vendredi 15 mai 2015

France — « Au nom de la lutte antiterroriste», Najat Belkacem veut surveiller davantage les écoles libres (catholiques)

Billet d’Anne Dolhein, nos commentaires et liens entre crochets.

C’était à prévoir. Tout comme les attentats de janvier et la lutte antiterroriste ont servi de prétexte [à une meilleure intégration de l’immigration, à la lutte contre les amalgames, à l’invocation mal placée de Voltaire et] à la loi sur le renseignement qui instaure la surveillance généralisée, la lutte contre la radicalisation djihadiste sert à justifier la mise en place d’un contrôle resserré sur les écoles hors contrat. Najat Vallaud Belkacem (ci-contre), ministre de l’Éducation nationale [française], l’a annoncé hier : elle entend déployer un « pôle » de surveillance au sein de l’Inspection générale qui sera chargé de ce contrôle renforcé. Premières cibles – au moins par le nombre – les établissements de confession catholique qui forment l’immense majorité de ces écoles vraiment libres [ainsi que les parents qui instruisent leurs enfants à la maison, voir l’article reproduit ci-dessous.]

Les nouvelles écoles hors contrat sont déjà soumises à une obligation de déclaration préalable auprès des services du maire, du procureur de la République (!), du préfet et du recteur d’académie. Un lourd parcours qui multiplie les embûches et les possibilités de refus. Chargées de contrôler « l’hygiène » et les « bonnes mœurs », ces autorités n’ont pas un droit de regard direct sur les contenus de l’enseignement. Mais, dans la pratique, on sait combien ces exigences matérielles, de plus en plus tatillonnes, pèsent sur l’enseignement hors contrat, offrant la possibilité d’un contrôle idéologique déguisé.

Antiterroriste ? Le contrôle des écoles hors contrat ne se bornera pas à la traque des djihadistes…

[Notons que les 530 signalements d’« élèves radicalisés » le sont, bien sûr, très majoritairement ceux d’élèves à l’école de publique de la « République ». La poutre et la paille.]

« La jurisprudence est plus claire aujourd’hui et permet de vérifier qu’on n’y prêche pas des choses contraires aux valeurs de la République », a déclaré le ministre en réponse à une question de Jacques Myard (UMP), député des Yvelines.

L’information est rapportée par Caroline Beyer, du Figaro, qui axe son article autour de la réalité des (rares) écoles hors contrat islamiques.
L’article du Figaro, 8 mai 2015, page 6

C’était d’ailleurs le sens de la question de Jacques Myard, qui interrogeait Najat Belkacem sur une autorisation accordée à un chef d’établissement « qui n’avait pas la nationalité française », qu’il qualifiait de « problématique ». Sans cette question, on n’aurait peut-être pas su que le ministre entendait déployer ce nouveau « pôle » pour permettre la mise en coupe réglée des écoles hors contrat.

Mais c’est l’ensemble des écoles hors contrat qui sont visées, et à n’en pas douter c’est tout le sens de cette nouvelle réforme qui est bien moins « antiterroriste » qu’idéologique, parfait déploiement du plan de refondation de l’école décidé par Vincent Peillon. [Sur les réformes Peillon, prédécesseur de Belkacem au ministère de la rééducation, et ses lubies : « c’est au socialisme qu’il va revenir d’incarner la révolution religieuse dont l’humanité a besoin » et Ministre socialiste français veut museler l’école dite catholique : elle doit être « neutre »]

Najat Vallaud-Belkacem s’engage dans la prévention des « dérives sectaires » : les écoles catholiques hors contrat dans le viseur


Mme Vallaud-Belkacem a annoncé que depuis décembre 2014, dans le cadre de la prévention des « dérives sectaires », quatre inspecteurs généraux ont reçu mission spéciale pour travailler sur le « hors contrat ».

Caroline Beyer cite l’« entourage » du ministre qui a donné cette précision supplémentaire : « Le but est de systématiser les inspections. La liberté d’enseignement ne connaît qu’une limite : le respect des valeurs de la République. »

Excusez du peu ! C’est en réalité une limite de taille qui étend son champ de… nuisance à partir du moment où l’on fait respecter l’intégralité du contenu des « valeurs républicaines ». Il s’agit de la forme de l’État, du gouvernement et de la désignation du pouvoir. Du principe de souveraineté : « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » Et du principe démocratique : « la loi est l’expression de la volonté générale ». C’est ce qui fonde la supériorité de la loi civile sur la loi morale dans le régime ou nous vivons : il n’y aura plus qu’à s’aligner.

Il faut y ajouter les « valeurs [dites] républicaines », maintes fois affirmées contre les convictions religieuses, depuis la proclamation de la République, et encore plus nettement affirmées depuis les attentats de janvier. Laïcité, droit au blasphème, liberté d’expression absolue – dans l’exacte mesure de la conformité aux principes susdits.

Le contrôle des écoles hors contrat portera sur les « valeurs de la République »

Tout cela peut aller encore beaucoup plus loin : habillement, mixité obligatoire, cours de religion surveillés, traque de l’« homophobie » dans l’enseignement moral… Le champ est vaste et les outils sont en place pour l’étendre.

Bien que sa hiérarchie ne l’affirme plus guère en France, les valeurs ou plus exactement l’enseignement, la vérité et le bien proclamés par l’Église catholique ne peuvent être en conformité avec ces « valeurs de la République » puisqu’ils ne dépendent pas de la volonté du plus grand nombre… affirmée de la manière tyrannique et trompeuse que l’on sait par les détenteurs du pouvoir politique.

Un tel contrôle des écoles hors contrat est nécessaire à la « dictature du relativisme » dénoncée par Benoît XVI, il en serait une forme d’aboutissement et marque une volonté d’emprise absolue de l’idéologie maçonnique de la laïcité de révolte contre Dieu.

Que le contenu des enseignements donnés au sein des écoles hors contrat doive être soumis à un contrôle de l’inspection académique n’est pas nouveau : cela fait plusieurs années que les gouvernements de droite comme de gauche, de Xavier Darcos à Vincent Peillon et, aujourd’hui, Najat Vallaud-Belkacem insistent sur la nécessité d’exposer tous les enfants au « socle commun », sinon aux programmes et aux modes de progression mis en place par l’Éducation nationale.

La nouveauté, c’est que ce socle commun devient de plus en plus idéologique [il fallait s’y attendre...], et que les moyens se multiplient pour en vérifier le respect, au détriment des – coûteux – espaces de liberté choisis par les parents dans l’enseignement hors contrat ou à domicile, lui aussi soumis à des règles de plus en plus strictes et à un contrôle qui se renforce au fil des ans.




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France — Les vieilles lunes des pédagogistes

Le projet de réforme des programmes scolaires est un pur produit des pédagogistes qui règnent sur l’Éducation nationale depuis des décennies. Une caste à l’idéologie aussi folle que leur vocabulaire.

Le Conseil supérieur des programmes (CSP), qui a élaboré le projet de réforme défendu par Najat Vallaud-Belkacem, créé en octobre 2013, est issu de la loi de refondation de l’école voulue par Vincent Peillon. Il a pris la place du Haut Conseil de l’éducation (2005-2013), lui-même successeur du Conseil national des programmes (1989-2005) : mais, tandis que ces deux instances ne faisaient que rendre des avis sur les programmes concoctés par la Direction de l’enseignement scolaire, le CSP a pour mission de les élaborer lui-même. Problème : comme l’a souligné le président que lui avait choisi Vincent Peillon, Alain Boissinot, qui a démissionné dès juin 2014, il ne compte « que dix-huit membres qui se réunissent une fois tous les quinze jours. C’est insuffisant au regard de la tâche ».

De ces dix-huit membres, un seul a enseigné au collège — autrefois, car il est aujourd’hui retraité ; les autres n’ont qu’une connaissance très lointaine du domaine éducatif, à l’exception du nouveau président, Michel Lussault (ci-dessus), directeur de l’Institut français de l’éducation, à qui l’on doit notamment la brillante idée de remplacer les notes par des pastilles de couleur...

Pour Jean-Paul Brighelli, le CSP est essentiellement composé de politiques (majorité oblige, les représentants de l’opposition y sont en minorité — mais ils sont là, et ils cautionnent le résultat final), des universitaires de haut rang, qui ne sont jamais allés dans un collège, sinon pour y emmener leurs enfants, et des spécialistes de ces « sciences de l’éducation » qui depuis trois décennies tentent de grignoter l’université française en s’efforçant de croire eux-mêmes à la scientificité des approximations qu’ils professent. Ajoutez à cela une sociologue (Agnès van Zanten) qui depuis des décennies œuvre, comme François Dubet dont elle est proche, à démanteler ce qui reste encore debout, et un représentant de la Ligue de l’enseignement, confédération d’associations qui jouent un rôle éminent dans le sport et les colonies de vacances. Il y a bien le neuroscientifique Stanislas Dehaene, qui depuis des années se bat pour que l’on enseigne convenablement le lire-écrire-compter. Il a dû se sentir bien seul. Quant à son président, Michel Lussault, Blanche Lochmann, présidente de la Société des agrégés, voit avec raison en lui « le triomphe des vieilles lunes déconnectées du terrain. » Le remplacement des notes par des pustules de couleur, c’est lui. Au total, essentiellement une armée mexicaine de grandes pointures incompétentes ou nocives — ou les deux.

Le CSP ne fait pas le plus important du travail. Ce sont donc les groupes d’experts consultés préalablement qui ont fait l’essentiel du travail, que le CSP s’est contenté de corriger à la marge.

Qui sont ces experts ? Généralement très marqués à gauche, enseignants dans les lycées et collèges ou les ex-IUFM où ils ont formé (ou plutôt déformé) des générations de professeurs, ils sont issus de cette caste de pédagogistes qui ont pris le pouvoir à l’Éducation nationale après 1968, et y ont appliqué sans ménagement les thèses du sociologue Pierre Bourdieu, dont François-Xavier Bellamy a magistralement analysé les racines philosophiques et dénoncé les conséquences dans son livre les Déshérités. Pour Bourdieu et ses héritiers, la transmission des savoirs est une violence faite à l’enfant, un simple moyen de reproduction des privilèges et de domination sociale. L’enseignant n’est donc plus là pour transmettre, mais pour aider l’enfant à « construire lui-même ses savoirs ». L’état catastrophique de l’école, soutient Bellamy, n’est donc pas l’échec d’une méthode, mais paradoxalement sa « réussite » : c’est le fruit d’un projet conscient — et dément — pour en finir avec la transmission, laquelle « est une aliénation parce que, en le soumettant à l’emprise d’une autorité qui se rêve créatrice, elle empêche [l’enfant] d’être l’auteur de lui-même ».

Se fixant pour objectifs que les élèves, « familiarisés avec une démarche de questionnement dans les différents champs du savoir », « acquièrent une autonomie qui leur permet de devenir acteurs de leurs apprentissages », « développent des capacités métacognitives qui leur permettent de choisir les méthodes de travail les plus appropriées », « proposent des explications et des solutions à des problèmes d’ordre scientifique et technique », et mettant en valeur « la créativité des élèves qui traverse tous les cycles », ce projet de réforme des programmes, jusqu’au jargon souvent délirant (lire notre encadré) dans lequel les traductions concrètes de ces grandes lignes pédagogiques s’incarnent, est typique de cette utopie d’un enfant éducateur de lui-même et des vieilles lunes pédagogistes qui métastasent les textes officiels de l’Éducation nationale depuis des décennies, mais qui prolifèrent toujours avec une audace plus décomplexée quand la gauche est au pouvoir.

Pour Brighelli, on retrouve parmi ces « experts » la pasionaria du site Aggiornamento, Laurence de Cock, qui fut l’une des chevilles ouvrières du titanesque travail d’éradication des programmes d’histoire. Elle est accompagnée du « plus pédago des pédagogistes », Jean-Michel Zakhartchouk, qui a « participé activement et de façon passionnante » à ces travaux.

Ces nouveaux programmes marquent-ils la puissance des pédagogistes ou, comme l’espère Jean-Paul Brighelli et comme semble le prouver le tollé général qui les a accueillis, constituent-ils, de leur part, une sorte de « baroud d’honneur » ? Il n’est pas interdit en tout cas de l’espérer et de tabler sur le bon sens des enseignants pour traiter ces nouvelles directives avec toute la réserve qu’elles méritent.

Source : Valeurs actuelles et Le Point




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