samedi 6 mars 2021

Étude sur les pressions, les sanctions, la discrimination politique et l'autocensure à l'université

Une nouvelle étude qui explore les préjugés politiques dans le milieu universitaire sur une décennie démontre que « la majorité des universitaires conservateurs vivent dans un environnement hostile à leurs convictions dans les universités américaines, canadiennes et britanniques ».

L’étude, intitulée La liberté universitaire en crise : punition, discrimination politique et autocensure, rédigée par le Dr Eric Kaufmann, professeur de politique au Birkbeck College, Université de Londres, a été publiée lundi. Elle fait près de 200 pages.

Dans les 100 meilleures universités américaines, l’étude révèle que 73 % des universitaires sont progressistes ou de gauche, 22 % n’ont aucune affiliation politique et seulement 5 % environ sont conservateurs.

Selon Kaufmann, l’étude est la première du genre à enquêter sur la discrimination politique et l’autoritarisme dans le milieu universitaire en sondant des professeurs et des étudiants diplômés des facultés de sciences sociales et humaines (SSH) dans des universités aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Ses découvertes constituent « des données concrètes sur l’absence de diversité des points de vue (dans les universités) et la présence de discrimination à l’encontre des universitaires conservateurs ou de ceux qui critiquent la théorie du genre ». 

Les 5 premières colonnes se réfèrent à des scénarios hypothétiques dans lesquels on demande aux répondants s’ils soutiendraient une campagne visant à licencier un membre du personnel qui serait arrivé aux conclusions respectives dans leur recherche. Ainsi, si un collègue publiait une recherche qui conclut que la diversité est globalement négative (bleu foncé) 7 % des universitaires américains (US) seraient en faveur de son éviction alors que 12 % des doctorants américains et canadiens le seraient. 30 % des doctorants britanniques (dernier groupe) seraient en faveur de licencier un universitaire dont la recherche conclurait que davantage de femmes et de minorités aboutit à un résultat négatif (colonne jaune). La dernière barre (en vert) représente le pourcentage dans le groupe qui soutient au moins une des cinq campagnes d’expulsion proposées : ainsi 20 % des universitaires canadiens seraient en faveur de l’expulsion d’un confrère qui aboutirait à l’une des cinq conclusions « controversées ». Entre parenthèses, la taille de l’échantillon. Exclut les universitaires en sciences et technologies.

Dans trois pays anglophones, une part importante des universitaires font preuve de discrimination à l’égard des conservateurs en matière d’embauche, de promotion, de subventions et de publications. 

La proportion de ceux qui admettent ouvertement discriminer pour des raisons politiques ne représente qu’environ un tiers à la moitié du total révélé (réel), mais même en se limitant à une discrimination ouvertement admise, comme dans la figure ci-dessous, plus de 20 % des universitaires et environ 30 % des doctorants admettent ouvertement qu’ils discrimineraient contre une demande de subventions provenant d’une personne marquée à droite. Si l'on tient compte de la dissimulation, cela signifie qu’entre un tiers et la moitié des évaluateurs sont politiquement biaisés, ce qui fait qu’un conservateur avoué à au moins 80 % de risques d’être victime de discrimination face à un panel de quatre évaluateurs choisis au hasard. En revanche, les publications, les demandes de subventions ou de promotions issues d’universitaires de gauche bénéficient d’une discrimination politique en leur faveur.

Remarque : comprend les universitaires STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques). Basé sur une question directe plutôt que sur une technique de liste cachée.
 

Plus de 4 universitaires américains et canadiens sur 10 n’embaucheraient pas de partisan de Trump, et 1 universitaire britannique sur 3 n’embaucherait pas de partisan du Brexit.

Les universitaires féministes critiques de la théorie du genre semblent subir encore plus de discrimination que les conservateurs. Seuls 28 % des universitaires américains et canadiens se sentiraient à l’aise de déjeuner avec une personne qui s’oppose à l’idée que les femmes transgenres accèdent aux refuges pour femmes.

La plupart des professeurs ne soutiennent pas la culture du bâillon (cancel culture) sous ses formes les plus autoritaires. Seul 1 universitaire sur 10 soutient le licenciement de professeurs dits « controversés ». Néanmoins, si la plupart ne soutiennent pas cette censure, beaucoup ne s’y pas opposent et demeurent cois.

Remarque : SSH fait référence aux sciences sociales et humaines. Taille de l’échantillon entre parenthèses. Part des STIM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) dans les réponses au sondage : universitaires des États-Unis et du Canada : 10 % ; Envoi courriel au Royaume-Uni : zéro ; RU YouGov SSH : zéro ; Royaume-Uni YouGov Tous : 53 % ; Doctorants britanniques : 55 % ; Doctorants nord-américains : 63 %.
 
Les universitaires de droite subissent un haut niveau d’autoritarisme institutionnel et de pression des pairs. Aux États-Unis, plus d’un tiers des universitaires et doctorants conservateurs ont été menacés de mesures disciplinaires pour leurs opinions, tandis que 70 % des universitaires conservateurs rapportent un climat au sein de leur faculté hostile à leurs convictions.

Dans les sciences sociales et humaines, plus de 9 universitaires soutenant Trump sur 10 et 8 universitaires soutenant le Brexit sur 10 affirment qu’ils ne se sentiraient pas à l’aise d’exprimer leur point de vue à un collègue. Plus de la moitié des universitaires conservateurs nord-américains et britanniques admettent qu’ils se censurent dans leur recherche et leur enseignement.

Les jeunes universitaires et doctorants, en particulier aux États-Unis, sont nettement plus disposés que les universitaires plus âgés à soutenir le licenciement des universitaires censément controversés, ce qui indique que le problème de l’autoritarisme progressiste est susceptible de s’aggraver dans les années à venir.

Pour la Grande-Bretagne. Source : données UK YouGov Profiles, consultées le 19 avril 2020 ; Enquête d’YouGov mise en correspondance avec les données des profils. Taille de l’échantillon entre parenthèses

Un climat hostile contribue à dissuader les étudiants diplômés conservateurs de poursuivre une carrière universitaire. Les étudiants diplômés conservateurs et libéraux diffèrent beaucoup plus dans leurs perceptions de l’adéquation de leur politique au milieu universitaire que sur les questions liées à la rémunération des universitaires, la nature du travail qui les coupe du monde extérieur et d’autres aspects de la profession.

Pour Kaufmann, le gouvernement pourrait prendre les devants et appliquer avec vigueur la loi aux universités en sanctionnant les établissements qui enfreignent à plusieurs reprises la liberté de pensée ou d’expression des universitaires tout en donnant aux plaignants un moyen de faire appel au sein de leurs universités auprès d’un médiateur indépendant.

Voir aussi

Aux racines du wokisme dans les universités. Pourquoi cette crise dans les universités ?

Royaume-Uni — le gouvernement s’attaque à la censure et l’intimidation dans les universités