vendredi 29 avril 2016

ECR — Éducation ou lavage de cerveau ? Pour Joseph Facal, c'est de l'endoctrinement

Chronique de l’ancien ministre Joseph Facal (qui n’étonnera pas les lecteurs de ce carnet, nous avions présenté de nombreux extraits de manuels du primaire et du secondaire, il y a des années).

La conférence web en question
(Critique féministe du volet religieux, ces dames ne s'opposent pas au volet éthique, notamment, parce qu'il lutte contre « les stéréotypes » contrairement au volet religieux. Nous mentionnions déjà ici en 2010 que le volet religieux renforce les stéréotypes.)



« Lundi, j’ai assisté à une fascinante conférence web dont le contenu sera repris dans un livre à paraître.

Au Québec, le cours Éthique et culture religieuse (ECR) dit vouloir former de futurs citoyens regroupés autour de valeurs communes. Il se prétend « neutre » et veut éviter toute « pression » sur les enfants.

Page 55, Manuel d'ECR, Symphonie, manuel A, pour la 5e année du primaire, éditions Modulo


La professeure Nadia El-Mabrouk, de l’Université de Montréal, a soigneusement examiné les manuels scolaires utilisés au primaire, ainsi que les cahiers d’exercices accompagnants.

Derrière les beaux discours, elle est allée voir ce que l’on transmet réellement aux enfants de six à 12 ans.

Banalisation

Sans le moindre recul, de manière uniformément positive, on y présente une vision des religions stéréotypée, folklorique, relativiste, sexiste et déconnectée de la réalité québécoise.

Dans ces manuels, LE juif porte forcément la kippa. LE bouddhiste porte un vêtement orange. LA musulmane est évidemment voilée. L’enfant apprend à reconnaître au moyen du profilage ethno-religieux.

Page 56, Manuel d'ECR, Symphonie, manuel A, pour la 5e année du primaire, éditions Modulo

Dans le cas de l’islam, c’est la vision salafiste, la plus intégriste, qui sert d’illustration. L’exception est donc posée comme la norme représentative.

On montre une fillette de huit ans dont le mariage est arrangé. Pour bien banaliser, on note que cela se faisait en Occident... au Moyen Âge.

On explique que les jeunes musulmanes devront être réservées et modestes.

À la naissance d’un enfant, dit-on, on tue un mouton, comme si c’était une pratique normale et répandue au Québec. Il faut évidemment prier cinq fois, manger halal, etc.

Le niqab est présenté comme un code vestimentaire parmi d’autres.

Boucher, Martial. Rond-Point Cahier d’exercices, de contenu et de projets de recherche. Éthique et culture religieuse. Fascicule B. 2e année du 1er cycle du secondaire, Montréal, Lidec, 2007, p. II]

Pas un mot sur le message de soumission qu’il comporte. [C’est bien pire que cela, au secondaire on « apprend » que Mahomet a amélioré la situation de la femme... Quelles femmes ? Les chrétiennes ? Les juives ?] Pas un mot sur la charia.

Pas un mot, surtout, sur le fait que l’immense majorité des musulmans du Québec ne vit pas ainsi. Il n’y a rien sur les musulmanes non voilées ou sur les non-croyants.

L’enfant dont les parents sont des musulmans non pratiquants risque de se faire demander si ses parents sont de « bons » musulmans.

Celui dont les parents sont athées se demandera carrément où sont papa et maman et s’ils sont normaux.

La « diversité » évoquée ne fait jamais référence aux vagues d’immigrants dont la différence n’avait rien à voir avec la religion. La seule différence, c’est la religion, illustrée par le vêtement et les pratiques rituelles, jamais les arts, la cuisine ou la langue d’origine.

Endoctrinement

Les exercices proposés aux enfants, qui n’ont pas l’âge de raison, sont du genre : « parle de ta religion », comme si cela ne relevait pas de la vie privée.

Bref, on encourage l’expression et la célébration des particularités religieuses de chacun et, donc, l’adhésion, voire le repli sur le groupe ethno-religieux d’origine.

On cherche en vain les valeurs communes indispensables à la convergence qui rend possible le vivre-ensemble.

Au nom d’un relativisme rebaptisé « respect », on étouffe le sens critique. L’égalité des sexes, ce sera seulement bon pour les Québécoises « de souche ».

Pas une seule allusion à ce qui pourrait être rétrograde.

Il faut accepter l’autre tel quel, complètement, même s’il est extrémiste.

Ma conclusion personnelle ? De l’endoctrinement pur et simple. Si on ne le voit pas, c’est qu’on ne veut pas le voir. »



[La conclusion de ce carnet : nous comprenons M. Facal, mais surtout il est impossible de plaire à tous sur des sujets aussi délicats. L’idée même d'imposer un seul cours au nom du pluralisme nous semble contradictoire, une idée jacobine revendiquée par un de ces concepteurs, Georges Leroux, devant le tribunal de Drummondville.

Rappelons ce que nous écrivions en novembre 2015 :

1) Des critiques similaires avaient déjà été faites par le Mouvement laïque québécois et des gens comme Mathieu Bock-Côté et Joëlle Quérin. Ils avaient déjà souligné que ce programme ne luttait pas contre les stéréotypes, mais les renforçait tout en inventant parfois des scènes inexactes par correctivisme politique (voir la scène du mur des Lamentations ici).

2) On retrouvait une musulmane fondamentaliste, Najat Boughaba (ci-contre), parmi les conseillers du Monopole de l’Éducation engagés pour évaluer ce cours.

3) Il est difficile de parler de véritable diversité quand le gouvernement a toujours voulu imposer un seul cours (pas une diversité de cours de morale et de culture religieuse) et qu’aucune tête ne devait dépasser.]






Voir aussi

Zut ! Malgré le cours ECR, les élèves reproduisent les stéréotypes non accommodants de leurs aînés

« Un Dieu, trois religions »

Analyse de trois manuels approuvés du primaire des éditions CEC (mai 2009, 23 pages)

 Manuel d'histoire (1) — chrétiens intolérants, Saint-Louis précurseur des nazis, pas de critique de l'islam tolérant pour sa part

La saga Lavallée : l’État, le judiciaire et l’Église contre la famille, l’école et la législature

Mahomet et l'ange Gabriel à l'indicatif, la résurrection du Christ au conditionnel

ECR — obsession pour les amérindiens écologistes

Conférence du « politburo » du Monopole de l'Éducation du Québec

Nos billets sur des manuels

France — Le ministère n'approuve pas les manuels. « Seul le régime de Vichy s’est permis cela. » [Au Québec, le ministère fait comme sous Vichy alors...]

Table ronde sur le matériel pédagogique ECR

Synthèse de la TCPE sur le matériel didactique pour le programme ECR

Évêques catholiques : Importantes lacunes dans les manuels ECR approuvés pour le primaire

Spiritualité autochtone, écologie et norme universelle moderne

Proportion des pages consacrées aux différentes cultures religieuses dans deux manuels d'ECR du 1er cycle primaire

Cahier ECR : « je suis un garçon, une fille, je ne sais pas encore »