vendredi 10 septembre 2021

Commission scolaire English-Montréal : Le Québec n’est pas une nation

La CSEM presse Trudeau d'invalider le Projet de loi 96, qui enchâssera la nation québécoise et la nation québécoise et l'importance du français dans la constitution
 
En pleine campagne électorale, la Commission scolaire English-Montréal souhaite que la Cour suprême se prononce sur la légalité de la réforme de la langue française du gouvernement Legault. Elle nie par ailleurs le fait que le Québec soit une nation. 
 
L’organisme demande au fédéral de renvoyer le projet de loi 96 « à la Cour suprême du Canada ». 
 
Dans un document, la CSEM explique pourquoi elle fait cette requête. « Voici la question que nous devons poser encore et encore : pourquoi la protection de la langue française nécessite-t-elle de suspendre de façon générale les droits de la personne ? » soutient la commission scolaire, qui fait le procès du projet de loi piloté par le ministre Simon Jolin-Barrette. 
 
La pièce législative donne de « vastes mesures de perquisition et de saisie, des restrictions sur ceux et celles qui auront le droit de recevoir des services gouvernementaux dans la langue de leur choix, un plafond sur l’inscription aux cégeps anglophones, et une définition plus étroite des personnes se qualifiant comme membre de la communauté anglophone du Québec », déplore-t-on. 
 
Mais ce qui semble particulièrement irriter les élus scolaires de la CSEM, c’est la modification à la Constitution proposée par le gouvernement Legault. Elle lui reproche de « réécrire unilatéralement la constitution pour reconnaître le Québec comme une nation où la seule langue est le français ». 
 
La CSEM s’appuie sur un professeur de McGill à la retraite, Jon G. Bradley, pour affirmer que le Québec « n’est pas une nation et ne l’a jamais été ». « Ce n’est pas parce qu’on se prête une identité qu’elle devient nôtre, et l’intelligentsia québécoise utilise délibérément le mot “nation” de manière à évoquer une réalité qui n’existe que dans son propre mirage. 
 
Le seul mot précis à utiliser pour définir la réalité du Québec est “province” », écrit la CSEM. « Nous devons insister pour que le Québec soit toujours désigné comme une “province” », peut-on lire dans le document. 
 
Mettre de la pression
 
Pour le constitutionnaliste Patrick Taillon, qui a proposé au gouvernement de modifier unilatéralement la Constitution, la CSEM cherche à « mettre de la pression ».
 
« Ils ne peuvent pas contester eux-mêmes le projet de loi tant qu’il n’est pas adopté, alors ils demandent au gouvernement fédéral d’intervenir », explique-t-il
 
Il s’agit d’une manœuvre rarement utilisée, mais qui marque l’imaginaire. Pensons au renvoi relatif à la sécession du Québec en 1998, note Patrick Taillon, qui est également professeur à l’Université Laval. 
 

Douglas Murray : « nos politiques doivent penser aux conséquences à terme de l’immigration »

Douglas Murray
L’auteur de « L’Étrange Suicide de l’Europe », vaste enquête sur les vagues migratoires successives qui ont touché les pays d’Europe occidentale, alerte sur les conséquences du retrait des Américains d’Afghanistan. Une crise migratoire comparable à celle de 2015 est, selon lui, possible. Quoi qu’il arrive, les migrants continueront certainement à vouloir venir en Europe, assure le journaliste et essayiste britannique.

Après la crise migratoire de 2015, votre livre L’É­trange Suicide de l’Europe mettait en garde contre les conséquences des vagues migratoires successives. Le retour des talibans à Kaboul pourrait-il avoir les mêmes conséquences que la crise syrienne de 2015 ?

— Bien sûr. Il est probable que nous assisterons à un premier mouvement de véritables réfugiés, puis à un mouvement d’autres personnes se prétendant afghanes, puis enfin à un mouvement d’un autre groupe de migrants derrière elles, de toutes origines et sans doute assez nombreuses. L’Europe doit renforcer ses législations et son bras armé pour faire avec soin les distinctions qui s’imposent, chose que nous n’avons pas faite en 2015. Nous verrons dans les prochains mois si nos responsables politiques ont tiré des leçons du passé.

Y a-t-il un risque terroriste ? Plus largement, y a-t-il selon vous un lien entre insécurité et immigration ?

— Le risque de terrorisme est présent, évidemment. Notamment à cause des centaines de milliers d’armes laissées par les forces américaines lors de leur retraite ignominieuse et précipitée du pays. Il y aura certainement une insécurité supplémentaire due à une minorité parmi le grand nombre qui souhaitera à nouveau venir en Europe. Mais la menace beaucoup plus grande à mon avis n’est pas celle de la sécurité immédiate, mais celle de la sécurité de nos sociétés à long terme. Ceux qui s’opposent aux mouvements massifs de personnes vers l’Europe se concentrent souvent sur le point du terrorisme, car c’est à bien des égards l’argument le plus facile à faire valoir. Tout le monde s’oppose au terrorisme. Mais la question plus large, non violente et plus pertinente, est celle du long terme. Le sujet qui semble plus difficile à affronter pour les décideurs politiques européens, c’est celui sur lequel j’ai passé des années à essayer de les alerter : comprendre que les migrants continueront certainement à vouloir venir en Europe au cours des prochaines décennies. Il est malheureusement très peu probable que le niveau de vie et les libertés sociales de l’Afrique subsaharienne ou du Moyen-Orient rattrapent les nôtres dans les prochaines années. Mon opinion est que l’Europe ne peut pas être le point de rassemblement de tous les réfugiés et demandeurs d’asile du monde. Nous le sommes devenus en partie par accident géographique et en raison de notre réussite économique et sociétale. Mais aussi et surtout parce que nos dirigeants politiques ne réfléchissent pas assez clairement aux conséquences à long terme des migrations de masse. Ils repoussent toujours ce sujet. Ils s’en débarrassent systématiquement, même lorsqu’ils en parlent très fort sur le moment.

Qu’est-ce qui a changé depuis ? Les dirigeants européens ont-ils évolué ?

— Peut-être. De toute évidence, un certain nombre de personnalités européennes comme Matteo Salvini tiennent une ligne forte. Le gouvernement autrichien n’a pas hésité à dire qu’il empêcherait toute répétition de 2015 à ses frontières. Plus significatif, ou plus surprenant, sont les discours de Berlin et de Bruxelles en ce moment. Ce qui est ressorti de la récente réunion des ministres européens peut procurer un petit optimisme, qui sera sans doute déçu en temps voulu. Mais cela suggère qu’ils sont au moins conscients que nous ne pourrons pas tolérer de nouveau ce qui s’est passé en 2015. Très souvent, les politiciens n’admettent pas leurs erreurs, mais on comprend qu’ils savent qu’ils en ont fait une quand la deuxième fois ils ne refont pas la même bêtise. Nous verrons bien.

Comment honorer notre tradition d’asile sans créer un appel d’air ?

— Je suis tout à fait favorable à la possibilité de donner asile aux personnes qui ont aidé et soutenu nos efforts en Afghanistan. Il est vital pour notre réputation, en dehors de tout autre chose, que nous ne soyons pas seulement loyaux envers nos amis, mais que nous soyons perçus comme étant loyaux envers nos amis. Au-delà de cela, il y a une vérité que nous ne voulons pas admettre qui est que notre politique d’asile est, en elle-même, une fiction polie. Elle repose sur le mythe que, face à la loi européenne, tous les demandeurs n’obtiendront pas satisfaction. Les voyages modernes ont érodé cette fiction, mais notre politique ne s’est pas adaptée à la réalité. Par exemple, nous pourrions vouloir donner l’asile à chaque femme qui se verra désormais interdire l’accès à l’éducation en Afghanistan. Mais pouvons-nous le faire ? Bien sûr que non. Pourtant, nous le prétendons, et ce que je déteste le plus dans cette prétention, c’est que nous pourrions en fait résoudre beaucoup plus de problèmes si nous la laissions de côté. Je n’aime pas non plus le fait qu’on ait dévoyé le droit d’asile en filière d’immigration qui consiste essentiellement à donner un sanctuaire à quiconque parvient à rejoindre l’Europe.

Le premier ministre britannique a annoncé un droit de séjour illimité pour les Afghans évacués depuis le 13 août et ayant travaillé pour le Royaume-Uni. Peut-il combiner cet accueil avec une politique d’immigration ferme ?

— Certainement pas. La Grande-Bretagne a déjà pris un engagement massif envers le peuple de Hongkong. Ce qui pourrait amener des centaines de milliers de résidents de Hongkong à déménager au Royaume-Uni. Je ne pense pas que nous puissions continuer à faire cela. Si noble que soit le but. Nous sommes tous, dans le monde moderne, coincés dans la pensée désastreuse que je décris dans mon livre, et nous avons besoin d’une nouvelle génération de penseurs et de politiciens pour nous sortir de la situation dans laquelle nous nous sommes retrouvés. Le gouvernement britannique aura de sérieux problèmes avec son électorat s’il continue dans cette voie. Boris Johnson en particulier est en réalité très favorable à la migration de masse, mais il fait parfois des effets de manches anti-immigration quand il pense que cela l’aidera. Pourtant, il semble inquiet d’être perçu comme anti-immigration de masse. Et si vous êtes arrivé au pouvoir en promouvant une politique et que vous en menez une autre, vous ne pouvez guère vous attendre à la loyauté de vos électeurs. Mais c’est la tragédie constante du Parti conservateur. Il exige la loyauté des électeurs envers lesquels il ne montre aucune loyauté ou affection particulière en retour.

Le Brexit a-t-il permis à la Grande-Bretagne de reprendre le contrôle de ses frontières ?

— Dans une large mesure, oui. Nous pouvons maintenant faire nos propres erreurs. La plus grosse est de ne pas avoir un meilleur arrangement avec la France sur la route de la Manche. Cela n’a aucun sens que le Royaume-Uni paie les Français pour surveiller leurs propres plages. Mais nous savons tous que des deux côtés, ce sujet est un objet de mise en scène politique.

Au-delà de la question des réfugiés afghans et d’une éventuelle vague migratoire, l’Europe doit-elle revoir sa politique d’immigration légale ?

— Nous devons d’urgence reconnaître que nous ne pouvons pas être le seul endroit sur terre qui accueille tous ceux qui veulent une vie meilleure. Ce qui n’empêche pas de continuer à être ce que nous sommes. Ces dernières années, le mouvement migratoire a été trop rapide, trop intense et de nature trop éloignée de ce que nous sommes. Nous le savons tous, et nous savons que ce flux massif ne peut pas continuer. Mais on y pense mal,sans stratégie de long terme.

Une enquête de France Stratégie révélait récemment que la proportion d’enfants immigrés ou d’enfants d’immigrés d’origine non européenne a fortement augmenté au cours des trois dernières décennies dans plusieurs grandes villes de France, au point d’être parfois majoritaire. Sommes-nous à l’heure des bouleversements démographiques ? Quelles sont les conséquences ?

— C’est un changement massif - peut-être le plus important - de notre vie. Et pourtant, quiconque l’identifie, le dénonce ou même simplement le regrette, est qualifié de théoricien du complot ou de fanatique. Donc on n’avance pas. Parce que nous ne sommes pas autorisés à agir en quoi que ce soit sur des faits que, pourtant, tout le monde connaît, voire expérimente. La liste des responsables politiques français qui ont été ostracisés en la matière est aussi longue que celle que du Royaume-Uni.

Qu’est-ce qui est en jeu ?

—  Je crains que toute notre culture, je dis bien absolument TOUT, soit en jeu. J’aimerais que nous restions semblables à ce que nous étions et que nous puissions continuer à développer ce qui nous a rendus grands, ce qui donne envie au monde de venir ici. Mais je crains qu’il ne soit trop tard. Nos politiciens font de l’Europe un carrefour de rassemblement pour le monde entier. Une sorte de vaste ONU, où la Chine resterait pour les Chinois, l’Inde pour les Indiens, mais où l’Europe, elle, serait ouverte à tous. Il y a des avantages à un tel mélange s’il demeure limité dans le temps et de faible ampleur. Mais à long terme et dans de telles proportions, je pense que c’est une erreur, une très grande erreur. Tout est en jeu, pourtant on prétend à la fois que ça n’a pas d’importance et que c’est trop gros pour changer. Nous ne leurrons que nous-mêmes. ■

Source : Le Figaro Magazine