dimanche 19 février 2012

ECR: femme en niqab, citations et étude à consulter

Matthieu Bock-Cote sur le cours ECR :

Je publie ce dimanche une chronique spéciale dans le Journal de Montréal à propos du jugement de la Cour suprême concernant ECR. On la trouve ici.

J’ajoute quelques références complémentaires pour ceux et celles qui voudraient approfondir leur connaissance du dossier. Car il s’agit d’un débat fondamental, et très mal compris par ceux qui s’imaginent qu’on y parle de religion à l’école. L’enjeu d’ECR, ce n’est pas la religion à l’école. Ce n’est pas non plus l’enseignement culturel et objectif de plusieurs religions à l’école, dans le cadre d’une éducation générale, humaniste et scientifique, au fait religieux. L’enjeu d’ECR, c’est la présence ou non de l’idéologie de l’accommodement raisonnable à l’école. L’enjeu d’ECR, c’est l’instrumentalisation du fait religieux à l’école au service de la promotion de l’inter/multiculturalisme. Je constate que plusieurs commentateurs qui ont pourtant pour travail d’éclairer l’opinion publique et de clarifier les enjeux qui traversent notre société n’en sont toujours pas conscients.

En décembre 2009, la sociologue Joëlle Quérin publiait, pour l’Institut de recherche sur le Québec (auquel je suis aussi associé) une étude remarquable qui montrait bien comment ECR relevait d’abord de la pédagogie de l’accommodement raisonnable. Elle parlait même d’endoctrinement multiculturaliste. Il faut y revenir dans le débat présent.

On trouve cette étude ici.

Ah oui, autre chose : l’image de la femme en niqab (et non en burqa, petite erreur de ma part) présente dans un manuel scolaire dont je parlais dans mon article se trouve ici. La référence est la suivante : Martial Boucher, Rond-Point Cahier d’exercices, de contenu et de projets de recherche. Éthique et culture religieuse. Fascicule B. 2e année du 1er cycle du secondaire, Montréal, Lidec, 2007, p. II



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Je référais dans mon papier de ce matin à Georges Leroux. Il s’agit d’un brillant helléniste. Sa connaissance de la philosophie grecque est remarquable. Mais il s’agit aussi d’un des principaux théoriciens et défenseurs du cours ECR. Ici, sa contribution est bien moins exemplaire. Il s’est porté à sa défense dans de nombreuses publications académiques. Il faut le lire pour bien comprendre la vocation du cours ECR et son objectif clairement idéologique. Il faut lire Leroux pour voir dans quel contexte idéologique et politique le cours ECR a été pensé, et quelles finalités politiques il poursuit.

Ainsi, dans un article paru dans la revue universitaire Éthique publique, et qui portait sur la crise des accommodements raisonnables, et plus directement, sur la réaction populaire particulièrement négative à propos du jugement sur le kirpan – jugement qui permettait le port du kirpan à l’école par un jeune sikh, au nom de l’obligation d’accommodement raisonnable, Leroux écrivait :

«L’exemple de la réaction populaire au jugement de la cour suprême sur le kirpan montre que la société est moins sensible aux principes du pluralisme qu’au spectre d’une généralisation de l’accommodement, conduisant à une forme de démission de la culture de la majorité. […] Le mécanisme stimulé par cet imaginaire se laisse rapidement, et sans résistance, corrompre par la xénophobie, qui apparaît à la fois comme la solution simple aux tensions identitaires et comme une réaction de saine défense à l’égard des dérives du multiculturalisme. Si les principes politiques du pluralisme ne sont pas promus, voire activement défendus, dans une situation de stress identitaire, et si la tolérance n’apparaît plus comme une vertu, mais comme une lâcheté, on peut prévoir que les réactions défensives ne trouveront aucun obstacle sur leur chemin. Présentées comme naturelles, ces réactions susciteront la formulation de politiques conservatrices au nom de la protection de la majorité». (référence : Georges Leroux, «Tolérance et accommodement. Le pluralisme et les vertus de la démocratie», dans Éthique publique, vol.9, no1, printemps 2007, p.141).

Autrement dit, la société serait culturellement fermée. Elle serait portée vers la crispation identitaire. La majorité populaire serait traversée de préjugés hostiles à la «diversité» (la diversité est ici un mot codé pour évoquer le multiculturalisme sans en parler). S’opposer au multiculturalisme consisterait à flirter finalement avec un discours antidémocratique. Il faudrait donc administrer à la société québécoise une thérapie identitaire. La fonction de cette thérapie : convertir les consciences à l’idéologie de l’accommodement raisonnable au nom du respect de la «diversité». Leroux demandait donc à ECR de piloter cette transformation des mentalités. Il le faisait dans une plaquette consacrée à la promotion du cours, parue en 2007.

«On doit [...] concevoir une éducation où les droits qui légitiment la décision de la Cour suprême [à propos de l'affaire du kirpan], tout autant que la culture religieuse qui en exprime la requête, sont compris de tous et font partie de leur conception de la vie en commun. Car ces droits sont la base de notre démocratie, et l’enjeu actuel est d’en faire le fondement d’une éthique sociale fondée sur la reconnaissance et la mutualité. C’est à cette tâche qu’est appelé le nouveau programme d’éthique et de culture religieuse.» (référence: Georges Leroux, Éthique, culture religieuse, dialogue, Fides, 2007, p.45-46).

Je me demande une chose : est-ce vraiment la vocation de l’école de fabriquer un nouveau peuple, qui aura pleinement intériorisé l’idéologie de l’accommodement raisonnable ? Parce qu’ils ne sont pas parvenus à convaincre les adultes des vertus du multiculturalisme, les défenseurs de ce dernier sont-ils vraiment en droit de contourner le débat démocratique en passant par l’école? L’école doit-elle vraiment servir à la propagande active d’une idéologie ? Ne devrait-elle pas plutôt se contenter de transmettre des connaissances, un savoir, sans chercher à transformer radicalement la société et son identité ?

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J’ajoute une chose : je ne suis pas opposé à ce que l’école fasse une place à l’enseignement du fait religieux. Mais elle doit le faire dans les cours d’histoire, de sociologie, de géographie, de littérature, de philosophie. Et ainsi de suite. Elle ne doit ni faire la promotion de la foi, ni instrumentaliser la religion pour promouvoir le multiculturalisme. Par ailleurs, on ne doit pas hésiter à présenter les religions telles qu’elles sont et non telles que leurs théologiens se les imaginent. On doit présenter la religion comme un fait social et non comme une révélation spirituelle.

Alors voilà. Je reviendrai souvent sur la question dans les prochains jours, dans les prochaines semaines.




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