lundi 13 octobre 2014

L’école privée : un symbole

Mathieu Bock-Côté revient sur la rumeur entretenue selon laquelle le gouvernement actuel du Québec voudrait punir les parents qui envoient leurs enfants à l’école dite privée (en réalité, elle est corsetée par l’État) :

« Le gouvernement Couillard a laissé entendre qu’il sabrerait le financement de l’école privée.

On sait pourtant qu’il n’épargnera pas un sou grâce à ces coupes. Les élèves des classes moyennes passeront au public et l’État assumera la totalité du coup de leur formation, alors qu’au privé, les parents en assument une part significative. Mais il semblerait que l’école privée soit devenue un privilège de riche et qu’il faille conséquemment en finir avec elle. Il s’agit d’une cible facile. Une question est pourtant laissée dans l’ombre : pourquoi tant de parents de la classe moyenne se tournent-ils vers le privé pour leurs enfants ? Que croient-ils y trouver qu’ils n’imaginent pas trouver à l’école publique ? Pourquoi fuient-ils cette dernière à grands frais ? Disons-le autrement : de quoi la croissance toujours plus marquée de l’école privée est-elle devenue le symptôme social et culturel ?

Épuisement

D’abord, ils y cherchent probablement un environnement discipliné, favorable à l’éducation, à l’apprentissage. L’enseignement est devenu un métier extrême qui pousse à l’épuisement professionnel. Il est de plus en plus difficile de transmettre la matière. Car au nom de l’inclusion à tout prix, on a ouvert les classes normales aux élèves les plus turbulents, au comportement exécrable. Les enseignants sont condamnés à la discipline permanente. L’école rend fou. Ils y cherchent peut-être aussi une conception plus classique de la pédagogie, avec un professeur et des élèves, et non pas un animateur de camp de vacances et des apprenants. On y transmettrait des connaissances, et pas seulement les pseudo-compétences valorisées par les faux savants du ministère de l’Éducation. Le paradoxe, c’est que l’école privée est aussi soumise à la tyrannie des compétences et qu’elle s’y plie souvent allégrement. Mais les apparences la servent.

Appartenance

Enfin, les parents espèrent certainement trouver au privé une école qui soit aussi une communauté, et pas seulement une entité bureaucratique anonyme, souvent délabrée, quelquefois insalubre. Ils souhaitent qu’une école ait sa personnalité, qu’elle engendre un sentiment d’appartenance. Ils ne se désolent pas de voir leurs gamins en uniforme. Cela les détache, s’imaginent-ils, pour quelques heures, de la frénésie consommatrice des marques. Autrement dit, l’école privée en est venue à symboliser les manques de l’école publique. Presque de manière fantasmée. Pour les parents, elle représente positivement un grand sacrifice budgétaire pour l’avenir de leurs enfants. L’envers de cela est moins beau. Elle entretient le réflexe de consommation capitaliste des parents. Ils paient de leur poche donc ils croient avoir une plus grande emprise sur l’éducation de leurs enfants. Le privé force même l’école publique à s’améliorer pour conserver ses élèves, en multipliant les écoles à vocation particulière. Il faut évidemment souhaiter la renaissance de l’école publique. Elle demeure le fondement du système scolaire. D’ailleurs, mieux l’école publique sera, et moins l’école privée attirera. Mais pour l’instant, l’école publique a l’allure d’un navire qui prend l’eau. Couper le financement de l’école privée reviendrait à entraver l’accès aux canots de sauvetage. »




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