mardi 24 octobre 2017

Les écoles indépendantes pour conjurer les défaillances de l'Instruction publique

Elles veulent conjurer les défaillances de l’Éducation nationale et proposent de nouvelles pédagogies. Au plus près de la réalité des élèves, les 1 400 écoles hors contrat [non subventionnées, plus libres que les écoles privées québécoises] de l’Hexagone rivalisent d’audace et de créativité. Pour la nouvelle équipe de la Rue de Grenelle, elles peuvent constituer un laboratoire. Plongée dans la galaxie de ces lieux d’apprentissage qui dessinent un nouvel état d’esprit.

Quelques mots suffisent à les identifier : Montessori, Steiner-Waldorf, Freinet, écolos, autogérées, bilingues, « tradi », islamiques, talmudiques, écoles pour enfants dyslexiques, sportifs, autistes ou précoces…

Pourtant, la galaxie des écoles hors contrat [privées non subventionnées plus libres que les écoles privées québécoises] est plus large que ces appellations. Il y en a autant que d’hommes ou de femmes volontaires qui ont décidé de les faire naître. Sur les 8 millions d’enfants âgés de 6 à 16 ans et soumis à l’obligation scolaire en France, seuls 57 000 (soit 0,5 %) sont instruits dans les écoles hors contrat. Ce petit score ne dit rien du poids symbolique que ces établissements alternatifs endossent.

Ils font office de laboratoire, de vivier pour les éducateurs. En proposant des horaires aménagés, des enseignements à partir de méthodes pédagogiques innovantes, en gardant la main sur le recrutement de leur corps enseignant, ces lieux d’apprentissage permettent l’émergence d’une réalité éducative que l’enseignement public feint d’ignorer.

« Le principe de nos écoles est l’autonomie du directeur et du recrutement, explique Eric Mestrallet, fondateur d’Espérance banlieues, qui anime déjà un réseau de 11 écoles en France. Dans les établissements privés sous contrat d’association avec l’Etat, les enseignants reçoivent chaque mois un chèque signé du Trésor public. Nous rémunérons nous-mêmes nos professeurs qui s’engagent à partager le projet pédagogique et, croyez-moi, cela fait toute la différence. »

Signe que l’homogénéité du corps enseignant est un atout pour une école, l’une des principales recommandations de l’OCDE pour la France, publiée dans la dernière enquête Pisa (Bartillat, 15 €), propose de renforcer la coopération entre les chefs d’établissement et leurs équipes pédagogiques.

Il existe 1 400 établissements alternatifs dans l’Hexagone et 100 autres naissent chaque année. Ainsi 17 000 élèves supplémentaires ont-ils rejoint cette dernière décennie les structures hors contrat. « La recrudescence de ces écoles alternatives est un bon signe, note Anne Coffinier, directrice générale de la Fondation pour l’école. Elle manifeste le dynamisme d’une société en quête de sens et de cohérence. » D’un autre côté, l’augmentation du nombre d’inscriptions dans ces écoles laisse deviner le désarroi de certains parents devant la proposition de l’école publique ou la faible capacité d’accueil des établissements sous contrat. « Il faut se représenter que 40 % des enfants se trouvent en échec scolaire à la fin du CM2, s’étrangle-t-elle encore. C’est un taux scandaleux.

Pour contourner les déficiences d’un système trop monolithique, issu d’une vision militariste qui gère la masse sans tenir compte de la singularité de chaque enfant, les écoles hors contrat privilégient une approche plus humaine. » A en croire les experts, le choix de ces écoles ne porte du fruit que si les parents leur confient leur enfant pour plusieurs années. Le bât blesse lorsque les familles n’assument pas pleinement leur choix : elles souhaitent que leur enfant bénéficie d’une scolarisation alternative tout en préparant un retour à tout moment dans le système scolaire dominant. Cela compromet les chances de développer une approche éducative et pédagogique cohérente. « Mais comme la peur de l’engagement est la maladie de notre époque, certains parents incitent les écoles indépendantes à faire aussi tout ce que fait l’Éducation nationale en plus de leur projet propre, ce qui conduit à des offres scolaires moins originales et très surchargées. »


Effectifs réduits, partis pris académiques, part belle laissée au périscolaire, les établissements hors contrat rivalisent malgré tout d’audace pédagogique. Ainsi à Fanjeaux, une école pension tenue par des sœurs dominicaines près de Carcassonne et qui caracole en tête avec 100 % de réussite au bac, les élèves lisent les œuvres complètes plutôt que des extraits. « Afin de former leur esprit critique, les aider à apprendre à réfléchir et à exercer leur jugement, nous privilégions la lecture d’un auteur de façon approfondie », explique la sœur responsable d’un niveau de lycée. Accompagnant 170 jeunes filles sur 11 niveaux, cette école confessionnelle assume son calendrier : « Nos élèves ont au moins trois mois de grandes vacances, elles sortent en juin et reviennent fin septembre dans le but de privilégier la vie de famille, qui est la première éducatrice des enfants. » Les programmes sont suivis sur des manuels plus ou moins à la mode dans les bureaux du ministère de l’Éducation nationale. Qu’importe. « Nous enseignons l’histoire chronologique depuis le début, explique Eric Mestrallet. Car nous estimons que l’histoire thématique ne rend pas service aux enfants déjà en manque de repères. Le respect de la progressivité les aide à ranger les événements dans le bon ordre. Et nos cours commencent par la question “pourquoi fait-on de l’histoire ?”. Plutôt que les “gaver” de connaissances, nous préférons les aider à bien s’approprier celles-ci. » Si les établissements respectent le socle commun de connaissances, ils disposent d’une vaste liberté dans la méthode.



Depuis la loi Debré (1959), qui organise l’enseignement libre en France, les directeurs des écoles hors contrat peuvent recruter leurs professeurs et adapter autant que nécessaire les programmes de l’Éducation nationale (contrairement aux écoles privées sous contrat). Elles préparent leurs élèves aux examens courants français, anglais ou internationaux. En contrepartie, ces écoles restent soumises à des inspections de la Rue de Grenelle. Celles-ci sont régulières : la loi les préconise une fois par an, dans les faits, elles peuvent s’échelonner tous les trois ans. Et peuvent donner lieu à des scènes épiques, sur lesquelles d’ailleurs les directeurs d’école n’aiment pas s’étendre, de peur de se retrouver dans le collimateur des recteurs. La Fondation pour l’école est plus loquace : « On m’a raconté comment un matin, 12 inspecteurs ont débarqué sans prévenir dans une école hors contrat. Pendant que deux bloquaient le proviseur dans son bureau, les autres passaient dans les classes sans dire ni bonjour ni merci, fouillaient les affaires, interrogeaient les enfants à la sauvette, dès que les professeurs avaient le dos tourné. Dans certains cas, on devine que les consignes viennent directement du ministère. »

Nédjat Belkacem a laissé un souvenir : « Elle a commencé par lancer, suite aux attentats islamistes, des inspections dans les écoles musulmanes puis s’est ensuite acharnée sur les écoles catholiques… »

« Nous n’avons pas encore déterminé la date de notre rentrée. Peut-être début octobre, avance, d’un ton incertain, le directeur de La Plume, école de la banlieue lyonnaise qui prévoit d’accueillir une cinquantaine d’élèves du CP au CM2, pour la plupart de confession musulmane. Nous attendons encore les autorisations pour la mise aux normes de nos locaux. »

A la tête de cette petite école Montessori, il propose un enseignement qui inclut une dizaine d’heures d’arabe par semaine. « Nous avons eu trois inspections en trois ans », note-t-il.

En attendant le verdict des autorités, les élèves restent à la maison. Par défaut, ils pourront toujours rejoindre une structure publique. Dès lors, les filles devront retirer le voile qu’elles pouvaient garder à La Plume.

Sur les 1 400 structures hors contrat existantes, seuls 300 sont des établissements confessionnels : un peu plus de 200 sont catholiques, une cinquantaine hébraïques, une quarantaine musulmans et une quarantaine protestants.

L’école indépendante Mère-Teresa, à Chevrières (Oise), dans les Hauts-de-France. Ici, la classe des petits où l’on pratique la méthode Montessori.


Certains rares établissements, comme Fanjeaux, sont attachés à une congrégation religieuse, en l’occurrence l’ordre des Dominicaines du Saint Nom-de-Jésus qui œuvre dans 12 établissements scolaires en France. Le poste de dépense principal, d’ordinaire occupé par la rémunération des professeurs, est là réduit à la portion congrue puisque ce sont les religieuses, bénévoles, qui dispensent les cours. « Les parents paient entre 1 500 et 3 000 € par an pour une scolarité complète en pensionnat, explique la sœur trésorière de la congrégation. Nous ne cherchons pas à faire des bénéfices, mais à garder nos comptes à l’équilibre. »

La directrice de Georges-Gusdorf, elle, a toutes les peines du monde à boucler ses fins de mois. Pourtant les parents de cette petite école du XVe arrondissement réservée aux enfants précoces s’acquittent de 8 000 € de frais de scolarité chaque année. Adhérant au projet pédagogique qui leur garantit des classes de moins de 20 élèves et un soin adapté à ce profil spécifique d’enfant, les parents misent sur des enseignements complémentaires l’après-midi : histoire de l’art, programmation informatique ou philosophie dès le CP. « Et pourtant, nos professeurs sont moins bien payés que s’ils faisaient partie de l’Éducation nationale, explique Nelly Dussausse, la directrice. Nous refusons de couler nos élèves dans le moule d’une pédagogie de masse. Sans aucune aide de l’Etat, cela représente un coût certain. »

La liberté pédagogique et du recrutement des professeurs n’a pas de prix pour ces militants de l’école libre. « Le véritable progrès consisterait à augmenter le nombre et la qualité des évaluations intermédiaires, analyse Anne Coffinier. Il serait judicieux de créer des standards minimalistes, mais rigoureux, tout au long du parcours scolaire de l’enfant, sur les connaissances fondamentales. Je suis persuadée, conclut-elle, que l’excellence académique est le meilleur rempart contre l’obscurantisme. »

Notons que l’équipe du nouveau ministre regarde avec une vive curiosité le modèle pédagogique — à la fois académique [le contenu scolaire], éducatif et surtout intégratif — d’Espérance banlieues qui, tout en restant aconfessionnel et républicain, offre un cadre à des enfants de quartiers défavorisés propice à l’acquisition des connaissances.

L’Éducation nationale serait-elle enfin décidée à quitter sa posture idéologique ?

Source : Le Figaro Magazine

L'instinct maternel aurait une réalité biologique

Les cerveaux des mamans réagissent d’une façon bien particulière aux cris de leurs enfants, montre une étude.

Les pleurs des bébés activent des régions spécifiques, liées aux mouvements et à la parole, du cerveau de leur mère, relève lundi une vaste étude. Ces résultats confortent la réalité biologique de l’instinct maternel.

Selon cette étude menée dans onze pays et publiée dans les Comptes rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS), une mère entendant son enfant pleurer aura tendance à toujours avoir le même comportement : le prendre dans les bras et lui parler pour le rassurer.

Comprendre ces réactions et les activités correspondantes dans le cerveau des femmes pourrait aider à identifier les risques de maltraitance encourus par les enfants, selon les chercheurs des Instituts nationaux américains de la santé (NIH) à l’origine de cette étude.

Ces derniers ont étudié le comportement maternel et le cerveau — via des imageries par résonance magnétique (IRM) — d’un groupe de 684 femmes récemment devenues mères pour la première fois en Argentine, Belgique, Brésil, Cameroun, France, Israël, Italie, Japon, Kenya, Corée du Sud et États-Unis.

Zones précises

Les interactions que celles-ci ont eues avec leur bébé de cinq mois ont été observées et enregistrées, afin de voir si elles répondaient aux pleurs de leur enfant en montrant de l’affection, en le distrayant, le nourrissant, lui changeant la couche, le prenant dans les bras ou en lui parlant.

En analysant des IRM d’autres groupes de femmes, ces chercheurs ont constaté en outre que les jeunes mères et celles qui avaient eu plusieurs enfants activaient des régions similaires de leur cerveau lorsque leur bébé pleurait.

L’étude constate que ces pleurs activent chez la plupart des femmes une région cérébrale liée à l’intention de se déplacer et de parler, ainsi que des zones frontales du cerveau impliquées dans le langage et la capacité de parler et d’interpréter des sons.

Réponses différentes des hommes et des femmes

« Ces résultats laissent penser que les réponses des mères aux pleurs de leur bébé sont bien programmées dans le cerveau et communes à l’ensemble des cultures », concluent les auteurs de l’étude.

Celle-ci complète d’autres travaux montrant que le cerveau des femmes et celui des hommes répondent différemment aux pleurs d’un bébé, précise l’étude. Ainsi la nuit, les hommes semblent moins entendre les cris des bébés que les femmes plus enclines à se lever pour aller les réconforter.

Même si les rôles parentaux ont évolué ces dernières décennies, ce sont toujours et le plus souvent les mères qui prennent en charge la plupart des tâches domestiques au quotidien et surtout celles liées aux tout-petits, selon d’autres études.

Voir aussi

L’Étude Neurobiology of culturally common maternal responses to infant cry (Neurobiologie des réponses maternelles aux pleurs du nourrisson communes à différentes cultures)

« Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école ! »

C’est le jour de la rentrée, et beaucoup d’enfants vont à l’école à reculons. Souvent, les plus petits – les élèves de maternelle ou de 1re année – sont encore enthousiastes, mais ce n’est déjà plus le cas en 5e année du primaire ou en 6e. Statistiquement en effet, plus un enfant est âgé, moins il aime l’école, moins il aime lire et moins il aime apprendre. Pourquoi ?

Pourquoi les ados sont-ils capables de passer des heures sur un jeu vidéo alors qu’ils se désintéressent des livres ? Pourquoi connaissent-ils par cœur les centaines de personnages du Trône de fer (Game of Thrones) alors qu’ils oublient leur cours de la veille ?

Les progrès faits par la psychologie cognitive ces trente dernières années permettraient de répondre à ces questions.

Selon Daniel Willingham dans son livre Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école ?, les efforts ne sont jamais agréables, mais qu’ils finissent toujours par payer ; qu’apprendre par cœur peut être ludique ; et que pour mémoriser, il faut d’abord comprendre. Surtout, vous comprendrez mieux votre enfant et vous pourrez ainsi le soutenir plus facilement.

Présentation de l’éditeur

Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école !

La réponse d’un neuroscientifique à cette question qui hante les professeurs et les parents.

C’est la question qui hante le professeur quand il arrive en classe le lundi matin. Malgré tous ses efforts, malgré sa patience, malgré son amour de l’école et du savoir qu’il aimerait leur transmettre, pourquoi ses élèves ont-ils toujours l’air de s’ennuyer ?

Pourquoi ? Parce que nos méthodes d’enseignement ne sont pas adaptées au fonctionnement du cerveau et de la mémoire. Pour l’auteur, professeur de psychologie cognitive à l’Université de Virginie, nous pouvons aider les élèves à aimer l’école si nous comprenons comment fonctionne leur intelligence. Or la science cognitive a permis d’en apprendre plus sur le cerveau ces vingt-cinq dernières années que nous ne l’avions fait en 2500 ans.

L’auteur part de neuf questions que se posent les enseignants – en commençant par celle posée dans le titre – et dont les réponses sont directement applicables en classe. Comment adapter mes cours aux différents types d’élèves ? Comment aider les élèves les plus lents ? Vaut-il mieux enseigner des compétences ou des connaissances ?…

Willingham démonte ainsi de nombreux préjugés :
  • Oui, l’apprentissage par cœur, la répétition et la culture générale sont nécessaires, parce qu’elles permettent aux élèves de mieux comprendre les nouvelles connaissances. 
  • Non, les pédagogies actives ne sont pas efficaces pour apprendre, car elles ne permettent pas de prévoir à quoi les élèves vont réfléchir. 
  • Non, les différences entre les élèves ne rendent pas nécessaires des enseignements « différenciés » et la science actuelle n’est pas parvenue à démontrer qu’il existait différents types d’intelligence. 
  • Non, les enfants ne peuvent pas réfléchir à la manière des scientifiques, car ils n’ont pas suffisamment de connaissances… 
 De manière toujours nuancée, mais avec une argumentation implacable et beaucoup d’humour, l’auteur fait le point sur les théories pédagogiques et les pratiques de classe qui ont démontré leur efficacité.


L’auteur : Daniel Willingham est diplômé de Harvard en psychologie cognitive. Il est actuellement professeur de psychologie à l’Université de Virginie. Depuis 2000, il consacre ses recherches à l’application de la psychologie cognitive dans l’enseignement primaire et secondaire. Le succès de son livre aux États-Unis lui a fait créer son propre site : www.danielwillingham.com.:Il est disposé à répondre à toutes les interviews de journalistes à propos de son ouvrage.

Critique de l’ouvrage dans le Figaro

Feuilletez l’ouvrage

Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école !
par Daniel Willingham
aux Éditions de l’école
213 pages
ISBN : 978-2-916788-23-4