jeudi 24 avril 2008

« Éthique et culture religieuse — Un utopisme malfaisant »

Lettre ouverte de Mathieu Bock-Côté, candidat au doctorat en sociologie à l'UQAM, écrite au vitriol dans le Devoir de ce jeudi 24 avril.

Quelques extraits :
« Avec la mise en ligne d'une vidéo faisant la promotion du programme Éthique et culture religieuse, la nomenklatura qui contrôle le ministère de l'Éducation s'est dévoilée. Au sens propre, cette vidéo verse dans un marketing idéologique caricatural qui rappelle la vieille propagande du régime soviétique, à la fois par la méthode et par le ton.

Enfants, pédagogues et parents y sont conscrits avec un air de benêt satisfait hochant la tête avec enthousiasme devant les injonctions du régime. Les premiers y répètent comme il se doit le catéchisme qu'on leur a appris. Les seconds reprennent les appels au «dialogue» et à la nécessité de lutter contre ce qui peut lui faire obstacle. Quant aux derniers, ils témoignent du fait que le programme n'a aucunement confirmé les craintes qu'ils pouvaient avoir devant son application et qu'il respecte à sa manière l'héritage culturel du Québec.

[...]

Mais le cœur du problème est ailleurs: on y voit surtout à quel point l'école est rendue loin dans sa conversion multiculturelle. Ce n'est pas sans raison que le programme Éthique et culture religieuse s'inscrit de plus en plus dans le débat public. C'est qu'on y trouve véritablement l'expression caricaturale de ce dévoiement progressiste de l'école qui s'est placée au service d'une idéologie.

[...]

Il y a longtemps que l'école a cessé de travailler à l'éducation de la jeunesse. Désormais, elle travaille plutôt à sa rééducation pour devenir un lieu de socialisation permettant la déconstruction, dès l'enfance, de l'identité nationale. Ce qu'on souhaite, c'est la reprogrammation de la jeunesse contre la culture que la société pourrait leur transmettre. C'est ce que les concepteurs du programme appellent l'aboutissement d'un long parcours dans la conformité au pluralisme.

Il faut être franc : ce qu'on demande ici à l'école, c'est de construire de toutes pièces par ses programmes un nouveau peuple, mieux disposé envers le multiculturalisme et relativement étranger à l'expérience historique de la collectivité. Derrière certaines expressions comme « éducation à la tolérance » et « sensibilisation à la différence », c'est une véritable haine de soi qu'on inculquera à une jeunesse devenue étrangère à sa propre culture.

On l'a insuffisamment rappelé, mais le programme Éthique et culture religieuse s'articule parfaitement avec le nouvel enseignement de l'histoire qui met de côté la dimension nationale pour le calibrer plutôt dans le registre du multiculturalisme le plus actif. Car ce dernier est en fait un nouveau régime politique qui, à défaut de reposer sur le consentement du Québec des adultes, a décidé d'accoucher au sein même des écoles d'un peuple qui ne le contestera plus.

Intoxiquée par l'idéologie multiculturaliste, la technocratie pédagogique s'est retournée contre le Québec. Le Québec historique n'est plus désiré par l'idéologie multiculturelle qui transformera la société en grand laboratoire à ciel ouvert où les ingénieurs sociaux pourront s'amuser avec des enfants devenus cobayes.

Le multiculturalisme est porteur de l'utopie d'une société postnationale et postoccidentale, une utopie qui entre en crise partout dans le monde, la crise des accommodements raisonnables en ayant témoigné au Québec. Mais c'est le propre des utopies malfaisantes de se radicaliser au moment de leur entrée en crise. Ainsi, pour les pluralistes, ce n'est jamais parce que leur vision du monde est allée trop loin qu'elle génère des convulsions sociales, mais parce que ses principes ont été insuffisamment appliqués.

Certains esprits cocasses se réjouissent de la laïcisation de l'école alors qu'on s'apprête à la confier pour de bon à un nouveau clergé, au service de la religion multiculturelle, avec ses dogmes et son catéchisme. Combien d'événements semblables devront-ils se produire pour qu'émerge enfin dans le domaine public cette coalition du bon sens que réclame le Québec réel et qui non seulement freinera l'implantation du régime multiculturel, mais entreprendra sa révocation pan par pan, pour engager notre société dans une autre direction?

Ce n'est pas d'un « pragmatisme » de pacotille qu'a besoin la société québécoise en ce moment, mais bien d'une mise en procès de la dynamique institutionnelle qui a enclenché la liquidation accélérée de son expérience historique. Le ministère de l'Éducation s'est retourné contre la culture québécoise. Il est temps d'en tirer les conséquences. Au-delà de la seule suspension impérieuse de ce programme, il faut profiter du malaise qu'il génère pour formuler un tout autre discours sur l'éducation qui permettra enfin d'ouvrir le chantier de sa restauration. »
Pour les auteurs de ce carnet, le remède est tout simplement la suppression du Monopole de l'Éducation. Or, si on peut émettre une critique de fond sur la lettre ouverte de M. Bock-Coté, c'est qu'il semble appeler de ses vœux une restauration du Monopole et non sa fin.

M. Bock-Côté paraît vouloir une école qui imposerait aux élèves une vision plus nationale, plus québécoise et non d'une école libre. Nous ne sommes pas contre les visions nationales en matière d'Histoire ou de valeurs, mais nous pensons qu'il devrait s'agir là d'un choix des parents et non d'un programme dont on peut craindre qu'il serait concocté à nouveau par quelques experts et une nouvelle fois imposé à tous cette fois-ci en prétextant les raisons inverses de celles avancées par le pluralisme qui suinte du programme d'ECR : il faut forger une nation québécoise par l'assimilation et l'appropriation par les jeunes immigrés de l'Histoire et des valeurs québécoises. Si l'immigration pose tant de problèmes d'intégration et amène à la privation de libertés en éducation — sans parler des coûts associés à la scolarisation d'enfants souvent peu francophones — peut-être faudrait-il enfin une véritable politique nataliste au Québec, plutôt qu'une aide au retour au travail pour les femmes qui ont eu un enfant (les garderies qui engloutissent la presque totalité du budget "famille" du Québec) ?

Il faut nettement plus de libertés scolaires au Québec et plus d'écoles vraiment libres. Le mal vient du dirigisme et de la privation de liberté et de concurrence des programmes et des pédagogies. Il faut laisser les parents choisir et non l'État et ses experts cooptés pour leurs opinions connues et approuvées à l'avance.