vendredi 7 avril 2017

Éthique et culture religieuse : éduquer ou endoctriner ?

Extraits de la chronique de Joseph Facal sur le programme d’éthique et de culture religieuse.

Le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a donné le feu vert à une réévaluation du controversé cours d’Éthique et culture religieuse, obligatoire au primaire et au secondaire.

Cette réévaluation sera « accompagnée » par le même fonctionnaire qui a piloté l’introduction du cours en 2008 : feriez-vous évaluer votre maison par celui qui l’a construite ?

Tout ce cours repose sur un détournement de sens.

[...]

Les manuels utilisés pour donner ce cours ont déjà fait l’objet de plusieurs études.

[...]

Des exercices valant des points demandent aux enfants du primaire de choisir leur rite préféré ou d’organiser une petite cérémonie religieuse.

Les explications scientifiques sur l’origine du monde et de la vie ne sont jamais mises en parallèle avec les discours religieux. [Note du carnet : c’est faux ! Voir ci-dessous dès le primaire...]


Paulo [Coelho], le sage qui arbitre entre science et discours religieux sur la création
2e cycle primaire, Modulo, manuel A. p. 66

[Rappelons les paroles d’un des pères du cours d’ECR et réviseur scientifique des manuels Modulo, Fernand Ouellet, qui cite favorablement ailleurs dans ses écrits ces mots : « Il [s’agit] donc moins de “construire une identité” que, à l’inverse, d’ébranler une identité trop massive et d’y introduire la divergence et la dissonance ; il n’est pas de préparer à la coexistence et à la tolérance ».]

Vous ne trouverez pas le moindre examen critique du mal que l’on peut faire au nom de la religion : pas un mot sur le terrorisme, les crimes d’honneur ou la misogynie.

[Ça, c’est réservé au programme d’histoire où Saint Louis est le précurseur de Hitler, les croisades c’est très mal et le monde arabo-musulman si raffiné, voir ici...]

Comprenez-moi bien : il ne s’agit pas d’enseigner l’hostilité à la religion, ce qui ne serait que le remplacement d’un dogmatisme par un autre.

Il faudrait présenter les religions comme un objet sociologique que l’on doit examiner avec un souci d’objectivité, comme on le ferait pour l’étude d’une idéologie ou d’une institution.

[Note du carnet : au primaire ?]

Le cours propose plutôt une vision de la foi religieuse qui laisse lourdement entendre qu’il serait irrespectueux et intolérant de l’examiner froidement, ce qui inclurait logiquement ses aspects problématiques autant que ses aspects positifs.

Conséquemment, le niqab et la burqa sont présentés comme des choix vestimentaires parmi d’autres.

Les photos montrent toujours des fidèles intégristes, puisqu’ils sont fervents au point de vouloir absolument porter des signes visibles.

Vous ne trouverez pratiquement rien dans ces livres sur l’athéisme, la laïcité ou les croyants non pratiquants, qui sont pourtant l’immense majorité.

[Note du carnet : c’est, d’une part, que le cours est. pour une moitié, sur la culture religieuse en tant que phénomènes, les rites, les grands personnages, les mythes. Quels rites religieux les athées ont-ils ? D’autre part, la partie éthique n’a pas du tout un a priori religieux, mais plutôt politiquement correcte.]

Le croyant venu d’ailleurs n’est pas dépeint comme quelqu’un qui veut devenir comme nous, mais comme quelqu’un qui veut très légitimement reproduire la façon de vivre de sa société d’origine.

Pognés avec

Au fond, l’enfant est exposé, pendant des années, à une vision du phénomène religieux qui lui inculque qu’il est vertueux de croire sans se questionner et irrespectueux de questionner cela.

Au nom du fameux « vivre-ensemble », on fait la promotion enthousiaste de toutes les différences qui permettront à chacun de rester replié dans sa communauté d’origine.

Il ne faut pas simplement modifier ce cours. Il aurait fallu recommencer à zéro. Ça n’arrivera pas et c’est très regrettable.

Voir aussi

Paulo Coelho, le syncrétiste, un sage pour le cours d'ECR des éditions Modulo ?

Face au succès grandissant de l'instruction à domicile, le gouvernement veut réaffirmer son autorité

Communiqué de l’Association québécoise pour l’éducation à domicile (AQED) au sujet d’un prochain projet de loi sur l’instruction à domicile.

Le projet de loi sur l’éducation à domicile sera déposé d’ici quelques semaines ! Nous avons contacté le bureau du ministre vendredi et nous sommes parvenus à avoir plus d’information sur les délais du dépôt du projet de loi sur l’éducation à domicile. Ce projet de loi qui comprendra aussi les écoles [décrétées par le Monopole de l'Éducation] illégales [parfois uniquement au Québec comme pour l'école mennonite de Roxton Falls et après plus de 50 ans de légalités comme des yéchivas de Montréal !] et les sans-papiers va être déposé d’ici quelques semaines à l’Assemblée nationale. C’est le temps d’agir ! C’est une occasion à ne pas manquer pour que cette loi s’accorde à nos espoirs les plus audacieux !

Ce que fait l’AQED

Nous restons en contact étroit avec l’équipe du ministre de l’Éducation. Nous rencontrons les députés qui siègent à la Commission de la culture et de l’éducation afin qu’ils comprennent la réalité des familles éducatrices. Ces députés auront un rôle décisif sur le projet de loi à venir et il est essentiel qu’ils prennent des décisions éclairées. Nous ajustons notre mémoire en fonction des rencontres avec les députés et nous nous préparons à témoigner à la commission. Nous augmentons nos effectifs dédiés à l’action politique en recrutant des bénévoles et en ajoutant une nouvelle avocate à notre équipe. Nous préparons une campagne de relations publiques pour sensibiliser la population. Nous lançons une campagne d’envoi de courriels à nos élus.

Nous informons nos membres — Cinq actions que vous pouvez faire

Plus que jamais, votre aide est cruciale. Il n’y a que le poids du nombre qui permettra de nous faire entendre :
  1. Envoyez un courriel déjà préparé à votre député
  2. Parlez-en à vos proches et encouragez votre réseau à diffuser le message et à rallier du soutien. Vos parents, amis, voisins, tous ces gens qui ne vivent pas nécessairement l’éducation à domicile, mais qui veulent soutenir la liberté de choix en matière d’éducation peuvent contribuer à notre cause. Ils n’ont qu’à faire exactement les mêmes démarches que vous et à envoyer la même lettre à leur député.
  3. Devenez membre de l’AQED et incitez vos amis à le devenir. Ceci nous donne de l’aide financière pour continuer nos actions. Votre adhésion en grand nombre donne aussi plus de poids moral à nos actions auprès du ministre.
  4. Portez-vous bénévole pour aider l’action politique en indiquant votre intérêt à actionpolitique@aqed.qc.ca
  5. Continuez à rester au courant

Les prochaines étapes avant l’entrée en vigueur de la loi

Présentation

Le gouvernement en est à cette étape. L’équipe du ministre a remis son projet aux juristes de l’État qui sont en train de traduire les idées en langage juridique. Une fois le travail des juristes terminé, le projet de loi sera présenté à l’Assemblée nationale pour évaluation. Cette étape devrait être complétée d’ici « quelques semaines ». Le texte recevra alors un numéro de projet de loi et devrait être disponible en ligne sur le site de l’Assemblée nationale pour consultation. Nous vous informerons dès que nous aurons le lien.

Consultation parlementaire

Cette étape est facultative, mais elle permet aux membres de la commission d’entendre le point de vue de gens directement affectés par le projet de loi. On vise à s’assurer qu’il y aura des consultations publiques assez longues pour que les députés comprennent bien la réalité et les besoins des familles.

Adoption du principe

Les députés débattront et voteront les grandes lignes du projet de loi.

Études détaillées en commission

Les députés membres de la commission examinent tous les articles spécifiques du projet de loi. Leur rapport servira à le modifier.

Prise en considération du rapport de la commission

L’Assemblée nationale doit adopter le rapport de la commission.

Adoption du projet de loi

Lorsque le projet de loi aura reçu la sanction du lieutenant-gouverneur, le projet de loi sera intégré dans la loi sur l’instruction publique et deviendra la nouvelle loi en vigueur. Avant cette étape, la loi reste celle qu’on connaît.

Voir aussi

Une autre association de parents qui instruisent à domicile : la HSLDA (site en français)

Un État tatillon en éducation est-ce mieux ? (Est-ce qu’il y a des preuves que les États qui sont les plus sourcilleux en matière de normes « minimales » en éducation obtiennent de meilleurs résultats ? La réponse en bref : non.)

Nombre record d'enfants instruits à la maison au Québec


Le nombre d’enfants québécois officiellement scolarisés à la maison n’a jamais été aussi élevé. En un an, l’augmentation a été de 50 %. De plus en plus de parents font ce choix parce que l’école ne convient pas aux besoins particuliers de leurs enfants, selon plusieurs. Il y a dix ans, environ 800 enfants étaient scolarisés à la maison, alors qu’on en retrouve maintenant près de 2 000, selon les chiffres du ministère de l’Éducation. La majorité d’entre eux sont de niveau primaire. Ce nombre est toutefois beaucoup plus élevé en réalité, puisque plusieurs parents n’inscrivent pas leur enfant auprès d’une commission scolaire chargée de superviser la scolarisation à domicile, explique Christine Brabant, professeure en éducation à l’Université de Montréal. « On peut estimer qu’au moins la moitié des enfants scolarisés à la maison n’y sont pas inscrits », affirme-t-elle.

Manque de services, raisons diverses

L’augmentation constatée au cours de la dernière année s’explique, en bonne partie, par une nouvelle entente permettant à des enfants de la communauté juive hassidique d’être scolarisés à la maison, mais aussi parce qu’un nombre grandissant de parents sont forcés de retirer leurs enfants à besoins particuliers de l’école par manque de services, explique Noémie Berlus, présidente de l’Association québécoise pour l’éducation à domicile. « Je vois de plus en plus de parents qui sortent leurs enfants de l’école dans un contexte d’urgence » à cause de troubles d’apprentissage ou de comportement, affirme Mme Berlus, dont l’association a fait le plein de 25 % de nouveaux membres depuis un an. Brigitte Dubé, présidente de la Coalition de parents d’enfants à besoins particuliers du Québec, le confirme. Elle parle même d’une « épidémie ». « Il y en a énormément, pour différentes raisons. C’est révélateur de quelque chose qui ne fonctionne pas dans notre système scolaire. Ce n’est pas normal que des parents en arrivent à envisager ça, non pas par choix, mais parce que la situation les amène à réfléchir à ça. C’est assez frappant », affirme-t-elle.

Tendance mondiale

De son côté, Christine Brabant souligne que l’augmentation de la scolarisation à domicile n’est pas un phénomène propre au Québec. « On voit une augmentation partout dans le monde », qui peut s’expliquer par une vision de plus en plus individualisée de l’éducation, qui préconise un enseignement adapté à chaque enfant selon ses besoins, plutôt qu’une formule unique pour tous, dit-elle.

Notons également que cette augmentation accompagne d’autres phénomènes comme le raidissement des gouvernements qui tentent de plus en plus de centraliser l’enseignement, d’y imposer des contenus idéologiques (multiculturalisme, théorie des genres, laïcisme militant, éducation à la sexualité non plus clinique, mais axée sur hédonisme, un enseignant de l’histoire dénationalisée, etc.)

« L’école n’est pas adaptée pour ces enfants-là »

Depuis septembre, Karine Léveillé fait l’école à la maison à ses deux jumeaux de 6 ans, qui sont dyspraxiques et dysphasiques. Un choix qui n’en est pas vraiment un puisque « l’école n’est pas adaptée pour ces enfants-là », affirme Mme Léveillé. Éloïse et Félix sont entrés en maternelle l’an dernier, alors qu’ils étaient déjà suivis en ergothérapie et en orthophonie au privé. Après avoir multiplié les rencontres avec la direction, et les plans d’intervention, il n’a pas été possible d’avoir suffisamment de services en classe, même si une pédopsychiatre avait recommandé un accompagnement régulier avec une technicienne spécialisée, raconte Mme Léveillé. L’école a même refusé de collaborer avec les professionnels qui suivaient ses enfants en privé, ajoute-t-elle. Épuisés par les nombreuses démarches faites auprès de l’école, Karine Léveillé et son conjoint, Vincent Boisvert, ont finalement décidé de scolariser leurs enfants à la maison. « On avait eu notre dose de péripéties et de perte de temps. Le système est lourd, il épuise aussi les parents », affirme M. Boisvert.

Des sacrifices

Mme Léveillé, qui est elle-même technicienne en éducation spécialisée, a laissé tomber son emploi à temps plein pour enseigner à ses enfants. Elle travaille toujours comme éducatrice les fins de semaine pour aider à boucler le budget familial. Ses jumeaux sont toujours suivis chaque semaine par deux professionnels au privé. « On fait des sacrifices, lance M. Boisvert. Mais pour les enfants, c’est génial ! » Éloïse et Félix « ont rattrapé beaucoup de retard » et ils ont appris à lire, ajoute Mme Léveillé. Karine Léveillé et Vincent Boisvert espèrent que leurs enfants puissent réintégrer le réseau scolaire, à long terme, dans une formule qui serait mieux adaptée à leurs besoins. C’est pourquoi Mme Léveillé se fait un devoir de leur enseigner de façon plus traditionnelle, à partir de manuels scolaires. Mais, pour l’instant, ils sont loin de regretter ce choix, qui n’en est pas tout à fait un, soulignent-ils.

Nombre d’élèves reconnus officiellement comme scolarisés à la maison
Année scolaireNombre
2007 – 2008788
2008 – 2009937
2009 – 20101 012
2010 – 20111 057
2011 – 20121 037
2012 – 20131 114
2013 – 20141 181
2014 – 20151 275
2015 – 20161 928*

* De ce nombre, 236 élèves proviennent de la communauté juive hassidique et sont scolarisés à la maison en vertu d’une entente avec la commission scolaire English-Montréal. D’autres minoritaires religieuses dont les écoles comme les mennonites ont été déclarées « illégales » (mais le Québec est le seul endroit en Amérique à ce faire...) ont également grossi ces chiffres depuis quelques années.

Sources : Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et le Journal de Québec

Québec — Retour de la syphilis congénitale, hausse de toutes les maladies sexuellement transmissibles,

Trois femmes ont transmis la syphilis à leur nouveau-né en 2016. Pourtant, cette forme de la maladie, appelée syphilis congénitale, était pratiquement éradiquée depuis 30 ans au Québec. Devant la flambée d’infections transmissibles sexuellement (ITSS) enregistrée depuis quelques années, un comité se penchera d’ailleurs sur la révision des lignes directrices en matière de dépistage, notamment pendant la grossesse. Même si toutes les femmes enceintes sont en principe soumises à un test de dépistage en début de grossesse, ce sont des « failles potentielles » qui ont mené à la naissance de trois nouveau-nés atteints de syphilis en 2016, indique le plus récent numéro du bulletin Flash vigie. Publié par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) vendredi dernier, ce dernier précise que les trois mères étaient âgées de moins de 30 ans et provenaient de régions distinctes. Tous les bébés ont été traités avec des antibiotiques. Dans un premier cas, la femme enceinte n’avait eu aucun suivi prénatal jusqu’à ce qu’elle se présente avec des contractions à l’hôpital. Elle a reçu un traitement antibiotique, mais ce dernier était trop tardif et la maladie a ensuite été détectée chez son poupon. Une deuxième femme avait bel et bien été testée pour la maladie en début de grossesse, mais le résultat (positif) avait échappé à son médecin traitant. Une révision de son dossier deux semaines avant son accouchement a révélé l’erreur. Malgré le traitement antibiotique qui a été administré immédiatement, l’infection a été transmise au nouveau-né. Dans le cas de la troisième femme, le test de dépistage était négatif en début de grossesse. Ce n’est que lorsque le bébé a eu six mois qu’il a présenté des symptômes. Il a alors été traité, tout comme la mère.



Vieille maladie

La femme enceinte est plus sensible aux infections, explique le Dr Marc Steben, médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Chez le bébé, les symptômes varient d’une affection cutanée à une atteinte du foie, de la rate, des os, ou même des troubles neurologiques, et voire, dans les cas les plus graves, la mort. « Lorsque le bébé vient au monde, on peut avoir l’impression qu’il a le rhume en raison des écoulements nasaux et les lésions cutanées ne sont pas nécessairement reconnues tout de suite », explique-t-il. Les plus récentes données disponibles montrent qu’il y a eu 942 cas de syphilis infectieuse au Québec en 2016, indique la conseillère scientifique à l’INSPQ Karine Blouin. C’est une augmentation de 28 % par rapport à 2015. L’infection se propage surtout chez les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes, mais les femmes ne sont pas à l’abri pour autant, avec 41 cas en 2016. La syphilis congénitale était pratiquement éradiquée au Québec. Depuis quinze ans, il n’y avait eu que 4 cas. « La majorité des médecins n’en ont jamais vu, le réflexe de poser des questions sur cette infection est affaibli. On doit redoubler de vigilance », constate le Dr Steben. Un comité devait déjà se pencher sur la révision des lignes directrices en matière de dépistage des ITSS. Le dépistage pendant la grossesse figurera au sommet de ses priorités, indique le Dr Steben. Une première rencontre est prévue en avril. Le Dr Steben croit qu’on pourrait être plus proactifs avec la répétition des tests de dépistage en cours de grossesse en cas de facteurs de risques. « Compte tenu du fait qu’il y a eu près de 1000 cas en 2016, on peut s’attendre à ce que d’autres cas chez des femmes enceintes échappent au dépistage, d’où l’importance des appels à la vigilance chez les professionnels de la santé », constate aussi Mme Blouin.

Hausse des cas de toutes les maladies vénériennes malgré toutes les campagnes d’information

Toutes les ITSS sont en hausse depuis quelques années. La chlamydia est la plus fréquente, avec près de 25 000 cas en 2016 et une hausse moyenne d’environ 5 % par an. Avec près de 5 000 cas l’an dernier, l’infection gonococcique suit en termes d’incidence. La transmission de ces autres ITSS pendant la grossesse est-elle observée ? On l’ignore, répond en substance la Dre Isabelle Boucoiran. « On voit augmenter l’incidence de ces infections chez les femmes en âge de procréer, mais on n’a pas de bonnes statistiques sur leur prévalence pendant la grossesse », observe la gynécologue-obstétricienne au CHU Sainte-Justine et spécialiste des maladies infectieuses. « C’est difficile d’évaluer le risque. Dans notre bureau, nous avons la femme enceinte devant nous, mais pas ses partenaires sexuels, explique-t-elle. Sans compter que certaines personnes vont se trouver complètement en dehors du système de soins, sans suivi, et souvent, ce sont les personnes plus à risque de contracter une ITSS. »

Note du carnet : on peut déplorer l’absence d’analyse sur les raisons de cette recrudescence dans la population (les gens ne savent-ils vraiment pas que la promiscuité et certaines pratiques, anales par exemple sont plus dangereuses que d’autres ?) ni de détails sur les populations touchées (jeunes, vieux, homosexuels, immigrés, urbains, diplômés de l’université, mariés ou non, etc.)

Voir aussi

Le cours d’éducation sexuelle ontarien évite-t-il l’augmentation du nombre de maladies vénériennes ?

Sexologue clinicienne : « les cours de sexualité en milieu scolaire font fausse route »

Malgré l’éducation sexuelle, recrudescence des maladies vénériennes en Suède.



La tragédie de l'État-providence aux États-Unis par Charles Murray (5 sur 5)

Ci-dessous, la cinquième et dernière partie de la série consacrée aux effets de l’État-providence sur le tissu social et moral aux États-Unis selon Charles Murray (voir le premier volet, le deuxième, le troisième et le quatrième).

L’État-providence est aujourd’hui en quasi-faillite sur le plan financier dans presque tous les pays où il existe. Mais cette situation financièrement intenable ne doit pas nous cacher que la principale faillite de l’État-providence est morale. L’État-providence a réellement dégradé la situation des catégories de la population qu’il était censé aider, et la négation de la responsabilité individuelle qui lui est consubstantielle diffuse son poison dans l’ensemble du corps social.

Est-il possible de sauver l’État-providence de cette faillite morale ? Si nous retrouvions miraculeusement les ressources nécessaires pour prolonger son existence, serait-il souhaitable de le faire ? Autrement dit, dans quelles conditions pouvons-nous espérer que les « transferts sociaux », monétaires et non monétaires, produiront plus de bien que de mal ?

À cette question, Charles Murray répond sans faux-fuyants qu’il est presque impossible que les programmes sociaux ne fassent pas plus de mal que de bien. En un mot, la raison en est qu’il est presque impossible que ces programmes ne finissent pas par augmenter le nombre de gens affectés par les problèmes qu’ils soient censés guérir.

Pour soutenir cette affirmation, Charles Murray présente trois « lois » qui, selon lui, affectent tous les programmes sociaux.

Loi n° 1 : La loi de la sélection imparfaite. Toute règle objective visant à définir les bénéficiaires d’un programme social exclura certaines personnes de manière irrationnelle.

Tout programme social doit d’abord définir ses bénéficiaires. Mais tout critère de sélection exclura inévitablement des gens qui auraient en réalité besoin d’être aidés, et inclura des gens qui en réalité n’auraient pas besoin de l’être. La règle, qui est nécessairement générale, ne peut pas être adaptée à l’infinie diversité des cas concrets.

Le caractère imparfait de toute définition des « défavorisés » est connu depuis fort longtemps. Traditionnellement on répondait à ce problème en préférant une sélection trop stricte plutôt que trop laxiste. Il était préférable, pensait-on, de refuser d’aider des gens qui en auraient eu véritablement besoin, plutôt que d’aider des gens qui ne le méritaient pas. La raison pour préférer la sévérité était que toute aide accordée indûment a pour effet de miner le sens des responsabilités à la fois du bénéficiaire de l’aide et de la communauté tout entière. La sévérité aidait à maintenir l’honnêteté de tous, elle servait donc le bien commun même s’il pouvait arriver qu’elle en pénalise injustement certains.

Aujourd’hui les agents de l’État-providence ont l’attitude inverse. Ils répugnent à distinguer entre les « défavorisés » et préfèrent donner à tous ceux qui se présentent plutôt que de refuser à quelqu’un qui en aurait besoin. La raison en est qu’ils ne croient pas qu’il existe un coût moral dans le fait d’aider de manière indiscriminée. Les « défavorisés » ne sont, de toute façon, pas responsables de leur situation, donc, en pratique, la seule limite à l’aide accordée est le budget alloué à l’État-providence, budget qui, cela va sans dire, est toujours insuffisant par rapport aux « besoins ».

À l’heure actuelle, la loi de la sélection imparfaite conduit fort logiquement à des programmes sociaux qui incluent toujours plus de bénéficiaires.

Loi n° 2 : La loi des bénéfices involontaires. Tout transfert social accroît l’intérêt qu’il y a à être dans la situation qui justifie le transfert.

Les transferts sociaux cherchent à remédier à certains manques — trop peu d’argent, trop peu de nourriture, trop peu d’instruction — ou bien à changer certains comportements indésirables — dépendance à la drogue, chômage, délinquance. Dans tous les cas il est absolument inévitable que le transfert social en question augmente l’intérêt qu’il y a à être dans la situation qu’il cherche à changer, soit en augmentant les bénéfices qu’elle procure, soit en diminuant les inconvénients qui l’accompagnent.

Bien entendu cela n’est pas vrai pour ceux qui se trouvent de manière tout à fait involontaire dans cette situation. Il serait absurde de dire que donner une allocation à un paraplégique augmente l’intérêt qu’il y a à être paraplégique. L’existence d’une allocation pour les paraplégiques n’augmente pas le nombre de paraplégiques (à moins, peut-être, qu’elle se compte en millions de dollars).

Mais il est très peu de cas comme celui-ci. Dans la plupart des cas, les situations qui justifient le transfert social sont au moins partiellement volontaires. Le cas le plus typique est sans doute celui du chômeur qui perçoit une allocation. Notre chômeur n’a pas fait exprès de perdre son emploi et il préférerait sincèrement travailler plutôt que de toucher une allocation, mais il ne parvient pas à retrouver de travail. Sa situation pourrait donc sembler totalement involontaire. Mais en réalité son comportement est bien affecté par l’existence d’une allocation. Cette allocation lui permet d’être plus discriminant dans sa recherche d’emploi. Il pourra, par exemple, refuser une offre qui l’obligerait à déménager à l’autre bout du pays, alors qu’il l’aurait accepté s’il avait eu le couteau sous la gorge. On peut parfaitement penser qu’il est bien que notre chômeur ne soit pas obligé de se déraciner brutalement pour retrouver un emploi, mais cela ne change rien au fait que son chômage n’est plus complètement involontaire. Il restera peut-être chômeur plus longtemps, tout simplement parce que l’existence d’une allocation a réduit les inconvénients qui accompagnent le chômage.

Les situations prises en charge par les politiques sociales s’étalent sur un continuum qui va de purement volontaire à purement involontaire, avec très peu de cas appartenant à ces deux extrêmes.
Mais dès lors que la situation ciblée n’est pas totalement involontaire, toute aide a pour effet pervers de rendre cette situation plus attractive ou moins pénalisante, et par conséquent d’augmenter le nombre de ceux qui s’y trouvent.

Pourtant, dira-t-on, ne serait-il pas possible de mettre au point des programmes sociaux dont les bénéfices involontaires sont toujours très faibles, trop faibles pour provoquer une augmentation du nombre de leurs bénéficiaires ?

C’est à ce point que doit être prise en compte la troisième loi.

Loi n° 3 : La loi du préjudice net. Moins il est probable qu’un comportement indésirable change volontairement, et plus il est probable que le programme visant à le changer cause plus de mal que de bien.

Un programme social visant à modifier un comportement doit faire deux choses. Il doit d’une part amener ceux qu’il vise à y participer et il doit d’autre part produire le changement désiré chez les participants. Le problème est que, dans un régime démocratique, il est pratiquement impossible de contraindre les « défavorisés » à participer aux programmes qui leurs sont destinés, et plus impossible encore de les contraindre à changer leurs habitudes. La participation et le changement doivent être volontaires, c’est à dire motivés par l’espérance de quelque bien. Dans une démocratie libérale les programmes sociaux ne peuvent guère utiliser que la carotte, pas le bâton.

Cela implique que le taux de réussite sera très faible, particulièrement avec les plus « défavorisés », c’est-à-dire avec ceux qui sont depuis le plus longtemps dans la situation que l’on cherche à changer. Modifier des habitudes invétérées est très difficile et ne peut guère se faire sans recourir à la punition aussi bien qu’à la récompense. Mais la gamme des punitions dont disposent les agents de l’État-providence est très limitée, et d’autant plus limitée que ceux dont l'on veut modifier le comportement sont considérés comme des « victimes ».

En pratique, un programme social qui s’adresse au noyau dur des « défavorisés » — les chômeurs de longue durée, les délinquants récidivistes, les lignées de mères adolescentes, etc. — doit inclure des récompenses très substantielles pour espérer avoir un effet sur le public visé. Mais plus les récompenses sont substantielles, plus la situation en question devient désirable, et plus le nombre de ceux qui s’y trouvent grandira.

Au total, le programme social aura causé un préjudice net à la société, et sans doute aussi aux « défavorisés » dans leur ensemble.

La conséquence pratique de tout ce qui précède est assez claire et Charles Murray n’hésite pas à la tirer, sans bien entendu se faire d’illusions sur la possibilité que ses propositions soient un jour adoptées. Puisqu’il est impossible de défaire le nœud gordien de l’État-providence, la seule solution est de le trancher, c’est-à-dire de supprimer l’État-providence. Plus précisément, Charles Murray en vient à la conclusion qu’il serait préférable de supprimer toute forme d’aide gouvernementale pour les personnes valides en âge de travailler, à l’exception d’une assurance chômage aux prestations bien délimitées. Les personnes valides en âge de travailler se retrouveraient donc sans autre recours que le marché du travail, leur famille, leurs amis, et la charité publique organisée au niveau local, en général au niveau de la commune.

Cette charité publique locale est en effet largement exempte des inconvénients inhérents à la charité publique nationale et peut beaucoup plus facilement être modifiée dès lors qu’elle s’avère contre-productive.

Cette proposition de supprimer l’État-providence n’a pas pour objectif, il faut bien le souligner, d’équilibrer les comptes publics ou de punir ceux qui abuseraient de la charité publique. Elle est motivée par la reconnaissance du fait que l’État-providence fait plus de mal que de bien, précisément à ceux qu’il est censé aider.

Ce sont les « défavorisés » qui seraient les premiers à bénéficier du démantèlement de l’État-providence.

Pourtant, objectera-t-on, supprimer les programmes d’aide aboutira inévitablement à plonger certains dans la misère. Et immédiatement viennent à l’esprit les fantômes de Gavroche et de la petite marchande d’allumettes.

Il est effectivement possible que la suppression de l’État-providence ait pour conséquence que certains se retrouveront sans aucune ressource sans avoir démérité, même si rien n’indique que leur nombre serait élevé, et il est très légitime de se préoccuper du sort des enfants déshérités. Mais nous devons garder à l’esprit que les enfants n’ont pas besoin que de pain. Il est très important de donner à manger à ceux qui ont faim, mais il n’est pas moins important de faire en sorte que les enfants grandissent dans une société qui ne les encourage pas à rester pauvres et dépendants.

Supposons que nous sachions que demain nos enfants seront orphelins et que nous ayons le choix de la famille à laquelle nous allons les confier. Nous pouvons confier nos enfants à une famille très pauvre, si pauvre que nos enfants auront parfois faim et seront toujours mal vêtus. Mais nous savons que dans cette famille pauvre les parents ont toujours travaillé dur, qu’ils feront en sorte que nos enfants aillent à l’école, étudient, qu’ils restent dans le droit chemin, et qu’ils leur apprendront qu’être indépendant est la condition du respect de soi. Ou bien nous pouvons confier nos enfants à une famille dont les parents n’ont jamais sérieusement travaillé, qui seront incapables de superviser l’éducation de nos enfants, mais qui disposent en abondance de nourriture et de vêtements, fournis par autrui. Devant une telle alternative, notre choix ne serait pas douteux. Mais si pour nous-mêmes le choix est évident, quelle légitimité avons-nous pour bâtir un système qui, en pratique, fait un choix différent pour les enfants des autres ?

Nous pouvons évidemment toujours souhaiter ne pas avoir à faire un tel choix. Nous pouvons toujours souhaiter avoir un système de charité publique qui à la fois aide les plus démunis et les aide à s’aider eux-mêmes. Mais cela restera de l’ordre du souhait. Nous avons déjà essayé de bâtir un tel système de charité publique. Il a échoué, et il était inévitable qu’il échoue.

Nous devons faire face à cette réalité désagréable. Nous aimerions tant pouvoir aider tout le monde sans nuire à personne. Mais cela n’est pas possible.

Comme le dit fort justement Charles Murray en conclusion de son livre, le vrai débat au sujet de l’État-providence n’est pas entre les comptables qui voudraient réduire les déficits et les compatissants qui voudraient aider les pauvres. Si l’État-providence se réforme un jour, cela ne sera pas parce que les avares l’auront emporté, mais parce que les gens généreux auront cessé de se raconter des histoires.



Épilogue.

En 1962, Michael Harrington publiait The Other America. Avec ce livre, la notion de pauvreté structurelle faisait son entrée dans le débat public américain. Le livre fut un énorme succès, tout particulièrement auprès des décideurs politiques. Le président Kennedy, après avoir lu The Other America, lança les prémisses de ce qui, quelques années, plus tard allait devenir La Grande Société.

En 1996, le président Clinton signait, avec le soutien des élus républicains au Congrès, une loi qui réformait en profondeur une partie du Welfare State et notamment le système d’aide à destination des mères célibataires. Le succès fut spectaculaire. Pour la première fois depuis des décennies, un nombre considérable de gens quittèrent les registres de l’État-Province pour retrouver le monde du travail.

Pour la première fois depuis des décennies, le taux de pauvreté se mit à décliner pour les catégories de population touchée par la réforme. (voir par exemple ici).

Derrière cette réforme, Losing Ground, de Charles Murray. De la même manière que The Other America peut être considéré comme le point de départ intellectuel de La Grande Société, Losing Ground fut le point de départ intellectuel d’un vaste mouvement politique qui aboutit à la réforme de 1996.

Les réformes mises en œuvre en 1996 étaient bien loin d’être aussi radicales que celles que suggérait Charles Murray dans son ouvrage, mais elles étaient basées sur le diagnostic qu’il avait établi dix ans plus tôt. Leur succès a prouvé, autant qu’il est possible, à quel point ce diagnostic était juste.