vendredi 20 décembre 2019

France — La carrière d'enseignant de moins en moins courue

Benjamin Briand, professeur de philosophie en Île-de-France, a tweeté :



Après 5 ans de carrière, il explique sur France 24 :

« J’avais besoin de le dire, car cela faisait longtemps que je refoulais cette décision ». « J’en peux plus, j’ai donné tout ce que je pouvais, je n’ai plus la foi. Mes missions de transmettre un savoir et d’accompagner le développement des esprits des élèves sont devenues impossibles à atteindre ».

« Mon métier, je l’aime énormément ». « Enseigner, j’adore ça, il y a des moments extraordinaires comme par exemple, expliquer quelque chose à un élève et voir son regard s’illuminer, son cerveau s’éveiller parce qu’il a compris. Cela vaut tout l’or du monde, mais ce qui me peine c’est que ces moments sont de plus en plus rares ».

Aujourd’hui, Benjamin Briand, qui enseigne dans deux lycées d’Argenteuil, en banlieue parisienne, estime ne plus réussir à préparer ses élèves en vue du cycle supérieur.

« J’ai l’impression de récupérer des blessés de guerre qui sont en manque de savoir et qu’il est aujourd’hui impossible de les aider à aller vers l’avenir. J’ai le sentiment de les envoyer à l’abattoir ».

« Le rapport entre nous et eux est de plus en plus tendu. Avant, les lycéens qui avaient le sentiment que l’école les méprisait prédominaient dans les filières techniques. Aujourd’hui, ce mal-être s’est étendu aux classes générales ».

La première réforme qui a heurté Benjamin Briand est celle du collège, menée en 2015 par Najat Vallaud-Belkacem.

« Dans les faits, elle a considérablement appauvri les enseignements fondamentaux ». « Les bases de français ne sont pas acquises. Tout comme en mathématiques, où les élèves accusent d’énormes lacunes ». « Comment voulez-vous construire un nouvel étage d’apprentissage si les niveaux inférieurs de l’édifice ne sont pas solides ? » « Le retard est souvent trop important pour être résorbé. Et nous, on n’a pas assez de temps pour y remédier ».

En 2017, l’arrivée d’un ancien recteur d’académie rue de Grenelle a suscité une vague d’espoir.

« Jean-Michel Blanquer remplaçait la très politique Najat Vallaud-Belkacem, qui était hors des réalités. On a cru qu’il allait réparer les erreurs passées ».

Mais rien n’a changé.

« Il en a rajouté une couche ». « En clair, dès la seconde, les élèves devaient avoir une idée des options à prendre pour la première et la terminale. Sauf que leur demander de choisir plus tôt que d’habitude avec moins de savoir, cela donne un cocktail explosif de tensions et de pressions ».

« Je suis trop jeune pour me sentir visé par les retraites, mais cette question affecte beaucoup de mes collègues qui, entre la perte de sens du métier et le salaire qui n’est pas mirobolant, nous accable et nous décourage encore plus. Avec un avenir si sombre, je ne peux pas rester. J’ai l’impression de sortir d’un grand théâtre dans lequel tout le monde joue la comédie ».

Le nombre de candidats au Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (CAPES) de 2020 est en recul de près de 8 % et chute à 30 883. Soit le chiffre le plus faible depuis 2013.

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