samedi 8 mars 2014

Nous, on a école à la maison !

Extraits d’un article paru dans Le Point du 6 mars 2014 :

Instruire ses enfants soi-même ? Certains le font.

Valérie Vincent habite en banlieue parisienne avec son mari et ses sept enfants. Deux de ses petits ne sont jamais allés à l’école et n’iront jamais. Quant aux cinq autres, ils n’y vont plus. D’un commun accord avec eux, elle a décidé de les retirer de l’école de la République. Une décision prise à la suite d’un drame ? Pas du tout.

L’argument de Valérie tombe comme une évidence : « C’est mieux pour eux ! » Elle ne regrette pas une seconde son choix : « Je voulais nourrir leur curiosité en fonction de leur demande plutôt qu’on me parle de leur niveau par rapport à une classe. » Valérie passe ses journées avec sa marmaille à visiter des musées, jouer ou lire en famille. « J’ai appris à me connaître avec mes enfants », révèle-t-elle.

Valérie a choisi de ne pas suivre de programme scolaire, optant pour « l’apprentissage autonome » : contenus et horaires libres. Pour que cela fonctionne, il faut que les parents aient une confiance absolue en la capacité qu’auront leurs enfants à savoir trouver ce qui les intéresse. À charge pour les adultes de leur donner les moyens de satisfaire leur appétit de savoir. Ce qui passe parfois par des apports extérieurs comme la participation à des ateliers de dessin ou des cours de musique.

Image extraite du documentaire « Être et devenir », de Clara Bellar,
 qui a filmé des familles ayant choisi l’instruction à la maison plutôt qu’à l’école.
En France, quelque 30 000 enfants ne fréquentent pas l’école, dont 90 % scolarisés au CNED (le Centre d’enseignement à distance du ministère de l’Éducation nationale) ou dans des écoles privées à distance. Mais seuls 3 000 enfants sont déclarés en IEF, l’Instruction en famille. Et c’est tout à fait légal : c’est l’instruction qui est obligatoire de 6 à 16 ans, et non la scolarisation. Depuis quelques mois, l’enseignement par les familles est pourtant menacé. Une proposition de loi vise en effet à « limiter la possibilité d’instruction obligatoire donnée par la famille à domicile aux seuls cas d’incapacité ». Passée inaperçue depuis son dépôt en décembre, la proposition de loi est à nouveau sur le devant de la scène depuis que fait rage le débat sur l’enseignement [de la] théorie du genre à l’école, ce qui pousse certains parents inquiets à envisager d’en retirer leurs enfants.

« Désocialisation ».

L’enseignement par les familles est souvent incompris [...].

[...]

Mais pour beaucoup de parents qui se sont organisés, financièrement et professionnellement, pour pouvoir instruire à domicile, l’essentiel est de voir leurs enfants est de voir leurs enfants s’épanouir, animés par une curiosité qui suscite l’envie d’apprendre. Ils rejettent l’idée qu’une connaissance soit imposée à un moment précis, sans savoir si elle sera comprise ou retenue à long terme.



Suivre le rythme des enfants pour qu’ils en retirent le meilleur : c’est ce que font la plupart des parents partisans de l’IEF, filmés dans le documentaire « Être et devenir », de Clara Bellar (sortie en salles en mai). On y voit des petits de 3 ans jouer à merveille du piano ou des jeunes de 12 ans qui viennent tout juste d’apprendre à lire en famille.

Avec cette recette : le jour où l’envie d’apprendre naît, ces enfants savent comment s’y prendre et leur appétit est sans limite. Et le film, très militant, d’expliquer que beaucoup des enfants passés par l’enseignement en famille s’orientent vers une profession artistique, disposant du temps nécessaire pour aller au bout de leur passion.

L’instruction en famille n’est pas pour autant laissée sans encadrement [c’est la France après tout] : chaque année, les familles qui ne suivent pas les programmes scolaires sont soumises à un contrôle social et éducatif.

« Les inspecteurs de l’Éducation nationale viennent vérifier que les enfants reçoivent une instruction. Alors, je leur montre ce qu’on fait. Mais ça s’arrête là », explique Valérie, qui a le sentiment que « la lumière s’est éteinte le jour où [elle] est entrée à l’école » et qui ne voulait pas que ses enfants vivent la même déception. Les détracteurs de l’IEF critiquent le défaut de socialisation des enfants, auxquels les codes de la vie en collectivité sont inconnus. Un argument balayé par les adeptes de ce système alternatif : « On participe quotidiennement à des ateliers et des activités culturelles, artistiques ou sportives dans lesquelles mes enfants rencontrent aussi bien des “sco” que des “non-sco” [pour « non scolarisés »] ! » se défend Valérie, qui dénonce la mesquinerie des professeurs et la méchanceté des élèves au sein de l’école. Si la loi obligeant les enfants à être scolarisés vient à passer, les siens n’iront pas à l’école. « Quoi qu’il m’en coûte », tranche-t-elle. Pas négociable.

Voir aussi

France — Restriction de l’accès à l’enseignement à distance public

La famille Romeike peut rester aux États-Unis !

France — Projet de loi interdisant l’instruction à domicile sauf cas de force majeure
 




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Un revenu universel pour mettre fin à l'État-providence

Le sociologue Julien Damon analyse la proposition de Charles Murray dans son livre In our Hands (Dans nos mains), jamais traduit en français.
L’idée d’un revenu universel apparaît ponctuellement dans les réflexions et propositions politiques.

Ses formes varient selon les projets.

Avec un tel outil, certains veulent compléter le système public de redistribution. D’autres y voient un recours pour supprimer l’État-providence. C’est le cas de Charles Murray, un important penseur américain, aux inclinations à la fois libertariennes et conservatrices.

Ses thèses, honnies, mais très rarement lues en France, consistent en une offensive générale contre l’État-providence. Cinquante ans exactement après le lancement, en 1964, de la guerre contre la pauvreté aux États-Unis, il compte parmi ceux qui estiment que c’est la pauvreté qui a gagné. Il constate que la population américaine n’a jamais été aussi riche. Chaque année, les pouvoirs publics organisent la redistribution de plus de 1 000 milliards de dollars afin de financer des systèmes collectifs de retraite, d’assurance-maladie et de lutte contre la pauvreté.

Or il y a toujours des millions de pauvres, de retraités à très faibles pensions et de personnes qui n’accèdent pas aux soins. Pour Murray, seul un gouvernement peut dépenser autant d’argent de manière aussi inefficace. Et à la déresponsabilisation individuelle s’ajoute la déréliction collective.

La solution, simple, apparaît : il faut donner cet argent aux gens ! En résumé : « Voilà l’argent. Faites-en ce que vous voulez. Votre vie est entre vos mains. » Concrètement, le plan de Murray est de convertir tous les transferts sociaux en une allocation unique, forfaitaire et uniforme. Le montant des impôts serait divisé par le nombre d’adultes et une prestation serait versée directement à chaque Américain. [Note du carnet : Murray exclut tout paiement aux immigrés non naturalisés.] Au total, Murray imagine qu’il est possible de transférer annuellement à chaque citoyen américain de plus de 21 ans (sauf en cas d’incarcération) 10 000 dollars, 2 000 étant préaffectés à des fonds de pension et 3 000 à des compagnies d’assurances. Si l’on devait transcrire ce programme en France, on pourrait diviser les 650 milliards d’euros de dépenses sociales par le nombre de personnes vivant en situation régulière en France (adultes et mineurs), soit environ 66 millions de personnes.

On aboutirait de la sorte à environ 10 000 euros (15 000 dollars) annuels de dotation individuelle. Dans un schéma qui ne placerait pas de barrière d’âge, deux parents avec deux enfants toucheraient ainsi 40 000 euros (60 000 dollars), à charge pour eux de se prémunir contre tous les risques sociaux, de s’assurer pour leur santé et leurs vieux jours. Les retraités, en moyenne, y perdraient beaucoup. Il faut dire que presque la moitié des dépenses sociales sont constituées de pensions.

Naturellement, une telle option, qui aurait l’immense double mérite de la simplification radicale et de la responsabilisation intégrale, n’a certainement aucune chance de voir le jour. Au moins à court terme. Elle a cependant le grand intérêt de montrer ce que sont, proportionnellement, les masses financières de la protection sociale.

In Our Hands. A Plan to Replace the Welfare State,
de Charles Murray
publié aux AEI Press,
en 2006,
214 pages,
ISBN-13: 978-0844742236.

Voir aussi

Pourquoi les filles sages réussissent-elles ?

Mark Steyn sur le mariage homo, la mort de la famille et l'État-providence obèse

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