mardi 22 septembre 2009

Évêques québécois inquiets quant à la mise en œuvre du programme ECR

Un an après l'imposition du programme gouvernemental d'éthique et de culture religieuse (ECR), les évêques catholiques québécois dressent un premier bilan dans une lettre envoyée à la ministre du Monopole de l'Éducation du Québec, Mme Courchesne. Ils se disent inquiets, non pas tellement en ce qui concerne la nature même de ce cours pluraliste censément « neutre » (aspect dont ils ne parlent pas, ce qui est une grave erreur selon nous), mais principalement en ce qui a trait à sa mise en œuvre. Extraits de leur lettre du 15 septembre 2009 :
Nous nous étions engagés publiquement à maintenir « une attitude d’ouverture et de prudence..., critique et vigilante ». Pour ce faire, nous avons mis en place ce que nous avons appelé des mécanismes de vigilance :
  1. la cueillette des échos des milieux par le moyen de notre réseau de responsables diocésains de la formation à la vie chrétienne ;

  2. des sondages auprès de parents, d’enseignants et de catéchètes;

  3. une analyse systématique, par un groupe d’experts constitué à cette fin, des manuels approuvés [note du carnet : et tout le reste du matériel didactique ?] par votre Ministère ;

  4. l’accueil, par notre Comité de l’éducation chrétienne, d’opinions et de témoignages de personnes et de regroupements divers ;

  5. et la synthèse par un comité spécial relevant du Comité exécutif de notre Assemblée.

Nous disposons maintenant d’informations et d’observations concrètes, fondées sur l’expérience vécue sur le terrain et sur l’analyse objective [d'une partie] du matériel pédagogique. Nous sommes donc en mesure de faire un premier bilan. Nous devons vous dire que nous sommes inquiets. Les indices s’accumulent qui démontrent que de sérieux correctifs s’imposent, sans quoi le programme ne sera pas fidèle à ses objectifs et ne remplira pas ses promesses.

Nos principaux sujets d’inquiétude sont les suivants :
  1. la compréhension et la réception du programme sont compromises par le manque d’information des parents, premiers responsables de l’éducation de leur enfant [N. du carnet : il faut mieux informer les parents peu ouverts au pluralisme ?] ;

  2. la place et le traitement de la tradition chrétienne dans les manuels approuvés [c'est encore pire dans les cahiers d'activités qui ne le sont pas !] pour le primaire ne respectent pas les prescriptions du programme;

  3. la formation des maîtres est largement insuffisante et les guides pédagogiques sont encore inexistants.


Ouverture à la liberté de choix

Par ailleurs, les évêques catholiques du Québec semblent manifester une certaine ouverture envers la liberté de choix des parents :
Un certain nombre [de parents] demandent l'exemption. Ce mouvement de contestation ne peut être ignoré. Dans notre déclaration publique de mars 2008, nous abordions ce sujet délicat en ces termes :
L'Assemblée des évêques a toujours exprimé sa préférence pour le respect du choix des parents en matière d'éducation morale et religieuse. C'est pourquoi elle a favorisé l'établissement d'un régime d'options entre un enseignement confessionnel et un enseignement moral sans dimension religieuse. Cette liberté de choix disparaîtra avec l'implantation du nouveau programme. Cela représente à nos yeux une perte et nous estimons qu'il faudra demeurer très attentifs au respect intégral de la liberté de conscience dans le nouveau contexte
qui vient d'être créé.

(Déclaration du 17 mars 2008)

De même, dans la lettre que nous vous adressions le 11 mars 2008, nous avions voulu « réitérer notre conviction qu'en toute matière touchant la liberté de conscience, il faut consentir tous les efforts possibles pour s'assurer d'un respect intégral. »


Défis très exigeants, informer et écouter les parents

Les évêques catholiques du Québec concluent leur lettre à la ministre Courchesne :
« Le programme d’Éthique et de Culture religieuse comporte des défis très exigeants, à la jonction des valeurs et des droits fondamentaux de notre société. Les parents devront être mieux informés et écoutés [N. du C. : formule plus habile, et on espère plus fidèle à la pensée de leurs excellences, que celle ci-dessus qui ne parlait que d'informer les parents]. Il faudra consentir beaucoup plus d’efforts et de ressources à l’encadrement et à la formation des maîtres. Et les sérieuses lacunes que nous avons signalées dans les manuels devront être corrigées grâce à un processus d'approbation respectant rigoureusement les prescriptions du programme et les engagements explicites du Gouvernement. [Cela n'empêchera pas l'utilisation de cahiers d'activités non approuvés et nettement plus biaisés que le matériel approuvé.]





Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 25 $)

9 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est un début. On a le droit de rêver. Ils commencent par être "inquiets" (c'est déjà un progrès significatif, quelques mois après avoir appuyé le gouvernement contre les parents devant les tribunaux); peut-être en viendront-ils à voir la lumière? C'est-à-dire à prôner enfin de mettre ce programme à la poubelle, point à la ligne. Après tout, il y a déjà des athées déclarés qui sont de cette opinion, comme Normand Baillargeon qui vient de co-signer un livre intitulé "Heureux sans Dieu", et qui est un spécialiste en éducation, lui (contrairement au médiéviste Georges Leroux)!

Le Saguenéen a dit…

Les évêques ne parlent de la nature même du programme ECR

1) parce qu'ils n'ont pas l'envergure

2) ils ne sont pas d'accord entre eux

3) ils croient naïvement en ces objectifs chrétiens (vivre ensemble, bien commun) sans se rendre compte que la manière est foncièrement néfaste.

Baïkhal a dit…

J'ai quand même l'impression qu'ils voudraient bien que ce cours subjectiviste et pluralisme normatif marche... Même si ce désir me paraît naïf.

Anonyme a dit…

Comme membre du Corps du Christ, comme baptisé et donc responsable de la croissance de l'Église, je préfère me tourner vers les communautés et oeuvrer en évangélisation, plutôt que de perdre du temps, de l'énergie et de l'argent à faire de l'État un organe de l'Église; C'est que le droit des parents est respecté: rien, absolument rien ne les empêchent de se joindre aux communautés chrétiennes pour trouver l'influx vital du Christ. L'Église dépérit sans ces familles qui veulent que l'école assure l'éducation spirituelle et morale de leurs enfants... C'est pourquoi les évêques, en prophètes, critiquent ECR dans la mesure où le programme ne répond pas à ses propres critères, et pas dans le sens des revendications actuelles. On doit activement promouvoir la vie ecclésiale, pas le ménage à trois entre les familles, l'école et l'Église.

Michel a dit…

Anonyme-Corps-du-Christ,

Vous ne semblez pas comprendre que la première chose que les parents demandent c'est que l'école ne nuise pas à leur travail d'éducateur, ils trouvent en l'espèce que le cours ECR est nuisible ou potentiellement nuisible et veulent donc que leurs enfants en soit exemptés.

Pourquoi est-ce si difficile à comprendre ?

Anonyme a dit…

Membre anonyme du Corps du Christ, vous avez tout à fait raison d'affirmer qu'il faut oeuvrer en évangélisation, et j'ai tout à fait raison d'affirmer que le cours ECR doit devenir facultatif. Il ne s'agit pas de vouloir faire de l'État un organe de l'Église: il s'agit de vouloir faire respecter la liberté de conscience des parents, chrétiens comme athées, croyants de toute religion ou agnostiques. Les parents qui veulent de ce cours pour leurs enfants, qu'ils les y envoient: mais qu'on n'empêche pas ceux qui n'en veulent pas d'en retirer les leurs. Vous n'êtes pas d'accord? Bravo: c'est ÇA, la liberté en démocratie. Mais ni vous ni l'État n'avez le droit d'imposer aux autres parents une décision qu'ils jugent empiéter sur le terrain de leurs droits prioritaires en matière d'éducation de LEURS enfants. La caractéristique de la liberté de conscience, c'est très précisément et très exactement le fait pour l'État de s'interdire d'interférer dans les décisions individuelles qui en découlent. C'est absolument fondamental et la seule chose qui puisse permettre de comprendre pourquoi ça ne rentre pas dans la tête de nombreux Québécois, c'est que nous sommes une petite société qui a toujours eu du mal avec l'expression de la dissidence. Hier, c'était les Témoins de Jéhovah sous Duplessis; aujourd'hui, c'est les cathos qu'il est de bon ton de dénigrer s'ils osent faire valoir leur point de vue, de la même manière et ni plus ni moins que n'importe quel autre groupe de pression, comme s'ils étaient les seuls citoyens à ne pas en avoir le droit.

Anonyme a dit…

Je suis catholique et pratiquante et je ne vois aucune difficulté avec le cours ECR: ils s'instruisent et c'est ce que je demande à l'école de faire: les instruir. Mes enfants suivent par aillerus la catéchèse dans ma paroisse et j'en suis heureuse.

Anonyme a dit…

Je suis catholique et pratiquant et je vois de grosses difficultés avec ce programme : les enfants sont confrontés très tôt à la pluralité des normes et religions, on leur dit très tôt de devenir autonome (indépendant des parents), que tout est légitime.

On les rééduque et je n'en suis pas heureux. Je demande à l'école d'instruire, pas de rééduquer.

Anonyme a dit…

Vous ne voyez pas de difficulté avec le cours ECR? Tant mieux pour vous, je respecte votre jugement de parent. Pouvez-vous respecter le mien? Un catholique évolué et moderne aujourd'hui, c'est supposé être quelqu'un qui ne cherche plus comme autrefois à imposer ses manières de voir aux autres, en tous cas selon Vatican II. Or, les parents contestataires ne cherchent pas à imposer leur opinion aux autres, ils réclament plutôt qu'on ne leur impose pas l'opinion des autres. Tout catholique lucide et ouvert d'esprit devrait les appuyer en ce sens, même s'il ne ne partage pas leur vision des choses. Le pluralisme, c'est ça. Car on le sait: il y a différentes manières de pratiquer ou de croire, en dehors et en dedans de l'Église. Ce n'est pas le rôle de l'État d'arbitrer entre ces différentes façons de voir parmi les catholiques. L'unanimité, c'est fini. Or, jusqu'à hier semble-t-il, nos évêques semblaient attachés à faire valoir leur perception comme étant la seule admissible pour leurs fidèles sur une question qui est à la fois politique, donc libre, et qui concerne aussi les parents non pratiquants ou croyants d'autres religions ou athées, pour qui les arguments d'évêques ne sont d'aucune autorité. La perspective la plus large et aussi la plus laique sur cette question, c'est de prendre en compte les droits des parents d'abord et avant tout. Nos seigneurs les évêques ont fini par l'admettre du bout des lèvres hier.