mardi 19 août 2008

« Les enseignants d'ECR ne seront pas prêts »... euh... avant une génération ?

Le Devoir, connu pour être partisan du nouveau programme d'éthique et de culture religieuse imposé à tous les élèves québécois par le Monopole de l'Éducation, publie une lettre d'opinion où une fois de plus on rappelle les craintes de Jean-Pierre Proulx — omniprésent dans les décisions entourant ce cours et dans sa défense — les enseignants québécois ne pourront rendre justice à cette nouvelle merveille pédagogique selon ses partisans : le cours d'éthique et de culture religieuse qui ferait enfin du Québec une société tolérante, diverse et ouverte. Excusez du peu.

Citons quelques extraits de la lettre d'opinion (les intertitres sont de nous) :

Formation indigente née de la précipitation

La principale information que nous devons retenir de ce dossier, c'est que les enseignants et les enseignants qui seront responsables de cette matière en septembre 2008 n'auront pas la formation (ou la compétence) nécessaire pour bien appliquer ce nouveau programme, pour être en mesure d'aménager et de faire vivre des apprentissages significatifs et durables.
C'est une litote. La formation a été indigente : environ deux jours en moyenne pour chaque enseignant pour six religions et une nouvelle culture du dialogue et d'éthique !
Dans l'exposé éditorial, le professeur Jean-Pierre Proulx, rédacteur délégué, postule que « la formation des quelque 26 000 enseignants du primaire et de plus de 8000 du secondaire sera, au mieux, minimale, malgré les efforts qui sont menés cette année» (en 2007-2008). Si la formation est ici jugée «au mieux, minimale », c'est dire que dans plusieurs cas particuliers, voire la majorité, la formation n'atteindra pas ce stade qui permette de maîtriser suffisamment le domaine, d'intervenir avec une assurance convenable en suscitant l'indispensable confiance des élèves, des collègues et des parents... Plus loin, la contribution de deux universitaires associées à la formation des formateurs d'enseignants s'avère très éloquente sur le déficit de préparation des enseignants qui seront chargés de ce programme.
Pourquoi cette précipitation dans la mise en place de ce cours alors ? Et si M. Jean-Pierre Proulx essayait de désamorcer les critiques qui accompagneront ce nouveau cours ? De neutraliser les dénonciations des dérives prévisibles de ce cours ?
Ainsi, Mireille Estivalèzes, de l'Université de Montréal, en vient à dire qu'il « est évident que ni les nouveaux enseignants ni ceux qui sont déjà en fonction n'auront complété leur formation à temps. Ils ne seront donc pas complètement prêts pour la rentrée de septembre 2008 ».
Le bel euphémisme : nous connaissons même des enseignants du primaire dans des écoles privées qui n'ont pas du tout été formés !

Des enseignants réellement aptes en Éthique et culture religieuse dans une génération...

De son côté, Suzanne Rousseau, de l'UQTR, livre un article au titre des plus significatifs: «La formation des enseignants: le défi d'une génération». Déplorant le manque de ressources allouées, elle mentionne que «les 45 heures offertes aux enseignants-formateurs [sur les premiers thèmes] et déjà considérées insuffisantes par tous ont été réduites à une journée et demie» par la suite... Forte de son expertise, elle fait état de difficultés majeures, telles que des «carences importantes sur le plan des savoirs pertinents, tant en éthique qu'en culture religieuse, la complexité de la formation au dialogue au niveau tant de la maîtrise du contenu que de l'évaluation, notamment aux premiers cycles du primaire», la préparation quasi irréalisable de «situations d'apprentissage et d'évaluation» qui traitent à la fois deux ou trois compétences disciplinaires, alors que cette approche promue par le renouveau pédagogique n'est pas encore assimilée par le personnel... L'auteure évoquera même en conclusion que c'est seulement lorsque des jeunes qui auront suivi ce programme depuis l'élémentaire s'inscriront à un baccalauréat en enseignement que nous pourrons espérer disposer enfin d'enseignants réellement aptes en Éthique et culture religieuse...
Euh, des enseignants enfin programmés formés depuis leur plus tendre enfance dans le relativisme et le pluralisme normatif par décision de l'État sans que jamais on ne consulte vraiment les parents ? L'Étatisme québécois est vraiment émouvant.

Où sont les preuves que le cours d'ECR va résoudre quoi que ce soit ?

Et ces gens croient vraiment que tout cet agent investi à ébranler l'identité trop massive des Québécois pure laine, comme dirait Fernand Ouellet, va résoudre quoi que ce soit ? Que des troubles comme ceux de Montréal-Nord pourront être évités alors que la religion n'intervient pas dans la plupart des problèmes ethniques  ou sociaux qui sont ceux que connaît le Québec ! Rappelons que les Latinos et Haïtiens de Montréal-Nord sont chrétiens et même le plus souvent catholiques.

Mais le Monopole de l'Éducation fait fi des désirs des parents — ils œuvrent pour le bien n'oublions pas ! — les libertés éducatives pèsent donc peu pour ces missionnaires qui se sentent pressés car le Québec devient de plus en plus divers (qui décide de l'immigration au fait, si ce n'est ce même gouvernement ?) et il faut donc former les enfants de tous au « dialogue » et « au vivre-ensemble ».

Mais croient-ils vraiment qu'un Québec avec plus de jeunes relativistes et rebelles (si Dieu n'existe pas, tout est permis !) vont être plus tolérants parce qu'on les aura dressés sensibilisés aux règles du dialogue et de la tolérance ? Pourquoi ? Par automatisme ?

Pourquoi cela marcherait-il mieux qu'avec l'Église catholique qui avait aussi enseigné un message de charité avec des sanctions et bienfaits célestes supplémentaires à la clé ?

Aucune preuve donc que ce cours imposé donnera des résultats positifs (il pourrait bien être négatifs), mais moins de liberté bien tangible. Quid de cette ancienne vertu : la prudence ?

Difficile de reformater les maîtres en animateurs censément neutres

Pour assurer la réalisation des apprentissages visés, le programme exige que le personnel enseignant adopte la « posture professionnelle » appropriée. L'expression fait référence au besoin d'ouverture à l'échange avec les élèves, d'objectivité et d'impartialité dans ses propos, d'engagement dans une communauté de recherche, etc. Selon les auteurs du dossier, le développement de ces attitudes indispensables « ne va pas de soi chez les enseignants ». Si l'acquisition des connaissances nouvelles représente un défi accessible lorsqu'on y consacre temps et efforts, ce à quoi les enseignants sont habitués lorsqu'ils sont chargés d'un nouveau programme (quitte à meubler ainsi une partie de leurs vacances), il en va tout autrement en ce qui concerne cette «posture», qui fait appel à des habiletés psychosociales et communicationnelles.
Bref, le maître a du mal à devenir un animateur censément neutre.

Cette carence de formation pourrait avoir des effets négatifs graves

[...]
Sans cette « posture professionnelle », les élèves risquent non seulement de rater les compétences disciplinaires escomptées, mais aussi de faire la malheureuse expérience de situations à l'inverse de ce que promeut le programme : le non-respect des personnes et de leur position, l'ancrage de préjugés à l'égard de tels types de croyants ou de non-croyants, la banalisation du fait religieux et des questions éthiques, le repliement sur ses opinions personnelles au lieu d'une maturation conceptuelle des questions religieuses et morales...
Quand on parlait des effets négatifs potentiels, du manque de prudence...

Parents soucieux ou parents intégristes et extrémistes ?

Le constat du manque de formation révélé par le dossier du GRIFPE ne peut laisser indifférent, d'autant plus qu'aucune évaluation globale n'a été rendue publique par les responsables ministériels ou autres. Il ne faut pas s'étonner que des parents qui suivent de près ce qui se passe à l'école redoutent les effets possiblement nuisibles sur le développement de leurs enfants et sur leur perception de la religion et de l'éthique.
L'auteur de cet article ne connaît pas le langage de la ministre de l'Éducation : pour elle les parents qui suivent de près ce qui se passe à l'école — lesquels devraient être considérés comme des parents vertueux — « sont des groupes qui se situent aux extrêmes ». Extrémistes donc. Notez que dans son refus d'exemption, daté de juin 2008, la Commission scolaire de Montréal déclarait que son cours n'était pas relativiste mais qu'il empêchait plutôt l'« intégrisme » !? Extrémistes et intégristes donc ceux qui résisteraient aux diktats des pédagoguesMC, expertsMC toujours cooptés du Monopole, payés depuis des années à penser à l'implantation de leur dernière marotte pédagogique : l'interculturalisme ? Le culot de ces gens qui décident de la formation spirituelle des autres alors qu'on ne puisse pas dire que le Monopole de l'Éducation du Québec ait prouvé la qualité de ses choix ou des fruits de son enseignement imposé d'en haut et décidé pour tous !