mardi 16 juin 2009

Jean-Pierre Proulx se mêle de droit

Un des pères du cours gouvernemental obligatoire d'éthique et de culture religieuse imposé à tous les élèves québécois tout autant dans les écoles publiques que privées, Jean-Pierre Proulx, a décidé de « réfléchi[r] à la question sous l’angle juridique, à partir de la requête soumise par des parents à la Cour supérieure de Drummondville ».

D'abord sur son carnet, puis dans les colonnes complaisantes du Soleil.

Jean-Pierre Proulx y glose en amateur — il n'est pas juriste — des prétendus quatre objectifs des requérants (Mme Lavallée) :
« 
  1. d'accorder à leurs enfants l'exemption du cours ECR qui leur a été refusée par leur commission scolaire au début de l'année scolaire 2008 ;
  2. de rendre inopérante et de déclarer inconstitutionnelle la loi 95 de 2005 qui a supprimé le régime d'options entre l'enseignement catholique, l'enseignement protestant et la formation morale non-confessionnelle ;
  3. de déclarer inconstitutionnelle la suppression de la disposition de la Charte des droits et libertés de la personne qui accordait aux parents le droit d'exiger pour leurs enfants à l'école publique un enseignement religieux conforme à leurs convictions. Cette disposition a été remplacée par une autre qui garantit aux parents «le droit d'assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs convictions, dans le respect des droits de leurs enfants et de l'intérêt de ceux-ci»;
  4. de déclarer inconstitutionnel le cours d'éthique et de culture religieuse inscrit au régime pédagogique des écoles primaires et secondaires.
 »


Il y a un petit problème : il ne s'agit pas des griefs ou objectifs invoqués devant le Cour supérieure du Québec à Drummondville il y a quelques semaines ! Et M. Proulx serait un spécialiste de ce dossier !

Le seul grief réellement invoqué est le premier énuméré, à savoir « d'accorder à leurs enfants l'exemption du cours ECR qui leur a été refusée par leur commission scolaire au début de l'année scolaire 2008 ».

Et qu'en dit M. Proulx ?
« La joute juridique risque d'être plus dure sur le premier point, soit sur la demande d'exemption du cours. On sait d'abord que les tribunaux n'interviennent pas pour juger de la substance ou de la pertinence des décisions de l'administration publique, en particulier sur les questions pédagogiques. La jurisprudence est constante à cet égard depuis une décision de la Cour suprême du Canada dans les années 50.

[...]

Sans préjuger, une fois encore de la décision des tribunaux, on peut faire l'hypothèse raisonnable que le tout va se jouer autour, non pas de la constitutionnalité du cours ECR, mais plutôt à propos de l'interprétation qui sera faite de la «croyance sincère» touchant les effets potentiellement préjudiciables du cours ECR à l'égard de la liberté de conscience et de religion.

Si le tribunal donne raison aux requérants sur ce point, la légalité générale du cours ECR ne sera pas compromise [Note du carnet, d'autant plus qu'elle n'est pas pour l'instant attaquée], mais il faudra, évidemment, que l'État trouve pour les « croyants sincères » un accommodement qui pourrait bien passer par l'exemption de quelques milliers d'enfants.
 »
Une fois de plus, M. Proulx qui avait déjà mentionné ce sujet dans le Devoir le 30 mars, quand il célébrait par un long article les dix ans de son propre rapport, semble craindre l'issue de la doctrine de la croyance sincère, car elle «ouvr[e] ainsi la porte à des décisions imprévisibles.»