lundi 1 janvier 2024

Michel Onfray, mythiste et complotiste sur Jésus

Le philosophe Michel Onfray  vient de publier une Théorie de Jésus (Bouquins) où il réaffirme que Jésus n'a pas existé. Historien, auteur d'une monumentale biographie du Christ, dont Fayard vient de publier une version illustrée, Jean-Christian Petitfils lui répond.

Il y a deux Michel Onfray. D’un côté, l’analyste politique assez fin qui dénonce les abandons de souveraineté de la France au profit de l’envahissante bureaucratie bruxelloise et défend la civilisation judéo-chrétienne, de l’autre, le pourfendeur de l’existence historique de Jésus, qui ne serait qu’un être fictif, symbolique, mythologique (mais violent et antisémite !), de sorte que le christianisme, religion de l’incarnation d’un Dieu fait homme, mort sur la croix pour le salut de l’humanité, s’écroulerait comme un château de cartes. Le premier fait mouche, le second fait un flop et déconsidère le premier !

Reprenant une thèse déjà exposée dans son Traité d’athéologie (Grasset), puis dans Décadence, vie et mort du judéo-christianisme (Flammarion) et dans Anima (Albin Michel), son nouveau livre, Théorie de Jésus, biographie d’une idée, se veut une démolition en règle du Jésus de l’histoire. Cette thèse radicale, ultraminoritaire, qu’on appelle mythiste, n’est pas nouvelle. Elle a été illustrée à la fin du XVIIIe siècle par Volney, au XIXe par David Strauss et Bruno Bauer, puis au début du XXe par Arthur Drews et Paul-Louis Couchoud. Aucun des authentiques chercheurs – universitaires, historiens, biblistes, exégètes ou archéologues -, qu’ils soient chrétiens, juifs, agnostiques ou libres-penseurs, n’y a jamais adhéré. À la vérité, ce qui était déjà une opinion insoutenable au temps des premiers mythistes devient absurde et loufoque au XXIe siècle, alors que des progrès considérables ont été accomplis dans la quête du Jésus de l’histoire.

Des clichés éculés

Ce qui frappe dans les textes d’Onfray, ce sont les clichés éculés, les raccourcis simplificateurs, les accusations caricaturales, c’est la méconnaissance profonde de l’exégèse moderne, qui a montré, par exemple, l’importance du pesher dans la critique néotestamentaire, pratique consistant à actualiser les textes de la Bible ancienne afin d’y lire les paroles et les actes du Christ, c’est aussi l’ignorance totale des dernières découvertes archéologiques en Terre sainte.

Les sources externes, Tacite, Pline le Jeune, Suétone, Flavius Josèphe, auraient-elles été trafiquées par des copistes chrétiens, comme le prétend Onfray, qu’il serait impossible d’y inclure le traité Sanhédrin du Talmud de Babylone, qui nous dit : « La veille de la Pâque, on pendit [à la croix] Yeshû hanotsri [Jésus le Nazaréen] parce qu’il a pratiqué la sorcellerie, a séduit et égaré Israël. » Il aurait été tellement plus facile à ses rédacteurs juifs de réfuter l’existence de ce personnage encombrant ! Même le philosophe platonicien Celse (IIe siècle), impétueux polémiste qui exécrait le Christ, ne contestait nullement son existence historique.

Plus de 500 témoins de la Résurrection

Plus de 500 frères, dit saint Paul, ont été témoins de la résurrection de Jésus. Comment imaginer que de pauvres pêcheurs du lac de Génésareth, troupeau de fuyards apeurés par la mort de leur maître, aient soudainement lâché leurs filets, abandonné femmes et enfants pour parcourir le monde pour un simple mythe, préparé par un “atelier d’écriture” dans l’arrière-salle d’une taverne de Judée ? Saisis par l’éblouissement pascal, brûlant de conviction en témoins rayonnants d’une vérité libératrice, ils ont tout supporté, les quolibets, les insultes, la prison, la torture, la mort même, sans jamais se renier. Meurt-on en martyr pour un hologramme ?


“Jésus”, de Jean-Christian Petitfils, présenté en récit graphique par Vincent Ravalec, Fayard, 320 pages, 28 €.

“Théorie de Jésus. Biographie d’une idée”, de Michel Onfray, Bouquins, 272 pages, 21 €.

 

 

Débat Petitfils c. Onfray à partir de la 56e minute

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Sans prendre de gants, l'argentin François efface systématiquement l'héritage du Pape Benoit XVI

François (à gauche) et le pape émérite Benoît XVI lors d’une rencontre, en juin 2017, dans la basilique Saint-Pierre au Vatican.


Le 13 mars 2013, jour de l’élection de François, la succession de Benoît XVI était actée. Le 31 décembre 2022, jour de la mort du pape émérite, sa succession était totalement accomplie. Non que l’épanouissement du pontificat de François ait été empêché par la cohabitation entre les « deux papes » mais une série de décisions drastiques prises par François depuis l’enterrement de son prédécesseur, donnent l’impression que le pontife argentin, aujourd’hui âgé de 87 ans, presse le pas pour imprimer encore plus profondément sa marque. Comme si la mort de Benoît XVI avait libéré son successeur d’un poids qui l’empêchait d’aller jusqu’au bout de ses réformes dont la plus durable serait une nouvelle approche de la doctrine catholique.

Dieu sait que le pontificat de Benoît XVI (2005-2013) fut précisément caractérisé par la clarté de la doctrine. Dans le quotidien Il Giornale de ce vendredi, un important cardinal italien, ancien numéro trois du pape allemand, souhaite à ce titre que ce théologien devienne un « docteur de l’église ». Ils sont seulement trente-sept depuis deux mille ans à siéger dans ce cénacle où ils sont reconnus pour leur apport décisif pour le christianisme. Le cardinal Fernando Filoni, actuellement grand maître de l’ordre du Saint-sépulcre, justifie sa requête pour Benoît XVI : « Sa doctrine, sa science, sa vie ont été vraiment à la lumière d’un enseignement qu’il disait être un “don de Dieu”. Il nous a transmis tout cela et cela a fait un grand bien à l’église. » Il conclut :

« Tous les docteurs de l’église ont été préalablement proclamés saints, mais je crois que la sainteté de vie de cet homme fut claire pour tous. »

Comment François va-t-il recevoir cette idée ? Ce dimanche 31 décembre à 8 heures, il célébrera une messe dans la basilique Saint-pierre en hommage à son prédécesseur qu’il qualifia en 2016 « d’homme droit ». Tout est possible avec ce pape mais les signaux qu’il émet depuis la mort de Benoît XVI ne vont pas dans le sens d’une glorification de ce dernier.

Dès le 28 février 2023, le pape François a commencé par éloigner les personnalités qu’il jugeait trop proches du pontificat précédent. À commencer par Mgr Georg Gänswein, 67 ans, ancien secrétaire personnel de Benoît XVI. Sa fonction officielle de préfet de la Maison pontificale, une sorte de plaque tournante de l’organisation de la vie du pape, a été suspendue. Ce limogeage sans merci du plus proche collaborateur du pape émérite pendant vingt ans est passé par un communiqué de trois lignes, publié par le service de presse du Vatican, une méthode inhabituelle : « Le 28 février 2023, S. Exc. Mgr Georg Gänswein a terminé sa mission de préfet de la Maison pontificale. Le Saint-père a ordonné que Mgr Gänswein revienne à partir du 1er juillet, pour le moment, dans son diocèse d’origine de Fribourg » en Allemagne.

Mgr Gänswein, déjà en disgrâce, avait commis un crime de lèse-majesté. Il avait publié en janvier 2023 un livre de mémoire en plusieurs langues - en français chez Artège, sous le titre Rien d’autre que la vérité - où il révélait les difficultés de la cohabitation entre les deux papes. En particulier sur le dossier de la liturgie, une question capitale pour Benoît XVI. François, selon Gänswein, n’aurait pas pris la peine d’avertir son prédécesseur quand il annula, en juillet 2021, sa réforme liturgique majeure. À savoir la possibilité ouverte en 2007 pour les prêtres qui le désiraient, de dire la messe à titre « extraordinaire » selon l’ancien rituel catholique latin. Mgr Gänswein, qui accompagnait au jour le jour Benoît XVI dans sa retraite, affirme que ce dernier aurait appris la décision de François en lisant L’Osservatore Romano, le quotidien du Saint-Siège. Donc après coup. Le pape émérite, écrivait alors Gänswein, considéra le coup de frein liturgique donné par François comme une « erreur » parce que cette libéralité avait contribué à « pacifier » l’église. François n’a pas du tout apprécié.

Même type de règlement de comptes mené avec détermination en 2023 par le pape François : le fait de couper, arbitrairement et contre toutes règles établies, vivres et logement au cardinal américain Raymond Leo Burke, 75 ans. Ce spécialiste du droit canonique qui a occupé de hautes fonctions au Vatican, était déjà sur la touche parce qu’il est l’un des rares cardinaux à oser émettre publiquement des avis critiques sur le pontificat. Ce qui aurait poussé François à déclarer devant plusieurs cardinaux lors d’une réunion officielle, le 21 novembre dernier : « Le cardinal Burke est mon ennemi, c’est pourquoi je lui retire l’appartement et son salaire. » Une citation reprise par la presse italienne qui ne fut pas démentie sur le fond, d’autant que la mesure se confirme : elle sera effective en février 2024. Par une voie détournée et non officielle, le pape François aurait simplement démenti, non pas la sanction, mais le fait qu’il aurait qualifié Burke « d’ennemi ». Il l’a d’ailleurs reçu ce vendredi 29 décembre. En sortant, le cardinal américain qui aime l’humour, a simplement déclaré : « Vous voyez, je suis toujours vivant ! »

Ennemi ou pas, une autre tête est également tombée sur décret papal, le 11 novembre 2023. Mgr Joseph Strickland, 65 ans, évêque de Tyler au Texas se trouvait être un « ami » proche de Benoît XVI. C’est Peter Seewald, un laïc allemand, biographe du pape émérite qui l’a révélé dans une interview accordée le 27 décembre au site italien La Nuova Bussola Quotidiana disponible en français sur le site Benoît et moi. Seewald va jusqu’à parler de « purge » qui toucherait le « lignage de Benoît XVI ». Le biographe qui a rédigé quatre livres interviews avec Benoît XVI, relate en le citant l’inquiétude du pape en retraite confiée à plusieurs visiteurs sur « le danger d’un glissement de terrain doctrinal ». l’écrivain de conclure : « Immédiatement après la mort de Benoît XVI, les considérations qui étaient encore valables de son vivant ont été abandonnées. Il est devenu normal qu’un homme comme Victor Manuel Fernandez, à qui l’on a rapidement donné un chapeau de cardinal, soit nommé au poste de préfet pour la doctrine de la foi. L’argentin n’est pas qualifié pour cette tâche importante, sauf pour une chose : il est le protégé du pape argentin. Jusqu’à présent, l’aptitude était le principal critère pour ces nominations, mais sous Bergoglio, il semble que ce soit la loyauté à la ligne qui compte. »

Qui est ce cardinal Fernandez qui défraye la chronique depuis son arrivée à Rome le 11 septembre 2023 ? Il est d’abord une fonction. Le préfet du dicastère pour la Doctrine de la foi est en réalité le vrai numéro deux du pape sous l’angle d’une Église qui revendique être l’église évangélisatrice voulue par le Christ à travers ses apôtres, dont le premier, saint Pierre. Autrement dit le cardinal Fernandez est le gardien de l’enseignement de l’église, du dogme. C’est lui qui, derrière le pape, dit ce qui est « catholique » et ce qui ne l’est pas. Si le cardinal Parolin est le secrétaire d’état du Saint-siège, le premier ministre en charge de faire tourner cette imposante machine administrative à portée mondiale, le cardinal Fernandez, en est le premier ministre de la théologie catholique.

Rien d’étonnant à ce que Jean-Paul II, en 1981, supplia l’archevêque de Munich, un certain Joseph Ratzinger, de venir à Rome pour occuper ce même poste stratégique de préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi (devenu « dicastère » en 2022) qu’il occupa jusqu’à la mort du pape polonais en 2005. C’est un poste clé. Le plus important après la fonction papale.

En plaçant là son ami Victor Manuel Fernandez, François a accompli un acte décisif qui était impossible à réaliser avant la mort de Benoît XVI, puisque à la place de Ratzinger, qui a marqué la théologie catholique dans cette fonction - notamment avec l’encyclique « La splendeur de la vérité » - il place un proche considéré comme « anti-raztinger » sur le plan théologique. Le 1er juillet dernier, François a d’ailleurs assigné à Fernandez une mission explicite par lettre « non de poursuivre d’éventuelles erreurs doctrinales » par une « théologie de bureau » qui travaille selon une « logique froide et dure qui cherche à tout dominer » mais de « montrer un Dieu qui aime, qui pardonne », sans imposer « une seule manière » d’exprimer la théologie et de créer une harmonie « avec les différentes lignes de pensée ».

Depuis son arrivée, le nouveau préfet a pris quasiment seul - ou avec François des décisions spectaculaires, sans s’embarrasser des consultations pourtant prévues par le règlement avec des théologiens. Ces derniers jugeaient collectivement les nouvelles normes avant de les publier. Fernandez a dit non à l’appartenance maçonnique pour un catholique. Il a confirmé l’admission des personnes divorcées-remariées à la communion mais en suivant les règles établies par la conférence épiscopale argentine. Il a dit oui à la possibilité pour un transgenre ou une personne homosexuelle d’être baptisé et d’être parrain ou témoin de mariage. Il a autorisé l’accès à la communion pour les mères célibataires. Il a lancé, avec l’aval du pape, la possibilité de bénir des « couples » homosexuels. Benoît XVI est définitivement enterré.

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