jeudi 27 août 2009

L’école infantilise-t-elle les adolescents ?

Le professeur Robert Epstein, ex-rédacteur en chef de Psychology Today, a écrit un livre qui fait beaucoup de bruit aux États-Unis : The Case Against Adolescence: Rediscovering the Adult in Every Teen (Quill Driver Books, 2007).

Selon Epstein, la socialisation est le processus grâce auquel on apprend à s'intégrer à une communauté. La question qui se pose alors est de savoir à quelle communauté nous voulons que nos enfants s’intègrent. Beaucoup de parents se disent que l’école est cruciale pour assurer la socialisation de leurs enfants. Selon Epstein la réponse est un retentissant non, car les adolescents ne devraient pas être « parqués » avec leurs congénères en permanence. En tant que parents et société, nous voulons qu’ils s’intègrent à la communauté à laquelle ils appartiendront toute leur vie. Ils doivent apprendre à devenir adultes. À l’heure actuelle, ils apprennent pour ainsi dire tout ce qu’ils savent de leurs amis et des médias qui leur sont destinés. Cette situation est absurde, selon l’ancien rédacteur en chef de Psychology Today, plus particulièrement parce que les adolescents dans notre société sont fortement influencés par des médias frivoles et l’industrie de la mode.

Alors que, dans l’histoire de l’humanité ou de nombreuses sociétés traditionnelles dans le monde aujourd’hui, les adolescents passent la plus grande partie de leur temps à apprendre comment devenir des adultes, dans nos sociétés modernes ils passent la majorité de leur temps à essayer de se séparer des adultes. Les anthropologues auraient ainsi identifié plus de cent sociétés contemporaines où la crise de l’adolescence est totalement absente. La plupart de ces sociétés n’ont même pas de terme pour désigner l’adolescence. Dans ces sociétés préindustrielles, les jeunes ne sont en contact avec leurs paires que pendant 4 heures par semaine, alors qu’aux États-Unis ils le sont 65 heures par semaine. Une étude anthropologique à long terme menée par l’université Harvard dans les années quatre-vingt a démontré que les troubles reliés à l’adolescence apparaissent quelques années après que des sociétés adoptent le modèle scolaire occidental et sont exposées aux médias occidentaux.

Epstein identifie quatre failles héritées de la Révolution industrielle dont les établissements scolaires souffriraient. Failles qui trouveraient leur fondement dans des idées qui pouvaient se justifier il y a un siècle, mais qui n’ont plus leur place dans un monde en changement constant. Monde qui nécessite une éducation répartie tout au long de la vie et dans lequel la chose la plus importante à apprendre aux jeunes est l’amour de l’étude et de l’apprentissage.

Premièrement, bien que des voitures puissent être construites à la demande, il est absurde d’enseigner aux gens qui ne sont pas prêts à apprendre.

Deuxièmement, bien que l’éducation de masse fût une idée séduisante pour l’époque qui a inventé la production de masse, celle-ci fait du tort à la majorité des étudiants. Ceux-ci apprennent différemment, ont des compétences différentes. Un apprentissage efficace – c'est-à-dire un apprentissage bénéfique pour tous les élèves – doit être individualisé et son rythme adapté à l’étudiant.

Troisièmement, bien qu’on puisse penser qu’il est efficace de concentrer toute la connaissance essentielle dans les vingt premières années de la vie, le résultat net de cette méthode est que nous apprenons à la majorité des élèves à détester l’école alors que, dans notre monde en état de changements constants, il faut d’abord que les jeunes apprennent à aimer l’étude et la découverte.

Enfin, selon Epstein, alors que les premières lois d’obligation scolaire au Massachusetts, étaient fondées sur la compétence (elles permettaient la dispense de fréquentation, si on démontrait que l’on connaissait déjà la matière), le système actuel oblige tous les jeunes à fréquenter l’école quelle que soit leur compétence. Pire, le système n’encourage pas les jeunes à maîtriser rapidement la matière et n’offre peu ou pas d’options utiles aux jeunes qui décrochent et quittent l’école.

Il y a un siècle, il n’y avait pas moyen, selon le professeur américain, de répondre à ces préoccupations, mais aujourd’hui, grâce aux ordinateurs et à l’internet, des outils apparaissent qui permettront à tous les jeunes de maîtriser les savoirs essentiels à leur propre rythme et de le faire à n’importe quel moment de leur vie. La classe continuera sans doute d’exister, mais il s’agira d’un endroit où des étudiants très motivés étudient de manière intense et non plus d’un poste sur la chaîne de montage.

Dans ce sens, pour le docteur Epstein, l’éducation à domicile peut être une solution idéale pour certains élèves, car elle permet un enseignement individualisé et une distance par rapport à la culture destinée aux adolescents. L’éducation à domicile expose les adolescents à des contacts plus enrichissants avec les adultes, leurs parents. Elle permet également une maturation plus rapide. Toutes ces choses sont envisageables avec l’éducation à domicile, alors qu’elles ne sont pas avec la plupart des systèmes scolaires traditionnels. Mais l’éducation à domicile n’est pas la réponse à tous les problèmes. En réalité, aucune forme unique de scolarité n’est appropriée pour tous les jeunes tout le temps. L’éducation à domicile fait, d’ailleurs, toujours partie du système rigide de scolarité obligatoire et prolongée. Elle est toujours régie par des lois sur l’instruction dans chaque État et son programme est fixé, en grande partie, par le système public.

Le docteur Epstein préconise une plus grande liberté en termes d’éducation, une plus grande insertion des jeunes dans la société adulte en limitant l’âge obligatoire d’instruction selon les compétences des adolescents. En effet, d’abondantes données montrent que, lorsqu’on donne aux jeunes des responsabilités importantes et qu’ils sont au contact d’adultes qui les enrichissent, ces jeunes se montrent à la hauteur et leur « for intérieur adulte » apparaît.

L’ensemble de ces problèmes amène Robert Epstein à des conclusions très originales : les troubles socioémotionnels que connaissent beaucoup de jeunes aux États-Unis sont une création de la culture contemporaine. Ces troubles sont produits par l’infantilisation des jeunes et leur isolation des adultes. La scolarité moderne et les restrictions qui frappent le travail des adolescents sont des reliques de la Révolution industrielle qui ne sont plus de mise aujourd’hui. L’exploitation à grande échelle dans les usines a disparu depuis belle lurette dans nos pays, nous avons maintenant d’autres moyens d’éduquer toute la population sur une base individuelle.

Epstein propose que l’on donne plus de libertés aux jeunes adultes (dans certains cas dès 13 ans) : travailler, se marier, devenir propriétaires, signer des contrats, se lancer en affaires, vivre de manière indépendante — de bénéficier de tous les droits, privilèges et devoir des adultes. Cette liberté devrait être octroyée sur la base d’un test de compétences individuel. Pour certains, cela voudra dire qu’ils devront passer plus de temps à l’école alors qu’il occupe en même temps un emploi, pour d’autres cela pourrait vouloir dire, selon Epstein, qu’à 15 ans ils pourraient lancer leur société informatique. D’autres deviendraient apprentis et commenceraient dès lors leur vie adulte. Pour Epstein, il suffit de développer les tests de compétence pour déterminer les droits que les jeune auraient à un âge donné, tout comme on passe un examen pour obtenir son permis de conduire.

Si l’on peut être d’accord avec l’analyse du docteur Epstein quant aux problèmes induits à l’adolescence par les lois restrictives en matière de travail des adolescents ou de scolarité obligatoire toujours plus tardive, on peut se demander si le problème n’est pas apparu avec la massification des études supérieures. L’État encourage fortement les jeunes à aller à l’université et à suivre une formation (à la limite n’importe laquelle). Ce mythe du diplôme supérieur prolonge ainsi l’infantilisation jusqu’à un âge très avancé pour un large secteur de la population des jeunes adultes. Notons que cette scolarité encouragée par l’État jusqu’à, souvent, 23 ou 24 ans a également un impact non négligeable sur la démographie des pays qui repoussent ainsi sans cesse le début de la vie adulte.

Certaines solutions proposées par le docteur Epstein semblent être marquées au coin du bon sens : il faut résister à toute tentative des gouvernements à sans cesse reporter l’âge de la scolarité obligatoire, il faut permettre une multitude de parcours scolaires dont la scolarisation à domicile ou des études plus courtes pour les enfants doués ou précoces, valoriser le statut d’apprenti, etc. D’autres sont plus inquiétantes en ce qu’elles constituent une attaque directe contre les droits des parents et constituent une recette parfaite pour une implication encore plus grande de la part des gouvernements déjà trop présents dans le domaine familial et éducatif. En effet, qui va faire passer ces tests de compétence si ce n’est l’État ? Et dès que l’État aura décidé que votre jeune ado de 13 ans est « compétent » et peut s’émanciper, qui perdra de son influence ? Pas l’État, mais bien les parents. Ceci reviendra donc à donner un droit d’ingérence supplémentaire à l’État qui pourra dire aux parents qu’ils n’ont plus droit de regard sur la vie de leur fils ou leur fille de 13 ans parce que l’État a déclaré leur enfant adulte ou l'a émancipé.

Les enfants instruits à la maison ont d’aussi bons résultats dans les États peu contraignants que dans les États tatillons

Plusieurs enquêtes aux États-Unis démontrent que le degré de réglementation au sujet de l’instruction à la maison n’a pas d’impact sur les résultats des enfants éduqués à la maison. C’est ainsi que, dans la plus récente étude sur les résultats des enfants instruits à la maison aux tests normalisés organisés par la National Home Education Research Institute, les enfants instruits à la maison provenant des états à faible règlementation se sont placés en moyenne au 87e centile (soit 37 centiles de mieux que la moyenne des enfants éduqués dans les écoles publiques) alors que les enfants instruits à la maison habitant des États procéduriers (qui leur imposent des examens réguliers) se plaçaient également au 87e centile.

Si plus de règlements et plus de tests n’améliorent pas les résultats des enfants instruits à la maison, pourquoi les imposer ? La conclusion évidente qui découle de ces enquêtes est qu’encadrer les enfants instruits à la maison et leur imposer des examens gouvernementaux est une perte de temps pour les parents, un gaspillage de l’argent des contribuables et une épreuve de plus qui limite dans les faits la liberté d’enseignement des parents dans le choix de la pédagogie choisie ou des matières étudiées.

Voir aussi Le Monopole de l'Éducation du Québec serre la vis aux parents-éducateurs.

Tic verbal de politiciens : le dialogue ...

Il existe des tics verbaux, des manies que les politiciens ressortent sans cesse. Le mot « dialogue » est de ceux-là ces jours-ci.

C'est ainsi que Jean Charest a dit souhaiter que « le plus grand nombre de Québécois participent » à ce qu'il appelle un « dialogue » sur les finances publiques. Exit l'expression une large consultation ?

S'agit-il d'un dialogue à la mode éthique et religieuse qui peut se faire seul ?

Extrait vidéo savoureux où Mme Lily Cloutier, coauteur des six manuels d'éthique et culture religieuse chez Modulo, explique ce que le dialogue peut être... On apprend ainsi que le dialogue peut se pratiquer tout seul. Le Québec est décidément très en avance.



Définition du Petit Larousse illustré : DIALOGUE, n. m. 1. Conversation, échange entre deux ou plusieurs personnes ; 2. Discussion visant à trouver un terrain d'entente; fait de dialoguer. 3. Ensemble des répliques échangées.