dimanche 16 novembre 2008

L'athéisme bien enseigné grâce à certains cahiers d'éthique et culture religieuse

Dans un rare éditorial lucide sur le cours d'ECR en date du lundi 28 avril 2008, la Presse de Montréal avait émis d'importantes réserves à l'égard du cours d'éthique et de culture religieuse. Le journal avait, par exemple, relevé que ce programme posera des difficultés permanentes en obligeant les enfants à s'identifier en termes religieux (« relater leur vécu ») par rapport à leur camarade, ce qui est pour le moins paradoxal pour des écoles qui se veulent désormais laïques.

Ce même article nous apprenait aussi que le mot d'athéisme avait été banni des manuels d'ECR.
Que dira-ton [sic] aux enfants lorsque viendra le temps d'aborder la question de la non-croyance? (Pour compliquer les choses, le mot « athéisme » ne fera pas partie du vocabulaire employé dans les manuels. Dans un excès de rectitude politique qui frise le ridicule, le Ministère a jugé que ce terme était péjoratif)
Eh bien ! Si les manuels d'ECR ne peuvent pas utiliser ce terme, les cahiers d'activités ECR qui sont bel et bien utilisés en classe (comme les règlements le permettent), eux, peuvent parler de l'athéisme et en prononcer le nom.

C'est ainsi que le « cahier-manuel » d'éthique et de culture religieuse publié par les éditions de la Pensée en 2008 et destiné à la 2e année du 2e cycle du secondaire (soit secondaire IV) y consacre cinq pages explicitement.

Karl Marx et Jea-Paul Sartre, athées
(page 183, du cahier d'éthique et de culture religieuse, Dialogue II, publié par les éditions La Pensée, 2008)


On a droit à deux pages sur Karl Marx, Jean-Paul Sartre et Simone Beauvoir. Simone de Beauvoir est l'auteur du livre Le deuxième sexe devenu l'ouvrage de référence du mouvement féministe selon les auteurs de ce cahier d'ECR qui déjà consacrent ailleurs 28 pages au féminisme.

Simone de Beauvoir athée et féministe
(page 185, du cahier d'éthique et de culture religieuse, Dialogue II, publié par les éditions La Pensée, 2008)


Le livre demande à l'élève d'expliquer ce qu'il pense de cette pensée de Jean-Paul Sartre : « Il suffit qu'un seul homme en haïsse un autre pour que la haine gagne de proche en proche gagne l'humanité entière. »

Pensée généreuse et simpliste. Il aurait été plus intéressant de confronter cette façade avec d'autres déclarations de J.-P. Sartre : « En ce premier temps de la révolte, il faut tuer : abattre un Européen c'est faire d'une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre. » (dans la préface des Damnés de la terre par Frantz Fanon, Paris, Maspéro, 1961, p. 16)

Ou encore « Les derniers liens furent brisés, ma vision fut transformée : un anticommuniste est un chien, je ne sors pas de là, je n'en sortirai plus jamais. » (dans Situations, IV, 1961)

Les auteurs ne parviennent pas à échapper à une question sur « La religion est l'opium du peuple » sans aucune mise en contexte. Marx voit, en effet, un double caractère à la religion que l'on comprend mieux en citant le contexte de la célèbre citation : « La détresse religieuse est en même temps l'expression de la vraie détresse et la protestation contre cette vraie détresse. La religion est le soupir de la créature opprimée, le cœur d'un monde sans cœur, tout comme elle est l'esprit d'une situation sans spiritualité. Elle est l'opium du peuple. »

Le texte ne rappelle pas, par exemple, que cette image de la religion comme opium n'est pas de Marx, que Heine l'a déjà utilisée en 1840, mais dans un sens plutôt positif ou du moins nettement moins négatif : « Bénie soit une religion, qui verse dans l'amer calice de l'humanité souffrante quelques douces et soporifiques gouttes d'opium spirituel, quelques gouttes d'amour, foi et espérance. » (Ludwig Börne, Eine Denkschrift par Heinrich Heine, 1840)

Québec Solidaire appuie le cours d'éthique et culture religieuse

On apprenait la semaine passée, le 11 novembre pour être précis, dans les colonnes du Journal de Sherbrooke que Québec Solidaire était en faveur du maintien du cours d’éthique et de culture religieuse.

Parlant de Québec Solidaire, il est intéressant de consulter le « cahier-manuel » d'éthique et de culture religieuse publié par les éditions de la Pensée en 2008 et destiné à la 2e année du 2e cycle du secondaire (soit secondaire IV).

Dans un chapitre de vingt-huit pages (28) consacré au « féminisme : un autre regard sur la justice », trois pages sont consacrées à Mme François David, chef du parti bicéphale Québec Solidaire. À titre de comparaison, le même cahier ne consacre que douze pages (12) au christianisme dans un chapitre intitulé « Colloque des savoirs en histoire et en religion ». Le même chapitre consacre 8 pages au judaïsme, 7 à l'islam, 8 à l'hindouisme, 7 au bouddhisme et 5 à l'athéisme.

Françoise David dit merci aux éditions de la pensée
(page 198, du cahier d'éthique et de culture religieuse, Dialogue II, publié par les éditions La Pensée, 2008)


Yvon Landry dans les colonnes de la Voix de l'Est dénonçait cette publicité gratuite en ces termes :
Sur le féminisme, il y a une superbe photo en médaillon de Françoise David que les auteures décrivent comme étant sans doute l'une des féministes aujourd'hui les plus connues au Québec. Mme David souhaite maintenant faire progresser sa version de justice sociale par le biais de la politique. Ce paragraphe vaut une publicité d'un million de dollars pour le parti Québec solidaire dont Mme David est la représentante.
Rappelons que Québec Solidaire est un parti sans représentation parlementaire et que Mme David est le seul personnage politique québécois à bénéficier de ce type de publicité dans ce manuel.

Françoise David dit merci aux éditions de la pensée (suite)
(page 199, du cahier d'éthique et de culture religieuse, Dialogue II, publié par les éditions La Pensée, 2008)


On demande ensuite à l'élève de se pencher sur le programme de Mme David et de justifier un des points de son programme à l'aide de cet exercice pour lequel on réserve 22 lignes blanches de réponse :
2. François David énumère une série de choses urgentes à régler. Crois-tu qu'il s'agisse réellement de priorités ? Pourquoi ? Si tu devais choisir un élément particulier, lequel serait-il ? Justifie ta réponse.

L'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec selon un cahier d'ECR publié en 2008

Version désuète de l'article 41 de de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec selon un cahier d'éthique et de culture religieux publié en 2008.


Article 41 désuet
(page 228, du cahier d'éthique et de culture religieuse, Dialogue II, publié par les éditions La Pensée, 2008)


Rappelons que cet article a été modifié par l’adoption de la Loi 95 en juin 2005. Cette loi a pavé la voie au cours d’éthique et culture religieuse. Pour imposer ce cours, la Loi 95 abolit en pratique la liberté de choix des parents :
  1. en abrogeant l’article 5 de la Loi sur l’instruction publique ;
  2. en modifiant l’article 41 de la Charte québécoise.
Cette Loi abroge également l’article 20 de la Loi sur l’instruction publique, qui prévoyait la liberté de conscience pour les professeurs en matière d'enseignement de cours à contenu moral ou religieux.

Le projet de loi 95 a modifié l’article 41 de la Charte québécoise de la façon suivante :
Article 41
(avant le projet de loi 95)(depuis le projet de loi 95)
Enseignement religieux ou moral.Éducation religieuse et morale.
41. Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'exiger que, dans les établissements d'enseignement publics, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi.41. Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs convictions, dans le respect des droits de leurs enfants et de l'intérêt de ceux-ci.


Plus d'exigence. Plus de choix. Et qui veillera au respect de l'intérêt de l'enfant si ce n'est l'État qui étend ainsi explicitement son droit de supervision à la transmission des valeurs et des convictions des parents, et ceci même hors de l'école qui n'est plus mentionnée dans la nouvelle formulation de l'article 41 ?

Le Projet de loi 95, opérant cette modification à la Charte, a été adopté sans vote par appel nominal [1] de l’Assemblée nationale.

[1] Procès-verbal de l'Assemblée nationale du 15 juin 2005 (n° 169) : page 1723 pour l’adoption du projet de loi 95, Annexe pour les votes par appel nominal aux pages 1725-1726 : le projet de loi 95 n’y figure pas.