mercredi 13 mars 2024

Juge de la Cour suprême du Canada opte pour « personne avec un vagin » plutôt que pour « femme »

Une décision rendue dans une affaire d’agression sexuelle a laissé entendre que la plaignante aurait dû être correctement désignée comme une « personne avec un vagin ». 

La juge Sheilah Martin de la Cour suprême du Canada photographiée en mars 2018. Elle a été nommée à la Cour par le Premier ministre Justin Trudeau le 29 novembre 2017. Auparavant, en 2016, Mme Martin avait été nommée par le même Premier ministre Trudeau à la Cour d’appel de l’Alberta, à la Cour d’appel des Territoires du Nord-Ouest et à la Cour d’appel du Nunavut.

La Cour suprême du Canada a statué, dans une récente affaire d’agression sexuelle, qu’il était « problématique » qu’un juge de première instance désigne la victime présumée comme une « femme », laissant entendre que le terme le plus approprié aurait dû être « personne ayant un vagin ».

Dans une décision publiée vendredi, la juge Sheilah Martin écrit que l’utilisation par un juge de première instance du terme « une femme » peut « avoir été malencontreuse et avoir engendré de la confusion ».

Mme Martin ne précise pas pourquoi le mot « femme » prête à confusion, mais le passage suivant de sa décision désigne la plaignante comme une « personne ayant un vagin ». Il est à noter qu’aucune personne dans l’ensemble de l’affaire n’est identifiée comme transgenre et que la plaignante est désignée tout au long de l’affaire par le terme « elle ».

Il s’agit de l’affaire R. c. Kruk, qui concerne une accusation d’agression sexuelle portée en 2017 contre Charles Kruk, alors âgé de 34 ans et résidant à Maple Ridge (C.-B.).

« M. Kruk a trouvé la plaignante en état d’ébriété, perdue et en détresse un soir dans le centre-ville de Vancouver », peut-on lire dans le contexte de l’affaire. « Il a décidé de l’emmener chez lui et a contacté les parents de la plaignante par téléphone. »

C’est alors que les récits divergent. La plaignante a déclaré qu’elle s’était réveillée en découvrant qu’elle n’avait plus de pantalon et que Kruk était en train de la pénétrer par voie vaginale. Kruk a déclaré que le pantalon de la plaignante était enlevé parce qu’elle l’avait enlevé elle-même après avoir renversé de l’eau dessus plus tôt dans la nuit — et que ce qu’elle a pris pour un viol n’était en fait que Kruk qui l’avait réveillée en sursaut.

Lors du procès en 2020, un juge de Colombie-Britannique a rejeté la défense de Kruk en partie parce que la plaignante n’était pas susceptible de se tromper sur la sensation de pénétration vaginale.

« Elle a dit qu’elle avait senti son pénis en elle et qu’elle savait ce qu’elle ressentait. En bref, son sens tactile a été sollicité. Il est extrêmement improbable qu’une femme se trompe sur cette sensation », peut-on lire dans la décision initiale.

C’est cette phrase qui a suscité le commentaire de Mme Martin et l’implication apparente que le passage aurait dû être « il est extrêmement improbable qu’une personne ayant un vagin puisse se tromper sur cette sensation ».

Passage de la CSC

Bien que Mme Martin ne précise jamais ce qu’elle trouve à redire au terme « une femme », une interprétation possible est qu’elle s’est opposée à la généralisation. En d’autres termes, le juge de première instance a semblé dire de manière confuse que « toutes les femmes » interpréteraient correctement la sensation de pénétration vaginale.

« À mon humble avis, cette déclaration (une femme) reflétait simplement le raisonnement du juge de première instance et ne s’appuyait pas sur une généralisation inappropriée », a-t-elle écrit.

« Considéré dans son ensemble et dans son contexte, le juge de première instance n’a pas rejeté la théorie de la défense parce qu’il supposait qu’aucune femme ne se tromperait, mais plutôt parce qu’il a accepté le témoignage de la plaignante selon lequel elle ne s’était pas trompée. »

Néanmoins, l’utilisation par Martin de l’expression « personne ayant un vagin » n’apparaît que dans le paragraphe dénonçant l’expression « une femme » comme « regrettable ». En fait, cette décision pourrait bien être la première fois que l’expression « personne ayant un vagin » apparaît dans une décision judiciaire canadienne. Une recherche de l’expression dans une base de données maintenue par l’Institut canadien d’information juridique ne donne que la décision de Martin dans l’affaire R. c. Kruk.

L’affaire R. c. Kruk avait été portée devant la Cour suprême en raison d’une décision antérieure de la Cour d’appel qui avait annulé la décision initiale au motif qu’il s’agissait d’un « raisonnement spéculatif » de supposer qu’une femme connaîtrait immédiatement la sensation d’être pénétrée.

« Il (le juge de première instance) a fait une supposition sur un sujet qui n’était pas connu au point d’être notoire », peut-on lire dans un arrêt de la Cour d’appel annulant la condamnation initiale (le mot « notoire », dans ce cas, est un terme juridique faisant référence à un sujet si évident qu’il n’a pas besoin d’être prouvé).

La décision de M. Martin rejetterait l’arrêt de la Cour d’appel et rétablirait la condamnation initiale.

« Bien que le choix du juge du procès d’utiliser les mots “une femme” puisse avoir été regrettable et causé de la confusion, […] la conclusion du juge reposait sur son appréciation du témoignage de la plaignante », a-t-elle écrit.

Il est peut-être ironique de constater qu’une décision qui a rejeté avec désinvolture le mot « femme » comme pouvant prêter à confusion a été présentée comme une cause type pour le principe selon lequel les juges doivent utiliser des « hypothèses de bon sens ».

« C’est un élément nécessaire du raisonnement judiciaire que d’évaluer les preuves par rapport à un point de référence de ce à quoi on peut normalement s’attendre », a écrit Mme Martin en rejetant l’arrêt de la Cour d’appel. « je conclus que l’on peut raisonnablement s’attendre de façon générale à ce qu’une femme soit peu susceptible de se méprendre sur la sensation d’une pénétration vaginale. »

Sondage — 50 % des Canadiens pensent qu'il y a trop d'immigrants

La moitié des Canadiens disent maintenant qu’il y a trop d’immigrants, selon un nouveau sondage Léger commandé par l’Association d’études canadiennes. Précisément 50 % des répondants sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle il y a « trop d’immigrants qui viennent au Canada ». 

L’immigration canadienne a atteint des sommets inégalés au cours des deux dernières années, ce qui a eu des répercussions mesurables sur le logement, le marché de l’emploi et les infrastructures de base. 

Selon l’évaluation plus acerbe d’un économiste de BMO, il n’existe « aucune version de la réalité » dans laquelle le nombre de logements construits au Canada pourrait suivre le rythme d’un « triplement presque du jour au lendemain du nombre de nouveaux arrivants ».

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67 % des Canadiens considèrent que les cibles d’immigration sont trop élevées (novembre 2023, Abacus)

Sondages sur l’immigration au Canada (2011) [250 000 immigrants à l’époque seulement, 50 % pour réduire ce nombre]

Sondage : une majorité de Canadiens veulent moins de « réfugiés » et Un Canadien sur deux pense que les cibles en immigration sont trop hautes, 75 % qu’elle entraîne une demande excessive des services (sondage Léger mi-2022) 

Fissures dans le consensus pro-immigration au Canada anglais (Sondage Nanos, août 2023)