jeudi 24 septembre 2020

Immigration et islamisme — le ministre de l'éducation français songe à pouvoir fermer administrativement les écoles libres

Anne Coffinier, présidente de l’association Créer son école, évoque le volet scolaire du futur projet de loi de lutte contre le séparatisme. Le ministre de l’Éducation en France songe à pouvoir fermer les écoles libres par simple décision administrative, sans devoir passer par un juge. Une fois de plus, on remarque que le grand et joyeux vivre-ensemble dans nos chatoyantes sociétés enrichies par des vagues d'immigrations bigarrées aboutissent à considérer de nouvelles mesures coercitives pour assurer la cohésion sociale mise à mal et menacée de séparatisme.

« Alors que se dessinent, en coulisses, les contours du projet de loi sur le séparatisme, L’Express révélait en exclusivité, cette semaine, les mesures en discussion au sein du ministère de l’Éducation nationale. Le gouvernement pourrait, à l’avenir, exiger des écoles privées hors contrat qu’elles déclarent chaque année l’origine de leurs fonds, en distinguant clairement les ressources en provenance de l’étranger. Autre piste à l’étude : la possibilité de fermer administrativement une école privée hors contrat en cas de suspicion d’irrégularité. Anne Coffinier, présidente de l’association Créer son école, qui a pour vocation de conseiller et de soutenir les établissements privés hors contrat, réagit à ces annonces.

Le gouvernement envisagerait d’obliger les écoles privées hors contrat à déclarer l’origine de leurs fonds chaque année. Est-ce une bonne idée selon vous ?

La loi impose déjà aux établissements libres de donner, dans leur dossier de déclaration d’ouverture, “un état prévisionnel qui précise l’origine, la nature et le montant des principales ressources dont disposera l’établissement pour les trois premières années de son fonctionnement”. Ce que le gouvernement cherche à préciser, dans le projet de loi sur le séparatisme, ce sont les fonds d’origine étrangère, qui le préoccupent en particulier dans le cas de certaines écoles musulmanes. L’adage “qui paie commande” n’a rien perdu de son actualité, et il redoute l’influence de l’Arabie saoudite et de la Turquie. C’est sans doute cette dernière qui mérite le plus d’attention de la part du gouvernement, parce qu’elle dispose d’un réseau d’écoles important. Mais il sera difficile d’améliorer le dispositif légal existant : dès lors qu’un État, ou qu’un acteur lucratif ou non lucratif étranger, passe par une structure-écran qui a son siège en France, l’origine des fonds devient difficile à tracer. La rédaction de la disposition juridique devra donc être très soignée pour que le changement législatif soit opérationnel. Surtout, il faut que ce changement se concrétise sur le terrain par des contrôles accrus.

L’autre mesure, qui rendrait possible la fermeture administrative d’une école privée hors contrat, ne risque-t-elle pas d’aller à l’encontre du principe intangible de la liberté d’enseignement ?

Quand le ministre de l’Éducation nationale a souhaité faire fermer l’école Al Badr de Toulouse, il a dû multiplier les procédures laborieuses sans arriver tout à fait à ce qu’il voulait. Il a tiré de cette expérience la volonté d’accroître les pouvoirs de l’État en la matière. Pour autant, rendre possible une fermeture administrative n’est pas selon moi une bonne idée. La loi permet aujourd’hui à l’administration de vider une école de ses élèves, en mettant en demeure les parents d’inscrire leurs enfants ailleurs quand l’État juge que l’école n’est pas en règle. La procédure est simple, et la mesure redoutablement efficace. En pratique, une telle mesure, quand elle est appliquée, revient à fermer une école. Pour des libertés aussi importantes que les libertés d’enseignement, d’entreprise et d’association — qui sont ici concernées au premier chef —, il me semble nécessaire, dans un État de droit, de bénéficier de la garantie d’une intervention du juge et de voies de recours administratives et contentieuses. Cette idée de fermeture administrative n’est pas plus convaincante aujourd’hui que ne l’était hier le projet de la Ministre Najat Vallaud-Belkacem de transformer le régime de déclaration en vigueur pour ouvrir une école en régime d’autorisation préalable. Le juge constitutionnel s’y était opposé. Il me semble que ce dernier ne pourra que censurer aujourd’hui une loi qui tenterait d’instaurer des fermetures administratives sans la garantie de l’intervention d’un juge. Nous sommes dans un État de droit.

Quelles autres mesures préconisez-vous pour mieux lutter contre le séparatisme à l’école ?

Le 14 octobre prochain, la Fondation Kairos pour l’innovation éducative, abritée par l’Institut de France, organise un colloque sur le séparatisme, intitulé “Une école ambitieuse, meilleur antidote au séparatisme ?” Ce sera l’occasion de faire le bilan de la situation et de proposer des mesures ambitieuses pour lutter contre le séparatisme. Notre intuition fondamentale est que c’est la montée de l’insignifiance dans notre système éducatif commun qui a conduit à la situation actuelle. Il est certain que l’effort de lutte contre le séparatisme en matière éducative doit porter aussi sur les structures périscolaires ou les écoles qui sont aujourd’hui sous contrat d’association avec l’État, alors même qu’elles sont identifiées comme étant directement rattachées à des mouvances problématiques. Concentrer la lutte contre le séparatisme sur les écoles hors contrat serait une manière hypocrite de traiter le problème auquel notre Nation doit faire face, alors que l’État dispose déjà des moyens juridiques approfondis pour contrôler ces écoles, récemment durcis par la loi Gatel d’avril 2018. Il serait sans doute judicieux qu’il associe plus le ministère de l’Intérieur à ses inspections et qu’il forme et délègue des inspecteurs particulièrement formés aux enjeux de séparatisme. En soi, la liberté d’enseignement n’est certainement pas une menace pour le “pacte républicain”, pour reprendre les mots du Président de la République. Elle contribue aujourd’hui de manière intéressante à l’égalité des chances dans notre République, en permettant aux enfants de plus en nombreux qui ne trouvent pas leur place dans l’école publique de trouver malgré tout la voie de la réussite. Elle constitue un précieux aiguillon pour notre école publique, qui doit oser aussi se remettre en cause et se réformer. »


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