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Jocelyn Maclure |
Pour Jocelyn Maclure, professeur à la Faculté de philosophie de l’Université Laval et membre de la commission Bouchard Taylor,
la Cour suprême du Canada aurait commis une « erreur » dans le dossier Éthique et culture religieuse.
Erreur et non, simplement, un souci plus scrupuleux de la liberté de religion ou une plus grande sensibilité aux arguments des appelants (nous pensons que dans ce genre de causes « philosophiques » la sensibilité des juges teinte fortement leurs décisions), non mais bien une erreur pour l’éminent et influent professeur.
Loyola aurait concédé
Pour Maclure, comme pour
Antoine Robitaille du Devoir,
Loyola aurait modifié sa demande initiale :
C’est pourtant inexact. Dès avant le premier procès, en 2008, l’école Loyola écrivait à la ministre :
Le directeur de Loyola, Paul Donovan, a toujours dit qu’il invitait des imams pour présenter l’islam et des rabbins pour présenter le judaïsme. En fait, Donovan a insisté
dès le 9 mai 2008 qu’il était plus troublé par le volet éthique que par le volet culture religieuse ! Il déclarait ainsi en mai 2008
à la Gazette de Montréal que son « école n’enseignera pas certaines parties de la composante éthique du programme ». « Les enseignants sont supposés rester neutres vis-à-vis des points de vue éthiques que les élèves pourraient défendre. Mais il s’agit d’une “neutralité feinte, pas d’une réelle neutralité” », devait-il ajouter.
L’école Loyola a donc été très — trop ? — raisonnable dès le début.
Pourquoi l’État peut-il même imposer que la présentation d’autres religions soit respectueuse ? Qu’est-ce que cela veut même dire ? Comment espérer que des Coptes persécutés par les musulmans en Égypte
représentent l’islam à la manière irénique des manuels québécois approuvés par le Monopole de l’Éducation ? Ces manuels sont très « respectueux » des religions exotiques, peu du christianisme (voir
ici et
là), sont-ils objectifs ?
Répéter les mêmes vœux pieux...
Maclure ressasse la même vulgate : le cours ECR permettrait de comprendre le « phénomène » religieux.
Le programme ECR est superficiel, il permettra au mieux de connaître des rites, quelques grands principes, quelques règles, mais pas de comprendre les religions présentées. Le cours est trop superficiel, n’occupe pas assez de temps pour vraiment se familiariser avec les religions et
son but n’est pas de vraiment comprendre de l’intérieur les religions au programme, mais d’apprendre aux élèves à toutes les trouver d’une égale valeur, à les « respecter » comme disent certains. Valeur égale qui peut très bien signifier, en fin de compte, qu’elles sont toutes folkloriques ou de vieilles sornettes.
... et décréter que seul ECR peut assurer le bien commun
Maclure semble aussi penser que seule la version « laïque » d’ECR peut assurer le bien commun et la reconnaissance de l’autre, sans preuve :
Peut-être Maclure n’a-t-il pas bien suivi la cause en justice ?
Ces objectifs font partie de la doctrine catholique, notamment de
Dignitatis humanae... Loyola ne peut y être opposé, en fait elle promeut ces objectifs. Quand un des pères d’ECR,
Georges Leroux,
fut interrogé dans le cadre du procès Loyola, il
dut admettre que rien dans le programme de Loyola n’empêchait d’atteindre les objectifs fixés par le programme ECR. C’est d’ailleurs ce qui a poussé les trois juges minoritaires de la Cour suprême à considérer que le programme Loyola est équivalent à ECR, voir par exemple :
« [148] À notre avis, il n’y a rien d’inhérent aux objectifs du programme ÉCR (reconnaissance des autres et poursuite du bien commun) ou aux compétences qu’il vise à inculquer aux élèves (religions dans le monde, éthique et dialogue) qui exige que l’on adopte une démarche culturelle et non confessionnelle. »
Ajoutons que rien ne prouve en fait que le programme ECR « laïque » atteindra ses objectifs, surtout s’il est « neutre », ou qu’il le fera mieux que le programme proposé par Loyola. Où sont les études, les faits qui permettraient de l’affirmer ?
Maclure n’aime pas l’éthique de référence catholique dans une école catholique
Pour Maclure, « Concrètement, la décision signifie que la morale catholique sera le système éthique de référence dans les discussions sur les dilemmes éthiques à l’école secondaire Loyola. » Cela lui semble très grave. Il déclare également que « Puisque Loyola est un collège privé jésuite, il est tout à fait normal qu’il fasse la promotion de la foi catholique. »
Le philosophe déclare que « le volet “éthique”, pour sa part, n’est pas conçu comme un prêchiprêcha moraliste et vaguement humaniste. Il s’agit plutôt d’outiller les élèves pour qu’ils acquièrent les aptitudes à la réflexion automne [sic] et critique sur les questions éthiques, c’est-à-dire qu’ils apprennent à réfléchir par eux-mêmes et avec les autres sur les enjeux éthiques et politiques qui meublent la discussion publique. »
Apprendre la logique, le dialogue, réfléchir, c’est bien. L’école Loyola a clairement dit qu’elle est d’accord avec cela. Mais pour Loyola la discussion comprend la présentation non neutre (la défense) par le professeur de la position catholique sur la question éthique posée. L’État ne peut l’empêcher de faire sans brimer sa liberté de religion. Car, en fin de compte, sur quoi aboutiront les discussions éthiques « neutres » en classe ? Des matchs nuls ? Une absence de conclusion selon que les participants adoptent une position éthique utilitariste, déontologiste, émotiviste, maximaliste, minimaliste, relativiste, égoïste, etc.
Dans les classes « laïques » souhaitées par Maclure, il y a fort à parier qu’on aboutira à une absence de conclusion ou alors à une recherche du consensus guidée par un mimétisme entre les élèves ou la recevabilité des opinions selon leur rectitude politique. En général, le programme ECR souffre d’une aporie : comment peut-il former au vivre ensemble et à la reconnaissance d’autrui, tout en étant neutre ?
Des parents qui envoient leurs enfants à des écoles comme Loyola pensent que c’est là un exercice tronqué, qu’il peut aboutir à un certain relativisme ou une légitimation de positions morales contraires à leur foi. Ils veulent compléter l’apprentissage de la logique, du dialogue par un enseignement des préceptes catholiques. Où est le problème, à moins que M. Maclure veuille expressément détacher les enfants des convictions de leurs parents ?
Appel au collègue devenu ministre : utilise la clause « nonobstant » s’il le faut !
Le billet du philosophe se termine par un appel au nouveau ministre de l’Éducation :
Mise à jour :
Le ministre rejette l’appel à la clause dérogatoire.
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