mercredi 23 août 2023

Crise du logement et ses ramifications économiques (notamment sur la productivité) et démographiques

La pénurie de logements au Canada est au cœur de la crise du logement.

Avec le plus faible nombre de logements pour 1 000 habitants de tous les pays du G7, un ratio qui n’a fait qu’empirer depuis l’augmentation de l’immigration ces dernières années, le Canada est confronté aux prix les plus élevés du G7 pour le logement. 

La crise du logement au Canada a fait l’objet de nombreux reportages et analyses, notamment sur la manière dont elle alimente le phénomène des sans-abri, pousse les familles à quitter les grands centres urbains et conduit de plus en plus de personnes à vivre chez leurs parents.

Toutefois, ces points de vue ne se sont concentrés que sur la manière dont elle affecte le logement des personnes. En réalité, la pénurie de logements touche tout. En effet, selon un trio d’analystes écrivant dans la revue Works in Progress, la pénurie de logements a également un impact sur bon nombre des problèmes les plus urgents du monde occidental, parmi lesquels la baisse de la fécondité, les maladies chroniques endémiques, les inégalités brutales, la productivité atone et la faible croissance.
 
Ils ont baptisé ces phénomènes « la théorie du logement de tout » et, avec la pénurie la plus aiguë de tous les pays occidentaux, le Canada est victime d’un grand nombre de ses maux en particulier.

Par exemple, comme on l’a noté récemment, même si la productivité économique du Canada est inférieure à celle des États-Unis depuis des décennies, l’écart ne cesse de se creuser. Si le coût élevé du logement ne semble pas, à première vue, être un facteur de cette tendance, il joue un rôle sous-estimé.

Étant donné que de nombreuses villes canadiennes à forte productivité affichent également des coûts de location parmi les plus élevés, de nombreux travailleurs sont exclus des zones où sont concentrés les emplois bien rémunérés. Il est donc plus difficile pour les travailleurs possédant les bonnes compétences d’obtenir un emploi dans un poste vacant approprié et cela limite leur capacité à accumuler un capital social qui pourrait leur offrir de meilleures perspectives d’emploi.

Une étude estime que dans la région métropolitaine de Sydney, en Australie, le déplacement vers l’extérieur des jeunes ménages — qui, à l’instar de nombreux Canadiens, s’éloignent des grandes villes — vers des terrains et des logements plus éloignés et moins coûteux a entraîné des pertes de productivité significatives pour les économies de Sydney et de la Nouvelle-Galles du Sud.
 
En outre, les coûts du logement ont un impact sur la manière dont de nombreuses entreprises allouent leurs ressources et leurs investissements. Si les prix continuent d’augmenter, les coûts du logement absorberont de plus en plus de capitaux et évinceront les investissements non résidentiels. Étant donné que l’investissement dans le logement peut être un secteur à haut rendement et à faibles retombées technologiques, de nombreuses sociétés non immobilières consacreront leurs flux d’investissement au logement au détriment d’autres activités plus productives, telles que la création ou l’expansion d’entreprises.
 
La productivité peut sembler une idée économique abstraite sur la manière dont les travailleurs et les entreprises peuvent gagner plus, mais la pénurie de logements a également un impact important sur l’inégalité. Alors que la plupart des débats politiques sur l’inégalité portent généralement sur les personnes ayant des revenus plus ou moins élevés, on parle moins de l’inégalité entre les locataires et les propriétaires.

Selon un rapport de la Banque TD datant de l’année dernière, l’inégalité des richesses a diminué au cours des dernières années, en partie grâce à la hausse des prix de l’immobilier qui a permis à de nombreux Canadiens de voir leur bien le plus précieux s’apprécier. Toutefois, la hausse des coûts a exacerbé l’écart entre les ménages propriétaires et les ménages locataires. Par exemple, la valeur nette moyenne des propriétaires nés entre 1955 et 1964 est aujourd’hui 6,3 fois plus élevée que celle des non-propriétaires nés au cours de la même période.
 
Alors que les prix de l’immobilier ont augmenté de manière significative au cours de la dernière décennie, le taux d’accession à la propriété a chuté, car de nombreuses personnes ne disposant pas d’un revenu élevé ou ne bénéficiant pas de l’aide financière de leurs parents ont du mal à pouvoir payer la mise de fonds.

Comme le soulignent les auteurs du rapport, « il est simpliste de définir l’inégalité des richesses au Canada comme une opposition entre riches et pauvres. Au fil du temps, il s’est avéré qu’il s’agissait plutôt d’une inégalité entre les propriétaires et les non-propriétaires ».

Il est possible que même les conflits politiques et culturels qui se déroulent dans de nombreux pays occidentaux trouvent leur origine dans la pénurie de logements, comme l’affirme un rapport récent de The Economist. Les élections dans le monde anglophone se divisent de plus en plus entre, d’une part, les citoyens relativement prospères et instruits des villes et de leurs banlieues et, d’autre part, les habitants du reste du pays — les zones rurales et les villes économiquement défavorisées — qui n’apprécient pas le sentiment que le système est truqué en faveur des personnes déjà bien loties. Selon l'hebdomadaire anglais qui néglige totalement la composant ethnique de ces divisions, les Britanniques et les Français vivant dans des régions où les prix de l’immobilier stagnent sont plus enclins à voter pour le Brexit ou pour le Rassemblement national, respectivement.
 
De nombreux jeunes ont dû retarder la fondation d’une famille et acceptent souvent des emplois mal rémunérés et précaires qui couvrent à peine le loyer et le coût de la vie, car c’est le prix à payer pour vivre dans des villes culturellement attrayantes. Ils considèrent que les perspectives sont limitées et que la croissance est à peine perceptible. La natalité s’en ressent autant en France qu’au Québec.

Voir aussi
 

France — Le nombre de naissances a encore baissé de 7 % au premier semestre

Québec — janvier-mai 2023, baisse de 5,3 % des naissances p/r à 2022, plus de décès que de naissances
 

L’afflux de « demandeurs d’asile  » dans le pays exerce une pression sur le réseau scolaire québécois

Trudeau a fermé la porte de Roxham pour ouvrir grand la fenêtre des aéroports en assouplissant les règles

« Malgré » une forte immigration, le niveau de vie au Canada est à la traîne : rapport de la TD

Immigration et niveau de vie ne riment pas

À Montréal, le nombre d’élèves allophones est si élevé que les cours de français virent aux cours de français langue étrangère

Coïncidence — Immigration : Le Québec fracasse un record, loyers records à Montréal, pénurie et surcharge de travail à l’école

Il se bâtit au Canada entre 200 000-300 000 unités de logement par an, en 2022 1 million de personnes s’est ajouté à la population

Hydro-Québec au pied du mur : l’exportation d’électricité en porte-à-faux avec le développement économique et l’immigration de masse

« Trop et trop vite » : des économistes mettent en garde contre la politique d’immigration libérale « pro-affaires »