samedi 8 mars 2014

Un revenu universel pour mettre fin à l'État-providence

Le sociologue Julien Damon analyse la proposition de Charles Murray dans son livre In our Hands (Dans nos mains), jamais traduit en français.
L’idée d’un revenu universel apparaît ponctuellement dans les réflexions et propositions politiques.

Ses formes varient selon les projets.

Avec un tel outil, certains veulent compléter le système public de redistribution. D’autres y voient un recours pour supprimer l’État-providence. C’est le cas de Charles Murray, un important penseur américain, aux inclinations à la fois libertariennes et conservatrices.

Ses thèses, honnies, mais très rarement lues en France, consistent en une offensive générale contre l’État-providence. Cinquante ans exactement après le lancement, en 1964, de la guerre contre la pauvreté aux États-Unis, il compte parmi ceux qui estiment que c’est la pauvreté qui a gagné. Il constate que la population américaine n’a jamais été aussi riche. Chaque année, les pouvoirs publics organisent la redistribution de plus de 1 000 milliards de dollars afin de financer des systèmes collectifs de retraite, d’assurance-maladie et de lutte contre la pauvreté.

Or il y a toujours des millions de pauvres, de retraités à très faibles pensions et de personnes qui n’accèdent pas aux soins. Pour Murray, seul un gouvernement peut dépenser autant d’argent de manière aussi inefficace. Et à la déresponsabilisation individuelle s’ajoute la déréliction collective.

La solution, simple, apparaît : il faut donner cet argent aux gens ! En résumé : « Voilà l’argent. Faites-en ce que vous voulez. Votre vie est entre vos mains. » Concrètement, le plan de Murray est de convertir tous les transferts sociaux en une allocation unique, forfaitaire et uniforme. Le montant des impôts serait divisé par le nombre d’adultes et une prestation serait versée directement à chaque Américain. [Note du carnet : Murray exclut tout paiement aux immigrés non naturalisés.] Au total, Murray imagine qu’il est possible de transférer annuellement à chaque citoyen américain de plus de 21 ans (sauf en cas d’incarcération) 10 000 dollars, 2 000 étant préaffectés à des fonds de pension et 3 000 à des compagnies d’assurances. Si l’on devait transcrire ce programme en France, on pourrait diviser les 650 milliards d’euros de dépenses sociales par le nombre de personnes vivant en situation régulière en France (adultes et mineurs), soit environ 66 millions de personnes.

On aboutirait de la sorte à environ 10 000 euros (15 000 dollars) annuels de dotation individuelle. Dans un schéma qui ne placerait pas de barrière d’âge, deux parents avec deux enfants toucheraient ainsi 40 000 euros (60 000 dollars), à charge pour eux de se prémunir contre tous les risques sociaux, de s’assurer pour leur santé et leurs vieux jours. Les retraités, en moyenne, y perdraient beaucoup. Il faut dire que presque la moitié des dépenses sociales sont constituées de pensions.

Naturellement, une telle option, qui aurait l’immense double mérite de la simplification radicale et de la responsabilisation intégrale, n’a certainement aucune chance de voir le jour. Au moins à court terme. Elle a cependant le grand intérêt de montrer ce que sont, proportionnellement, les masses financières de la protection sociale.

In Our Hands. A Plan to Replace the Welfare State,
de Charles Murray
publié aux AEI Press,
en 2006,
214 pages,
ISBN-13: 978-0844742236.

Voir aussi

Pourquoi les filles sages réussissent-elles ?

Mark Steyn sur le mariage homo, la mort de la famille et l'État-providence obèse

Bernard Drainville et l'État québécois censément neutre

Sexualité précoce à l'école publique québécoise : phénomènes isolés ou vague de fond ?

Idées reçues sur les blancs américains, écart moral et culturel croissant des classes sociales

Idées fausses sur les différences salariales entre hommes et femmes




Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

Aucun commentaire: