lundi 8 mai 2023

« L'Urope ne sera jamais notre alliée sincère »

La citation en titre est tirée de Guerre et Paix de Tolstoï, la scène se passe fin 1806 dans le salon très réactionnaire d’Anna Plavova Scherer :

– Eh, mon cher vicomte, — вмешалась Анна Павловна, — l’Urope (она почему то выговаривала l’Urope, как особенную тонкость французского языка, которую она могла себе позволить, говоря с французом) l’Urope ne sera jamais notre alliée sincère.

– Eh ! Mon cher vicomte, intervint Anna Pavlova, – l’Urope (elle prononçait, on ne sait pourquoi, l’Urope, comme s’il s’agissait d’une finesse particulière de prononciation à laquelle elle pouvait se permettre de recourir en parlant à un Français) – l’Urope ne sera jamais notre alliée sincère.

Tolstoï, Guerre et Paix, Tome 2, deuxième partie, chapitre 6 (trad. Élisabeth Guertik), écrit en 1866.

Il s’agit en fait de l’ancienne prononciation de Paris et même de la haute société jusqu’au début du XVIIIe siècle. Cette prononciation s’est conservée en québécois populaire.

L’usage est d’abord donc de prononcer Europe comme Urope, mais au cours du XVIIIe on distinguera le cas du style familier où la première syllabe se prononcera « u » et le style déclamatoire où il se dira « eu ». 

Antonini en 1752 écrit : « Europe, Eustache et d’autres mots semblables s’écrivent toujours avec e ; mais il y est muet dans le discours familier : prononcez Urope, Ustache. »

Viard en 1778 : « Eu se prononce presque comme un u dans eucharistie, euchologe, eunuque, Euphrate, Euterpe, Europe. » 

Mais cette prononciation, dit Thurot à la fin du XIXe siècle, est tombée en désuétude au commencement de notre siècle. « C’est une faute, écrit Domergue en 1805, de dire Uridice ».

Jean-Denis Gendron dans D’où vient l’accent des Québécois ? Et celui des Parisiens ?, résume ainsi les choses dans un tableau :

(cliquez pour agrandir)

Recension de « Canada maximum, vers un pays de 100 millions »

Il y a 5 ans, Guillaume Marois fit ce compte rendu de lecture du livre « Maximum Canada », écrit par l’un des promoteurs du Century Initiative. À l’époque, ce n’était pas encore dans les plans du gouvernement. Ce n’était encore qu’une idée promue par un lobby peu connu. L’un des arguments avancés par l’auteur pour avoir une population de 100 millions d’habitants est que ça nous permettrait de profiter de promotions à l’épicerie… Traduction de cette recension parue en anglais à l’époque dans
Canadian Studies in Population.

Le livre du chroniqueur du Globe and Mail Doug Saunders, Maximum Canada, propose d’encourager une augmentation substantielle de la population du Canada. En effet, selon l’auteur, la population actuelle du Canada, environ 35 millions d’habitants, n’est pas suffisante, et les politiques d’immigration d’immigration et de fécondité devraient viser à augmenter fortement la taille de la population à 100 millions d’habitants d’ici 2100, afin d’améliorer les conditions de vie générales de la population et d’avoir plus de possibilités de faire face aux conséquences du vieillissement de la population. En d’autres termes, selon l’auteur, la taille de la population d’un pays est importante. La lecture de ce livre m’a laissé des impressions mitigées, car il comporte plusieurs parties très intéressantes, mais aussi de nombreuses lacunes qui, une fois résumées, ne parviennent pas à ne parviennent pas à convaincre le lecteur qu’une augmentation de la taille de la population améliorerait réellement la vie quotidienne du citoyen canadien moyen. 

Les deux premières parties du livre sont les plus intéressantes. À travers un survol rigoureux et concis de l’histoire du Canada depuis la conquête britannique de 1760, l’auteur présente un résumé du débat autour de deux visions géopolitiques du Canada. Pendant la majeure partie de son histoire et jusqu’à la fin du jusqu’à la fin du XIXe siècle, une vision minimaliste a influencé la plupart des politiques gouvernementales. Le Canada a alors le rôle d’une colonie, avec une économie orientée vers la fourniture de ressources à l’Angleterre, et l’immigration est limitée afin de garantir que le profil de la population du Canada reste blanc, britannique, loyaliste et rural, et rurale. Ainsi, l’esprit d’entreprise et l’éducation ne sont pas encouragés, les échanges avec les autres pays sont limités par des taxes et des redevances et l’émigration vers les États-Unis était importante. Par conséquent, la croissance globale de la population était faible. [C’est discutable : la population du Canada est estimée à 70 000 en 1760 et