mardi 11 novembre 2008

La CSQ défend le cours d'ECR et non ses syndiqués

La CSQ a diffusé un communiqué de presse pour défendre le cours d'éthique et de culture religieuse, mais elle n'a jamais défendu les droits perdus de ses syndiqués dans ce dossier.

Extraits du communiqué avec nos commentaires :
La CSQ est très défavorable au moratoire proposé par M. Dumont. Elle tient à rappeler que, avec la Commission Bouchard-Taylor, le Québec s'est donné un forum de discussion pour réfléchir à l'identité québécoise et a abordé la question de la place de la religion dans l'espace public.
Amusant. L'idée de MM. Bouchard-Taylor était déjà faite sur le cours d'éthique et de culture religieuse, ils l'ont défendu chaque fois qu'il était attaqué dans les réunions publiques. Cela n'avait d'ailleurs rien d'étonnant puisqu'une des marottes de M. Bouchard est précisément l'interculturalisme. Sujet sur lequel il a déjà écrit avant ladite commission. Dans ce sens, les dés étaient pipés et tous savaient que M. Charest se servait simplement de la commission pour se débarrasser d'un sujet épineux.

De nombreux universitaires ont d'ailleurs écrit sur le fait que ce cours et le rapport de MM. Bouchard-Taylor prônaient le multiculturalisme. Voici ce qu'écrivait, par exemple, Joëlle Quérin, doctorante en sociologie à l'UQAM : « Le Rapport [Bouchard-Taylor] suggère notamment de promouvoir le nouveau cours d'Éthique et culture religieuse qui est entré en vigueur en septembre 2008 et qui consiste en un véritable lavage de cerveau multiculturaliste auquel les enfants auront droit [sic] de leur entrée à l'école primaire jusqu'à leur sortie de l'école secondaire. Ce combat est sans doute le plus urgent à mener. »

M. Réjean Parent, président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), poursuit :
« Plutôt que de se faire le porte-voix d'une minorité de personnes au discours passéiste,
Passéiste la défense de la liberté de choix ou simplement la religion, M.  Parent ? Quel rapport avec la mission de votre syndicat, M. Parent ?
et de s'attarder au seul contenu d'un cours,
Très mal de s'attaquer au contenu d'un nouveau cours obligatoire !
l'ADQ devrait se presser de nous présenter ses engagements en éducation. Quelles sont ses propositions pour améliorer l'école québécoise, pour contrer le sous-financement de nos écoles, de nos cégeps et de nos universités pour enrayer le décrochage scolaire et pour améliorer le taux de diplomation ? , questionne le représentant syndical.
Comme si la lutte contre l'imposition d'un nouveau cours excluait des engagements pour améliorer l'instruction fournie par les écoles publiques (toujours sous-financées bien sûr, mais là on reconnaît le syndicaliste).

D'ailleurs, alors que sortait ce communiqué de la CSQ, M. Dumont déclarait : « La réforme Marois a saboté les chances de succès, a saboté ce qu'il y avait de plus précieux dans l'école : la culture de l'effort, la culture de la rigueur qui est indissociable à la préparation d'un enfant pour la vie ». Mario Dumont a dit, en outre, vouloir remettre le professeur au cœur du système scolaire et lui donner tous les moyens et toute l'autonomie nécessaires pour bien faire son travail. Afin de diminuer le nombre d'enfants dans les classes et de faciliter la tâche des enseignants, il suggère de sortir les élèves en difficulté des classes régulières et de les placer dans des groupes spéciaux, comme par le passé. Selon lui, l'intégration de ces enfants dans les classes régulières a été l'un des grands « mensonges » de la réforme Marois.

Mensonge souvent répété : « Un large consensus dans la société civile »
La CSQ rappelle que l'école québécoise laïque a fait l'objet d'un large consensus dans la société civile et a été appuyée par de nombreux intervenants, dont la Commission Bouchard-Taylor,
Ayant assisté à de nombreuses réunions de la commission Bouchard-Taylor, la chose n'est pas du tout évidente. Plusieurs journalistes se sont même dits surpris de la réapparition des catholiques québécois en faveur de leur cours de religion. En outre, il y a clairement confusion à plusieurs niveaux :
  1. structure laïque ou société laïque n'implique pas absence de cours de religion optionnel dans les écoles publiques (il suffit de voir la Belgique, l'Allemagne, l'Alsace où des cours de religion sont donnés dans des écoles laïques) ;
  2. les écoles privées confessionnelles ne sont pas devenues laïques, on ne voit donc pas en quoi le cours d'ECR comme aboutissement de la sécularisation de l'école québécoise devrait s'appliquer à elles. Et pourtant c'est le cas... Toujours plus d'impositions, moins de choix.
le Conseil supérieur de l'éducation, le Comité sur les affaires religieuses et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui le réclamaient depuis des années.
À nouveau, en quoi ces institutions sont-elles la représentation démocratique de la volonté des parents ? En quoi peuvent-elles s'exprimer pour imposer à tous un cours à contenu moral et religieux même si elles exprimaient (ce qui est loin d'être prouvé) la volonté de la majorité des parents ?
De plus, plusieurs sondages ont déjà indiqué une préférence des citoyennes, des citoyens et des parents pour un enseignement culturel des religions qui s'adresse à tous les élèves.
Nous ne connaissons qu'un seul sondage commandé par Le Devoir qui indique que 52 % des Québécois étaient pour le cours d'éthique et de culture religieuse à la mi-août avant d'avoir pu prendre connaissance du contenu de ce cours, mais après avoir été soumis au barrage de communications venant du ministère et des partisans de ce cours (souvent professeurs et parties prenantes).

Par contre, 72 % des parents québécois sont pour le libre choix en matière d'éducation morale et religieuse.

Pas un mot au sujet des syndiqués bâillonnés

Évidemment, M. Réjean Parent n'a pas daigné défendre ses syndiqués dont on a supprimé le droit d'objection de conscience depuis l'abrogation de l'article 20 de la Loi sur l'instruction publique.

Cet article se lit aujourd'hui comme suit :
20. (Abrogé) .

1988, c. 84, a. 20; 2005, c. 20, a. 1.
Il se lisait auparavant comme suit :
Liberté de conscience.
20. L'enseignant a le droit de refuser de dispenser l'enseignement moral et
religieux d'une confession pour motif de liberté de conscience.

Mesure disciplinaire.
Il ne peut se voir imposer un congédiement, une suspension ou toute autre mesure disciplinaire parce qu'il a exercé ce droit.
Propos peu amènes à la fin de la conférence de presse

On nous rapporte que M. Réjean Parent a eu maille à partir avec deux anciens enseignants qui lui reprochaient de ne pas défendre les droits de ses syndiqués qui ne peuvent plus invoqués l'article 20 afin de ne pas devoir enseigner un cours qu'ils réprouvent. M. Parent ne voyait pas de perte de droit dans cette abrogation (on se demande donc bien ce qui a pu être abrogé si ce n'est l'expression de la liberté de conscience). Il a rétorqué, lassé de ces critiques, que les professeurs qui s'opposaient à ce cours pouvaient prendre « un congé sans solde »... Voilà un grand syndicaliste !

Après le départ des caméras de la télévision, des partisans de la CLÉ à qui on avait interdit d'entrer dans la salle où se tenait la conférence de presse de M. Parent ont pu rentrer et lui poser quelques questions.

Il s'en est suivi des paroles peu courtoises de la part du syndicaliste qui, devant Mme Caroline Saint-Pierre de la Presse canadienne, a déclaré excédé que ses opposants « divaguaient », ne « dormaient pas la nuit »; il s'est alors déclaré « athée » et a déclaré tout de go « que c'est un cours qui ne menace pas la foi... » Nous ne sommes pas sûrs que, en tant qu'athée, il soit le mieux placé pour parler de la foi des enfants des autres ou de ses syndiqués.

À une dame de Drummondville qui argumentait avec M. Parent celui-ci a répondu dans un français peu rigoureux mais très messianique : « Nous on sort de l'obscurantisme et l'ignorance, plus on sort de l'obscurantisme plus on a du bon sens. »

À nouveau pas un mot de la part de ce syndicaliste engagé pour défendre ses syndiqués qui ne partageraient pas ses opinions bien tranchées et qui ne voudraient pas enseigner le programme d'éthique et de culture religieuse. Il faudra que ces syndiqués se battent seuls contre la machine administrative qui, inlassable, répète avec un flegme hautain que le programme ECR n'a pas de visée confessionnelle et donc qu'il ne peut avoir de problème de conscience. Voilà l'affaire est réglée. Et que, si ce cours devait posait un problème de conscience malgré tout auprès d'« obscurantistes », le pauvre enseignant abandonné par son syndicat n'a qu'à se pourvoir tout seul en justice !

Le cours d'ECR tassé au bas de la grille

Le Soleil de Québec rapporte que dans certaines écoles le cours d'ECR est relayé au bas de la grille-matière et les enseignants se sentent laissés à eux-mêmes.

La journaliste du Soleil s'est rendue au premier congrès de l'Association québécoise en éthique et culture religieuse qui se terminait aujourd'hui à Levis. Au niveau méthodologique, on peut se demander s'il s'agit là du meilleur lieu pour prendre le pouls véritable de l'implantation du cours d'éthique et de culture religieuse (ECR). En effet, cette association regroupe des professeurs dont le gagne-pain, en quelque sorte, est ce nouveau cours. Il y a fort à parier que les enseignants du primaire que nous avons rencontrés personnellement et qui s'opposent à ce cours qu'ils doivent donner n'y sont pas représentés. Il en va de même des professeurs d'écoles confessionnelles opposées à ce cours et qui discrètement ne le donnent pas, contrairement à ce que prétend l'article qui affirme que le cours « est enseigné dans toutes les écoles du Québec depuis septembre », ce qui est déjà faux très officiellement dans le cas de l'école Loyola.

L'article est cependant instructif.

Soutien nul dans certaines commissions scolaires
Suzanne Bérubé, qui enseigne à la polyvalente des Baies à Baie-Comeau, n'a eu que quatre petites heures de formation et doit préparer tout elle-même. «Il faut tout faire par nous-mêmes. Le découpage de la matière, le matériel, concevoir les activités, l'évaluation... C'est très demandant», dit-elle.

Deux fois moins d'heures que prévu au programme
Dans la région de Québec, c'est à la commission scolaire des Découvreurs que les critiques sont les plus vives. Certaines écoles, comme le pavillon Laure-Gaudreault de l'École des Pionniers à Saint-Augustin, ne donnent qu'une période par cycle en première et deuxième secondaire, alors que le ministère recommande plutôt deux périodes.

Profs nouvellement formés en ECR sans boulot
Certaines directions d'école choisissent aussi d'offrir le cours à des enseignants de maths, de français ou d'histoire pour compléter leur tâche plutôt que d'embaucher des spécialistes, ce que déplorent plusieurs enseignants. Résultat : de jeunes profs nouvellement formés pour enseigner cette matière se retrouvent, paradoxalement, sans boulot.
Quand on se rappelle le zèle missionnaire qui anime certains de ces nouveaux professeurs, il s'agit sans doute d'une bonne nouvelle.

Cours relégué au dernier plan, cours qui disparaîtra
Beaucoup se sont dis [sic] déçus que le cours ne soit pas pris au sérieux et souvent relégué au dernier plan, comme c'était le cas pour les cours de religion catholique ou de morale. «C'est vu comme du remplissage de grille-matière, comme un cours qui va finir par disparaître de toute façon, déplore Richard Martineau, enseignant à l'École secondaire de Rochebelle. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour faire comprendre l'importance de ce cours. C'est une matière importante pour vivre en société. »
Comme si, sans ce cours, les Québecois ne vivaient déjà pas en bonne intelligence, comme si ce cours relativiste (ou pluraliste normatif c'est selon) allait vraiment améliorer les choses !

Rappelons ici ce que M. Antoine Malek, président de l'Association de la communauté copte orthodoxe du Grand Montréal disait de ce cours dans une lettre adressée à la ministre de l'Éducation, reproduite dans l'édition du printemps 2008 de Famille-Québec :
« Madame la ministre, nous trouvons honteux [nous soulignons] que vous teniez ces propos qui peuvent laisser sous-entendre que les Québécois ne sont pas vraiment capables de bien vivre ensemble. Nous trouvons honteux [idem] que l'ensemble de votre argumentation puisse culpabiliser les Québécois. Non, madame la ministre, les Québécois méritent d'être félicités pour leur civisme, leur accueil chaleureux et leur savoir vivre ensemble. »
M. Gary Caldwell, dans le nº 20 de la revue Égards, reprend ce thème :
« En proclamant le besoin de « créer » un « vivre ensemble », on se trouve, par le fait même à escamoter et déprécier celui qui existe déjà. En fait, la société québécoise jouit d’un degré de civilité hors de l’ordinaire et d’un esprit d’égalité exceptionnel. […] Présumer qu’il faille rendre les jeunes Québécois plus tolérants et plus capables de « vivre ensemble » que la société civile ne le fait déjà constitue une attitude de mépris envers le « vivre ensemble » et « la culture publique commune » qui existent présentement. »

Mario Dumont s'attaque au cours d'Éthique et de culture religieuse

Mario Dumont, lors de la plus importante réunion de la campagne électorale, a exigé dimanche 9 novembre un moratoire sur le cours d'éthique et de culture religieuse au primaire, affirmant que cette formation était une négation du vécu et de l'histoire du Québec.

Devant une foule nombreuse réunie dans une école secondaire de Granby, le chef de l'ADQ a affirmé que cette formation devrait être remplacée par un cours de français, jusqu'au moment où le gouvernement aura « trouvé un cours plus ancré dans la réalité identitaire québécoise ». M. Dumont n'a toutefois pas voulu extrapoler sur le genre de formation que l'ADQ aimerait offrir en remplacement, mais a mis une croix sur le retour de la religion dans les écoles.



Malgré l'enthousiasme d'aucuns, nous ne sommes pas particulièrement emballés par cette nouvelle et cela pour plusieurs raisons :
  1. Mario Dumont n'a pas évolué dans sa pensée : il ne demande toujours qu'un moratoire au primaire, position qu'il avait déjà affirmée il y a quelques mois ;
  2. L'ADQ ne parle pas de supprimer le cours d'ECR au secondaire, c'est pourtant contre celui-là que le collège Loyola s'oppose vigoureusement ;
  3. M. Dumont ne parle aucunement d'offrir un choix, mais plutôt d'imposer un autre cours d'ailleurs très vague, or nous sommes sur ce carnet pour un supplément de liberté en éducation et contre un autre cours obligatoire imposé par le Monopole de l'Éducation ;
  4. Les gens de la Coalition pour la liberté en éducation ont rempli la salle de M. Dumont pour en faire son plus grand succès de foule, mais il n'a pas soutenu le manifeste de cette coalition ;
  5. Les attaques de M. Dumont contre ce cours sont demeurées assez sommaires se résumant à une attaque contre le multiculturalisme (il serait plus exact de parler d'interculturalisme ici) et n'ont pas vraiment su prendre l'élan nécessaire pour prôner la liberté et l'autonomie en éducation comme gage d'un véritable respect des opinions et valeurs des parents, respect dans les faits et et non dans les seuls intitulés de cours obligatoires comme l'ECR. Il aurait donc fallu prôner une plus grande autonomie et liberté bases d'une éducation de meilleure qualité, plus adaptée aux enfants et aux parents par la diversité et la souplesse ainsi offertes ;
  6. Les exemples données par M. Dumont : la défense de l'arbre de Noël et du mot Pâques seront facilement tournés en dérision, ce qui sera dommageable pour ceux qui essaient d'attaquer le cours d'ECR de manière plus approfondie ;
  7. M. Dumont ne semble pas comprendre, quand il refuse le retour des cours de religion, que les structures de l'école publique peuvent être laïques et pourtant offrir des cours de religion (comme cela se fait depuis des décennies en Belgique, en Allemagne et de nombreux autres pays européens) ;
  8. On peut craindre que la CLÉ sorte perdante de son association avec un parti en perte de vitesse qui n'épouse même pas son manifeste.
On pourra sans doute, toutefois, se consoler du fait que — grâce à M. Dumont — on reparle de l'imposition de cours contre la volonté des parents québécois. Car, rappelons-le, 72 % des parents québécois sont pour le libre choix en matière d'éducation morale et religieuse.