement, ne réalisa que tardivement son erreur et fit ajouter, in extremis, un préambule rappelant le caractère catholique de ses écoles.

En 2013, de nouveaux statuts ont été publiés. Sur plus de cinquante pages, presque chaque article fait référence, soit au magistère de l’Église, soit aux Écritures saintes, soit à la personne même de Jésus Christ, à l’Esprit-Saint ou au Père. Le moins que l’on puisse dire est que ces statuts affirment le caractère catholique de l’école, et surtout la manière chrétienne de les gouverner. Or, qui a rédigé ces nouveaux statuts ? Des évêques, des représentants de congrégations enseignantes, des prêtres, des juristes canonistes, des directeurs diocésains de l’enseignement catholique, des chefs d’établissements, des professeurs, des représentants des Organismes de gestion de l’enseignement catholique (OGEC) et des représentants des associations de parents d’élèves (APEL)

Rechristianiser les programmes

À cette rechristianisation des statuts généraux de l’enseignement catholique, il faut ajouter deux éléments forts des dernières années :

— En 2013, durant le débat sur l’ouverture du mariage aux personnes de sexe identique, non seulement le secrétariat général de l’enseignement catholique a fait savoir son désaccord avec le gouvernement, mais le secrétaire général d’alors, Éric de Labarre, a diffusé à tous les établissements une lettre circulaire incitant les chefs d’établissements à organiser des débats et des temps d’information sur ce projet de loi.

— En 2013 toujours, le nouveau secrétaire général, Pascal Balmand, appelait à christianiser les contenus d’enseignement, dans un entretien accordé au journal La Croix. Dans cette perspective, on comprend mieux son adhésion à la réforme des collèges, en 2015. En effet, cette réforme ne s’attaque pas seulement aux programmes et à l’enseignement des langues vivantes, elle octroie également une plus grande autonomie aux collèges. 20 % du volume horaire des cours sera laissé à la discrétion des chefs d’établissement, dans le cadre des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI). Que rêver de mieux pour appliquer le souhait émis en 2013 ?

Enfin on ne peut ignorer que l’enseignement catholique, contraint d’appliquer comme l’école publique, le nouvel enseignement civique et moral institué par le ministère après les attentats du 7 janvier, a décidé de l’adapter à sa manière en publiant une brochure à destination des professeurs.

Cette tendance générale se traduit, sur le terrain par un choix des directeurs diocésains et chefs d’établissement généralement plus conforme aux exigences d’un enseignement chrétien.

Contre-exemples

Il ne s’agit pas ici de mettre en cause la véracité des témoignages produits par les critiques de cet enseignement catholique. On pourrait en ajouter d’autres, comme ce directeur diocésain normand soupçonné d’adhésion à la franc-maçonnerie, ou ce chef d’établissement bourguignon, divorcé et vivant notoirement avec une nouvelle compagne, ou encore les professeurs d’un établissement du diocèse de Meaux qui persécutent leurs élèves catholiques pratiquants, ou encore ce collège de la Mayenne dont des professeurs ont sensibilisé leurs élèves aux études sur le genre dans leur version la plus perverse, etc.

Mais on pourrait donner autant de contre-exemples, comme ce lycée du diocèse de Versailles qui a lancé des parcours Alpha jeunes pour ses élèves ; comme ce collège du diocèse de Créteil où les croix ont fait leur réapparition dans les salles de classe, où une prière du matin est organisée chaque semaine pour les élèves et une autre pour les professeurs ; ou encore comme ce lycée du diocèse de Bordeaux où 50 élèves assistent trois fois par semaine à la messe à 7 h 30 dans la chapelle de l’établissement, ou encore ce collège du diocèse de Chartres qui a considérablement renforcé ses cours d’enseignement religieux, etc.

Comment se fait-il qu’une telle diversité de situations existe et que le meilleur côtoie le pire ?

Authentiquement libre

À la différence de l’école publique, l’enseignement catholique est authentiquement libre. C’est-à-dire que chaque établissement est autonome, son patrimoine étant géré par une association, l’OGEC, constituée de bénévoles, le directeur étant nommé par l’évêque ou le supérieur d’une congrégation qui exercent une tutelle sur l’établissement. Le secrétariat général de l’enseignement catholique donne des orientations, exerce une coordination, mais il n’est pas pour ainsi dire le « patron » national. Le vrai « patron » des établissements d’un lieu restant l’évêque dont le directeur diocésain est le représentant, son homme lige dirait-on au Moyen Âge.

Il en résulte que selon la personnalité de l’évêque, ou de son prédécesseur, toute la chaîne de commandement de l’enseignement catholique dans le diocèse est marquée par plus ou moins d’adhésion à la foi chrétienne et sa mise en pratique.

Ressources humaines

En outre se pose un problème de ressources humaines. Dans un pays, la France, où il n’y a plus que 4,5 % de catholiques pratiquants réguliers, dont 40 % ont plus de 60 ans, on mesure quelle difficulté il y a à trouver des chefs d’établissements, des adjoints, des responsables de niveaux de classes et à plus forte raison des enseignants catholiques pratiquants pour les 8500 écoles, collèges et lycées catholiques de France.

140 000 adultes travaillent au sein de l’enseignement catholique. Il n’y a tout simplement pas assez de pratiquants pour pourvoir tous les postes. Ajoutez à cela la crise générale des vocations enseignantes dans l’école publique et privée en France.

La priorité d’une école est d’assurer ses cours avec des professeurs de qualité. Lorsque pour un poste à pourvoir au 1er septembre, il n’y a qu’un seul candidat et qu’il n’est pas catholique, il sera recruté, parce que la priorité est d’assurer le cours. Les parents, même les plus chrétiens, ne comprendraient pas qu’au 1er septembre il n’y ait toujours pas, par exemple, de professeur de français pour leurs enfants… [Note du carnet : encore faut-il qu’il y ait liberté sur l’appréciation de la qualité des professeurs et non pas obligation d’embaucher uniquement des personnes avec les diplômes requis par un État qui n’est en rien catholique. Ainsi, faut-il vraiment les diplômes d’État pour enseigner le français au primaire ?]

L’inertie de l’enfouissement

Par ailleurs, l’enseignement catholique est une institution d’Église, il en a vécu les heurs et les malheurs. C’est-à-dire que dans les années 1970-1980, il a connu la théologie de l’enfouissement, le renoncement à ses valeurs, etc.

À la différence du corps ecclésiastique dont les membres peuvent être déplacés sans difficulté par les évêques ou les supérieurs de congrégations, les enseignants sont en contrat définitif et ne peuvent quitter un établissement que s’ils le désirent. Le besoin de pourvoir les postes de direction avec les volontaires disponibles, peu nombreux, augmente encore plus cet effet d’inertie. [Où l’on voit bien que le qualificatif d’« authentiquement libre » appliqué à l’école catholique sous contrat est tout relatif.]

En conséquence, la crise fut moins violente dans les établissements scolaires à l’époque, où des professeurs et des directeurs « vieille école » ont pu maintenir un semblant de christianisme plus longtemps que dans les paroisses en pleine crise. Mais le phénomène identique produit les mêmes effets aujourd’hui, où les professeurs et directeurs attachés à la théologie de l’enfouissement, demeurent en place et ne partent qu’au rythme des retraites…

En effet, lorsque vous vous plaignez d’un directeur ou d’un professeur non catholique, ou qui s’attaque aux élèves et parents trop visiblement catholiques, ne soyez pas si sûrs de votre fait. Il y a de très grandes chances pour que cette personne soit un chrétien sincère, mais à l’esprit complètement dévié par ces théories de l’enfouissement et du témoignage implicite. Ainsi, toutes ses décisions seront prises à la lumière de la prière et de sa foi personnelle, mais en ayant toujours à cœur que rien ne se voit. C’est une déviance évidente, mais il serait faux d’en accuser tout l’enseignement catholique.

Patience !

Pour conclure on peut dire que l’enseignement catholique [sous contrat], en France, aujourd’hui, est dans une tendance générale de rechristianisation, mais que son histoire récente et la très grande autonomie de ses structures expliquent la lenteur de l’évolution sur le terrain, avec des écoles, collèges ou lycées en grande souffrance, quand d’autres établissements ont déjà déployé toutes leurs voiles pour la nouvelle évangélisation de la jeunesse.

Il faut pour cela de la patience et de la persévérance. Évidemment, les enfants ne sont pas des cobayes. Et s’il faut attendre encore une génération pour que l’école catholique ait repris toutes ses belles couleurs, les enfants, eux n’attendront pas. Donc si vous êtes à proximité d’un établissement catholique qui n’en a plus que le nom… eh bien ! allez voir ailleurs. Mais de grâce, ne jetez pas la pierre à une institution qui fait tout ce qui est en son pouvoir, à l’image de l’Église de France, pour se redresser après des décennies d’abandon.

Gabriel Privat est enseignant.

Source


En contrepoint :




19 juillet 1937 — Premiers billets de banque bilingues du Canada

Le 19 juillet 1937, la Banque du Canada émit ses tout premiers billets bilingues.

Jusqu’à 1935, toutes les banques privées canadiennes émettaient leurs propres billets. Mais la grave crise mondiale de 1929 avait mis en lumière les faiblesses d’un tel système. Dès 1933, le Premier ministre R. P. Bennett mettait en place une commission visant à la création d’une banque centrale canadienne. En 1935, la Banque du Canada ouvrait ses portes et était seule habilitée à fabriquer la monnaie du pays. Les premiers billets émis ne l’étaient qu’en anglais, voilà pourquoi, 2 ans plus tard, une nouvelle série de billets, cette fois bilingues, voyait le jour.

La série de 1937

Le portrait du roi George VI figure sur toutes les coupures de cette série sauf celles de 100 $ et de 1 000 $, qui sont illustrées de portraits d’anciens premiers ministres du Canada. Les autres changements incluent notamment le choix de nouvelles teintes et le déplacement, au centre du billet, du portrait, autour duquel est imprimé le texte en français et en anglais.

Les billets de cette série sont dotés de divers éléments de sécurité, à savoir une encre en relief épaisse et facile à sentir au toucher (des deux côtés du billet), des motifs complexes composés de fines lignes et de petites pastilles vertes (planchettes) disséminées au hasard dans le papier.


Billets sud-africains bilingues 16 ans plus tôt

Le Canada ne fut pas le premier dominion britannique à imprimer des billets bilingues. L’Afrique du Sud imprima de tels billets dès 1921 avec un côté en anglais et l’autre en néerlandais. En 1928, l’afrikaans a remplacé le néerlandais. Depuis la fin de l’apartheid, la place de l’afrikaans, notamment sur les billets de banque, est de plus en plus restreinte au profit du seul anglais, même si l’afrikaans est la langue maternelle de nettement plus de Sud-africains que l’anglais.

Billet de cinq livres sud-africaines de 1921