Eugénie Bastié s’en prend, dans un livre que
Le Point appelle « polémique », aux contradictions du « néoféminisme ».
— Dans Adieu mademoiselle, vous ciblez le néo-féministe. Mais c’est quoi, ce néo-féminisme ?
C’est un féminisme à la fois groupusculaire et institutionnel, et qui dicte une doxa dans l’air du temps. Il impose une vision du monde. On l’a vu avec la suppression du mot « mademoiselle », la suppression du délai de réflexion pour l’avortement, les ABCD de l’inégalité qui ont échoué... On se détache de l’objet concret de la vie des femmes pour s’enferrer dans des luttes symboliques contre un patriarcat qu’on prétend déconstruire. Par ailleurs, je m’érige contre la notion même de « féminisme ». On pouvait très bien considérer que la condition ouvrière au XIX
e siècle était abominable sans adhérer au marxisme, qui est une relecture de l’histoire sous le prisme de la lutte des classes. De même, on peut très bien considérer que la femme a été dominée dans certaines circonstances et certaines époques sans adhérer au prisme d’un féminisme qui consiste à relire toute l’histoire sous le paradigme d’un dominant-dominé. Je dénonce cette idée d’un patriarcat, autrement dit d’un complot millénaire des hommes contre les femmes.
— Vous vous en prenez à des « ayatollettes » qui « luttent sans relâche pour un monde déjà advenu ». Mais quid de l’égalité salariale ? [À ce sujet lire :
Wall Street Journal : « Il n’y a pas d’écart salarial hommes-femmes » et
Idées fausses sur les différences salariales entre hommes et femmes]
Du harcèlement ? Les femmes sont par exemple ultra-minoritaires dans des professions aussi différentes que chef d’orchestre ou joueur d’échecs...
Mais l’horizon, c’est quoi ? L’égalité quantitative partout ? Pour moi, le féminisme en tant que combat politique, c’était la libération de la femme de sa sujétion domestique. Vous ne pouvez pas exiger du 50-50 partout. Je crois fondamentalement en une différence des sexes, qui se déploient de manière différente. Vouloir à tout prix que les femmes soient patronnes du CAC40 n’est pas forcément un épanouissement exceptionnel. Peut-être faudrait-il réfléchir au fait qu’une femme puisse apporter une vision autre de l’économie. Alors, oui, il subsiste des inégalités salariales. Mais ce palier incompressible que l’on observe dans toutes les études est principalement dû au fait que les femmes continuent à choisir le temps partiel plus que les hommes. Certains pensent que c’est subi. Moi, j’estime que c’est aussi choisi, parce que la femme a un rapport particulier aux enfants en bas âge et qu’elle veut continuer à s’en occuper, bien que trente ou quarante ans de propagande féministe leur aient dit de sortir du foyer.
— Parce que les femmes font des enfants, elles n’auraient donc pas le droit à l’égalité salariale !?
Je dis simplement qu’il y a une différenciation fondamentale entre les hommes et les femmes, qui est le privilège exorbitant de la maternité. Cela introduit des différences dans la vie concrète des femmes. En effet, une femme est moins performante et moins disponible sur le marché du travail, parce qu’elle a des enfants. Du coup, beaucoup d’employeurs rechignent à les employer dans cette tranche d’âge. Ces différences systémiques sont dues à des différences de sexe. Soit on décide d’abolir cette différence et on dit aux femmes d’aller congeler leurs ovocytes pour pouvoir être aussi disponibles que les hommes, soit on essaye de réfléchir à une économie qui prenne plus en compte cette différence.
— Et pourquoi l’homme ne pourrait-il pas s’occuper de sa progéniture ?
Parce que,
de facto, la mère a plus envie de s’occuper de ses enfants. C’est une réalité dans toutes les enquêtes d’opinion. Aujourd’hui, encore un tiers des femmes voudraient être mères au foyer, parce qu’il y a un lien particulier entre la mère et l’enfant.
— Vous vous moquez des féministes qui se battent pour modifier les noms des rues. Mais que seulement 4 % des rues françaises portent des noms de femmes, ça ne vous choque pas ?
C’est l’idée d’imposer par le haut une réécriture de l’histoire sous un prisme moderne. Tant mieux si aujourd’hui elles réussissent suffisamment dans leur vie pour qu’on leur donne un nom de rue. Mais ce qui m’exaspère, c’est l’idée d’exhumer des femmes parfois inconnues dans l’histoire pour en faire des icônes rétroactives. Et puis, il me semble qu’il y a d’autres priorités. Est-ce que ça va changer concrètement la vie des femmes ? Permettez-moi d’en douter...
— Que pensez-vous des Femen ?
C’est un réveil du féminisme spectaculaire soixante-huitard. Elles ont débarqué des pays de l’Est où il y a eu un décalage historique, puisque la révolution sexuelle et le libéralisme sont arrivés beaucoup plus tard. Du coup, elles sont complètement décalées et outrancières quand elles miment un avortement dans l’église de la Madeleine, alors que ça fait quarante ans que l’avortement est légal en France. Mais je leur reconnais une certaine forme, non pas d’honnêteté intellectuelle, mais de courage, comme à Caroline Fourest d’ailleurs, car elles englobent toutes les religions dans une universelle détestation. Elles ne font pas de tri entre les croyances comme le font certaines féministes...