vendredi 26 septembre 2014

Les dessous de la réussite finlandaise

Le journaliste de La Presse de Montréal, Francis Vailles, se penche sur l'école finlandaise. La Finlande, une nation dont les parallèles avec le Québec seraient assez frappants selon La Presse.

Élèves finlandais
« L'enseignante Jaana Marin lit les phrases en anglais projetées sur le tableau. Les élèves répètent docilement. Ils sont tout aussi réservés lorsqu'ils répondent aux questions ou travaillent en équipe avec une tablette iPad.

Le calme de cette classe d'élèves de 15 ans aux cheveux presque tous blonds est étonnant. Ma présence y est sûrement pour quelque chose. Pourtant, pendant le dîner à la cafétéria, une demi-heure plus tôt, les 200 élèves présents n'étaient guère plus dissipés.

Est-ce l'une des raisons qui expliquent le succès du système d'éducation finlandais, vanté partout ? »

Plusieurs observateurs avaient déjà noté ces différences entre les élèves et les valeurs de la société finlandaise et la société multiculturelle, moderne de nos contrées :
« La culture de discipline de la population finlandaise la démarque en effet des autres sociétés nordiques. La Finlande a toujours été un pays frontière entre l’est et l’ouest. La naissance de la nation finlandaise a été réalisée sous l’Empire russe au XIXe siècle. D’où la présence d’éléments de l’est un peu partout en Finlande qui ne rend pas paradoxale sa situation aux côtés de la Corée et du Japon dans les comparaisons internationales. Mais encore, le passage très rapide d’une société agricole à une société industrielle, puis postindustrielle, rend compte du caractère particulier de l’État providence finlandais : d’un coté industriel et individualiste, de l’autre agraire et collectiviste. La culture finnoise connaît, pour ces raisons, un caractère discipliné et un esprit collectif forts.

[...]

Les enseignants sont décrits comme pédagogiquement conservateurs, en dépit du tournant progressiste pris par la philosophie scolaire finlandaise dans les années 1980s. En 1996, un rapport britannique a révélé le caractère traditionnel de l’organisation de l’enseignement dans les écoles malgré la réforme du curriculum. Ce dernier était dans la majorité des cas de type frontal (voir relation frontale), destiné à toute la classe avec peu de formes individualisées, « centrées sur l’élève ». [Note du carnet : Bref, les profs ne sont pas de gentils animateurs contrairement au Québec, ils enseignent surtout à l'ancienne, en maîtres.]

[...]

Il n’y a pas de « miracle » finlandais conclut Simola : le modèle d’élève décrit dans PISA 2000, très fortement orienté vers le futur, semble reposer en Finlande largement sur le passé, un monde en train de disparaître, une société préindustrielle et agraire, une éthique d’obéissance peut-être la plus forte parmi les sociétés européennes. La réforme de l’école unique pédagogiquement progressiste a par ailleurs été véhiculée en Finlande par des professeurs plutôt conservateurs, avec des résultats plus satisfaisants qu’ailleurs. »
et encore
« Autre paradoxe finlandais : la revendication de valeurs morales et religieuses fortes, et affichées dans les discours, dans les programmes et jusque dans les salles de classe (où il n’est pas rare de voir des icônes), et parallèlement une très grande tolérance. Rien d’étouffant ni de contraint dans l’éthique finlandaise, mais au contraire le sentiment que l’affirmation de ces valeurs a essentiellement pour but de favoriser l’épanouissement de la personne. » (Voir billet)
Francis Vailles poursuit :

 « La Finlande est devenue le point de mire du monde, il y a 15 ans, lors des premiers tests internationaux de langue et de mathématiques qu'ont passés les élèves de 15 ans (PISA). Depuis, la Finlande termine toujours parmi les premiers, elle dont les écoles sont pratiquement toutes publiques.

Ces résultats ont incité les autorités à faire la promotion de leur système dans le monde, faisant même payer les touristes pour visiter leurs écoles. La marchandisation irrite certains experts finlandais, pour qui les résultats de PISA ne montrent qu'une facette de la réalité.

Ainsi, en Finlande, l'écart entre les résultats des garçons et des filles est l'un des plus grands des pays industrialisés, les immigrés sont plus nombreux à décrocher qu'ailleurs et une bonne part des écoles des grandes villes du Sud, où vivent les mieux nantis, est nettement plus forte qu'en région.

« Une directrice d'école s'est même fait demander par un parent combien il y avait d'enfants immigrés à son établissement », s'insurge Fred Dervin, professeur à la faculté d'éducation de l'Université de Helsinki.

[Sur la faible immigration en Finlande lire : Finlande — Immigration à 2 % dont beaucoup de Caréliens]

Pour prendre le pouls, je me suis rendu à l'école de Vääksy, petite ville située à deux heures au nord de Helsinki, au milieu de lacs et de forêts. [...]

Contact en direct avec les parents

La première chose qui m'a frappé, c'est l'abondance de ressources. Il n'y a que 20 à 24 élèves par classe pour les groupes de 13-15 ans, contre 28 au Québec. Et oubliez la polyvalente bétonnée: l'école lumineuse compte seulement 300 élèves de 13 à 15 ans, ce qui est typique en Finlande.

Les professeurs disposent chacun d'un ordinateur portable dernier cri. L'école est aussi dotée d'un logiciel qui permet aux enseignants de communiquer efficacement avec les parents par internet. Tout y est transmis, en temps réel: absence, comportement en classe, résultats d'examens, etc.

Cet après-midi-là, Jaana Marin a eu bien besoin de recourir au système. Six élèves étaient absents de son cours, ce qui est peut-être un signe du plus grand nombre d'enfants à problèmes qu'ailleurs.

L'école de Vääksy a une petite classe d'enfants qui ont des troubles (autisme, etc.) et une autre avec des handicaps physiques. Ils sont mêlés aux groupes ordinaires, mais pas à plein temps, explique la directrice adjointe de l'école, Sari Puputti.

Dans la section des petits (12 ans et moins), les chaises sont munies de roues pour réduire le bruit et tous se promènent « en pieds de bas », même le directeur !

Garderie: 20 $ par jour

Autre particularité: tout y est gratuit, même les dîners. Les parents d'enfants d'âge préscolaire n'ont toutefois pas cette chance, puisque les tarifs de garderie atteignent jusqu'à 20 $ par jour (7 $ au Québec) et varient selon le revenu familial. Seules les familles ayant des revenus annuels de moins de 42 000 $ ne paient pas. Tiens, tiens...

[Pas de notes avant le lycée]

Durant la formation de base obligatoire (1re à 9e année), le système éducatif finlandais prend soin de ne pas comparer les jeunes entre eux, par exemple avec une moyenne de groupe, qui peut démoraliser certains enfants. Par contre, au terme de la 9e année (notre 4e secondaire), il y a carrément un clivage : les meilleurs vont au lycée tandis que les moins forts sont dirigés vers des écoles de métiers.

Les notes de bulletin vont de 4 à 10. La note de passage est de 5, mais il faut une moyenne de 7 pour être admis au lycée (16 à 19 ans), ce qui est le cas de 55 % des élèves finlandais (40 % à Vääksy). Environ 7 % des ados finlandais décrochent avant la fin.

[Sélection à l'université]

En Finlande, les profs doivent tous avoir une maîtrise, et les trois premières années de leur formation universitaire de cinq ans portent sur leur discipline (maths, géographie, langues secondes, etc.). Les études sont gratuites à l'université, mais le taux d'acceptation des candidats à la faculté d'éducation est très faible (5 % contre 12 % en médecine).

Bref, pour le lycée comme pour l'université, le système y semble plus planifié selon les compétences des candidats et les besoins de la société. Un système gratuit, mais qui apparaît plus dirigiste qu'au Québec. Les jeunes critiquent d'ailleurs la longue liste d'attente pour entrer à l'université.

« Il y a un problème majeur d'accès à l'université. La Finlande n'a pas développé un réseau assez étendu, comme ce fut avec l'Université du Québec il y a quelques années », [prétend] Guy Pelletier, professeur au département d'éducation de l'Université de Sherbrooke, qui a comparé les deux systèmes. [Note du carnet : en quoi le système québécois est-il une référence ? N'y a-t-il pas pléthore de formations et de diplômes peu demandés ?]

Les Finlandais accordent une grande importance à l'éducation et vouent un profond respect aux enseignants. Signe de ce respect, les parents acceptent bien les notes de bulletin attribuées aux enfants, me dit Jaana Marin, même si une partie de l'évaluation est basée sur l'observation subjective des enseignants, en plus des examens.

[...]

En somme, un système d'éducation à l'image de la société finlandaise: moderne, efficace, égalitaire, respectueux des règles, mais réservé. »

[Notons que le journaliste n'ose pas dire « conservateur, discipliné, centré sur le respect dû au maître, à pédagogie souvent traditionnelle »...]


Comparaison Québec-Finlande
FinlandeQuébecCanadaÉtats-UnisOCDE
Taux d'obtention d'un
diplôme secondaire (2010)
93 % 
88 % 
85 % 
77 % 
84 % 
Test de math, ados de 15 ans
(2012, note sur 650)
519 
536 
518 
481 
494 
Test de lecture, ados de 15 ans
(2012, note sur 650)
524 
520 
523 
498 
496 
Salaires maximums des enseignants 
($ américains PPA, 2011)
 45 900 $ 
 54 865 $ 
 56 569 $ 
 56 303 $ 
 50 119 $ 

Source: ministère de l'Éducation du Québec, OCDE, Conseil des ministres de l'Éducation, et PISA

Ces chiffres sont quelque peu trompeurs. Le diplôme secondaire s'obtient un an plus tôt au Québec que dans la plupart des pays occidentaux. En France, par exemple il n'y a qu'un diplôme à la fin du lycée, après 12 ans de scolarité, c'est le bac, l'équivalent du D.E.C. (cégep) québécois !

Voir aussi

Les traits du système finlandais que copie l'étranger n'expliquent pas le succès finlandais, ils sont au contraire source de problèmes

Finlande — Valeurs religieuses et morales fortes revendiquées à l'école, présence d'icônes en classe

Nathalie Bulle sur le modèle finlandais et les tests PISA

Finlande — Immigration à 2 % dont beaucoup de Caréliens

Les écoles privées du Québec écoperont...

Québec entend revoir à la baisse les subventions versées aux écoles privées. La coupe serait au minimum de 50 %. Ces écoles sont financées à 60 % par l'État, croyait-on, mais un comité de travail a plutôt conclu le printemps dernier qu'elles le seraient à hauteur de 75 %. Ce comité, présidé par Pauline Champoux-Lesage - ancienne sous-ministre à l'Éducation et ex-protectrice du citoyen - a recommandé au gouvernement de revoir les règles de financement. Selon les informations obtenues par La Presse de Montréal, le gouvernement Couillard prépare la création d'un ordre professionnel des enseignants, un dossier qui fait l'objet d'un débat. Autre mesure susceptible de soulever la controverse : il envisage de réduire le nombre d'épreuves ministérielles, ces tests obligatoires en français et en mathématiques par exemple.


Le gouvernement Couillard a élaboré des scénarios afin de réduire les coûts au ministère de l'Éducation. Il n'a pas encore tranché, mais ces scénarios sont suffisamment avancés pour être pris au sérieux, a-t-on indiqué à La Presse. Ainsi, l'abolition pure et simple des commissions scolaires est dans les cartons. La seule autre option étudiée est de faire passer leur nombre de 72 à 46. Québec a déjà préparé des cartes délimitant les nouvelles frontières. Le gouvernement Marois, qui avait les mêmes intentions que les libéraux, calculait que la fusion de commissions scolaires pourrait engendrer des économies de 125 millions de dollars.


Québec envisage également de transférer certains pouvoirs des commissions scolaires aux municipalités et aux MRC. Il s'agit du transport scolaire et de la gestion des infrastructures, par exemple. La Fédération québécoise des municipalités (FQM) réclame d'ailleurs ces pouvoirs dans un document sur la décentralisation qu'elle vient de transmettre au gouvernement. « Cela permettrait une meilleure utilisation des locaux et des équipements. À cet élément indissociable de l'occupation dynamique du territoire s'ajoutent des arguments d'équité et de maximisation des ressources », peut-on lire dans Un gouvernement de proximité. Selon elle, « certains territoires seraient prêts à faire l'expérience de l'exercice de cette compétence et il apparaît pertinent de pousser la réflexion plus loin en s'inspirant des modèles existants ailleurs dans le monde, notamment en France ». Dans ce pays, les communes, les départements et les régions ont obtenu des responsabilités dans la gestion du réseau scolaire à la suite d'une décentralisation.

Le printemps dernier, les maires de Montréal et de Québec, Denis Coderre et Régis Labeaume, ont rendu public un document dans lequel ils demandent au gouvernement d'avoir des compétences en éducation, entre autres. Ils se retrouveront d'ailleurs aux côtés du président de la FQM, Richard Lehoux, aujourd'hui, pour une conférence de presse portant sur leur demande de transfert de pouvoirs. Denis Coderre et Régis Labeaume réclament non seulement d'obtenir la gestion des immeubles mais aussi celle de la taxe scolaire. « Un débat existe sur le rôle des commissions scolaires que certains voudraient voir éliminées. Une solution difficile à appliquer si on ne confie pas à d'autres les activités centrales que les écoles ne peuvent pas assumer, comme le bâtiment ou la gestion fiscale. La toile de fond de ce débat est l'échec de la démocratie scolaire, qui fait que les dirigeants de la plupart des commissions scolaires ont une légitimité fragile. Assez pour croire que les élus municipaux, qui incarnent la seule démocratie locale fonctionnelle, pourraient prendre le relais », peut-on lire dans Un nouveau pacte pour les grandes villes. En juin, un comité de travail a recommandé au gouvernement de fixer un taux unique de taxe scolaire pour l'ensemble du Québec. Le gouvernement Couillard privilégie plutôt un taux unique pour chaque région, selon ce qu'a appris La Presse.




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