vendredi 16 mai 2008

À propos de l'examen d'écriture du MELS

Billet amusant du Professeur masqué sur l'examen d'écriture du MELS.

Extraits :
Comme l'ont relevé certains articles de La Presse, la réussite à certains critères de cette épreuve atteint des proportions similaires aux élections soviétiques. Mais comment expliquer un tel succès alors que certains jeunes peinent pourtant à écrire correctement leur langue maternelle?

C'est bien simple: cet examen est conçu pour être réussi par le plus grand nombre possible d'élèves, qu'ils sachent écrire correctement ou pas. L'important, c'est de décerner des diplômes et d'envoyer les petits sur le marché du travail. Pour les autres, des cours de rattrapage sont prévus au cégep et même à l'université. Rattrapage après 13 années d’enseignement du français et deux épreuves ministérielles qui sont supposées valider la maitrise de la langue…

[...]

Une formule gagnante : le cahier de préparation

Afin de s'assurer que le plus grand nombre d'élèves réussissent cet examen, on leur confère certains avantages majeurs.

On remet tout d'abord un cahier de préparation aux élèves. Ce dernier contient des textes à partir desquels ils devront écrire un texte argumentatif d'environ 500 mots.

Le gag, si c'en était drôle, c'est que ce cahier révèle immédiatement une partie du sujet qui sera abordé. Cette année, par exemple, il y avait de fortes chances que le sujet porte sur la gestion des déchets. Pourquoi? Tout d’abord le titre du cahier est «Parlons poubelles!» Ensuite, il écrit dans le cahier qu’une partie du sujet portera sur ce sujet:

«Au cours des prochains jours, on vous demandera de réfléchir et de prendre position, en tant que jeune citoyen ou citoyenne, sur la gestion des déchets au Québec.»

On suggère même à la même page des activités qui pourraient servir à l’écriture du texte:
«La première vous amène à prendre conscience du problème de l’élimination des déchets. La deuxième vise votre gestion écologique des déchets dans le quotidien. La troisième vous propose certains textes sur cette problématique et ses différentes dimensions telles la réduction, la réutilisation, le recyclage, la valorisation des matières résiduelles, etc.»

Et devinez finalement quel a été le sujet de rédaction? Donnez votre opinion sur les mesures mises en place pour gérer les déchets. Quelle surprise!

L'avantage pour l'élève est donc qu'il pourra écrire une partie de son texte et l’apprendre par coeur, anticiper les aspects de celui-ci, ses arguments, etc. On voit ainsi des élèves qui 50% dans l’année bondir à 75% au ministère.

[...]

Ce cahier est évidemment remis aux élèves qui peuvent le travailler pendant près d'une semaine avec un ami, un parent. Quoi de mieux d’ailleurs qu’un parent enseignant de français quand vous êtes Fille masquée! On ne mesure donc pas la capacité des élèves à comprendre des textes, mais plutôt leurs habiletés sociales ou leur entourage familial.

Dans ma classe, les forts se sont regroupés entre eux et n’ont admis qu’un petit nombre d’élèves en difficulté au sein de leur cénacle. Sur quelle base aurais-je pu les obliger à faire autrement? Soyez gentils… Vous me faites de la grosse pé-peine, là…

[...]

Une autre formule gagnante : la feuille de notes

Afin de pouvoir utiliser des arguments solides et précis, on permet à l’élève de retranscrire sur une feuille de notes les extraits tirés des textes qu’il juge pertinents.

Il peut aussi ajouter certains éléments afin de l’aider dans sa correction comme en fait foi cette consigne :

«Après avoir lu et annoté les textes, inscrivez les éléments d’informations susceptibles de soutenir votre argumentation : mots-clés, citations et références, positions d’experts, schémas et définitions. Vous pouvez également y noter des éléments qui vous seront utiles pour vérifier et améliorer la qualité de votre texte (vocabulaire, syntaxe, ponctuation, orthographe d’usage et grammaticale, organisateurs textuels)».

Un élève futé pourra toujours caché au sein de sa feuille de notes des informations qui seraient interdites. De toute façon, à toutes fins pratiques, ces feuilles ne sont pas vérifiées efficacement. Certaines contiennent de milliers de mots, vous imaginez le travail!

Elles ne sont pas envoyées au MELS, le prof qui surveille l’examen n’a souvent aucun idée de ce qu’on doit y retrouver et les zélés comme moi qui demandent à avoir la possibilité d’être libéré pour vérifier les feuilles de notes de ses élèves se heurtent parfois à une direction qui trouve que ça coûte cher.

[...]

Dictionnaire et grammaire

Il faut aussi savoir que les élèves rédigent leur texte en ayant la possibilité de consulter un dictionnaire et une grammaire. On s’étonne toujours du nombre de fautes qu’ils commettent quand on sait qu’ils ont droit à ces deux outils.

[...]

Et pourquoi ne pas faciliter les choses!

On compare souvent les résultats des élèves d’une année à l’autre. Mauvaise idée! En effet, cette comparaison est fautive parce que le MELS change les conditions dans lesquelles celui-ci est administré.

Par exemple, l’année dernière, on a allongé de 15 minutes le temps dont peuvent bénéficier les élèves parce qu’on a remarqué que plusieurs d’entre eux manquaient de temps. Au lieu de remarquer qu’ils étaient plus faibles et que l’épreuve les dépassait, on leur facilite les choses!

De même, cette année, sans avoir averti les enseignants, le MELS a décidé de permettre aux élèves de pouvoir retranscrire des marqueurs organisationnels sur leur feuille de notes. Au début, ils ne m’ont pas cru quand je leur ai annoncé la nouvelle tellement elle semblait incroyable.

L’impact d’une telle décision est évidemment que les choses seront plus faciles pour nos jeunes puisqu’ils pourront écrire les organisateurs textuels suivants :

Devant ce problème
Pour ma part,
Premièrement
En effet
C’est-à-dire
Par exemple
En fait
Il faut
Deuxièmement
Ainsi
En d’autres mots
Pour conclure
En premier lieu
En second lieu


Ajoutez à cette liste les mots-clés, les citations et références, les positions d’experts, les schémas et définitions de vocabulaire, les éléments de syntaxe, de ponctuation, d’orthographe d’usage et grammaticale et vous obtenez rien de moins qu’un texte à numéros.

Dur, dur d’échouer…

Mme Courchesne « serre la vis » et « renforce son autorité »... Quelle surprise !

La Presse titrait au sujet des « conventions de partenariat » que la ministre du Monopole de l'éducation, Mme Courchesne, veut imposer aux commissions scolaires qu'elle « serre la vis ». Le Devoir, pour sa part, parlait du fait qu'elle « renforce son autorité »...

Mme Courchesne serait autoritaire et aurait une tendance à la centralisation ? Allons donc, les mauvaises langues ! Cela ne lui ressemble pas du tout, entêtée et sans tact, d'accord. Mais pas autoritaire quand même !

Ah, ben si, apparemment, le Devoir avait déjà utilisé « serrer la vis » au sujet de Mme Courchesne en parlant de cette grande priorité — surtout quand on la compare aux bagatelles que sont le haut taux de décrochage et la violence dans les écoles — qu'est l'obligation qui serait faite aux rares écoles juives orthodoxes de se conformer complètement au programme unique d'instruction imposé par Mme Courchesne. Rappelons qu'à l'époque le Devoir n'avait pas jugé bon de demander ce qu'en pensaient les personnes concernées : les parents et professeurs de cette communauté hassidim installée depuis près de 60 ans au Québec. Mais Le Devoir est un grand journal objectif.

Mais bon, il est vrai que Mme Courchesne avait déjà déclaré qu'elle refuserait d'office toutes les demandes de dispense du cours d'éthique et de culture religieuse, alors que les commissions de révision des commissions scolaires n'avaient même pas encore statué et que les griefs des requérants n'avaient même pas été entendus. Une première en matière de droit. D'aucuns avaient alors parlé d'« abus de pouvoir » qui motiverait chez un ministre plus scrupuleux une démission.

L'école, havre de socialisation — 13 % des crimes des adolescents y sont commis

Parmi les missions que le Monopole de l'Éducation a données à l'école, on retrouve :
« — l'école doit socialiser et préparer aux rôles sociaux de la vie adulte »
Le terme est défini dans le Rapport final des états généraux en 1996 :
« Socialiser est une autre finalité de l'institution scolaire. Celle-ci doit transmettre les valeurs qui fondent notre société démocratique (l'égalité, les libertés fondamentales, le respect de l'autre, la justice, la coopération, la solidarité) et le respect des institutions communes tout en demeurant un lieu d'exploration des valeurs. Elle prépare les individus à l'exercice de la citoyenneté en leur apprenant leurs droits et leurs devoirs, le respect des règles communes et l'ouverture à la diversité. L'école est aussi le creuset d'une société démocratique par sa fonction d'égalisation des chances et sa contribution à la cohésion sociale. Elle ne doit pas négliger ce volet de sa mission, sous peine d'être elle-même un agent de fracture sociale. (Rénover notre système d'éducation : dix chantiers prioritaires, p. 5) »
Passons sur le fait que d'éminents chercheurs reprochent à l'école d'infantiliser les adolescents en les regroupant par classe d'âge (pour des raisons d'efficacité et non de qualité) et en les coupant des adultes.

Ne revenons pas sur cette socialisation qui justifie l'imposition de valeurs parfois fortement teintées de correctivisme politique multiculturel et relativiste comme dans le cas des nouveaux programmes d'histoire et d' éthique et de culture religieuse, socialisation qui sert également de prétexte pour interdire tout bonnement l'éducation à la maison en Allemagne.

Loin des pétitions de principe grandiloquentes du Monopole, voyons simplement les faits que révèle la dernière étude Criminalité chez les jeunes de Statistique Canada

Environ 1 crime sur 10 commis par les jeunes survient sur les terrains d'une école
« En 2006, environ 1 crime sur 10 commis par les jeunes s'est produit sur les terrains d'une école, les voies de fait étant les plus fréquentes (27 %), suivies des infractions relatives aux drogues (18 %). Une arme était présente dans environ 7 % des crimes perpétrés à l'école. Il s'agissait d'une arme à feu dans moins de 1 % de tous les crimes perpétrés à l'école. »
Le rapport détaillé précise :
« L’inquiétude constante que suscitent le taxage et la violence à l’école fait en sorte que les crimes commis par les jeunes sur les terrains des écoles constituent un sujet d’intérêt croissant. En 2006, environ le dixième (13 %) des infractions au Code criminel (sauf les délits de la route) et des infractions relatives aux drogues commises par des jeunes ont été perpétrées sur les terrains d’une école. À peu près les trois quarts (73 %) de ces crimes ayant été signalés à la police se sont produits pendant les heures d’activités scolaires surveillées, alors qu’environ le quart de ces crimes ont eu lieu après l’école. Toutefois, étant donné l’absence d’élèves, d’enseignants ou d’autres membres du personnel, les crimes commis en dehors des heures de classe seraient plus susceptibles de n’être ni détectés ni signalés que ceux ayant lieu pendant les
heures de classe.
[...]

les taux de crimes commis par des jeunes à l’école ont généralement augmenté. Selon les données déclarées par la police, les taux d’infractions au Code criminel et d’infractions relatives aux drogues commises par des jeunes à l’école étaient 27 % plus élevés en 2006 qu’en 199811. Cette augmentation est attribuable en partie à la hausse de 18 % du taux d’infractions au Code criminel commises par les jeunes à l’école, ainsi qu’au bond de 66 % du taux d’infractions relatives aux drogues. »
Aucune donnée publiée sur les différences intraprovinciales

L'étude complète ne ventile pas les résultats du Québec. Où les violences perpétrées à l'école ont-elles lieu ? Dans les écoles urbaines, de banlieue, rurales ? Dans les réserves indiennes ? Dans les écoles juives, francophones, mennonites, évangéliques, privées, publiques ?