dimanche 10 mai 2015

Québec — une quinzaine de projets-pilotes en éducation à la sexualité seront mis en place

Un article quelque peu caricatural de Rima Elkouri de La Presse nous apprend qu’une quinzaine de projets-pilotes en éducation à la sexualité seront mis en place dans des écoles primaires et secondaires du Québec pour deux ans. Les noms des écoles seront dévoilés dans les prochaines semaines.

Son implantation fait suite à une pétition demandant le retour des cours d’éducation sexuelle à l’école « dans une perspective de rapports égalitaires, non sexistes et non hétérosexistes ». D’une part, notons que certaines pétitions politiquement correctes semblent être vite suivies d’effet, d’autre part « hétérosexiste » signifie souvent banalisation de l’homosexualité comme une sexualité aussi valable que l’hétérosexualité et la désapprobation en classe des élèves qui oseraient dire l’inverse.

Pourquoi l’article de Mme Elkouri (« curé » en arabe) est-il quelque peu caricatural ? D’abord, parce qu’il prend fait et cause pour un futur cours dont on ignore apparemment le contenu au-delà de ses intentions non « hétérosexistes ». Ensuite, parce qu’il fait passer tous les opposants à la nouvelle mouture du cours d’éducation sexuelle en Ontario pour des imbéciles, des ignares ou des intégristes et, enfin, parce qu’il utilise des ficelles usées (la peur, la dénonciation de l’ignorance) pour tenter d’imposer un nouveau cours d’éducation sexuelle.

D’emblée, soyons clairs : nous ne sommes pas, en principe, contre des cours d’éducation sexuelle, mais il faut d’abord en connaître le contenu !

Ce n’est pas le cas de Mme Elkouri. Elle est enthousiaste...

Citons-la dans toute son objectivité journalistique :
On aurait pu craindre que ce tollé ontarien refroidisse les ardeurs de Québec, qui avait vaguement promis de ramener les cours d’éducation sexuelle à l’école, abandonnés en 2005. Heureusement, il n’en est rien. « On n’a pas l’intention de reculer », me dit Julie White, attachée de presse du ministre de l’Éducation François Blais.
Ensuite les gros clichés :
Au Québec comme en Ontario, il y aura toujours une frange de parents qui s’opposeront à l’éducation sexuelle à l’école. Le fait est qu’en matière de sexualité comme dans bien d’autres domaines, le pire danger ne vient pas tant du savoir que de l’ignorance.
Comme s’il ne s’agissait pas plutôt de savoir sous quel angle et à quel âge cette éducation à la sexualité sera prodiguée.
En examinant le discours des opposants ontariens, on réalise que certains préféreraient que leur enfant ne sache jamais que l’homosexualité n’est pas une maladie contagieuse ou que des compagnons de classe peuvent avoir deux mères ou deux pères et s’en porter très bien.
D’une part, il s’agit visiblement de ridiculiser les opposants ontariens en général au regard ce que certains penseraient. Bizzz. « Entrave au dialogue : généralisation abusive », comme on dirait en cours d’ECR...

De nombreux parents sont opposés à la précocité de certains sujets abordés dans le programme, pas au fait que les sujets soient enseignés plus tard. Prenons le sexe anal, la fellation, le cunnilingus abordé à 12-13 ans (selon le journal conformiste le Huff Post). Faut-il vraiment que les enfants de 13 ans étudient et aient l’obligation de créer un « climat d’accueil favorable » envers les « bispirituels, les transsexuels ou les intersexués » ...? Enfin que penser du peu de place laissée à la chasteté chez les jeunes dans ce programme (alors que c’est pourtant un moyen sûr d’éviter les grossesses prématurées et les maladies vénériennes) ? Apparemment, la Première ministre Wynne n’a pas pu répondre aux parents qui lui posaient personnellement ces questions lors d’une rencontre (voir vidéo en anglais avec des parents qui l’ont rencontrée).

D’autre part, sur le fond, rien ne prouve que l’homosexualité ne soit pas en partie un choix (et non une stricte destinée, une orientation innée inéluctable, le débat n'est pas tranché), pas plus qu’il n’est prouvé qu’être éduqué uniquement par deux mères ou deux pères soient aussi inoffensifs que cela (voir ici et par exemple). Mais l’on comprend bien que pour Mme Elkouri les preuves ne sont pas nécessaires quand elle défend ses préjugés. Pour ce qui est des enfants qui vivent avec deux parents homosexuels, c’est extrêmement rare (mais cela semble être très important pour certains au point de devoir en parler au plus tôt aux enfants). Rappelons que, selon Statistiques Canada, il y avait en 2011 au Canada 6.410 couples homosexuels avec enfants comparés à 4.102.880 couples hétérosexuels avec enfants. Les couples homosexuels avec enfants représentent donc 0,15 % des couples avec enfants. La majorité des écoles primaires (elles ont moins de 300 élèves en moyenne) n’ont probablement aucun enfant élevé par des parents homosexuels, année après année. En ce qui concerne les enfants élevés par des parents homosexuels, plusieurs études tendent à prouver qu’ils ne s’en sortent, en moyenne, pas si bien que cela. Voir notamment Les filles aux parents lesbiennes sont 45 % moins susceptibles d’obtenir un diplôme d’enseignement secondaire et Étude suggère des risques pour les enfants élevés par des couples homosexuels.
Certains sont particulièrement dérangés par le fait que l’on fasse allusion dans le programme à l’identité de genre et à des orientations sexuelles autres qu’hétérosexuelles, n’hésitant pas à verser dans les commentaires homophobes, particulièrement virulents dans un contexte où leur Première ministre Kathleen Wynne est lesbienne.
On aimerait savoir si ces commentaires sont fréquents et s’ils sont vraiment homophobes. Mme Wynne qui milite pour l’imposition de cette nouvelle mouture du programme l’a prétendu, mais est-ce suffisant, n’est-il pas en quelque sorte juge et partie ?
De quoi ont-ils peur au juste ? Ils craignent que le nouveau programme révèle à leurs enfants des informations « inappropriées » pour leur âge et qu’il aille à l’encontre de leurs principes et de leurs croyances religieuses.
En quoi est-ce mal ? Et il ne s’agit pas que de « croyances » religieuses. Il y a des parents agnostiques (mais conservateurs sociaux) qui trouvent certains aspects de programme douteux.
Ce faisant, ils oublient que rien n’est plus inapproprié que l’ignorance érigée en vérité.
Et voilà ! Le sophisme tout cousu de fil blanc ! Il y a déjà un programme d’éducation sexuelle en Ontario ! Les enfants ne sont pas ignorants ! Ce sont surtout les nouveautés du programme (voir ici) qui troublent des parents.
Comme l’a bien montré lundi le Toronto Star, les arguments des opposants au programme d’éducation sexuelle sont souvent fondés sur de fausses rumeurs ou de la désinformation.
Souvent ? Il faudrait le prouver. Parfois, c’est fort possible (tout le monde ne lit pas les programmes scolaires, les parents qui sont contre le lisent souvent plus d’ailleurs que ceux qui ne se sentent pas concernés et acceptent ce que le gouvernement décide pour eux). Le Toronto Star est un journal « libéral » très en pointe pour défendre cette nouvelle version de ce programme d’éducation sexuelle. Rappelons que cette polémique sur la nouvelle version du cours d’éducation sexuelle que veut imposer Mme Wynne est impopulaire et semble entamer l’image du parti libéral, tant provincial que fédéral et que la presse libérale voit cela d’un mauvais œil.
Par exemple, selon une rumeur relayée par une lettre anonyme rédigée en arabe et distribuée en banlieue de Toronto, les petits Ontariens de 1re année apprendraient, dans le cadre du nouveau programme, non seulement à nommer leurs organes génitaux, mais aussi à les montrer et à les toucher... Vraiment ?
Non. Mais, prendre un exemple d’une regrettable rumeur excessive est-ce vraiment une manière sérieuse et honnête de répondre aux griefs des parents ?
Même si les parents qui s’opposent au programme d’éducation sexuelle le font très souvent pour des motifs religieux, on aurait tort de penser qu’ils ont le monopole de l’ignorance en la matière. Depuis 10 ans, les infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) sont en hausse dans tout le Québec, et plus particulièrement chez les jeunes.
Quel salmigondis ! De quelle ignorance parle-t-on ? Mme Elkouri parle bien des parents... Prétend-elle sérieusement qu’ils ignorent ce qu’est la sexualité ou l’existence de l’homosexualité, des préservatifs ? De quoi parle-t-elle ? Et quel rapport avec la hausse des ITS ? Mme Elkouri pourrait-elle nous démontrer que l’« ignorance » (au sujet des bispirituels, des transsexuels ou des intersexués ?) est à la base de la recrudescence des maladies sexuellement transmissibles plutôt qu’un certain laisser-aller, une certaine lassitude ou même un goût du risque ? Rappelons que les maladies vénériennes sont en recrudescence, notamment en Suède malgré des cours d’éducation à la sexualité assez explicites ? Que ces infections sont en hausse *partout* au Canada malgré la diversité des programmes scolaires et l’existence de cours d’éducation dans plusieurs provinces ?

Que faut-il penser de la très forte augmentation des maladies infectieuses parmi les homosexuels ? (Voir aussi ici.) De l’ignorance ? À quel sujet précisément ? Un manque d’éducation sexuelle à l’école donné « dans une perspective de rapports égalitaires, non sexistes et non hétérosexistes » ? Sérieusement ?

De l’avis d’une propriétaire de sex shop, Carlyle Jansen, qui donnait en 2009 des ateliers d’éducation à la sexualité dans les écoles de Toronto, le cours actuel en Ontario ne manque pas d’informations sanitaires, bien au contraire, il lui manque l’aspect « plaisir » : « On gave les élèves d’information sur toutes les mauvaises choses qui peuvent leur arriver s’ils ont des rapports sexuels. [...] Ils me disent “Nous avons entendu parler des infections sexuellement transmissibles, nous savons que vous pouvez tomber enceinte, mais nous voulons en savoir davantage sur le plaisir et comment avoir des relations saines. » Donc, les élèves ne manqueraient pas d’informations sur les ITS, mais on a l'impression qu’on agite la peur de ces infections pour faire accepter une réforme qui, par certains aspects, est idéologique. Elle plaît d'ailleurs à la coterie LGBTTIQQ2SA (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels, transgenres, intersexuels, « queers », en questionnement, bispirituels, asexuels et alliés).

Le texte de la journaliste de La Presse se poursuit avec :
Avec le mouvement #AgressionNonDénoncée de l’automne dernier, on a aussi vu que, de façon générale, et pas juste au sein des communautés musulmanes, beaucoup de chemin reste à faire pour en arriver à une société vraiment égalitaire. Il va de soi que l’éducation reste un de meilleurs moyens d’y arriver.
Quel parent qui s’oppose à la nouvelle version du cours d’éducation sexuelle en Ontario est en faveur des agressions sexuelles ? Mais, le mot « égalitaire » utilisé avec le mot non « hétérosexiste » a des implications bien plus idéologiques. C’est souvent le prétexte pour lutter contre ce que la gauche bobo appellent les « stéréotypes sexués », à savoir les rôles traditionnels des hommes et des femmes. Cela n’a rien à voir avec la santé sexuelle des enfants, le prétexte habituel pour toujours plus d’éducation sexuelle, souvent de plus en plus crue ou plus idéologique.
Il y a urgence. Près d’une femme sur quatre et d’un homme sur dix au Québec rapportent avoir vécu au moins une agression sexuelle avant l’âge de 18 ans. C’est énorme.
Quel rapport avec l’imposition d’un programme pour des enfants de 12 ou 13 ans où l’on aborde le cunnilingus, le sexe anal, le respect envers « les bispirituels, les transsexuels ou les intersexués » ?
Il faut maintenant souhaiter que, tollé ou pas, le gouvernement du Québec ait enfin le courage d’aller de l’avant avec un programme d’éducation sexuelle digne de ce nom.
Voilà une journaliste « neutre » !

L’éducation sexuelle en France

En France, il n’existe pas, en tant que tel, de cours à la sexualité. Un peu comme au Québec, cet enseignement est intégré dans d’autres cours et quelques ateliers supplémentaires. Il prend, en fait, peu de place au-delà des cours de SVT (puberté, fécondité) au début du secondaire et quelques séances d’informations (sur d’autres aspects comme le respect). Les Français sont-ils pour autant ignorants en matière sexuelle ? D’après un sondage récent, les deux tiers des 15 à 18 ans français « pensent pourtant préservatif et pilule ». L’étude montre aussi que les adolescents sont assez conscients des risques liés à leur activité sexuelle. Notons enfin que, pour 9 adolescents sur 10, le sexe passe après l’amour.

Agiter les peurs pour forcer l’acceptation d’un programme en partie idéologique

En résumé, il n’y a pas de preuves que les jeunes manquent d’informations sur les infections sexuellement transmissibles ni sur les moyens de contraception. Ils manquent sans doute d’un cadre moral pour avoir des relations saines. Rien ne prouve que la recrudescence des ITS soit due à de « l’ignorance ». Certains, pourtant, semblent agiter la peur liée à cette recrudescence pour imposer des cours d’éducation qui contiennent certes des informations cliniques et scientifiques, mais comprennent aussi un volet idéologique certain (« lutte contre les stéréotypes sexuées », théorie du genre, précocité de la sexualisation).

Reste à voir ce que contiendrait un éventuel programme d’éducation sexuelle au Québec : combien d’heures y seraient consacrées ? Aux dépens de quel programme existant ? Et le Monopole de l’Éducation — qui n’a souvent que le mot diversité à la bouche (entendre ici accepter la diversité des sexualités ultraminoritaires) — acceptera-t-il la diversité dans l’enseignement de ce nouveau programme d’éducation sexuelle ?

Le Monopole sera-t-il aussi souple qu’en 1992 ?

Est-ce que le Monopole de l’Éducation sera aussi souple qu’en 1992 quand viendra le moment d’octroyer des exemptions au nouveau cours d’éducation sexuelle ?

À l’époque, la position exprimée par le ministre Michel Pagé, du Ministère de l’Éducation, établissait la position officielle du MELS, sur le cours obligatoire d’Éducation sexuelle, à l’effet que bien qu’il s’agisse d’un cours obligatoire, article 15 § 4 de la Loi sur l’instruction publique pouvait toujours être appliqué et invoqué par la demanderesse pour donner un cours équivalent à la maison. Il est intéressant de noter que le ministre Pagé, en 1992, indiquait que : « l’école devra prévoir un encadrement particulier pour l’élève ainsi dispensé. Par exemple, l’élève pourrait s’adonner à des travaux à la bibliothèque. » (Voir sa lettre de l’époque)


Voir aussi

Étude : Environ 70 % des ados qui se disaient LGBT se déclarent hétérosexuels par la suite

Le cours d’éducation sexuelle ontarien évite-t-il l’augmentation du nombre de maladies vénériennes ?

Sondages : Les États-Uniens surestiment grandement le nombre d’homosexuels

J’utilise le cours de maths pour parler aux enfants de l’homosexualité et le « cacher » aux parents

Gare à la logique hygiéniste imposée par l’État nounou thérapeutique !

Malgré l’éducation sexuelle, recrudescence des maladies vénériennes en Suède

France — Priorité dans la crise, lutter contre le bleu pour les garçons, le rose pour les filles...

Le paradoxe de l’égalité entre les sexes c. la théorie du genre

L’affaire Bruce/Brenda/David Reimer c. la théorie du genre

École québécoise : l’homoparentalité expliquée aux enfants du primaire par l’État

L’Ontario reporte sine die son nouveau programme d’éducation sexuelle You’re teaching our kids WHAT ? (Macleans 2009, en anglais sur l’éducation à la sexualité à l’école... « In her workshops, Jansen urges teens to ask about anything and everything, from masturbation, gender identity and same-sex feelings to sex toys (which they keep on hand in case the subject comes up) ».)