jeudi 20 août 2015

Les étudiants seraient moins bons en orthographe que leurs aînés

Rares sont ceux qui auront fait des dictées sur la plage pour préparer leur rentrée à l’université dans quelques semaines. Et pourtant les étudiants en auraient bien besoin, comme l’a constaté Loïc Drouallière, enseignant-chercheur à l’Université de Toulon et auteur d’Orthographe en chute, orthographe en chiffres1. Ce dernier a étudié les copies d’examen de fin de première année d’étudiants de sciences économiques sur les 20 dernières années. Et les résultats sont accablants : la moyenne des fautes est passée de 2,73 % en 1994 à 5,92 % en 2012. « La moitié des erreurs sont des fautes d’orthographe pures et l’autre moitié des erreurs grammaticales. Mais je n’ai pas pris en compte les fautes de syntaxe et de ponctuation, ce qui aurait abouti à un constat bien pire », explique l’enseignant-chercheur.

Selon lui, aucune filière universitaire n’est épargnée. « Le français est malmené à l’écrit par les étudiants. Mais les titulaires d’un bac [DEC] technologique ou professionnel éprouvent encore plus de difficultés dans ce domaine », souligne Loïc Drouallière.

Les dictées moins à la mode

Pour expliquer ce phénomène, Jean Maillet, grammairien et auteur de Langue française Arrêtez le massacre2 pointe d’abord la moindre place consacrée à l’orthographe dans le système scolaire : « La dictée est moins pratiquée et elle se résume parfois à une suite de mots ».

Un avis partagé par Loïc Drouallière qui souligne la baisse du volume horaire hebdomadaire du français au collège et au lycée depuis vingt ans. « Par ailleurs, les programmes ont évolué et demandent aux enseignants de privilégier le fond sur la forme ».

Autre responsable de la situation, selon Jean Maillet : l’objectif fixé en 1985 par Jean-Pierre Chevènement de mener 80 % d’une classe d’âge au niveau bac [DEC au Québec] pour l’an 2000 : « Il a tiré les enfants vers le bas, car les enseignants se sont montrés moins exigeants, notamment sur la maîtrise de la langue écrite ». La preuve, selon Loïc Drouallière : « Les correcteurs du bac ont des consignes de tolérance vis-à-vis des fautes d’orthographe. Il faut vraiment faire vingt fautes par page pour se voir retirer des points. Et à l’université, la sévérité dans ce domaine est laissée à la discrétion des enseignants, qui n’en font pas souvent montre », constate-t-il.

Des cours de remise à niveau à l’université

Les nouvelles technologies sont aussi incriminées dans cette piètre orthographe des étudiants : « Le langage SMS a causé des ravages, car les jeunes écrivent et lisent des mots mal orthographiés. Et comme ils lisent de moins en moins de livres, c’est le mauvais usage du français qui s’imprime dans leur mémoire », observe Loïc Drouallière. Enfin, selon Jean Maillet « l’anglicisation à outrance de notre langue conduit à des confusions entre l’orthographe de certains mots dans les deux langues ».

Orthographe : « Faire des fautes n’est pas lié à l’intelligence »

Bien conscientes du problème, certaines universités ont pris le taureau par les cornes : « Des remises à niveau en orthographe sont proposées dans plusieurs d’entre elles aux étudiants sur la base du volontariat, en présentiel ou à distance », souligne Loïc Drouallière. À l’université de Nanterre (Hauts-de-Seine), un atelier de langue française est même obligatoire pour tous les étudiants de première année de licence et sanctionné par un examen. Mais selon Loïc Drouallière, il faut aller plus loin : « les enseignants d’une même université doivent s’entendre sur l’application d’une sanction dans les copies truffées de fautes », estime-t-il. Pour Jean Maillet, les progrès en orthographe viendront aussi si l’on parvient « à intéresser à nouveau les jeunes à la langue française, en leur parlant d’étymologie par exemple ».

Bibliographie

1 — Orthographe en chute, orthographe en chiffres par Loïc Drouallière aux éditions L’Harmattan, 2015, 25,65 € (papier) et 20,99 € (version numérique).

2 — Langue française Arrêtez le massacre par Jean Maillet aux éditions de L’Opportun, 2014, 9,90 €.

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La rentrée de l'instruction à domicile

De plus en plus de familles choisissent de faire l’éducation à leurs enfants à domicile. En six ans, on estime que le nombre d’enfants québécois scolarisés à la maison a augmenté de presque 50 %. À quelques jours de la rentrée scolaire, Patrick Masbourian de la radio de la SRC discute d’éducation à domicile avec trois mamans, Marie-Jo Demers, Julie Lapierre et Édith Chabot, qui ont fait ce choix éducatif.

Approche très Radio-Canada. La première raison donnée en introduction pour ce choix grandissant : le manque de « spécialistes » dans les écoles parce qu’« il y a des ressources qui... disparaissent ».

Écouter l’émission (23 minutes).

À partir de la 16e minute, bonne discussion sur la « socialisation » des enfants et sur « le jugement » des autres parents (la pression sociale) dans cette société qui prétend ne plus juger.


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Rentrée des « classes inversées »

À l’aube de la rentrée scolaire, la Presse Canadienne nous apprend de plus en plus de parents se montreraient intéressés par la « classe inversée », une nouvelle tendance dans le milieu de l’éducation dans laquelle l’enfant apprend ses leçons à la maison et fait ses devoirs à l’école.

Dans le cadre de ce programme, les élèves visionnent une vidéo en ligne qui lui permet de maîtriser les notions et après, il se rend en classe pour mettre en pratique ces apprentissages.

Cette méthode d’enseignement est de plus en plus répandue au pays alors que les vidéos sont facilement accessibles, en l’occurrence à l’aide du site YouTube ou par un téléchargement quelconque.

L’école secondaire Sir William Mulock, à Newmarket, en Ontario, a décidé de faire le saut. Dans ce qu’ils appellent communément l’école « Apportez vos appareils personnels », chaque étudiant doit avoir en main un ordinateur portable ou une tablette pour avoir accès à la technologie.

Donna Green, professeure de mathématiques, a opté pour ce virage dans sa classe de 10e année (l’équivalent de la quatrième année du secondaire au Québec). Elle utilise un logiciel qui lui permet de capter ce qu’elle fait sur son propre écran et d’enregistrer sa voix en simultané.

Les vidéos sont généralement plus courtes qu’une leçon en classe parce qu’il n’y a pas de perturbations, a-t-elle indiqué.

« Ce que j’aime avec cela, c’est que je passe plus de temps avec les étudiants qu’à écrire au tableau. Ce que je n’aime pas, c’est que quand ils regardent la vidéo à la maison et qu’ils ont une question dans l’immédiat, il n’y a personne pour (leur répondre) », a-t-elle expliqué.

Mme Green tente de palier cette difficulté en demandant aux étudiants d’écrire leurs questions, et elle s’y attarde au tout début de la séance en classe.

Malgré les lacunes soulevées par certains — notamment du fait que certains parents n’ont pas les moyens d’acheter un ordinateur portable ou une tablette à leur enfant — Mme Green et d’autres enseignants croient qu’il s’agit d’un meilleur programme que les cours traditionnels pour les enfants.

Certaines preuves confirment leur point de vue. Une école du Michigan qui était l’une des pires de l’État quant aux aptitudes des étudiants a adopté elle aussi la « classe inversée » et a vu son taux d’échec diminuer considérablement alors que le taux de diplomation est monté en flèche.

Mme Green et sa collègue Amanda Bélanger ont interrogé leurs élèves sur le nouveau système à l’aide d’un questionnaire en ligne et les deux tiers ont répondu qu’ils le préféraient à la méthode en classe avec la craie et le tableau.

Les étudiants apprécient le fait de fonctionner à leur propre rythme ; ils peuvent appuyer sur « pause », reculer la séquence, et la revoir plusieurs fois s’ils ne comprennent pas, souligne Mme Green.

Les cours de mathématiques et de sciences se prêtent naturellement à cet exercice, mais un professeur d’anglais du même établissement a tenté l’expérience quelques fois avec ses étudiants, notamment pour qu’ils apprennent la mythologie.

« Ils regardaient la vidéo à l’avance et ensuite, nous avons déconstruit [Note du carnet : déconstruit la mythologie ?] l’idée en classe. Après, nous l’avons appliquée à un film, à une nouvelle, à un roman ou à une pièce de théâtre », a souligné Derrick Schellenberg.

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