samedi 31 mars 2018

Les gouvernements surestiment-ils le rendement économique des diplômes universitaires ?

L’automatisation et la mondialisation ont radicalement bouleversé le marché du travail des pays occidentaux. Les emplois moyennement qualifiés disparaissent rapidement. En Amérique, les salaires des cols bleus — surtout des hommes — ont largement stagné depuis les années 1970, tandis que ceux des diplômés universitaires ont fortement augmenté. Cette augmentation dépend, toutefois, fortement de la discipline, certaines disciplines offrant même un rendement négatif quand on considère l’endettement occasionné par les études et la perte de revenus pendant les années passées à l’université.

Les informaticiens de Californie préviennent souvent que les progrès de la technologie, en particulier dans l’intelligence artificielle, seront dévastateurs pour les travailleurs peu qualifiés. Une étude importante, menée par Carl Benedict Frey et Michael Osborne de l’Université d’Oxford, a estimé que 47 % des emplois en Amérique pourraient être automatisés au cours des deux prochaines décennies. L'OCDE prévoit plutôt une perte de 9 % des emplois due à la robotisation. Le spectre du chômage de masse, ainsi qu’une inégalité accrue des revenus, a conduit de nombreux décideurs à considérer qu’il était crucial de dépenser plus dans la formation universitaire afin d’assurer la future prospérité économique de leurs pays.

Dans leur livre La Course entre l’éducation et la technologie, Claudia Goldin et Lawrence Katz de l’Université de Harvard soulignent que la prime au diplôme universitaire a chuté à la fin de la première moitié du XXe siècle aux États-Unis alors que les universités ont accueilli nettement plus d’étudiants. (En 1945, il y avait 500 universités à travers le monde. Aujourd’hui, il y en a plus de 10 000.) Cette prime a, cependant, connu une forte hausse vers 1980. Bien que la prime a commencé à se stabiliser ces dernières années, le fait que les diplômés universitaires gagnent encore environ 70 % de plus que les non-diplômés suggère que la demande de travailleurs qualifiés dépasse encore de loin l’offre.

Il est, toutefois, possible que les gouvernements surestiment les avantages économiques liés l’enseignement supérieur. Car, bien que les universités soient des lieux d’apprentissage, elles sont aussi des mécanismes de tri social. Une partie de la raison pour laquelle les diplômés universitaires gagnent plus s’explique par le fait qu’avant même d’entrer à l’université ils sont plus brillants et plus industrieux que leurs camarades, ce sont des bosseurs pour parler familièrement. Certaines professions, comme les médecins ou les ingénieurs, exigent une formation technique poussée, mais ce n’est souvent pas le cas. Le fait que les diplômés en sciences humaines, dont les cours ont souvent peu à voir avec leur travail ultérieur, tendent à gagner plus s’ils proviennent d’établissements plus prestigieux suggère que l’une des raisons d’aller à l’université est de se démarquer de ses pairs sur le marché du travail. Bryan Caplan, économiste à l’Université George Mason, soutient que l’obtention d’un diplôme est comme « se lever lors d’un concert ». On voit mieux le spectacle, mais c’est aux dépens de ceux qui sont assis derrière vous. Et si tout le monde va à l’université, tout le monde se lève pour filer la comparaison, et on est revenu au point de départ, le tout à un coût important.

Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, 43 % des adultes âgés de 25 à 34 ans ont aujourd’hui un diplôme d’études supérieures, alors qu’ils n’étaient que 23 % en 1995.

Cependant, on ne sait pas exactement dans quelle mesure ces diplômes se sont traduits par des gains économiques. Une analyse des données sur le marché du travail américain effectuée par The Economist révèle que depuis 1970, la proportion de travailleurs diplômés a augmenté dans presque toutes les professions. Mais pour environ la moitié des professions où les travailleurs sont les mieux éduqués, les salaires moyens ont quand même diminué en termes réels.

L’omniprésence du diplôme signifie que, pour de nombreux travailleurs, aller à l’université est devenu une obligation plus qu’un choix. En outre, l’université ne convient pas à tous. Les études sur le rendement économique de l’enseignement supérieur tendent à supposer que tous les étudiants obtiendront leur diplôme. En pratique, environ 30 % des étudiants en Europe et 40 % des étudiants en Amérique abandonneront leurs études avant d’obtenir leur diplôme. Cela signifie que les rendements économiques attendus d’une éducation universitaire pour les étudiants moyens sont beaucoup plus faibles que ceux que l’on évoque habituellement en ne considérant que la prime des diplômés.

Pour Bryan Caplan, l’économiste déjà cité ci-dessus, « les employeurs qui cherchent un bon travailleur (parmi le premier tiers) ne devraient souvent exiger qu’un diplôme d’études secondaires. La qualité du travail ne s’en ressentirait pas, mais on épargnerait quatre années d’études coûteuses par personne. En d’autres termes, ce que les employeurs veulent, c’est le meilleur tiers, pas nécessairement une formation ou un diplôme. Si l’on peut repérer le “meilleur tiers” avec autant de précision par un autre moyen qu’un diplôme, l’éducation n’a pas d’importance. » Rappelons que, aux yeux de l’investisseur californien Peter Thiel, l’université pourrait souvent être remplacée par un test de QI et de bonnes références. Dans les mots de Caplan, « Pour être le plus franc possible, il serait préférable que l’éducation soit moins abordable. Si les subventions gouvernementales à l’éducation universitaires étaient considérablement réduites, beaucoup de candidats ne pourraient plus financer l’éducation qu’ils envisagent d’obtenir. Si j’ai raison, cependant, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. C’est précisément parce que l’éducation est tellement abordable que le marché du travail s’attend à ce que tant de jeunes soient passés par l’université. Sans les subventions, vous n’auriez plus besoin de l’éducation que vous ne pouvez plus vous permettre. » Nous reviendrons dans un prochain billet aux opinions quelque peu iconoclastes que Bryan Capan expose dans son livre The Case Against Education (Le Dossier contre l’Éducation).

Les gouvernements ont raison de s’inquiéter de la formation de leurs futurs travailleurs, mais ils devraient considérer la hausse du niveau à l'école secondaire pour y acquérir une solide culture générale et de nombreuses autres formations par la suite et pas uniquement l’université.

Voir aussi

Peter Thiel et la bulle universitaire : un test de QI extrêmement coûteux

États-Unis — Quels diplômes universitaires rapportent le plus ?

Québec — Encadrement des élèves en hausse de 22 % depuis 2000

Si la moitié des écoles publiques québécoises sont en mauvais état et ont pâti d’un manque de dépenses gouvernementales, l’encadrement des élèves dans les écoles publiques a, pour sa part, fortement augmenté au Québec ces dernières années. Le nombre d’élèves par adulte est, en effet, passé de 14,43 en 2000-2001 à 11,80 en 2017-2018, soit une hausse de 22 % en 17 ans. 


Ces dépenses supplémentaires ciblent les élèves en difficulté et ceux provenant de milieux défavorisés notamment ceux issus de l’immigration dans l’espoir de favoriser la réussite de tous par ce personnel supplémentaire.



vendredi 30 mars 2018

France — Nul djihadiste n’est sorti d’une école libre, mais les écoles catholiques et Montessori davantage contrôlées

Les écoles libres (dites aussi hors contrat) en France sont libres de choisir leur personnel enseignant, leur programme et leur pédagogie. Elles bénéficient de nettement plus de libertés que le secteur dit privé au Québec qui est très sévèrement encadré (voir Québec — Les écoles dites privées veulent plus de souplesse et le livre Le Monopole public de l’Éducation par Jean-Luc Migué et Richard Marceau).

Le Parlement français a adopté définitivement jeudi, par un vote « conforme » de l’Assemblée, une proposition de loi centriste qui renforce l’encadrement des écoles libres hors contrat, soutenue par le gouvernement comme un outil contre « l’embrigadement » islamiste. Le texte, issu du Sénat, a été voté à main levée dans les mêmes termes qu’à la chambre haute fin février, au terme de vifs débats.

À l’ouverture des discussions, mercredi, il avait affirmé que « le contexte actuel doit nous donner encore plus d’ardeur à voter une loi comme celle-ci », après le meurtre de Mireille Knoll et les attentats de l’Aude. À notre connaissance, tous les terroristes sont pourtant issus de l’école publique...

Anne Coffinier répond aux questions de Jean-Jacques Bourdin sur cette nouvelle loi qui renforce les contrôles de l’État sur le secteur scolaire indépendant. Mme Coffinier est directrice générale de la « Fondation pour l’école », fondation créée en 2008 et reconnue d’utilité publique par le Premier ministre (décret du 18 mars 2008), elle est destinée à venir en aide au secteur des écoles hors contrat.

Extrait n° 1


Anne Coffinier:
Les écoles musulmanes sont un peu contrôlées, les écoles catholiques et Montessori sont extrêmement contrôlées. [...] Se sert-on d’un contexte émotionnel et d’une vraie urgence qui est de tout faire pour éviter le péril islamiste pour couper les ailes à un mouvement d’écoles indépendantes qui dérange, tout simplement parce que ce n’est pas l’Éducation nationale ?

Dans Valeurs actuelles, Anne Coffinier revient plus longuement sur ce fait :

[O]n ne veut pas discriminer, on refuse de désigner les endroits particulièrement problématiques et l’on inspecte donc tout le monde de la même manière. En réalité, puisqu’on a peur d’inspecter les écoles musulmanes, on inspecte même bien plus les écoles catholiques et les écoles Montessori. Selon certains responsables d’écoles musulmanes, une minorité d’entre elles sont été inspectées. Les écoles catholiques, elles, ont toutes été inspectées. Certaines l’ont même été plusieurs fois.

Alors il faut maintenant être clair. Soit on nomme le problème pour le résoudre : on met en place des inspections systématiques et régulières pour déceler les foyers islamistes. Mais dans ce cas, il faut se concentrer sur les écoles musulmanes. Soit on n’ose pas dire le problème et on reste flou dans les mots comme dans le travail. Mais dans ce cas précis, on risque d’épuiser les capacités des inspecteurs qui ne tiendront jamais plus de deux ou trois ans à ce rythme.

Il faut bien comprendre qu’un professeur du public est inspecté tous les 5 à 7 ans. En ce moment, on mobilise une quantité colossale du corps d’inspection sur les écoles hors-contrat. Ça veut dire que les professeurs du public seront moins inspectés, qu’ils tarderont à avoir leurs avancements, qu’ils auront du mal à progresser… Donc les syndicats risquent de très vite monter au créneau.

Extrait n° 2




Anne Coffinier:
Les enfants juifs de banlieue, ce n’est un secret pour personne, sont obligés de quitter l’école publique et ils trouvent refuge dans les écoles hors contrat. C’est un fait. C’est-à-dire que le communautarisme [musulman] se développe de façon puissante, que l’antisémitisme se développe de façon puissante en banlieue dans le cadre de l’école [publique].

Anne Coffinier est revenue par écrit sur le renforcement des écoles hors contrat par l’État.

« La proposition de loi Gatel vient d’être adoptée. Pour les écoles indépendantes, le pire a été évité, et l’essentiel de nos demandes a pu être entendu dans les consultations auxquelles nous avons participé.

Mais on peut vraiment s’interroger en revanche sur l’utilité de cette loi au regard de l’objectif affiché de lutter contre les risques d’endoctrinement islamiste.

Le vrai problème réside-t-il vraiment dans les 0,5 % d’élèves scolarisés dans les écoles privées sans contrat, d’autant que les écoles sans contrat musulmanes représentent une toute petite partie des 1300 établissements sans contrat (moins de 0,5 %) ?

Sur le régime d’ouverture des écoles sans contrat :

En ce qu’elle rassure les maires en leur donnant plus de temps pour examiner les projets de création d’écoles, elle est positive. Le guichet unique pour les démarches administratives d’ouverture est aussi une bonne chose.

En revanche, cette loi impose des contraintes à l’embauche du corps professoral qui sont anachroniques et sans intérêt pour lutter contre la radicalisation islamiste, comme l’obligation d’avoir un niveau licence pour enseigner en maternelle ou en élémentaire, qui gênera en particulier nombre d’écoles Montessori, ou celle de n’embaucher que des professeurs européens, ce qui compliquera l’existence des écoles internationales en particulier.

Sur le contrôle des écoles une fois ouvertes :

Nous sommes tout à fait d’accord avec le principe d’inspections et de contrôles efficaces des écoles indépendantes. Nous notons toutefois que le régime actuel était déjà très complet (il prévoit la possibilité d’inspecter une fois par an les écoles, et plus, en cas de problème).

Ce qui a manqué jusque là, c’était la volonté de l’administration d’inspecter les écoles, notamment à cause du manque de moyens humains. Nous nous demandons donc si l’Éducation nationale aura les moyens d’inspecter chaque année ces écoles, quand on sait qu’elle n’arrive pas à inspecter plus souvent qu’une fois, tous les 5 à 7 ans, les professeurs de son propre réseau, bien que leur carrière en dépende.

Mais, nous le répétons, les inspections même renforcées ne nous posent pas de problème : les écoles indépendantes que nous soutenons n’ont rien à cacher, et nous invitons tous ceux qui le souhaitent à les visiter.

Il serait bon en revanche que ces inspections portent bien sur toutes les écoles, et en particulier celles qui se prêteraient plus à une instrumentalisation islamiste, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Il sera utile également que ces inspections se déroulent d’une manière plus respectueuse de la liberté pédagogique de ces écoles, sans chercher à plaquer indûment sur le secteur sans contrat les programmes et pratiques pédagogiques de l’école publique. Les contrôles doivent s’opérer d’une manière plus transparente, neutre et respectueuse du cadre légal.

Une loi inefficace au regard de la lutte contre les risques d’endoctrinement islamiste de la jeunesse :

Dans le contexte actuel, chaque secteur doit participer à la lutte contre le fléau de l’islamisme. Le secteur sans contrat comme les autres, bien sûr. Mais notre conviction, c’est que l’on passe à côté des vrais problèmes. Ce ne sont pas les 0,5 % d’élèves scolarisés dans les écoles sans contrat qui constituent les bataillons de terroristes en France !

Il y aurait donc bien mieux à faire :

  • traiter d’abord les écoles islamistes clandestines ou illégales,
  • contrôler les activités périscolaires (cours de soutien, clubs sportifs,…) développées dans l’ombre des mosquées militantes,
  • regarder de près les écoles musulmanes sous contrat — qui constituent de loin les plus gros établissements privés musulmans, sont financées sur argent public, et vivent pour bien d’entre elles en osmose notoire avec l’organisation des frères musulmans en France (UOIF).
  • N’oublions pas qu’aucun des terroristes qui ont ensanglanté la France n’est issu d’une école sans contrat.

En imposant un carcan administratif à l’essor des écoles indépendantes, ce sont la totalité des établissements scolaires sans contrat qu’on prend pour cible, alors que :

  • 3/5 d’entre eux sont non confessionnels,
  • une part infime est musulmane,
  • les établissements sans contrat ont d’excellents résultats académiques ou offrent une seconde chance à des enfants en échec dans le système ordinaire (petits effectifs, suivi individualisé, pédagogies adaptées),
  • ils sont un laboratoire d’innovation et d’expérimentation et apportent une émulation précieuse à l’Éducation nationale.
Il est urgent que l’administration se rende compte que l’école publique a besoin des écoles indépendantes et qu’elle en favorise l’essor.

Vidéo complète



Sur la fuite des juifs des écoles publiques

Pour le politologue Jérôme Fourquet, “Dans les entretiens que nous menions pour notre livre, les gens nous disaient : ‘On avait sorti nos gamins des écoles publiques car ils s’y faisaient ‘emmerder’, mais Merah est venu en tuer jusque dans la cour d’une école juive !’”

Bernard Ravet, ancien proviseur de collège dans les quartiers nord de Marseille, raconte — dans Principal de collège ou imam de la République ? – en avoir été réduit un jour à dissuader une dame juive d’inscrire son enfant dans son établissement public. Faute de pouvoir assurer sa sécurité au quotidien, écrit-il — le cœur lourd. Même scénario quand des familles juives de la Seine–Saint-Denis (le “93”), victimes de dégradations à répétition contre leur logement, se voient conseiller de quitter le quartier par les policiers auprès desquels ils ont porté plainte. Le géographe Christophe Guilluy, qui travaille avec les bailleurs sociaux, les propriétaires publics de logements sociaux subventionnés, témoigne que, dans les faits, beaucoup de bailleurs ne prennent désormais plus le risque de loger une famille ou une personne juive dans certains immeubles, où ils seraient en danger... Christophe Guilluy est notamment l’auteur de La France périphérique, comment on a sacrifié les classes populaires chez Flammarion.

Depuis des années, les Français juifs désertent en nombre certaines villes de Seine–Saint-Denis, pour d’autres quartiers où ils seraient plus en sécurité.

Les juifs quittent la Seine–Saint-Denis (nord de Paris), région très multiculturelle
Source : L’An prochain à Jérusalem ? (Jérôme Fourquet, Sylvain Manternach, Éd. de L’Aube

Une partie de ces Français juifs de Seine–Saint-Denis [le département n° 93] a tiré la conclusion qu’il fallait déménager, aller dans des endroits où ils seraient plus en sécurité, dans le 17à Paris, à Saint-Mandé [le département n° 94], à Sarcelles [le 95]...



Un policier à une mère de famille juive du 93: « Madame, mais partez, ne restez pas dans ce logement : ils vous ont repérée »

Voir aussi

Toujours plus d’obligations : France — Instruction obligatoire dès 3 ans : quel intérêt à légiférer ?

Notons qu’au Québec, le programme unique et obligatoire d’Éthique et de culture religieuse a également et notamment été imposé pour éviter une nouvelle crise des accommodements nés de l’enrichissement culturel et ethnique récent au Québec. Il fallait “apprendre à ébranler la ‘suffisance identitaire’” des Québécois et leur “apprendre à s’intéresser à l’autre par delà les divergences et les conflits de valeurs”.

La maternelle à 4 ans n’a pas atteint ses objectifs, Québec en crée 100 classes de plus

Québec — La maternelle 4 ans n’a pas atteint ses objectifs, selon une étude.

Les enfants en maternelle à Montréal sont plus vulnérables qu’ailleurs au Québec

Québec — Doutes sur l’utilité de la maternelle dès 4 ans et les dépenses consenties

Une étude de Cambridge conclut que les enfants de cinq ans sont trop jeunes pour commencer l’école

Maternelle publique et gratuite : sans effet sur les résultats au primaire



jeudi 29 mars 2018

France — Instruction obligatoire dès 3 ans : quel intérêt à légiférer ?

La Fondation pour l’école réagit à l’annonce gouvernementale de l’abaissement de la scolarisation obligatoire des enfants de 6 à 3 ans :

J’ai décidé de rendre obligatoire l’école maternelle et ainsi d’abaisser de 6 à 3 ans en France l’obligation d’instruction dès la rentrée 2019 […] Il faut cesser de considérer l’école maternelle comme une option.
Emmanuel Macron. Assises de l’École Maternelle, 27 mars 2018.

Les Assises de l’École maternelle se sont ouvertes ce mardi 27 février sur cette annonce phare du Président, reposant sur une proposition du Ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer.

ENTRE INSTRUCTION ET SCOLARISATION, LE DEVOIR DE DISCERNER

La Fondation pour l’école rappelle à cette occasion que la liberté de choix donnée aux parents de scolariser ou non leur enfant au sein des établissements scolaires ne saurait être remise en cause, instruction et scolarisation ne pouvant être confondues. En France en effet, seule l’instruction est aujourd’hui obligatoire de 6 à 16 ans et non la scolarisation (article L131-1 du Code de l’Éducation : « l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans »).

Le cadre dans lequel cette instruction peut être offerte est fixé, lui, par article L131-2 : « l’instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix ».

L’abaissement de l’âge de l’instruction à 3 ans ne peut remettre en question une liberté majeure : la liberté des parents à choisir le mode d’instruction de leur enfant.

EST-IL OPPORTUN DE LÉGIFÉRER POUR 2,4 % D’ENFANTS ?

Par ailleurs, le taux de scolarisation des enfants de moins de 3 ans étant de 97,6 % (source INSEE), on peut légitimement s’interroger sur la pertinence à légiférer pour les seuls 25 000 enfants que cette nouvelle loi concernerait. S’il s’agit bien de s’adresser uniquement aux enfants élevés dans des environnements linguistiques et culturels différents, qui compliquent leur apprentissage du français, pourquoi ne pas apporter une réponse adaptée et spécifique à ce seul segment de la population ?

Plutôt qu’imposer un modèle unique et indifférencié à tous, il serait plus judicieux de proposer une scolarisation précoce aux seuls enfants effectivement concernés par un retard d’apprentissage de la langue préjudiciable pour leur entrée en CP [1re année du primaire].

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lundi 26 mars 2018

Démographie de l'Occident et de l'Afrique : avenir de l'immigration

Si tant d’Africains quittent et quitteront en plus grand nombre encore, leur continent, c’est que les promesses de l’indépendance n’ont pas été tenues. Pourquoi ? Que s’est-il passé ? Pour évoquer l’échec de la coopération et les enjeux de la migration Sud-Noir et cet exode massif qui se profile, Alain Finkielkraut reçoit Serge Michaïlof et Stephen Smith.

Serge Michaïlof, chercheur à l’Iris, a été l’un des directeurs de la Banque mondiale et le directeur des opérations de l’Agence française de développement. Il a publié en 2015 chez Fayard Africanistan : l’Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues ?


Stephen Smith est américain et a été journaliste spécialisé sur l’Afrique pour Libération et Le Monde de 1986 à 2005. Actuellement il enseigne les études africaines à l’université de Duke (États-Unis d’Amérique) Il vient de publier chez Grasset La ruée vers l’Europe : la jeune Afrique en route vers le vieux continent.

Écoutez l’émission :



Bibliographie

Africanistan
de Serge Michailof
chez Fayard, en 2015


Présentation de l’éditeur : En 2050, l’Afrique sera plus peuplée que la Chine, mais les jeunes en âge de travailler y seront trois fois plus nombreux et les emplois manqueront encore plus cruellement qu’aujourd’hui. Or le chômage massif de jeunes à demi scolarisés constitue l’une des principales explications de l’effondrement dramatique de l’Afghanistan, la Syrie ou l’Irak. Le Sahel francophone est une zone d’immense fragilité, dont les caractéristiques rappellent l’Afghanistan. Nous ne voulons voir que l’Afrique en progrès, celle qui offre de nouveaux marchés et regorge de matières premières. Mais l’Afrique en crise existe toujours et se comporte comme un cancer, envoyant ses métastases dans les pays voisins, et jusqu’en Europe. Bien naïf celui qui croira que la charité et les interventions militaires suffiront à éteindre l’incendie qui couve dans ces zones déshéritées. Nous ne pourrons rester longtemps indifférents : pour ne pas être nous aussi victimes de ces métastases, tentons de comprendre la réalité, et réfléchissons à ce qui peut encore être envisagé pour endiguer le feu et éviter que l’Afrique en crise n’arrive dans nos banlieues. Chercheur à l’IRIS, enseignant à Sciences Po et conseiller de plusieurs gouvernements, Serge Michaïlof a été l’un des directeurs de la Banque mondiale et le directeur des opérations de l’Agence française de développement (AFD). Son dernier ouvrage, Notre maison brûle au Sud (Fayard, 2010), a reçu le prix Jean-Michel Gaillard.

La ruée vers l’Europe : la jeune Afrique en route pour le Vieux Continent
[note du carnet : l’immigration africaine vers l’Amérique du Nord augmente aussi rapidement]
de Stephen Smith
chez Grasset, en 2018

Description
L’Europe vieillit et se dépeuple. L’Afrique déborde de jeunes et de vie. Une migration de masse va se produire. Son ampleur et ses conditions constituent l’un des plus grands défis du XXIe siècle.

L’Union européenne compte aujourd’hui 510 millions d’habitants vieillissants ; l’Afrique 1,25 milliard, dont quarante pour cent ont moins de quinze ans. En 2050, 450 millions d’Européens feront face à 2,5 milliards d’Africains. D’ici à 2100, trois personnes sur quatre venant au monde naîtront au sud du Sahara. [Note du carnet : si la tendance se maintient, les prévisions démographiques d’ici 32 ans sont probables, celles à 82 ans n’ont guère de sens.]


L’Afrique « émerge ». En sortant de la pauvreté absolue, elle se met en marche. Dans un premier temps, le développement déracine : il donne à un plus grand nombre les moyens de partir. Si les Africains suivent l’exemple d’autres parties du monde en développement, l’Europe comptera dans trente ans entre 150 et 200 millions d’Afro-Européens, contre 9 millions à l’heure actuelle.

Une pression migratoire de cette ampleur va soumettre l’Europe à une épreuve sans précédent, au risque de consommer la déchirure entre ses élites cosmopolites et ses populistes nativistes. L’État-providence sans frontières est une illusion ruineuse. Vouloir faire de la Méditerranée la douve d’une « forteresse Europe » en érigeant autour du continent de l’opulence et de la sécurité sociale des remparts — des grillages, un mur d’argent, une rançon versée aux États policiers en première ligne pour endiguer le flot — corrompt les valeurs européennes.

L’égoïsme nationaliste et l’angélisme humaniste sont uniment dangereux. Guidé par la rationalité des faits, cet essai de géographie humaine assume la nécessité d’arbitrer entre intérêts et idéaux.

Journaliste-écrivain et universitaire, Stephen Smith a tenu la rubrique Afrique de Libération (1988-2000) puis du Monde (2000-2005). Il a travaillé comme analyste pour les Nations unies et L’International Crisis Group. Depuis 2007, il est professeur à l’Université de Duke aux États-Unis, où il enseigne les études africaines. Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages publiés en France, dont Négrologie : pourquoi l’Afrique meurt ou Oufkir, un destin marocain et d’ouvrages coécrits avec Antoine Glaser comme Ces Messieurs Afrique ou Comment la France a perdu l’Afrique.


Pornographie accessible en quelques clics à tous les mineurs

mercredi 21 mars 2018

Les jeunes femmes gagnent plus que les jeunes hommes dans les métropoles américaines

James Chung un analyste de Reach Advisors, une entreprise de recherche du secteur privé, a passé environ un an à analyser les données du recensement des États-Unis de 2008, en examinant les revenus des hommes et des femmes dans les régions métropolitaines des États-Unis. L’étude complète n’a jamais été publiée, seules quelques-unes de ses conclusions.

Parmi celles publiées en septembre 2010, on retrouve la suivante : « Les salaires médians à temps plein des jeunes femmes des grandes villes américaines dépassent de 8 % ceux de leurs jeunes homologues masculins ».

Une ventilation fournie pour le magazine Time fournissait des données pour quelques grandes villes. À Atlanta, les jeunes femmes célibataires sans enfant gagnaient 21 % de plus que les jeunes hommes célibataires sans enfant. À Los Angeles, les jeunes femmes gagnaient 12 % de plus que les jeunes hommes de leurs cohortes. Ces données ont également été publiées par NPR et CBS News.

L’American Enterprise Institute a publié ces chiffres dans un tableau (repris ci-dessous) qui illustre le fait que les jeunes femmes célibataires gagnent plus que les jeunes hommes célibataires.



Chung a déclaré à Politifact en 2014 qu’il n’avait pas mis à jour son analyse pour déterminer si ces chiffres avaient changé depuis 2008. Politifact ne connaît aucune source plus récente qui aurait tenté de recréer l’analyse spécifique de Chung. En outre, la méthodologie de Chung ne semble pas avoir été sérieusement critiquée.

Pew Research a publié une étude sur les tendances salariales pour toutes les femmes entre 25 et 34 (un groupe plus étendu et plus âgé). Comparé à tous les hommes du même âge, Pew Research a constaté que les femmes gagnent 93 % de ce qu’un homme gagne.

Notons que l’étude de Chung porte sur des revenus médians sur l’ensemble des salaires, elle ne compare pas les salaires par secteur d’activités.

La raison pour laquelle les jeunes femmes dans les régions métropolitaines gagnent plus que les jeunes hommes, c’est qu’elles sont 50 pour cent plus susceptibles d’avoir un diplôme universitaire. Selon Chung, « cela signifie donc qu’elles sont les plus nombreuses que les jeunes hommes dans les emplois de premier échelon dans notre économie de la connaissance. » Ces emplois sont bien payés.

Il y a quelques années déjà l’économiste Thomas Sowell répondait à quelques idées fausses sur les différences salariales entre hommes et femmes (voir la vidéo ci-dessous). Thomas Sowell nous apprend ainsi que « la proportion des femmes parmi les cadres était plus grande pendant les premières décennies du XXe siècle que pendant les décennies du milieu du XXe siècle et tout cela avant le mouvement féministe. » Il y avait ainsi deux fois plus de femmes dans le Who’s Who en 1908 qu’en 1950 (alors en plein baby-boom). C'est la maternité qui a le plus grand impact sur les salaires, pas le mouvement féministe. Pour d’autres détails, voir la vidéo :



Source : Politifact 

Voir aussi

Wall Street Journal : « Il n’y a pas d’écart salarial hommes-femmes »

Discrimination — Les lesbiennes gagnent plus que les hétérosexuelles.

Les gars, l’école et le Conseil du statut de la femme

Classement des écoles de l’Institut Fraser (2016) : les filles dominent désormais aussi en maths

L’État [et ses emplois à l’abri des aléas économiques] se féminise et se « diversifie »


samedi 17 mars 2018

Table-ronde sur « Le cours d’éducation sexuelle dans les écoles du Québec »

L’Entraide Bois-de-Boulogne
et le Rassemblement des chrétiens du Moyen-Orient
vous invitent assister à une table ronde sur

« Le cours d’éducation sexuelle dans les écoles du Québec »


Le Ministère de l’Éducation du Québec implantera en septembre 2018 un nouveau cours d’éducation sexuelle pour tous les élèves des écoles au Québec à partir de la maternelle. Le but avoué est de réduire les grossesses non désirées, les maladies transmises sexuellement, le refus de l’homosexualité et des familles alternatives, la lutte contre la transphobie.

De nos jours les parents qui veulent élever leurs enfants selon leurs principes religieux dérangent. Même nos écoles ont perdu leur autonomie aux mains des idéologues de la pédagogie. Le programme que nous propose le Ministère traite le sexe d’une façon souvent mécanique alors que nous enfants ont besoin pour s’épanouir d’une intégration de l’amour et de la sexualité. Pour en débattre :


M. Émile Robichaud : Éducateur, historien et ex-directeur d’écoles.
Mme Solange Lefebvre-Pageau : Infirmière, fondatrice et directrice du CIREF.
M. Raymond Ayas : Homme d’affaires et père de 3 jeunes enfants.


Soyez nombreux à participer à ce débat qui nous concerne tous.
Invitez vos enfants, vos petits — enfants, leurs professeurs.


Mercredi 21 mars 2018
Centre des loisirs de Saint-Laurent
1375, rue Grenet, salle 225
Montréal

19 h 30 Rafraîchissements
20 h Débat
21 h Discussion ouverte

(Le centre est indiqué en vert sur la carte ci-dessus)





jeudi 15 mars 2018

Israël a battu tous les records de fécondité en 2016

Alors que le taux de natalité du Québec (environ 10 ‰ pour 2017) et son indice de fécondité (1,5 enfant/femme en 2016) continuent leur baisse, le taux de fécondité israélien continue d’augmenter chaque année. Il est même devenu le plus élevé de tous les pays membres de l’OCDE.

L’Office Central Israélien des statistiques a publié ses chiffres démographiques : 181 405 enfants sont nés en 2016 (83 900 en 2017 pour le Québec légèrement moins peuplé qu’Israël), un nombre qui traduit un indice synthétique de fécondité de 3,11 enfants par femme israélienne (juives et non juives) et qui place Israël en tête des tous les pays membres de l’OCDE.

Et, fait encore plus inhabituel, sur les 181 405 enfants, 73,9 % sont nés de femmes juives, contre seulement 23,2 % de femmes arabes.

Comme la plupart des pays industrialisés, le taux de fécondité en Israël avait considérablement diminué entre les années 70 et le début des années 2000, passant d’une moyenne de 4 enfants en 1970 à 2,80 enfants en 2005. Cependant depuis 2006, le taux de fécondité en Israël est en hausse et dépasse maintenant l’Arabie saoudite, qui occupait auparavant la première place, avec une moyenne de 7,30 enfants par femme en 1979, mais qui est tombé à 2,70 depuis lors. D’autres pays connaissent des regains de fécondité, parmi ceux-ci l’Algérie et l’Égypte.

Cette augmentation du taux de fécondité en Israël intervient, il faut le souligner, malgré les baisses de la plupart des groupes démographiques non juifs du pays. Le taux atteint 3,16 parmi les femmes juives israéliennes dépassant pour la première fois dans l’histoire d’Israël le taux de fécondité arabe, qui est tombé à 3,11. La plus forte baisse a toutefois été enregistrée parmi les membres de la communauté druze qui affichait un taux de 6,10 en 1980, contre 2,15 en 2016.

Près de 7 % des bébés sont nés hors mariage. Quelque 4,6 % des nouveau-nés sont nés de grossesses multiples, dont 97 % étaient des jumeaux, selon le rapport.

En 2016, les femmes juives comptaient 3,06 enfants en moyenne, soit plus qu’en 1996 (2,59). En revanche, la femme arabe moyenne comptait 3,11 enfants, en baisse significative par rapport au chiffre de 4,35 en 1996 et à près de 6 en 1980.

Le taux de fécondité le plus élevé dans les communautés de plus de 10 000 habitants se trouvait dans la ville ultra-orthodoxe de Modiin Illit, avec 7,59 bébés par femme et le taux le plus bas, 1,91, dans la ville laïque du nord de Kiryat Tivon.

L’âge moyen auquel les femmes israéliennes ont leur premier enfant a augmenté d’un an et cinq mois depuis l’an 2000, et en 2016, il était de 30,4 ans, selon le rapport.


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Extraits d’un article de Marianne.

Chaque année, de plus en plus de parents décident de sortir leurs enfants de l’école et de se charger eux-mêmes de leur instruction. Parmi eux, beaucoup d’enseignants, rebutés par ce qu’ils ont vu de l’Éducation nationale. Et déterminés à expérimenter d’autres méthodes pédagogiques.

Huit heures du matin, un vendredi du mois de septembre. Dans la maison des Hérino, parents et enfants s’activent dans la cuisine, entre tartines, café et galettes de riz. Pourtant, des cinq membres de la famille, seul Rodolphe, 43 ans, doit partir à temps pour arriver à l’école. Il est professeur de physique-chimie dans un collège ; sa femme, Claire, est institutrice, en « disponibilité » depuis plusieurs années. S’ils le voulaient, leurs trois enfants, Martin, Marion et Antoine, pourraient aller se recoucher une fois le petit déjeuner englouti : aucun d’eux n’est scolarisé. Du tout, ni dans le public, ni dans le privé. Rodolphe reconnaît qu’il lui a fallu plusieurs années pour assumer le paradoxe : « Je vis d’un système que je refuse pour mes enfants. Au début, c’était très culpabilisant. »
En toute légalité

Un choix atypique, certes, mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, pas illégal. Car si, depuis Jules Ferry, l’instruction est obligatoire, l’enseignement, lui, est libre, et chaque parent peut choisir le mode d’éducation qu’il estime adapté pour son enfant. Dès lors qu’il accède au fameux « socle commun de connaissances, de compétences et de culture » — ce qu’un inspecteur de l’Éducation nationale est censé contrôler annuellement —, tout est possible. En 2015, près de 25 000 petits filous ont ainsi échappé à l’appel du maître, sans même avoir besoin de s’inventer une fièvre en posant le thermomètre sur le radiateur. Sur 8,1 millions d’enfants soumis à l’obligation scolaire, le chiffre peut sembler dérisoire. Sauf qu’il est en constante augmentation : en sept ans, il a même été multiplié par deux, au point d’alerter le ministère de l’Éducation nationale qui se dit désormais « préoccupé » par la tendance. D’autant que, dans le documentaire Etre et devenir (voir les vidéos avec la réalisatrice ci-dessous), sorti en 2014, qui retrace les parcours de familles pratiquant l’instruction à domicile, la proportion d’enseignants parmi les dissidents est pour le moins saisissante... Et un brin déstabilisante. Comment des professeurs, témoins privilégiés et acteurs principaux du système, sont-ils devenus des apostats de l’école ?

[...]



Sur le papier, Soline Lucas avait coché toutes les cases d’une scolarité exemplaire. Excellente élève, benjamine de sa promotion à la Femis, prestigieuse école de cinéma parisienne, elle se décrit comme un « pur produit de l’Éducation nationale ». « Mais, socialement, j’étais une handicapée de la vie, assène la trentenaire en guise d’introduction. Je n’ai pas profité de cette réussite scolaire. J’ai subi du harcèlement scolaire, des moqueries. J’ai été témoin de violences ordinaires et d’humiliations auxquelles je ne voulais pas exposer mes enfants. »

Très intéressée par les pédagogies alternatives, Soline commence par se mettre en quête d’une école Montessori pour ses petits garçons. Cette méthode, mise en place au début du XXe siècle par une pédagogue italienne, favorise l’autonomie des élèves : rarement assis derrière une table, ils sont en circulation constante dans l’espace, en fonction des activités qu’ils choisissent eux-mêmes d’entreprendre. « Pour moi, c’était la panacée ! » sourit-elle. Elle-même passe le concours de professeur des écoles, avec l’idée d’adapter ses enseignements dans cette direction. Double échec. Les écoles Montessori sont chères et trop éloignées du domicile familial. Quant aux résultats qu’elle-même obtient en tant qu’institutrice dans sa classe de moyenne section du XVe arrondissement de Paris, ils ne sont pas à la hauteur de ses ambitions. « Je n’arrivais pas à aller au bout de ce que je voulais mettre en place, reconnaît-elle franchement. Ils s’emmerdaient. Mais ils s’emmerdaient vraiment ! » Résultat : tout le monde est rentré à la maison, Soline comprise, son congé parental en bandoulière. C’est alors qu’a débuté pour la famille Lucas une expérience pour le moins radicale.

Car ce n’est pas pour faire l’école à la maison que les enseignants rencontrés par Marianne ont claqué la porte de l’Éducation nationale, mais pour tenter l’aventure de « l’apprentissage autonome ». Pas de programme scolaire, pas de matières séparées les unes des autres, pas de leçon, pas de contrôle, ni de notes : les enfants ne s’intéressent qu’à ce qu’ils veulent, et à leur rythme. L’idée peut sembler dingue, elle n’est pourtant pas nouvelle. Dès 1971, le penseur autrichien Ivan Illitch publie Une société sans école, un livre de référence chez les adeptes de la non-scolarisation. Farouche contempteur de la société de consommation, Illitch insiste sur les capacités d’apprentissage naturelles de l’enfant : « Ce n’est pas l’école qui apprend à l’enfant à parler, à jouer, à aimer, à se sociabiliser, qui lui apporte la connaissance d’une deuxième langue, le goût de la lecture », écrit-il.



[...]

Une lubie pour riches bobos ?

Ce sont les parents eux-mêmes qui tempèrent les enthousiasmes. La tribu habite en rase campagne, à quarante minutes de voiture de Limoges. Claire a passé de longues heures à faire le taxi pour accompagner ses enfants à un stage chez un menuisier ou au cours de guitare ; le prix à payer pour éviter l’isolement social. Dans un avenir proche, les Hérino aimeraient développer une pratique plus collective, constituer « une communauté éducative », selon leurs termes, qui serait accessible à tous, y compris à ceux qui vont à l’école. « Pour qu’un enfant qui souhaite apprendre le russe, par exemple, puisse être soutenu dans son élan, explique la jeune quadragénaire. On ne dit pas que la déscolarisation est le meilleur choix pour tous. Il se trouve que, moi, ça m’a passionnée, parce que ça entrait en résonance avec ma vocation personnelle. Je le vis comme un cadeau non prémédité. »

Claudia Renau n’avait rien prémédité non plus. Professeur d’histoire-géographie dans la région parisienne pendant dix ans, puis dans un Espe — nouveau nom des IUFM — pendant cinq ans, elle découvre par hasard la déscolarisation en parcourant des forums Internet. Son mari, qui de son côté y songeait depuis plus d'un an, saute sur l'occasion et lui propose de n'envoyer aucune de leurs trois filles à l'école. «J'ai mis trois ans à accepter l'idée, j'avais pour ma part de très bons souvenirs de classe, admet Claudia. Mais mon mari était convaincu qu'avant 10 ans un enfant n'est pas assez solide pour faire face à ce que l'école a de corrosif. J'ai eu envie de lui faire confiance.»

Les souvenirs de son expérience personnelle en tant qu'enseignante ont fait le reste. Alors qu'elle est en poste en zone d'éducation prioritaire à Evry, Claudia découvre une souffrance à laquelle elle-même avait échappé : celle des élèves en grande difficulté. «C'était des adolescents vifs d'esprit, mais ils avaient de mauvaises notes. Je me souviens d'un garçon en particulier, qui a vraiment vécu son redoublement comme une punition. Je l'ai défendu, mais j'ai compris que je n'étais pas crédible parce qu'on estimait que j'étais trop laxiste. J'avais de la considération pour mes élèves, mais ce n'était pas au détriment de leur travail, au contraire ! Un enfant qui a de mauvaises notes va accepter d'être orienté dans une "voie de garage" et sortira de l'école convaincu de sa propre nullité. Et c'est révoltant.»

Depuis que la famille s'est lancée dans la «désco», de longues heures de réflexion et de discussion avec son mari ont rendu Claudia incollable sur les arguments que l'on oppose le plus souvent à sa démarche. Une lubie pour riches bobos ? Plutôt un choix de vie qui oblige à réviser ses priorités : les Renau vivent à cinq dans un appartement parisiende 45 m2 que Claudia a payé avec son salaire de prof. Les autres familles que nous avons rencontrées partagent un salaire ou puisent le minimum dans leurs économies, héritage ou vestiges d'un poste abandonné. Les authentiques «riches bobos», eux, auraient plutôt tendance à contourner le naufrage de l'école en inscrivant leurs enfants dans le privé.

Parmi les remarques les plus courantes, les parents pratiquant l'instruction à domicile entendent aussi - à raison - qu'ils sont des privilégiés bénéficiant d'un haut niveau d'instruction : tous les parents ne pourraient pas suivre leur exemple. «Mais que fait l'école de cette question de l'égalité républicaine dans un système qui, de manière structurelle, privilégie l'héritage ?» interroge Claudia Renau, faisant allusion aux études européennes (2) qui pointent les graves inégalités scolaires des petits Français en fonction de leur origine sociale.

"Comme des chercheurs"

Interrogé par Marianne, le ministère de l'Education nationale engage à «se détendre un peu», c'est-à-dire à modérer la portée de ces expériences qualifiées de «libertariennes» et d'«ultra-individualistes». «Nous n'avons pas d'hostilité à leur égard, affirme Olivier Noblecourt, directeur adjoint du cabinet de la ministre Najat Vallaud-Belkacem. Mais l'école doit être capable de donner un cadre collectif, et de transmettre un certain nombre de valeurs aux enfants.» Du côté des «désco», personne n'a formulé le vœu de brûler l'école de la République, et les profs sont qualifiés, au choix, de «perles», de «guerriers» ou de «digues sans lesquelles le système scolaire abîmerait bien plus d'élèves encore». Cette poignée d'aventuriers intello, anticonformistes et décroissants convaincus, espèrent même pouvoir un jour faire bénéficier la collectivité de leurs réflexions.

Pour l'instant, l'Education nationale a tendance à tenir ce projet à distance, en renforçant plutôt le contrôle des familles qui pratiquent l'instruction à domicile. Pour l'institution, il s'agit évidemment d'éviter que certains parents ne partent en roue libre et ne privent leurs enfants de l'accès à la connaissance ; chez les adeptes de l'apprentissage autonome, ce «fliquage» est perçu comme une entrave à la fameuse liberté d'enseignement, inscrite dans la loi. «Il y aurait pourtant des choses à apprendre de nous, notamment sur les façons de préserver les capacités d'adaptation et d'innovation des enfants !» estime Soline Lucas. En termes d'expérience, cette maman de trois petits garçons non scolarisés en connaît un rayon : la famille vit en itinérance, dans une caravane, en mode carpe diem. «Il faudrait nous considérer comme des chercheurs», propose la jeune femme. Chercheurs ou savants fous, tous ont le mérite d'interroger les conditionnements... Et de bousculer les certitudes.

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mercredi 14 mars 2018

Mathieu Bock-Côté et l'école québécoise

Comment se porte le système d’éducation québécois 20 ans après la réforme ? Richard Martineau en discute avec Mathieu Bock-Côté.

lundi 12 mars 2018

Ressac face à une campagne anti-raciste dans les écoles de Colombie-Britannique et l'université de l'Ontario

Deux établissements d’enseignement canadiens ont, cette semaine, été la scène des campagnes visant à souligner le « privilège » racial de certains étudiants.

L’Institut de technologie de l’Université de l’Ontario (UOIT) a mis en place des affiches « encourageant » les étudiants à « prendre conscience de leurs privilèges » en utilisant une liste de catégories prétendument privilégiées telles que « chrétien », « blanc », « né au Canada », « hétérosexuel » et « homme ». Voir ci-dessous.

Devenez conscient des privilèges (un avantage social indu explique les affiches).
Rappelons que les femmes réussissent mieux dans le milieu scolaire que les hommes qui décrochent nettement plus que les filles. Et parmi ceux-ci, au Québec, les élèves blancs mâles francophones nés au Québec... Les immigrants de deuxième génération (nés au Québec de parents étrangers) sont plus persévérants dans leurs études que les petits Québécois dits « de souche », révèlent les plus récentes statistiques du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES). Égide Royer, professeur associé à la Faculté des sciences de l’éducation à l’Université Laval, a observé dans les colonnes du Devoir que « Les élèves francophones nés au Québec réussissent nettement moins bien que les immigrants qui ne parlaient même pas français en arrivant ici. C’est fascinant ». Pas inquiétant ou désolant, fascinant. La belle distance scientifique. Les trois quarts (76 %) des élèves non immigrants du réseau public ont obtenu un diplôme ou une qualification sept ans après le début de leurs études secondaires, contre 82 % des élèves immigrants de deuxième génération. Il s’agit de statistiques décrivant la cohorte d’élèves ayant commencé ses études secondaires en 2009. L’écart est encore plus important chez les garçons : à peine 71 % des Québécois de souche ont un diplôme, tandis que 79 % des immigrants de deuxième génération l’ont obtenu (toujours après sept années d’études secondaires dans le réseau public).

Pendant ce temps, le district scolaire 74 en Colombie-Britannique a mis en place des affiches mettant en vedette des représentants de l’administration scolaire qui souligne leurs propres expériences du racisme et des privilèges.

Sur une affiche (voir ci-dessous), Teresa Downs, surintendante du district, se tient à côté d’une citation qui dit : « J’ai injustement profité de ma couleur de peau. Le privilège blanc n’est pas acceptable. » L’image ci-dessous, trouvée sur Twitter, y était marquée d’un « Luttez contre le mensonge ».

Sur une autre affiche, la directrice du district responsable de l’éducation des Autochtones, Tammy Mountain, apparaît à côté de la citation : « J’ai ressenti du racisme. Et vous ? »

Dans le cas de l’UOIT, les affiches semblent avoir été rapidement retirées après avoir été accueillies avec mépris par des internautes.

« Je suis membre de presque toutes les catégories, mais les auteurs de ces affiches n’ont aucune idée si j’ai eu un “accès injustifié au pouvoir social” à cause de cela », a écrit un critique sur la page Facebook de UOIT Student Life, le service universitaire à l’origine de ces affiches.

Un reportage de la télévision locale de la CBC sur ce sujet donna la parole à Kansas Field Allen, une mère qui s’était plainte sur Facebook que cette campagne encourageait la conscience raciale des élèves et qu’elle semait ainsi la division raciale.

« Je dirais que 95 % des gens veulent qu’on retire ces affiches, et cela de la part de toutes les races », a-t-elle déclaré.

Field Allen, a déclaré avoir reçu des messages qui la blâmait d’avoir élevé des « enfants racistes blancs ». Pourtant, son mari n’est pas blanc et ses enfants ne le sont donc pas (voir ci-dessous).


Le professeur David Haskell de l’université Wifred Laurier a produit un gazouillis sur ces campagnes de « sensibilisation » :


Entretemps, au Québec (enfin « meanwhile, back in Quebec »)

Il ne faut pas croire que cette chasse aux privilèges des « blancs », « chrétiens », « mâles » « nés au Canada » se limite au Canada hors Québec. En réalité, les mêmes causes ont les mêmes effets. Les causes : d’une part, non seulement le multiculturalisme officiel, mais une même idéologie accusatrice répandue dans les universités et les gros médias et au premier chef par les diffuseurs publics et, d’autre part, le terreau fertile d’une société de plus en plus fragmentée et communautarisée par l’immigration massive.

Lize Ravary s’est dite « en état de choc » après avoir participé mercredi dernier à un panel sur le racisme au Québec, organisé par l’émission d’affaires publiques The Current à la radio de la CBC. Extraits de son article :
Panéliste, une jeune avocate en vue née de mère québécoise convertie à l’islam et de père érythréen a déclaré, pesant chaque mot, que les Québécois ont des comportements profondément racistes.

[...]

Ce soir-là, j’ai été confrontée [je me suis heurtée] à l’antiracisme, un racisme concocté dans les universités américaines, contre les Québécois. Pour comprendre les Québécois de vieille souche, il faut connaître leur histoire. Leurs souffrances, le racisme dont ils ont été et sont encore victimes. Leurs victoires aussi. Mais les gens que j’ai entendus mercredi n’ont aucun intérêt pour le peuple québécois. Nous sommes majoritaires, nous sommes blancs et chrétiens. Nous sommes l’ennemi. Une jeune femme noire s’est levée pour dénoncer la suprématie blanche au Québec, « source de tous les problèmes ». Une prof noire de McGill sur le panel a dit que les Québécois se servent de la langue comme excuse pour refuser des emplois aux « racisés ». La jeune avocate s’est plainte d’avoir à faire du white passing, agir comme une blanche. Par exemple, se lisser les cheveux pour être acceptée.

[...]

L’avocate a dit que si nous pouvions porter des costumes à l’Halloween, les musulmanes doivent pouvoir porter le niqab. Misère. Pures créatures du multiculturalisme canadien.

[...]

Elles l’affirment sans gêne : c’est à nous de nous adapter. Les « racisés » n’ont pas à adopter les normes des Blancs pour réussir. Commentaire bébête : si je vivais au Sénégal, je porterais des boubous. Vers la fin, une dame juive s’est levée pour dire qu’elle aurait aimé qu’on parle de laïcité et d’islam politique. Elle s’est fait rabrouer par l’avocate musulmane : « Ce soir, ce n’est pas une plateforme pour les Blancs. Et arrêtez de parler d’islam politique. »

Le député conservateur québécois Maxime Bernier s’est également retrouvé au centre d’un vif échange sur Twitter avec la députée libérale noire Celina Caesar-Chavannes née dans les Antilles.



Au lendemain du budget fédéral, Bernier n’a pas apprécié que le ministre de l’Immigration Ahmed Hussen, né en Somalie, tweete qu’il s’agissait d’un budget « historique pour les Canadiens racisés ».

Bernier n’a pas aimé pas ce « jargon » qui divise, « préférant vivre dans une société qui traite les gens de manière égale sans être définis par la couleur de leur peau. »


La députée noire Caesar-Chavannes n’a pas apprécié le message de Maxime Berner. « S’il vous plaît, dites à cet homme hautement privilégié que la lutte à la discrimination vise l’équité et la justice et non pas, comme il le dit, la création d’une société daltonienne... Taisez-vous ! » Mme Caesar-Chavannes a ajouté qu’un refus de prendre en considération la couleur de la peau contribue au racisme...

Ah, toute cette diversité et son cortège d’enrichissements mutuels et de vivre-ensemble joyeux et tolérant.

Sources : Twitter, Toronto Sun, Journal de Montréal et Edmonton Journal

Floride — Les élèves intimidés pourront fréquenter gratuitement une école privée

Les élèves victimes d’intimidation pourront obtenir de l’argent pour être transférés dans des écoles privées en vertu d’une loi signée dimanche par le gouverneur Rick Scott de Floride.

Le gouverneur républicain a approuvé le projet de loi HB 7055 qui était une des priorités du président de la Chambre, le républicain Richard Corcoran et le président du Sénat, Joe Negron. L’approbation de ce projet de loi s’est produite quelques heures avant la fin de la session législative de 2018.

Le député Corcoran l’a appelé un « grand jour pour l’éducation en Floride. »

Les bourses « Hope » proposées par Corcoran seraient financées par des automobilistes jusqu’à concurrence de 40 millions de dollars par année.

Les élèves intimidés de la maternelle à la 12e année seraient admissibles à ce programme. Programme que les démocrates et le plus important syndicat d’enseignants de l’État, la Florida Education Association, ont ridiculisé en la traitant d’autre expansion au programme de chèque scolaire pour l’école privée.

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dimanche 11 mars 2018

De moins en moins de personnes meurent lors de catastrophes naturelles liées au climat

L’écologiste sceptique, Bjørn Lomborg, a fait remarquer aujourd’hui que de moins en moins de personnes meurent dans des catastrophes naturelles liées au climat.



C’est de toute évidence le contraire de ce qu’on entend habituellement, mais c’est peut-être parce que nous sommes souvent mieux informés en permanence dès qu’un désastre se produit. Le nombre d’événements signalés est en augmentation, mais c’est principalement dû à une meilleure collecte d’information, à des seuils plus faibles avant qu’on en parle et à une meilleure accessibilité (l’effet chaîne d’information 24 h/24). C’est ainsi que,  pour le Danemark, la base de données des catastrophes ne reprend que des informations portant sur des événements ultérieurs à 1976.

Mais si l’on observe le nombre de morts annuel, on a une tout autre vision des choses. Comme ces chiffres fluctuent énormément d’une année à l’autre (surtout dans le passé, avec d’énormes sécheresses et inondations en Chine), on a lissé ces chiffres en prenant des moyennes annuelles de victimes par  décennie (1920-29, 1930-39, etc.), la dernière période servant à la moyenne annuelle allant de 2010 à 17. Les données proviennent de la base de données mondiale la plus respectée, la base de données internationale sur les catastrophes, http://emdat.be/emdat_db/. il y a une certaine incertitude quant à l’établissement de rapports complets dès les premières décennies, c’est pourquoi ce graphique commence en 1920 et, s’il existe une certaine incertitude quant aux premières décennies, les chiffres et ce graphe sous-estiment le nombre de victimes dans le passé.

Diminution du nombre de décès.

Bjørn Lomborg souligne que cela ne signifie ni qu’il n’y a pas de réchauffement climatique — personnellement nous l’espérons pour le Québec — ni que le climat ne pourrait pas éventuellement causer plus de victimes (la population continue d’augmenter rapidement en Afrique par exemple). Mais ce que ces statistiques indiquent c’est que notre richesse et notre prospérité grandissantes et notre faculté d’adaptation ont largement surpassé tout impact négatif du climat.

Notez que la réduction des décès absolus s’est produite alors que la population mondiale a été multipliée par quatre. Le risque individuel de mourir lors de catastrophes liées au climat a diminué de 98,9 % depuis 1920. L’année dernière, moins de personnes sont mortes à la suite de catastrophes climatiques que lors de n’importe quelle année des trois précédentes décennies (1986 partage cet honneur).

Curieusement, alors que les décès liés au climat ont fortement diminué depuis 70 ans, les décès non climatiques n’ont pas connu un déclin similaire. Ils devraient probablement davantage intéresser nos médias et nos pouvoirs publics.

Source : base de données internationale sur les catastrophes, http://emdat.be/emdat_db/


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Numérique à l'école, la panacée ?

Pendant que l’on pérore sur l’interdiction du portable intelligent à l’école, les nouvelles technologies continuent d’investir les classes de nos enfants.

Paradoxe ? C’est possible. Au moins, faut-il s’interroger sur l’intérêt de retirer les téléphones des mains de nos écoliers, pour qu’une fois dans la classe, on leur enseigne sur un tableau numérique, tout en leur donnant un stylet et une tablette tactile, et qu’on les oblige à se connecter sur Internet dès leur retour au domicile familial pour y consulter le cahier de textes numérique ou d’y faire leurs devoirs…

Ces dernières années ont vu se développer des ENT (espaces numériques de travail) dans presque tous les établissements ainsi que de nombreux programmes pédagogiques expérimentaux, fondés sur le « tout-numérique ». Ils ont été imposés dans les classes, jusqu’à remplacer les méthodes dites traditionnelles : apprentissage de la lecture sur tablette, exercices de maths sur tableaux numériques, tout est bon pour remplacer le vieux tableau à craie, dépassé…



Mais nos enfants apprennent-ils mieux sur écran ? Rien n’est moins sûr, à en croire les rapports d’évaluation de ces expériences. Catherine Lucquiaud, informaticienne de formation (titulaire d’un doctorat), chef de projet et enseignante, a décortiqué de nombreux retours. Et il faut bien le dire : le bilan global interroge.

Lire l’article en entier :

lundi 5 mars 2018

France — dédoublement des classes en banlieues, fermeture de 200 à 300 classes en milieu rural

Jean-Michel Blanquer a annoncé des fermetures de classes tout en assurant qu’il y aurait plus d’ouvertures que de fermetures. Le monde éducatif craint de voir la campagne lésée.

Environ 200 à 300 classes « grand maximum » en milieu rural fermeront pour la rentrée prochaine, a déclaré lundi 5 mars le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, au micro de France Inter, après des semaines de contestation en zones rurales. M. Blanquer a ensuite assuré qu’on « ouvrait plus de classes que l’on en fermait ».

« J’ai été interpellé à l’Assemblée par des députés qui protestaient contre ce soi-disant sacrifice du rural et c’étaient des départements où on crée des postes », a précisé le ministre. « On parle de ce que l’on ferme, mais on peut parler de ce que l’on ouvre », a-t-il renchéri.

Les syndicats, des enseignants et des élus locaux disent que les ouvertures de classe, notamment grâce au dédoublement des CP et CE1 [deux premières années du primaire] en éducation prioritaire, ont lieu dans les banlieues prioritaires [immigrées]. Ils craignent que cette politique de dédoublement en éducation prioritaire [12 élèves par classe plutôt que 24], qu’ils soutiennent, s’effectue au détriment des classes à la campagne.

Le ministre a assuré être « le premier fervent partisan des écoles rurales » et qu’il travaillait « justement pour préserver » ces écoles. « Je suis engagé en ce moment dans une politique de reconquête du monde rural, on va créer des internats ruraux », a-t-il ajouté.

Dédoublement des classes en banlieues immigrées une mesure gourmande en ressources

Car la mesure phare de Jean-Michel Blanquer dans le primaire, le dédoublement des CP [1re année du primaire] de REP et REP+ [éducation prioritaire] — mesure qui devait être progressivement étendue au CE1 [deuxième primaire] dès septembre — est gourmande en postes. Certes le ministre en crée : 3 881 pour l’année prochaine, a-t-il annoncé, alors, souligne-t-il, que la démographie des élèves est en baisse. Pourtant, des classes vont fermer, voire des écoles entières. C’est le cas chaque année, et chaque année c’est la même émotion. Mais cette année, l’accusation de déshabiller Paul pour habiller Jacques revient comme un leitmotiv.

En Moselle [Nord-Est de la France], par exemple, 88 fermetures de classes sont envisagées, pour vingt ouvertures. Les postes supplémentaires créés ont tous été « avalés » par le fameux dédoublement. Le cas le plus emblématique est celui de Havange, un village de la vallée de la Fensch coincé entre le Pays-Haut (bassin de Longwy) et la frontière luxembourgeoise. La classe unique de la commune, qui compte 450 habitants, sera supprimée en septembre, faute d’un effectif suffisant. Là où il aurait fallu dix-neuf élèves pour son maintien, quinze enfants, seulement, ont été comptabilisés dans la perspective de la prochaine rentrée. « Fermer une classe revient ici à fermer l’école et ce n’est pas acceptable, car ce serait la mort du village », se désole Alain, parent d’élèves.

Au Sénat, l’élu lorrain Jean-Louis Masson (divers droites) a interpellé Jean-Michel Blanquer, mardi 20 février, lors de la séance de questions au gouvernement. « Dans la ruralité, on exige dix-neuf élèves pour maintenir une classe unique alors que dans certains quartiers urbains dits “sensibles”, le gouvernement a fixé le seuil à douze élèves pour [les CP et les CE1, les deux premières années du primaire]. Eh bien, je le dis, c’est une honte ! » s’est étouffé le sénateur, dénonçant « une logique absurde et purement comptable ». Quant au maire d’Havange, Marc Ferrero, il ne décolère pas : « Je suis maire depuis 2001, j’ai moi-même fréquenté l’école du village, tout comme mes enfants. J’ai connu, en tant qu’élu, des périodes où les élèves étaient douze ou treize et jamais nous n’avons été inquiétés ! » et de conclure sévèrement : « Victor Hugo voulait fermer des prisons et ouvrir des écoles. Ce gouvernement fait tout le contraire. »

Tous les moyens sont en réalité phagocytés par les dédoublements de classes en zone REP et REP+ et les effectifs moyens des autres classes explosent

Les banlieues immigrées : des élèves « en retard » malgré un meilleur encadrement

Dans sa dernière note d’information, le Département d’études statistiques de l’Éducation nationale (DEPP) publie un « état des lieux » de l’éducation prioritaire (EP).

Dans le document, l’organisme rappelle avant toute chose qu’il ne s’agit « pas d’une évaluation » de l’EP, mais que cette étude « vise à faire un point » dessus, « aussi complet que possible » — puisque le dispositif REP+ n’est entré en application qu’à la rentrée 2015.

Premier constat : près de trois collégiens de REP+ sur quatre sont « très défavorisés socialement ». À la rentrée 2017, l’éducation prioritaire regroupe 6700 écoles, ainsi que 1097 collèges publics, dont 365 en réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+). Or, selon le DEPP, « 9 collèges sur 10 en REP+ accueillent plus de 60 % d’élèves d’origine sociale défavorisée », contre « seulement 6 % des collèges hors EP ».

Par ailleurs, les enseignants qui exercent en éducation prioritaire sont « en moyenne jeunes », avec peu d’ancienneté dans le même collège — ce qui « met en évidence leur taux de rotation » dans les établissements. Selon le DEPP, en 2016-2017, 45 % des professeurs enseignent en EP depuis deux ans ou moins, contre 33 % pour les autres collèges publics. « Les enseignants y sont par ailleurs plus jeunes que leurs homologues des autres établissements publics : 38 % des professeurs de collège en REP+ ont 35 ans ou moins ; cette part est de 36 % en REP et de 22 % hors EP », indique l’étude.

Deuxième constat : les collégiens en REP+ sont « plus fragiles » scolairement. « Près d’un élève sur cinq est en retard à l’entrée en 6e » — la maîtrise par les adolescents d’EP des compétences du socle commun de connaissances et de compétences étant « moins solide », selon le DEPP.

« Toutefois, l’éducation prioritaire ne concentre qu’une minorité des élèves en retard : 13,3 % des élèves de 6e en retard sont scolarisés en REP+ et 19,5 % en REP. Près de 7 élèves en retard sur 10 sont ainsi scolarisés hors EP », relativise l’étude.

Enfin, selon le DEPP, la situation est « similaire » en primaire, avec un taux d’encadrement « un peu meilleur » dans les écoles de l’éducation prioritaire (20,6 élèves par classe en REP+ et 22,3 en REP, contre 23,8 pour les écoles hors EP).

« Ces taux d’encadrement n’incluent pas les enseignants relevant du dispositif Plus de maîtres que de classes. De tels écarts entre les écoles de l’éducation prioritaire et les autres sont structurels. Ils ont été augmentés avec la mise en place des CP dédoublés [12 élèves par classe] en REP+ : 95 % des classes de CP en REP+ sont des classes uniques et 89 % d’entre elles comptent 15 élèves ou moins », conclut l’étude.

Sources : Le Monde, Le Point, DEPP

dimanche 4 mars 2018

Programme du PQ en éducation — Faire connaître leurs racines aux enfants du Québec

S'inspirant d'initiatives à succès comme Enseigner le Kamouraska, la porte-parole du Parti québécois (PQ) en matière d'éducation primaire et secondaire et de persévérance scolaire, Carole Poirier, et le porte-parole en matière d'identité nationale, Pascal Bérubé, ont annoncé qu'un gouvernement du Parti Québécois, par le biais de projets pilotes, offrira aux élèves de 2e et 3e cycles du primaire des activités de découverte, de familiarisation et d'attachement à leur identité, à leur histoire et à leur réalité.

Par le lancement de projets pilotes, un gouvernement du Parti Québécois entend offrir aux élèves québécois de 2e et 3e cycles du primaire des activités de découverte, de familiarisation et d'attachement à leur histoire locale et régionale.

Ces activités, en lien notamment avec les MRC et les sociétés d'histoire locales, s'inscriront aux domaines actuels « Univers social » et « Science et technologie » ou dans le cadre du cours d'éducation à la citoyenneté qui remplacera le cours Éthique et culture religieuse.

Une somme de 20 M$ sera allouée annuellement pour couvrir les coûts des projets éducatifs, qui devront répondre à des critères précis.

Dix demi-journées y seront consacrées sur 3 ans.

vendredi 2 mars 2018

Famille, autorité, limites, nation : la Désintégration tranquille

Famille, autorité, héritage, nation : au-delà de son aspect festif, le mouvement des années soixante (Mai 68 en France, la Révolution tranquille au Québec, le mouvement de contre-culture aux États-Unis) précipita, par la remise en cause des valeurs traditionnelles, la grande désagrégation des sociétés occidentales. Le chroniqueur Éric Zemmour se penche sur le bouleversement que ce mouvement causa.

Une des idoles de Mai 68 : Mao Tsé-toung, qui, avec sa Révolution culturelle, vient d’envoyer à la mort des millions de Chinois.

Maintenant on sait. On sait que Mai 68 n’était qu’une ruse de l’histoire. On sait que le marxisme emphatique des jeunes révolutionnaires n’était qu’une manière détournée de faire le jeu du marché. On a lu Régis Debray, dès 1978, et Luc Ferry, au milieu des années 1980. Avant eux, l’Américain Christopher Lasch, et tous les autres depuis. On sait que la « crise de civilisation » diagnostiquée alors par Georges Pompidou était surtout une mutation du capitalisme, qui passait d’un système fondé sur la production, l’industrie et l’épargne, à une économie basée sur la consommation, les services et la dette. On sait que même la « grève générale », rêve séculaire de tous les syndicalistes, a été noyée sous les augmentations de salaire — bientôt dévorées par la dévaluation du franc et l’inflation — et le retour de l’essence dans les stations-service pour les départs du pont de la Pentecôte.

On sait que le talent du slogan travaillé dans les ateliers de la Sorbonne s’est reconverti dans les agences de publicité. On sait que la libido des étudiants de Nanterre qui voulaient aller dans le dortoir des filles s’est transmuée en pulsion de consommation. On sait que leur universalisme utopique a fait le lit du marché mondial des capitaux et des marchandises. On sait que leur antiracisme généreux a forgé dans l’ouest de l’Europe des sociétés multiculturelles où chacun suit sa coutume, ses racines, sa loi religieuse. On sait que l’austérité virile des militants maoïstes a été subvertie et vaincue par le féminisme hédoniste du MLF et des mouvements « gays ».

On sait que Mai 68 a commencé avant mai 1968. À Vatican II, avec la chute de la pratique du catholicisme. Ou en cette même année 1965, avec la fin du baby-boom démographique. Ou en 1967, avec la légalisation de la pilule. Ou avec les émeutes raciales de Los Angeles ou les manifestations contre la guerre du Vietnam, ou l’émergence du « politically correct », la défense véhémente des minorités. On sait que Mai 68 n’a pas été seulement français, mais occidental (Italie, Allemagne, États-Unis), et même européen (Prague) et même mondial (Mexique). On sait que Mai 68 a été cependant la voie française pour fermer le ban de l’histoire révolutionnaire du pays en faisant une ultime révolution pour rire. Une dernière révolution, mais sans mort ou presque. Une révolution faite au nom du peuple par les fils de la bourgeoisie. Comme 1789 et 1848. Et, comme d’habitude, disait déjà Marx à propos de 1848, l’histoire se répète, la première fois en tragédie, et la seconde en farce. Mai 68, ce fut farces et attrapes.

Le général de Gaulle avait joué le rôle de Richelieu et celui de Louis XIV ; les rebelles de la Sorbonne jouèrent donc aux enragés de 1793. La cible était idéale. De Gaulle, c’était tout à la fois le dernier père avant les papas poussettes, le dernier chef avant les cadres, la dernière incarnation de la nation avant la dissolution de la nation, le dernier homme avant les adolescents féminisés.

La cible était parfaite et peu importe qu’elle ait elle-même préparé le terrain, par de nombreuses mesures « émancipatrices », à ceux qui allaient le renverser. Sa mort, en 1970, était concomitante de la loi qui mettait un terme à la puissance paternelle dans la famille.

Constraste dans une rue parisienne : le slogan hédoniste et le vieux bourgeois

Balzac avait dit que la mort du roi sur la guillotine avait été la mort de tous les pères. L’histoire repassait les plats avec la mort de De Gaulle. Les pères n’étaient plus que des papas, et les papas, que des secondes mères. La famille patriarcale passait sous le règne du matriarcat, dont les hommes s’échappaient, par le corps (explosion du nombre des divorces ou des familles monoparentales) ou par l’esprit. L’égalitarisme révolutionnaire passait partout, entre les hommes et les femmes, mais aussi entre les parents et les enfants, même entre les différentes sexualités. Il était interdit d’interdire. Tous égaux, tous sujets, tous dotés de droits. On n’était plus une famille, avec un père, une mère et des enfants, mais « on faisait famille » avec des individus égaux en droits, aux sexualités diverses. La famille n’est plus le lieu de la transmission, d’un héritage culturel et matériel, mais le lieu de l’épanouissement des individus. C’est là où les nécessités du marché (devenir un consommateur) rejoignent les anciens fantasmes révolutionnaires (détruire la famille bourgeoise). Là où les libéraux s’allient aux libertaires. Là où les mouvements féministes s’allient aux mouvements homosexuels, devenus « gays ». Là où les minorités sexuelles s’allient aux minorités ethniques. Avec un ennemi commun : le mâle blanc hétérosexuel occidental.

Un des slogans de Mai 68 était : tout est politique. Ils ne parlaient pas en l’air. Tout : famille, école, Église, parti, syndicat, sexe, nation, toutes les structures hiérarchiques et verticales seraient subverties et renversées. Mises à bas. Toutes les identités seraient remises en cause. Au nom de la liberté, on n’avait que des droits. Au nom de l’égalité, la société n’avait que des devoirs. Au nom du marché, on était un individu roi à qui il était interdit d’interdire. Mais, au nom de l’ancienne vulgate marxiste, nous sommes tous des « damnés de la terre » qui devront faire rendre gorge à notre ancien maître : le père, le prof, le patron, le prêtre, le ministre et, plus largement, l’homme, le blanc, le Français. La majorité est sommée de s’incliner et de se soumettre aux minorités. La redécouverte dans les années 1980 de Tocqueville, considéré comme un horrible aristocrate libéral par les révolutionnaires marxistes des années 1960, permettait de retourner l’antique malédiction des démocraties : puisque Tocqueville avait bien vu que le danger était la dictature des majorités sur les minorités, il fallait empêcher par tous les moyens cette tyrannie majoritaire. Au nom des droits de l’homme, on donna donc aux juges le moyen de contenir la moindre contrainte, la moindre « discrimination » de la moindre minorité. La démocratie n’était plus le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple, mais le pouvoir du juge, au nom du droit, pour les minorités. Le résultat ne se fit pas attendre : au nom de la nouvelle religion des droits de l’homme, le principe sacré de « non-discrimination » affirmait la tyrannie du juge et des minorités. On appelait cela avec emphase « l’État de droit ».

Après 68, les slogans forgés dans les ateliers des universités seront reconvertis dans les agences de publicité

Les anciens révolutionnaires qui avaient retenu de Marx que le droit en général, et les droits de l’homme en particulier, n’était que l’arme de la bourgeoisie pour affermir son pouvoir et contenir les assauts du prolétariat, retournèrent leur veste avec maestria et devinrent les défenseurs les plus forcenés des droits de l’homme. C’était leur nouvelle religion séculière après le communisme. Après la défense du prolétariat, la défense des minorités. Après la lutte contre le capitalisme, la lutte conte le néocolonialisme. Après le communisme, l’antiracisme. Religion dont ils devinrent les nouveaux prêtres. La religion avait changé, mais les bûchers de l’Inquisition étaient allumés par les mêmes. Les fascistes d’avant étaient seulement devenus les racistes d’aujourd’hui.

La pensée conservatrice affirme depuis longtemps qu’une nation n’est qu’une famille de familles. Il était inéluctable que la désagrégation de l’une entraînât celle de l’autre. Le constructivisme né dans les cerveaux des théoriciens français — Deleuze, Guattari, Foucault — nous revenait auréolé de son passage dans les campus américains des années 1960. Rien n’était naturel, tout était social. Rien n’était biologique, tout était culturel. C’était la victoire absolue de l’existentialisme de Sartre. On ne naît pas femme, on le devient. Ou pas. On ne naît pas homme, on le devient. Ou pas. On ne naît pas français, on le devient. Ou plus. Tous les instruments de l’assimilation — prénoms, vêtements, langue, école, histoire, culture, cuisine —, qui avaient permis l’intégration de générations d’immigrés venus de toute l’Europe, étaient rejetés au nom du respect des cultures et du prestige de la « diversité ». Là encore, la conjonction très française de la liberté et de l’égalité, du libéralisme, mais aussi de l’ancienne vulgate marxiste, faisait des ravages. Libres de suivre et d’imposer sa culture d’origine, sa tradition, sa religion, même si elle vient en contradiction avec la culture dominante de la France ; mais égaux, au nom du scrupuleux respect du principe de « non-discrimination ».

Autre slogan cher à la Désintégration tranquille

Cette double injonction est destructrice de la nation, qui n’est plus qu’un territoire sans passé où cohabitent des communautés diverses, au nom d’un « vivre-ensemble » oxymorique. Mais c’est bien l’objectif. Daniel Cohn-Bendit disait, bien des années après ses « exploits » de Mai 68 : « Le peuple français n’existe pas ; et la notion même de peuple n’existe pas. » Le véritable héritage de Mai 68 est sans doute là, dans cette destruction voulue, pensée, imposée, des individus, des familles, des peuples, des nations. Ce nihilisme anarchisant s’épanouit au nom d’un universalisme totalitaire hérité du marxisme, marié avec le libéralisme de marché et qui n’a plus comme objectif de sacrifier la bourgeoisie sur l’autel du prolétariat, mais les peuples européens sur l’autel du métissage généralisé. Mai 68 a gagné depuis longtemps. Les rebelles sont devenus le pouvoir. Un pouvoir qui se prétend toujours rebelle. Et qui traite toujours ses opposants de conservateurs. Alors que les conservateurs, ce sont eux. Mais la révolte gronde. Elle est disparate, éclatée, divisée. C’est le succès de la Manif pour tous, en 2013, contre le mariage homosexuel. C’est le réveil d’un catholicisme identitaire qui a compris le danger de l’islam. Mais c’est aussi, dans les banlieues, un patriarcat islamique souvent virulent, et parfois violent, porté par les « grands frères », qui se vit en opposition avec le féminisme de leur société d’accueil. C’est même, sans qu’elles le comprennent elles-mêmes, la montée en puissance d’un néopuritanisme féministe qui, au nom des droits des femmes, remet en cause l’hédonisme libertin des anciens soixante-huitards, qu’ils soient producteurs de cinéma, photographes ou politiques. C’est enfin, à l’est de l’Europe, la coalition de peuples qui entendent bien sauvegarder tout à la fois leur cohérence nationale et leurs racines chrétiennes.

Toutes ces révoltes ne se valent pas. Elles sont même souvent antinomiques, et même adversaires. Elles sont toutes le produit de la désagrégation des sociétés occidentales depuis Mai 68, de toutes les identités, individuelles, familiales, religieuses, et nationales.

Sur les ruines de Mai 68, il faudra un jour reconstruire.