Cinq ans après le printemps érable de 2012, une association étudiante de Montréal a été condamnée à verser plusieurs milliers de dollars à un cégépien pour l’avoir empêché de suivre ses cours pendant cette période tumultueuse.
Antoine Michaudville, ex-élève à la technique en assainissement des eaux, a obtenu un dédommagement de 6500 $ pour compenser le « retard dans son cheminement professionnel » causé par le débrayage de plusieurs mois au cégep de Saint-Laurent.
C’est l’association étudiante qui a été jugée responsable et qui a dû éponger la facture.
L’association « a appelé ses membres à rejoindre le mouvement et à manifester. Elle ne pouvait exercer son droit à la liberté d’expression au détriment du droit de Michaudville de recevoir les cours auxquels il était inscrit », a écrit la juge Magali Lewis, de la Cour du Québec, dans une décision des petites créances rendue l’automne dernier, mais qui vient de faire surface. « En agissant comme elle l’a fait, elle a engagé sa responsabilité et doit assumer les dommages ainsi occasionnés. »
M. Michaudville a fait la preuve que la grève a retardé de cinq mois l’obtention de son statut de technicien au sein de l’usine de traitement des eaux qui l’a embauché : de mai à octobre 2012, il était « payé au taux horaire de 16,60 $ comme étudiant, plutôt que 25,54 $ s’il avait travaillé comme opérateur ». C’est cette perte que l’association étudiante a dû rembourser, en plus de 1000 $ pour « troubles et inconvénients ».
Une injonction
M. Michaudville avait obtenu une injonction en avril 2012 afin de forcer le cégep à lui donner ses cours. Après une courte trêve, des membres de l’Association étudiante du cégep de Saint-Laurent (AECSL) ont toutefois continué à empêcher leur tenue, en bloquant les portes de l’établissement et en perturbant les séances.
Mais même sans injonction, les militants de l’AECSL commettaient une faute qui ouvrait la porte à des poursuites lorsqu’ils bloquaient les portes du cégep, a déterminé la juge Lewis.
« L’Association n’avait pas le pouvoir de déclencher une grève, non plus que celui d’obliger ses membres à respecter un “vote de grève”, ni de manifester en utilisant des mesures d’intimidation et en empêchant les étudiants désireux de suivre leurs cours de le faire dans un climat propice. »
La loi « ne contient aucune disposition permettant à une association étudiante de forcer un étudiant à boycotter ses cours contre son gré », a ajouté la juge.
Délai écoulé
Il n’a pas été possible de savoir si l’AECSL avait effectivement remis les 6500 $ à M. Michaudville. La personne qui a répondu au téléphone dans les locaux de l’association étudiante a indiqué qu’une réunion devrait être tenue avant afin que l’organisation puisse décider si elle souhaite discuter avec La Presse. Un procès-verbal d’une assemblée générale de l’automne dernier indique toutefois que la dépense a été approuvée.
Antoine Michaudville n’a pas voulu commenter le jugement.
En entrevue avec La Presse, l’avocat qui le représentait pour sa demande d’injonction en 2012 a toutefois mis en garde les étudiants qui voudraient lancer des poursuites contre leur association cinq ans plus tard.
« Ce serait très difficile actuellement, vu que le délai de prescription applicable est de trois ans et que les événements se sont déroulés en 2012 », a expliqué Me Damien Pellerin, qui ne s’exprimait pas au nom de M. Michaudville. « Il faudrait que les poursuites soient déjà lancées. »
D’AUTRES VICTOIRES JUDICIAIRES DES « CARRÉS VERTS »
Scolarité remboursée
En 2013, l’étudiant en histoire Marc-Antoine Dumas, de l’Université Laval, a réussi à convaincre un juge des petites créances d’obliger son association étudiante à lui rembourser ses droits de scolarité pour sa session perdue au printemps 2012. « Il reproche essentiellement à l’Association d’avoir organisé et coordonné des lignes étanches de piquetage, de telle sorte que les salles de cours étaient inaccessibles, donc d’avoir posé des gestes illégaux, brimant ainsi son droit à assister aux cours », a relaté le juge Daniel Bourgeois. Or, la loi « ne contient aucune disposition permettant à une association étudiante de forcer un étudiant à boycotter ses cours contre son gré ». Résultat : un dédommagement de 1300 $.
Injonctions à profusion
Après quelques semaines de débrayage, en 2012, les injonctions forçant les établissements à reprendre leurs cours se sont mises à pleuvoir au Québec. Parmi les premières : celle visant le Collège d’Alma, à la fin du mois de mars. Les associations étudiantes et au moins un syndicat de professeurs avaient rapidement dénoncé la « judiciarisation » du conflit. « Nous entendons reprendre les cours. On va se conformer à l’ordonnance, évidemment », avait expliqué à l’époque Bernard Côté, directeur général. Les activités normales n’avaient toutefois pas pu reprendre au lendemain de la décision, le piquetage se poursuivant malgré l’injonction interlocutoire de la Cour.
Nadeau-Dubois coupable, avant d’être innocenté
« Je crois qu’il est tout à fait légitime pour les étudiants de prendre les moyens de respecter le choix démocratique qui a été fait d’aller en [sic, de faire] grève. » C’est cette phrase qui a valu à Gabriel Nadeau-Dubois de se rendre jusqu’en Cour suprême afin que la justice détermine s’il avait commis un outrage au tribunal en la prononçant, en mai 2012, sur les ondes de RDI. Le 1er novembre 2012, ses opposants ont gagné une manche importante : le leader étudiant a « prôné l’anarchie » et « encouragé à la désobéissance civile » avec ses propos, avait tranché le juge Denis Jacques en le condamnant. La Cour d’appel l’a finalement blanchi, une décision confirmée par le plus haut tribunal du pays l’automne dernier.
Source : La Presse
Antoine Michaudville, ex-élève à la technique en assainissement des eaux, a obtenu un dédommagement de 6500 $ pour compenser le « retard dans son cheminement professionnel » causé par le débrayage de plusieurs mois au cégep de Saint-Laurent.
C’est l’association étudiante qui a été jugée responsable et qui a dû éponger la facture.
L’association « a appelé ses membres à rejoindre le mouvement et à manifester. Elle ne pouvait exercer son droit à la liberté d’expression au détriment du droit de Michaudville de recevoir les cours auxquels il était inscrit », a écrit la juge Magali Lewis, de la Cour du Québec, dans une décision des petites créances rendue l’automne dernier, mais qui vient de faire surface. « En agissant comme elle l’a fait, elle a engagé sa responsabilité et doit assumer les dommages ainsi occasionnés. »
M. Michaudville a fait la preuve que la grève a retardé de cinq mois l’obtention de son statut de technicien au sein de l’usine de traitement des eaux qui l’a embauché : de mai à octobre 2012, il était « payé au taux horaire de 16,60 $ comme étudiant, plutôt que 25,54 $ s’il avait travaillé comme opérateur ». C’est cette perte que l’association étudiante a dû rembourser, en plus de 1000 $ pour « troubles et inconvénients ».
Une injonction
M. Michaudville avait obtenu une injonction en avril 2012 afin de forcer le cégep à lui donner ses cours. Après une courte trêve, des membres de l’Association étudiante du cégep de Saint-Laurent (AECSL) ont toutefois continué à empêcher leur tenue, en bloquant les portes de l’établissement et en perturbant les séances.
Mais même sans injonction, les militants de l’AECSL commettaient une faute qui ouvrait la porte à des poursuites lorsqu’ils bloquaient les portes du cégep, a déterminé la juge Lewis.
« L’Association n’avait pas le pouvoir de déclencher une grève, non plus que celui d’obliger ses membres à respecter un “vote de grève”, ni de manifester en utilisant des mesures d’intimidation et en empêchant les étudiants désireux de suivre leurs cours de le faire dans un climat propice. »
La loi « ne contient aucune disposition permettant à une association étudiante de forcer un étudiant à boycotter ses cours contre son gré », a ajouté la juge.
Délai écoulé
Il n’a pas été possible de savoir si l’AECSL avait effectivement remis les 6500 $ à M. Michaudville. La personne qui a répondu au téléphone dans les locaux de l’association étudiante a indiqué qu’une réunion devrait être tenue avant afin que l’organisation puisse décider si elle souhaite discuter avec La Presse. Un procès-verbal d’une assemblée générale de l’automne dernier indique toutefois que la dépense a été approuvée.
Antoine Michaudville n’a pas voulu commenter le jugement.
En entrevue avec La Presse, l’avocat qui le représentait pour sa demande d’injonction en 2012 a toutefois mis en garde les étudiants qui voudraient lancer des poursuites contre leur association cinq ans plus tard.
« Ce serait très difficile actuellement, vu que le délai de prescription applicable est de trois ans et que les événements se sont déroulés en 2012 », a expliqué Me Damien Pellerin, qui ne s’exprimait pas au nom de M. Michaudville. « Il faudrait que les poursuites soient déjà lancées. »
D’AUTRES VICTOIRES JUDICIAIRES DES « CARRÉS VERTS »
Scolarité remboursée
En 2013, l’étudiant en histoire Marc-Antoine Dumas, de l’Université Laval, a réussi à convaincre un juge des petites créances d’obliger son association étudiante à lui rembourser ses droits de scolarité pour sa session perdue au printemps 2012. « Il reproche essentiellement à l’Association d’avoir organisé et coordonné des lignes étanches de piquetage, de telle sorte que les salles de cours étaient inaccessibles, donc d’avoir posé des gestes illégaux, brimant ainsi son droit à assister aux cours », a relaté le juge Daniel Bourgeois. Or, la loi « ne contient aucune disposition permettant à une association étudiante de forcer un étudiant à boycotter ses cours contre son gré ». Résultat : un dédommagement de 1300 $.
Injonctions à profusion
Après quelques semaines de débrayage, en 2012, les injonctions forçant les établissements à reprendre leurs cours se sont mises à pleuvoir au Québec. Parmi les premières : celle visant le Collège d’Alma, à la fin du mois de mars. Les associations étudiantes et au moins un syndicat de professeurs avaient rapidement dénoncé la « judiciarisation » du conflit. « Nous entendons reprendre les cours. On va se conformer à l’ordonnance, évidemment », avait expliqué à l’époque Bernard Côté, directeur général. Les activités normales n’avaient toutefois pas pu reprendre au lendemain de la décision, le piquetage se poursuivant malgré l’injonction interlocutoire de la Cour.
Nadeau-Dubois coupable, avant d’être innocenté
« Je crois qu’il est tout à fait légitime pour les étudiants de prendre les moyens de respecter le choix démocratique qui a été fait d’aller en [sic, de faire] grève. » C’est cette phrase qui a valu à Gabriel Nadeau-Dubois de se rendre jusqu’en Cour suprême afin que la justice détermine s’il avait commis un outrage au tribunal en la prononçant, en mai 2012, sur les ondes de RDI. Le 1er novembre 2012, ses opposants ont gagné une manche importante : le leader étudiant a « prôné l’anarchie » et « encouragé à la désobéissance civile » avec ses propos, avait tranché le juge Denis Jacques en le condamnant. La Cour d’appel l’a finalement blanchi, une décision confirmée par le plus haut tribunal du pays l’automne dernier.
Source : La Presse