lundi 30 janvier 2012

Malheureusement, 80 % des familles québécoises sont encore plus pauvres que 80 % des familles américaines

Du carnet de Martin Coiteux :
« À mon grand déplaisir, mais non à ma plus grande surprise, Jean-François Lisée continue d'affirmer sur toutes les tribunes que 99 % des Québécois sont plus riches que 99 % des Américains. Tout occupé qu'il est à faire la promotion de son dernier pamphlet politique, il a complètement oublié que les calculs sur lesquels il base cette affirmation ont été sévèrement critiqués[.]
[...]

Justement, que disent-elles ces statistiques ? Le Census Bureau des États-Unis publie des données sur le revenu des familles américaines en fonction du quintile de la distribution des revenus auquel elles appartiennent. Statistique Canada (banque de données CANSIM, matrice 2020703) fait de même pour toutes les provinces canadiennes dont, bien entendu, le Québec.

Les chiffres comparables portent sur le revenu total des familles avant impôt, mais après transferts gouvernementaux. Les données américaines sont en dollars américains tandis que les données canadiennes sont en dollars canadiens. Il faut donc convertir l'une ou l'autre des deux séries en dollars comparables. C'est que ce j'ai fait pour l'année 2009, année la plus récente pour laquelle il est possible de faire des comparaisons, en convertissant les données américaines en dollars canadiens « équivalent pouvoir d'achat québécois ». J'ai utilisé pour ce faire le taux de change PPA calculé par Statistique Canada pour la consommation individuelle effective, taux PPA que j'ai ensuite corrigé pour tenir compte du coût de la vie relativement plus faible au Québec que dans l'ensemble du Canada. La méthode générale utilisée pour ce faire est décrite ici. Le taux de change PPA utilisé pour transformer les données américaines en $ canadiens équivalent pouvoir d'achat québécois est donc 1,14896. Voici ce que cela donne:


Jean-François Lisée a au moins raison sur une chose: nos pauvres sont moins pauvres qu'aux États-Unis. En 2009, les 20 % les moins riches de nos familles touchaient un revenu supérieur à celui des 20% les moins riches des familles américaines. L'écart en faveur des familles québécoises était dans ce cas de 627 $. Pour toutes les autres familles cependant, l'écart de revenu était nettement en faveur des Américains. Au niveau du troisième quintile de la distribution des revenus, quintile souvent jugé représentatif de la classe moyenne, l'écart en faveur des familles américaines atteignait pas moins de 9 513 $. Et au niveau des classes moyennes supérieure et supérieure, l'écart favorable aux familles américaines explosait littéralement. Pour l'ensemble des familles, on parlait d'un écart moyen de 17 704 $ favorable aux Américains.

Je regrette donc d'informer les « néo-jovialistes » qu'il est « faux, archi-faux », pour reprendre l'expression chère à Jean-François Lisée, de dire que 99 % des Québécois sont plus riches que 99 % des Américains. En réalité et bien malheureusement, 80 % des familles québécoises sont plus pauvres que 80 % des familles américaines. Je ne m'en réjouis pas. Je ne fais qu'informer.
Pour rester dans le domaine de l'information, je tiens aussi à attirer l'attention des lecteurs sur deux choses :
  1. L'année 2009 représente une année particulièrement difficile pour les États-Unis [et note du carnet : bonne pour le Québec, depuis la situation du chômage hier favorable au Québec s'est inversée]. Les données présentées sous-estiment donc probablement l'écart de revenu favorable aux familles américaines.
  2. Les données utilisées incluent les transferts gouvernementaux et donc, dans le cas du Québec, les transferts fédéraux aux personnes. Les Québécois sont moins riches en moyenne que les autres Canadiens. Ils paient donc en moyenne moins d'impôt personnel fédéral que ce que justifierait leur poids démographique. Conséquemment, ils reçoivent un transfert personnel net en provenance du reste du pays. En cas d'indépendance, ce transfert personnel net n'existerait plus et l'écart de revenu favorable aux familles américaines serait donc encore plus grand.

En somme, il n'y a pas lieu de pavoiser. Évidemment, cela ne constituera une surprise pour personne, mis à part Jean-François Lisée et quelques-uns de ses admirateurs. À ceux-là je dis tout simplement : les lunettes roses c'est bien, mais les lunettes claires c'est beaucoup mieux. »

(Quelques changements typographiques)




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