mercredi 17 juin 2009

Le cercle carré

Article intéressant de Joseph Facal qui montre bien le dilemme devant lequel le Monopole de l'Éducation s'est placé. (Tiré de son carnet)

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Le cercle carré

17 juin 2009 par Joseph Facal

Croyez-moi, nous ne sommes pas à la veille d’en avoir fini avec la religion au Québec.

Plusieurs écoles privées juives orthodoxes vivent depuis longtemps dans l’illégalité. Par exemple, elles ne donnent pas le nombre minimal d’heures d’enseignement des matières de base exigé par la loi, parce que beaucoup d’heures sont consacrées à l’étude des textes sacrés du judaïsme. Le gouvernement, qui les subventionne, cherche une solution, paraît-il.

Un nouveau problème vient d’apparaître. Depuis septembre 2008, TOUTES les écoles au Québec doivent obligatoirement enseigner le nouveau cours Éthique et Culture religieuse (ECR) qui remplace l’ancien enseignement confessionnel. Ces écoles juives demandent aujourd’hui d’être exemptées de cette obligation, ou de pouvoir adapter le contenu du cours à leur convenance.

Le problème est que les parents catholiques qui ont demandé la même chose se sont heurtés à des refus nets des autorités. Ils sont présentement devant les tribunaux.

Il est parfaitement illusoire de penser que les Juifs hassidiques cèderont là-dessus. Cela peut sembler étrange, voire incompréhensible pour vous et moi, mais ces gens vivent dans un monde parallèle entièrement régi par leur religion jusque dans les moindres détails.

Ils refusent de s’intégrer au reste de la société, non par malveillance, mais par conviction que se mêler à nous les empêcherait de mener une vie en totale conformité avec leurs préceptes religieux. Le cours ECR est donc, de leur point de vue, une intolérable atteinte à leur liberté de conscience.

Admettons un instant qu’on leur consent une sorte de régime d’exception au nom de l’inviolabilité de leur liberté de conscience. Est-ce à dire que la liberté de conscience des catholiques orthodoxes est moins inviolable ? Ce serait parfaitement indéfendable.

Imaginons maintenant que le gouvernement s’adresse aux tribunaux. Les hassidim invoqueront sans doute l’article 3 de la Charte des droits et libertés qui affirme le caractère inaliénable de la liberté religieuse. Il n’est pas dit qu’ils ne gagneraient pas.

S’ils gagnent, cette victoire sera aussi celle de toutes les autres religions. S’ils perdent, ils ne se soumettront pas davantage : les lois divines l’emportent, pour eux, sur les lois humaines. Ils feront alors semblant de se conformer, ou choisiront de s’enfoncer davantage dans l’illégalité, voire la clandestinité.

Suspendons leur financement, me direz-vous. Le problème est que le cours ECR est obligatoire même si une école n’est pas subventionnée par les fonds publics.

Théoriquement, le gouvernement pourrait décider que, désormais, une école non subventionnée n’est plus tenue de suivre le régime pédagogique prévu par la loi actuelle. À coup sûr, d’autres sectes religieuses choisiraient alors cette voie, et c’est toute la laïcisation du système scolaire qui serait compromise. Bref, c’est la quadrature du cercle.

Le nœud du problème vient de ce que les zélotes de la laïcité, qui sont tout aussi religieux à leur manière, ont rendu obligatoire et sans possibilité d’exemption ce cours, mais sans s’assurer auparavant que l’État aurait les moyens de faire appliquer sa propre loi.

C’est tout à l’honneur de la ministre de l’Éducation d’avoir dit clairement qu’elle ne permettrait pas deux poids, deux mesures. Mais elle en viendra peut-être à regretter d’avoir été si transparente. Une affaire à suivre de près.
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