dimanche 31 août 2014

Éducation, démographie : la surprenante Russie (Emmanuel Todd)

L'historien Emmanuel Todd a entrevu en 1976 la fin de l'URSS avec un essai au titre provoquant : La chute finale. Aujourd'hui, dans un entretien inédit avec Herodote.net, il prend à nouveau l'opinion à rebrousse-poil en annonçant la renaissance de la Russie et l'effondrement de l'Ukraine. Avec des chiffres que nos dirigeants auraient intérêt à méditer.

Herodote.net — Vous tentez de comprendre les sociétés humaines et entrevoir leur futur à travers leurs indicateurs démographiques. Depuis quarante ans, la Russie est l'un de vos terrains de chasse favoris. Cela tombe bien. Au moment où elle fait à nouveau trembler l'Europe, dites-nous comment vous la percevez.

Emmanuel Todd  En 1976, j'avais découvert que la mortalité infantile était en train de remonter en URSS et ce phénomène avait troublé les autorités soviétiques au point qu'elles avaient renoncé à publier les statistiques les plus récentes. C'est que la remontée de la mortalité infantile (décès avant l'âge d'un an) témoignait d'une dégradation générale du système social et j'en avais conclu à l'imminence de l'effondrement du régime soviétique.

Aujourd'hui, disons depuis quelques mois, j'observe à l'inverse que la mortalité infantile dans la Russie de Poutine est en train de diminuer de façon spectaculaire. Parallèlement, les autres indicateurs démographiques affichent une amélioration significative, qu'il s'agisse de l'espérance de vie masculine, des taux de suicide et d'homicide ou encore de l'indice de fécondité, plus important que tout. Depuis 2009, la population de la Russie est repartie à la hausse à la surprise de tous les commentateurs et experts.

 

C'est le signe que la société russe est en pleine renaissance, après les secousses causées par l'effondrement du système soviétique et l'ère eltsinienne, dans les années 1990. Elle se compare avantageusement, sur de nombreux points, à bien des pays occidentaux, sans parler des pays d'Europe centrale ou de l'Ukraine, laquelle a sombré dans une crise existentielle profonde.

La mortalité infantile

La mortalité infantile (décès avant l'âge d'un an pour mille naissances) est sans doute l'indicateur le plus significatif de l'état réel de la société. Il dépend en effet tout à la fois du système de soins et des infrastructures, de la nourriture et du logement dont disposent les mères et leurs enfants, du niveau d'instruction des mères et des femmes en général...

Le graphique ci-dessous témoigne des progrès spectaculaires accomplis par les trois pays issus de l'ancienne URSS depuis la fin du XXe siècle. La Russie, partie de très haut (plus de 20 décès pour mille naissances) a rattrapé l'Ukraine et se situe à peine au-dessus des États-Unis.

Plus déroutants encore sont les progrès de la Biélorussie, qui se situe désormais au niveau de la France (3 pour mille). Qui l'eut cru de ce « trou noir » au milieu de l'Europe, dirigé par un obscur autocrate ? On verra qu'en tous points la Biélorussie colle à la Russie. Les deux pays ont des structures familiales similaires et la Biélorussie, au contraire de l'Ukraine, se satisfait d'une indépendance restreinte.

Mortalité infantile comparée en Russie, en Ukraine, en France... (Herodote.net, 2014)

Herodote.net  Mais quelle fiabilité pouvons-nous accorder à ces statistiques ?

Emmanuel Todd  La plus grande qui soit. Les données démographiques ne peuvent pas être trafiquées car elles ont leur cohérence intrinsèque. Les individus dont on a enregistré un jour l'acte de naissance doivent se retrouver dans les statistiques à tous les grands moments de leur existence et jusqu'à leur certificat de décès. C'est pour cela que le gouvernement soviétique a cessé de publier les taux de mortalité infantile quand ils lui ont été défavorables.

Ça n'a rien de comparable avec les données économiques ou comptables que l'on peut allègrement trafiquer comme l'ont fait le gouvernement soviétique pendant plusieurs décennies ou les experts de Goldman Sachs quand ils ont dû certifier les comptes publics de la Grèce pour lui permettre d'entrer dans la zone euro...

Les cigognes retrouvent le chemin de la Russie

L'indice de fécondité (nombre moyen d'enfants par femme) témoigne du renouveau démographique de la Russie même s'il est encore inférieur au seuil de remplacement des générations (comme dans tous les pays développés). Relevons dans les comparaisons ci-dessous l'effondrement de la Pologne catholique qui, visiblement, n'a pas profité de son entrée dans l'Union européenne.
 
Russie
Biélorussie
Ukraine
Pologne
France
Allemagne
[Québec
États-Unis
1993
1,7
1,8
1,8
2,0
1,8
1,4
1,6
2,0
1999
1,2
1,3
1,3
1,5
1,7
1,3
1,5
2,0
2005
1,4
1,2
1,2
1,2
1,9
1,3
1,5
2,0
2013
1,7
1,6
1,5
1,3
2,0
1,4
1,6]
1,9
Sources : World Population Data Sheet / INED, Population et Sociétés[/Institut de la statistique du Québec].


Herodote.net  Ce regain de vitalité de la Russie est donc une surprise pour vous ?

Emmanuel Todd  Oui, tout à fait. Dans Après l'Empire, un essai consacré aux États-Unis et publié en 2003, j'ai envisagé cette éventualité dans un chapitre intitulé « Le retour de la Russie » mais je n'avais aucune donnée statistique me permettant de l'étayer. Je faisais seulement confiance à ma perception de la société russe, de ses structures familiales et étatiques.

C'est peu dire qu'elle n'est pas partagée par mes concitoyens. Dans les dernières années, j'ai été exaspéré par le matraquage anti-russe de la presse occidentale et en particulier française, avec Le Monde au coeur du délire !

Herodote.net  Vous exagérez !

Emmanuel Todd  Pas du tout. Ces médias ont réussi à aveugler l'opinion sur le redressement spectaculaire de la première puissance militaire du continent européen ! Ce faisant, je ne crains pas de le dire, ils nous ont mis en situation de risque.

La CIA s'est elle-même laissée abuser par ses préjugés. En se focalisant sur le désastre démographique des dernières décennies du XXe siècle, elle a cru à la disparition prochaine de la Russie. De même que l'Union européenne, elle a mal évalué les nouveaux rapports de force entre la Russie et ses voisins et c'est comme ça que, de maladresse en maladresse, on a abouti à l'annexion de la Crimée et à la guerre civile en Ukraine.

Herodote.net  Vous oubliez Poutine, sa brutalité, son homophobie...

Emmanuel Todd  Sur l'homophobie, je ne suis pas compétent, même si je suis à titre personnel favorable au mariage pour tous. Le magazine Marianne m'a confié il y a quelques semaines l'analyse d'un sondage sur la sexualité politique des Français et j'avoue que ça m'a beaucoup amusé...

Plus sérieusement, c'est vrai que le président russe n'a rien d'un social-démocrate ou d'un libéral. Interrogé par Le Point en 1990, j'avais dit qu'il ne fallait pas imaginer que la Russie devienne un jour une démocratie à l'anglo-saxonne. Ses structures familiales et étatiques s'y opposent tout autant que la violence inscrite dans son Histoire.

Mais la « poutinophobie » ambiante nous a masqué l'essentiel, ce que révèlent de façon claire les indicateurs démographiques : la chute de l'URSS a accouché d'une grande société moderne et dynamique, avec notamment un haut niveau d'éducation hérité de l'ère soviétique, des filles plus nombreuses que les garçons à l'Université et un bilan migratoire positif qui atteste de la séduction qu'exerce encore la société russe et sa culture sur les populations qui l'environnent.

Cela débouche sur ce que je qualifie faute de mieux de « démocratie autoritaire » ; un régime fort et même brutal, qui a néanmoins le soutien implicite de la grande majorité de la population.

Les filles à l'assaut de l'Université

Le pourcentage de filles par rapport aux garçons dans l'enseignement supérieur est un indicateur intéressant du degré de modernité d'une société et de la place qu'y tiennent les femmes ou qu'elles sont appelées à y tenir (source : OCDE, 2013).

 Suède
Russie
France 
États-Unis
Allemagne
140 filles pour 100 garçons
130
115
110
83

[Note du carnet, dans le domaine de l'emploi des femmes, la Russie est également assez étonnante et loin des stéréotypes de pays rétrograde parfois entretenus dans nos médias :

C'est ainsi que la Russie a le double de femmes occupant des postes de haute direction par rapport aux États-Unis ou à l'Europe occidentale. La Russie a la plus forte proportion de femmes dans les postes de direction (43 pour cent), un chiffre relativement stable depuis 2004, selon le rapport de Grant Thornton International Business pour 2014.

]


Herodote.net  Permettez-moi d'insister mais un président issu du KGB, la police politique soviétique, ça n'a rien de très moderne.

Emmanuel Todd Et alors ? Le KGB et son avatar actuel, le FSB, sont des viviers pour les élites russes. Hélène Carrère d'Encausse a dit, en ironisant, qu'ils sont l'équivalent de l'ENA pour la France. Disons qu'ils participent de la nature violente du pays !

Le spectre d'Ivan le Terrible s'éloigne

Sur le chapitre des mœurs, on note de lentes améliorations en Russie, qu'il s'agisse des taux de suicide et d'homicide ou de l'espérance de vie masculine, longtemps plombée par l'alcoolisme et la violence.
 
taux de suicide (décès pour 100.000 habitants)
taux d'homicide (décès pour 100.000 habitants)
espérance de vie masculine
1998
35,5
22,9
61 ans
2010
30
10
64 ans
Pour rappel, le taux de suicide est de 16 pour 100.000 habitants en France (2008) ; le taux d'homicide est de 4,2 pour 100.000 habitants aux États-Unis et de 1 pour 100.000 habitants en France (2013).

Les graphiques ci-dessous représentent l'espérance de vie à 60 ans des femmes et des hommes. Ils témoignent du retard accumulé par l'URSS depuis les années 1950 et du redressement récent, qui demeure fragile.

Espérance de vie à 60 ans (Herodote.net, 2014)


Herodote.net  Vous nous assurez que la société russe se porte plutôt bien mais son économie, elle, va mal.

Emmanuel Todd  En matière d'économie, je ne veux pas trop m'engager. Notons simplement que les 1,4% de croissance de la Russie et son taux de chômage de 5,5% feraient pâlir d'envie le président Hollande. Et pour ne pas l'accabler, je ne dirai rien de l'indice de popularité de son homologue russe.

Mais il est vrai que la Russie vit pour l'essentiel sur une économie de rente fondée sur l'exploitation de son sous-sol et, de plus en plus, sur son agriculture. Pour le reste, elle s'en tient à une politique protectionniste destinée à protéger ce qui reste de son industrie.

Le pays a deux atouts : un territoire immense de 17 millions de km2 plein de richesses potentielles et une population de 144 millions d'habitants (2013) qui compte encore beaucoup de scientifiques de haut niveau, malgré le départ de 800.000 juifs pour Israël.

Ces deux atouts déterminent la stratégie de Poutine : protéger le territoire et ses ressources avec une armée performante, en attendant que l'économie mondiale achève sa transition vers l'Asie et les nouvelles technologies. On le voit mal faire un autre choix comme d'accueillir des industries de main-d’œuvre ou développer des entreprises exportatrices de biens de consommation.

Mais je m'en tiens là-dessus à des hypothèses. Ce qui, par contre, ne relève pas de l'hypothèse mais du réel, c'est le réconfortant redressement de la démographie russe. Il témoigne d'une santé qui ferait envie à de nombreux pays européens...

Cela dit, n'exagérons rien. Si par malheur, il devait arriver que je sois chassé de ma patrie, ce n'est pas en Russie que je me réfugierais mais aux États-Unis selon une tradition familiale bien établie !

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Histoire — chanson du 31 août, corps des troupes de la marine

Ce chant traditionnel de la Marine raconte l'histoire véritable d'un petit navire Français qui vainquit un navire anglais bien plus gros que lui.

Le corsaire Surcouf commandait La Confiance et il captura le navire anglais HMS Kent en 1800.

Ce chant à virer, qui est aussi un chant de guerre figurant au répertoire de la Royale, est l'un des plus célèbre de la marine française.

Le fait qu'il mette en scène la gloire monarchique, la lutte séculaire entre la perfide Albion (l'Angleterre) et la France, la hardiesse des marins français, et son appel à lever le verre avant et après le combat, tout cela n'est assurément pas étranger à son succès...



1. Au trente et un du mois d'août (bis)
Nous vîmes sous l'vent à nous (bis)
Une frégate d'Angleterre
Qui fendait la mer et les flots
C'était pour aller à Bordeaux.

Buvons un coup, buvons en deux,
À la santé des amoureux
À la santé du Roy de France
Et merde ! pour le roi d'Angleterre
Qui nous a déclaré la guerre.

2. Le capitaine au même instant (bis)
Fit appeler son lieutenant (bis)
Lieutenant te sens-tu capable
Dis-moi, te sens-tu assez fort
Pour l'aller crocher à son bord ?

Refrain.

3. Le lieutenant fier et hardi (bis)
Lui répondit : Capitaine, oui ! (bis)
Faites monter tout l'équipage
Hardis gabiers, gais matelots
Faites monter tout l'monde en haut.

Refrain.

4. Vire lof pour lof en arrivant (bis)
Nous l'abordâmes par son avant (bis)
À coup de hache, à coup de sabre
De pique, de couteau, de mousqueton
Nous l'avons mis à la raison.

Refrain.

5. Que va-t-on dire de lui tantôt (bis)
À Brest à Londres et à Bordeaux (bis)
De s'être ainsi laissé surprendre
Par un corsaire de quinze canons
Lui qu'en avait trente et si bons ?




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Violences conjugales : nettement plus fréquentes dans les couples homosexuels

Les violences conjugales seraient toujours un sujet tabou en France au sein des couples homosexuels. Dans sa vidéo, l’association AGIR affirme qu’en 2013, 11 % des homosexuels ont déclaré subir des violences conjugales.

En 2012, 2 % des femmes ont subi, en l’espace de deux ans, des violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. C'est ce que révèle une étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), réalisée en partenariat avec l’Insee.



Sources : France 3 et Europe 1.

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Violences conjugales : les hommes battus oubliés en France comme au Québec ?

Les filles aux parents lesbiennes sont 45% moins susceptibles d'obtenir un diplôme d'enseignement secondaire

samedi 30 août 2014

L'Ouzbékistan suspend internet et les textos pour éviter la triche aux examens

L'Ouzbékistan a suspendu vendredi son réseau internet mobile ainsi que l'envoi de textos pour l'ensemble de sa population, afin d'empêcher toute tricherie aux examens d'entrée aux universités.

Source : Le Point





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mercredi 20 août 2014

Entrevue du ministère de l'Éducation : torrent d'eau tiède et de prêt-à-penser soporifique

Tania Longpré revient sur la dernière sortie médiatique du ministre de l'Éducation du Québec :

« Apprendre à apprendre», mais quoi, monsieur le ministre ? »

Dans une entrevue accordée au Journal Métro, le Dr Yves Bolduc, ministre de l’Éducation du Québec, affirmait qu’il fallait réformer l’éducation et mettre la priorité sur la persévérance scolaire.

Zzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz

En tant qu’enseignante et future didacticienne, ce discours a des effets secondaires sur moi qui s’apparentent à la prise de somnifères. De même que ces trois mots, répétés comme un mantra par trop de ministres de l’éducation depuis quelques années: TBI, compétences et réformes. Déchiffrons-les:


TBI

À en croire le ministre, c’est pratiquement avec cet outil magique qu’est le tableau blanc interactif qu’on augmentera la persévérance scolaire chez les jeunes. Il a tout faux. Ce qui rend (ou pas !) une classe intéressante c’est… l’enseignant. Je ne suis pas contre le TBI, mais l’équation 1 prof plate + TBI = classe passionnante ne fonctionne pas. C’est un outil incroyable, mais il ne suffit pas de ça pour être un bon enseignant.

Pour rendre la classe intéressante, ce n’est pas dans des TBI qu’il faut investir, mais dans la formation des maîtres. [Note du carnet: dans quelle mesure devenir un prof passionnant s'enseigne-t-il ?] Ce sont eux qui jour après jour passionnent les étudiants. Pourtant, peu de cours DID du DEE (Devenir un Excellent Enseignant) dans les facultés de nos universités. Réformer la formation des maîtres ? Bof, ça, on en parle pas souvent. Que le Dr Bolduc le veuille ou non, un TBI ne remplacera jamais un enseignant passionné.

Approche par compétences

Je cite le ministre : « Si on considère l’approche par compétences combinée à l’utilisation des technologies, on se dirige vers un système où l’enfant apprend à apprendre », c’est bien beau d’apprendre à apprendre, mais pour apprendre quoi ? Les compétences sont beaucoup plus efficaces ! Apprendre à conjuguer un verbe? Trop compliqué, apprenons plutôt à utiliser Antidote ! Pourquoi apprendre à écrire à la main si on peut apprendre à se servir d’un clavier ? Pourquoi avoir une culture générale si on sait utiliser la barre de recherche dans Google?

Je suis ironique, mais vraiment, à en croire certains au ministère de l’Éducation, les connaissances sont une pure perte de temps. De cette façon, ils veulent former des petits travailleurs « en adéquation avec les besoins du marché », mais… pourront-ils penser ? Réfléchir ? Lire ? Écrire ? Discuter ? Débattre ? Créer ? Se casser la tête ?  [Carnet : il est ironique de voir un libéral dire que l'État sait prévoir les besoins du marché... Pas dans l'industrie, mais bien pour l'école ?]

C’est pour transmettre des connaissances que je suis enseignante, pas pour remplacer un mode d’emploi. Une compétence devrait être un outil, pas une fin en soi. Et lorsque j’entends les ministres parler de technologies, je me demande quand j’ai manqué l’épisode affirmant que cela remplaçait notre cerveau, nous rendant du même coup plus intelligents.

Les réformes et « l'école inversée »

Le docteur Bolduc mise aussi sur « L’école inversée », sois celle où l’enfant travaille « par lui-même et évalue ensuite ses réalisations avec un professeur », ah bon!, donc, l’enseignant ne devient « qu’une machine à évaluer », selon le ministre ? Alors, si ce n’est que ça, le maître devient… facultatif ? Pourquoi ne pas fermer les écoles, un coup parti, et faire en sorte que tous apprennent de chez eux, avec un ordinateur et un logiciel autocorrecteur ? Ça, ça règlerait les finances déficitaires de l’éducation ! Plus de financement de transport scolaire, plus de commissions scolaires, plus d’enseignants à former, plus de concierge à payer. La belle affaire&nbsp! Pourquoi ne pas y avoir pensé avant ? [Tania Longpré semble oublier deux fonctions de l'école moderne : la garde des jeunes par des tiers et l'apprentissage d'un certain conformisme social.]  Au-delà de l’ironie, je me pose tout de même une question: seriez-vous docteur aujourd’hui, Monsieur Bolduc, sans vos connaissances ?




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dimanche 17 août 2014

Canada — Financement par élève serait supérieur pour les écoles autochtones aux écoles publiques

Selon l'Institut Fraser, contrairement à ce qu'on allègue souvent, le financement moyen par étudiant au Canada pour les écoles primaires et secondaires situées sur les réserves des Premières nations est égal ou, dans certaines provinces, supérieur au financement moyen de tous les autres élèves canadiens.

Entre 2006 et 2011, le financement en éducation pour les Premières Nations est passé de 1,3 milliards de dollars à plus de 1,5 milliards de dollars, contredisant de la sorte le mythe souvent répété que la croissance du financement a été limité à deux pour cent. Enfin, sur une base par élève en 2010/11, le financement global moyen pour les étudiants vivant dans les réserves s'élevait à 13 524 $. Il était plus supérieur au financement de tous les autres étudiants canadiens qui fréquentent l'école publique (11 646 $).





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La mort de Raymond Gravel : preuve que la loi sur l'euthanasie est inutile ?

 On se rappellera que M. Raymond Gravel s'était prononcé en faveur de la loi sur l'euthanasie (projet de loi 52), allant une nouvelle fois dans le sens du vent « progressiste » cher à nos élites autoproclamées et à l'encontre de l'Église catholique à laquelle il devait fidélité.

Pour Marc Bergeron, M.D., hémato-oncologue au CHU de Québec, son décès prouve paradoxalement l'inutilité de cette loi sur l'euthanasie :
« Raymond Gravel est décédé ce matin [le 11 août 2014] d'un cancer du poumon métastatique. Il était connu du grand public pour son franc-parler et ses prises de position controversées à l'intérieur de l'Église catholique. Il avait milité entre autres pour le projet de loi 52 qui introduit l'euthanasie au Québec. Selon ses propres paroles, il n'avait pas peur de la mort, mais il craignait de souffrir de son cancer. Il est mort dignement, entouré de personnes aimantes et dévouées qui lui ont prodigué de bons soins palliatifs de qualité tout au long de sa maladie qui a duré un an. Cet exemple illustre bien la situation de milliers de Québécois qui partagent chaque année le même sort que Raymond Gravel et qui sont soignés de façon exemplaire jusqu'à la mort naturelle, sans nécessité d'accélérer celle-ci. C'est une démonstration franche de l'inutilité de l'introduction de l'euthanasie nommée « aide médicale à mourir » dans le projet de loi 52 qui a été voté au parlement du Québec le 5 juin. Les tribunaux du Québec et du Canada vont se prononcer dans les prochains mois sur la constitutionnalité de cette loi. »

Publié dans Le Soleil, chronique Opinion le 14 août 2014

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Raymond Gravel poursuit pour 500.000 $ Life Site News – chronologie et sommaire de la défense

Monsieur Gravel et sa critique (peu chrétienne) des opposants à l'imposition du cours ECR

 

Transsexuelle « homme aujourd'hui » allaite en public et est « enceint »

Une transsexuelle née femme, désormais Trevor MacDonald, allaiter en public son enfant. MacDonald, de Winnipeg, est aussi enceinte de sept mois. C’est sa deuxième grossesse. MacDonald sert également d'animateur à la ligue La Leche, l’organisme qui vient en aide aux mamans qui ont de la difficulté à allaiter.

Ci-dessous, des extraits de son entretien dans le journal Métro.

Comment est-il possible d’allaiter quand on est [une transsexuelle ]?

C’est une question d’hormones. [...] Quand j’ai expliqué à mon endocrinologue que je voulais des enfants, il m’a dit que je n’avais qu’à cesser mes traitements hormonaux pour que mon cycle menstruel redevienne régulier.

Comment avez-vous réussi à conserver votre barbe ?

En cessant la testostérone, certaines personnes perdent leur pilosité faciale, d’autres non. Moi, j’ai conservé une pilosité faciale et une voix grave et ça fait quatre ans que j’ai cessé mes traitements. J’espère les reprendre, parce que ça a quand même un impact sur ma masse musculaire.

« Trevor » MacDonald, son fils et le docteur Jack Newman de Toronto
La mastectomie n’empêche pas l’allaitement?

Ça dépend de la façon dont elle est faite. Ça peut avoir un impact sur la quantité de lait. Moi, j’ai utilisé un dispositif d’aide à l’allaitement, un système utilisé par des femmes qui ont de la difficulté à allaiter. J’ai eu l’aide de la ligue La Leche, une organisation mondiale consacrée à l’allaitement. Après quelques mois, mon groupe local de La Leche m’a proposé de devenir bénévole, mais ça allait à l’encontre des règlements de l’organisation. Quelques années plus tard, La Leche s'est rendue compte que c’était discriminatoire et elle a changé ses règlements. Maintenant, partout dans le monde, même en Arabie séoudite, un homme peut devenir parrain d’allaitement !

Comment les gens réagissent-ils lorsqu’ils vous voient allaiter ?

La plupart du temps, ils ne comprennent tout simplement pas ce qu’ils sont en train de regarder. Une fois, une femme m’a demandé des renseignements parce qu’elle voyait que j’utilisais un dispositif d’aide à l’allaitement. Les commentaires en ligne sont plus violents, mais en personne, les gens sont corrects. Et je dirais que mon expérience ouvre beaucoup plus de portes qu’elle n’en ferme.

Est-ce que le fait d’être un homme enceint suscite plus de réactions ?

Non. Les gens pensent simplement que j’ai une bedaine de bière. Je ne serais pas le seul!

Est-ce que le milieu hospitalier est ouvert à votre réalité ?

Oui, mais c’est évident que, chaque fois que je rencontre un nouvel intervenant, je dois tout expliquer de nouveau. Les gens présument que, parce que je porte un enfant, je suis une femme. C’est pourquoi j’ai préféré faire appel à une sage-femme, qui m’a suivi tout le long de ma grossesse.

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Garçon gardé par un couple de lesbiennes subit un traitement hormonal pour bloquer sa puberté





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jeudi 14 août 2014

Histoire — Les Gaulois au-delà du mythe







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Ministre Bolduc et livres LGBTQ en garderie : normaliser, mais pas promouvoir...!

Le Devoir, qui prétend toujours avoir révélé l'histoire des livres LGBTQ en garderie et primaire plus d'une semaine après ce carnet, nous apprend sans surprise que le ministre Yves Bolduc est d'accord pour introduire les œuvres promues par le lobby LGBTQ dans les garderies, les maternelles et les écoles primaires :
« On peut en parler sans faire la promotion d’un modèle par rapport à un autre, a dit le ministre. Les gens ont peur qu’on fasse la promotion de ce modèle. On ne le fait pas, on dit juste que ce sont des modèles tout à fait normaux. »
M. Bolduc comprend-il que, pour des gens qui désapprouvent des « familles » LGBTQ, dire que ce sont des « familles » normales, c'est en faire la promotion ?





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lundi 11 août 2014

Monsieur Gravel et sa critique des opposants à l'imposition du cours ECR

Mise à jour du 11 août 2014

Aujourd'hui, alors que les gros médias ne tarissaient pas d'éloges pour M. Raymond Gravel dont on a annoncé le décès plus tôt dans la journée, plusieurs ont évoqué qu'« il ne jugeait jamais les gens ». Ce fut le cas par exemple de Christian Paradis, directeur adjoint du Service de sécurité incendie de Montréal, qui affirma « Il ne jugeait personne et il était disponible pour tous ». Ou encore l'abbé Robert Jolicœur qui souligne que Raymond Gravel ne jugeait personne. Nous laissons le lecteur découvrir ci-dessous si Raymond Gravel s'abstenait vraiment de juger les gens dont il désapprouvait les opinions et en quels termes choisis. Rappelons par ailleurs qu'il poursuivait un site catholique pro-vie, sans doute trop conservateur à son goût, pour la modique somme d'un demi-million de dollars.

Billet du 27 août 2010

Monsieur Raymond Gravel, ancienne escorte masculine avant son entrée au séminaire en 1982, est à nouveau dans l'actualité à la suite de ses propos assez durs contre Mgr Marc Ouellet qui avait rappelé que pour l'Église catholique l'avortement est un crime.

Critiqué par plusieurs sites anglophones, M. Gravel avait cherché secours dans les colonnes du Devoir pour condamner ces attaques qui constitueraient selon lui une véritable « chasse aux sorcières » ourdie contre lui par des « milieux anglophones du Canada et des États-Unis ».

M. Gravel prétend par ailleurs que ses propos sont déformés et que le message christique empêcherait de porter tout jugement sur ses actes... Il s'agit bien sûr d'une mésinterprétation du message évangélique : le Christ juge sévèrement les scribes et les pharisiens par exemple, tout chrétien doit juger ses actes et ceux des autres pour mener une vie juste et bonne, par contre il ne lui revient pas de juger les personnes et plus particulièrement de se prononcer sur le salut ou non de son prochain.

M. Gravel se plaint donc d'être critiqué et mal cité, mais s'est-il privé d'en faire de même avec autrui ? Il semble bien que non. Voilà près d'un an M. Gravel avait publié une lettre dans L’Express-Montcalm le 14 mai 2009, il y ridiculisait les opposants au programme ECR. Il y prenait vivement à partie la mère de Drummondville qui demandait l'exemption.  Mme  Chevrier de l'Association des parents catholiques du Québec avait à l'époque répondu à cette caricature.

Revenu dans l'actualité, se plaignant d'être mal cité et prétendant que les chrétiens ne doivent pas juger les actes d'autrui, les propos de M. Raymond Gravel n'ont pas échappé à cette dame qui lui a envoyé la lettre ci-dessous. On lira la réponse de M. Gravel en dessous de celle-ci.

dimanche 10 août 2014

Pour la lecture des classiques : « On est un meilleur ouvrier si on a lu Montaigne ou Proust »

Entretien dans le FigaroVox avec Antoine Compagnon, historien de la littérature française, spécialiste notamment de Marcel Proust. Il est professeur au Collège de France. Il est l'auteur d'Un été avec Montaigne, petit recueil de chroniques sur l'auteur des Essais, succès surprise de l'année 2013, atteignant aujourd'hui la barre des 160 000 exemplaires vendus. Extraits.

Imaginiez-vous que la philosophie et la littérature classique pouvaient être des lectures de vacances? Cela témoigne-t-il d'une soif de savoir et d'un besoin de transmission chez beaucoup de Français?

— L'idée selon laquelle les classiques n'intéresseraient plus personne est manifestement fausse. On constate au contraire qu'il existe une demande et un public pour ce type d'œuvres, ce qui dément le discours ambiant sur la crise de la lecture, de la littérature, des grands écrivains. Il importe d'aller vers ce public et de répondre à sa demande. [...]

Vous parvenez à remplir trois amphis (dont deux en retransmission vidéo) à chacun de vos cours sur Marcel Proust. Quel est votre secret?

— Je l'ignore. Comme beaucoup, je supporte mal de m'entendre ; je n'ai donc pas écouté ces émissions sur Montaigne. Mais, comme professeur, l'objectif qui m'a toujours guidé a été de faire comprendre à mes élèves qu'ils étaient plus intelligents qu'ils ne le croyaient. Mon but a toujours été qu'on sorte de mon cours en maîtrisant quelque chose qu'on ne pensait pas pouvoir maîtriser.

Que peut nous apprendre Montaigne aujourd'hui? Est-il toujours aussi moderne? En quoi?

— Montaigne se pose des questions que les lecteurs du XXIe siècle se posent aussi. En lisant les Essais, ils apprennent quelque chose sur Montaigne, mais aussi sur eux-mêmes, quelque chose qu'ils ne soupçonnaient pas. Plus largement, je n'ai jamais pensé que la culture générale et la culture littéraire en particulier étaient incompatibles avec la formation professionnelle. La littérature permet de vivre mieux, mais aussi d'être plus efficace dans son métier, quel que soit ce métier. On est un meilleur architecte, plombier ou ouvrier si on a un peu de culture littéraire. Lire Montaigne introduit une distance nécessaire, critique, par rapport à toute activité.

Vous poursuivez aujourd'hui l'aventure avec Baudelaire. Votre démarche est-elle la même?

— Baudelaire reste lui aussi très actuel. Il est par exemple l'un des premiers à avoir mis en cause le progrès, notion très débattue aujourd'hui. Mais il est moins rond, moins sympathique que Montaigne ; sa personnalité est plus sombre, plus ambiguë. Il est hostile à la démocratie, favorable à la peine de mort. Beaucoup le jugent réactionnaire. J'ai hésité à parler de ces aspérités à la radio avant de décider qu'il fallait faire la lumière sur toute son œuvre et sa personnalité. J'ai même enregistré une émission sur sa réputation d'antisémitisme. Baudelaire, c'est l'amertume et la mélancolie. Paradoxalement, l'été n'est pas sa saison et le matin n'est pas son heure. Le temps de Baudelaire, c'est le crépuscule, l'automne. Il y a donc de l'ironie à l'écouter sur la plage.

L'attrait pour ces auteurs classiques est-il lié à la pauvreté de la littérature contemporaine? Qui sont les héritiers de Montaigne, Proust ou Baudelaire aujourd'hui?

— Les Montaigne, Baudelaire ou Proust, ne sont pas nombreux. Il n'y en a pas un par génération et la littérature contemporaine n'est pas spécialement pauvre. Ce sentiment n'a rien de nouveau ; on l'a toujours eu, parce qu'on est exigeant. En 1913, cette impression était partagée, et c'est seulement après coup qu'on a marqué l'année d'une pierre blanche, parce que c'est celle de la parution de Du côté de chez Swann, du Grand Meaulnes, etc. À toute époque, certains lecteurs sont retournés vers les classiques parce que la littérature contemporaine leur semblait insatisfaisante.

[...]



La littérature, ça paye
Antoine Compagnon, HEC Paris





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samedi 9 août 2014

Québec — Triplement du nombre d'heures d'anglais en une trentaine d'années

Dans une lettre publiée dans le Devoir, Jean-François Vallée, professeur au Département de lettres et communications au cégep de La Pocatière écrit :
« Facile, l’anglais ? Vous voulez rire ! Si l’anglais était facile, son enseignement dans le réseau scolaire québécois ne serait pas passé depuis une trentaine d’années de 500 heures à plus de 1000, et le ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, et le premier ministre, Philippe Couillard, n’en imposeraient pas 400 heures de plus en 5e et 6e année !

Demandez à un professeur d’anglais si cette langue est « facile » : après avoir bien ri, il vous répondra que les seuls locuteurs qui trouvent l’anglais facile sont ceux qui le parlent mal… Arriver à maîtriser toutes les nuances de l’anglais est difficile. Son orthographe et sa prononciation, pour ne parler que d’elles, sont à donner des maux de tête. Prenons trois mots comme thought (pensée), tough (dur) et though (quoique), qui se prononcent d’autant de façons différentes tout en s’écrivant presque pareil. Un néophyte y perd son anglais ! »
Triplement d'heures avec quel gain ? À quel coût ? Avec quel impact sur le français ? N'exige-t-on pas trop souvent le bilinguisme au Québec ?

Rappelons que ce triplement d'heures en langue seconde ne s'applique qu'aux petits francophones pas assez bilinguisés sur un continent anglo-saxon, les élèves du réseau anglophone ne seront pas soumis à des mesures équivalentes d'« enrichissement » linguistique obligatoire.

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Québec — Réformes éducatives en série sans évaluation ?

Martine Desjardins se penche sur les réformes éducatives qui rythment quasi annuellement les rentrées scolaires québécoises. Rappelons que les résultats des élèves québécois sont en baisse dans les études interprovinciales et internationales. Premier sujet Mme Desjardins : les tableaux  blancs interactifs. (Nous pourrions en suggérer d'autres comme des évaluations sur le cours ECR, le triplement du nombre d'anglais en une trentaine d'années, l'imposition du constructivisme à l'école, etc.) 

« Il n’est pas rare de voir à chaque rentrée scolaire différentes annonces sur le système de l’éducation au Québec. Souvent il s’agit d’investissement, de changement d’idéologie ou encore des nouvelles priorités du ministère. Cette année ne fait donc pas exception, mais certaines propositions m’ont laissée quelque peu perplexe.

L’éducation c’est scientifique

Alors que le milieu de l’enseignement n’a toujours pas d’évaluation claire et précise sur le véritable impact qu’ont les tableaux blancs interactifs sur l’apprentissage des élèves, le ministre Bolduc annonce en grande pompe qu’il continuera l’investissement promis par Jean Charest le 23 février 2011, soit de doter chaque classe d’un tableau blanc interactif (TBI). Aucune évaluation depuis 2011 (même avant l’annonce de 2011) n’a pourtant été faite pour prouver que l’apport de cette technologie est bénéfique. Alors quand le ministre affirme que : « C’est un incontournable, toutes les classes devraient avoir ça», dit-il. Les nouvelles technologies sont des outils efficaces, selon lui, pour aider les jeunes à «apprendre à apprendre » , il n’a aucune preuve de ce qu’il avance dans le cas des TBI.

Il est vrai et prouvé que la technologie, en particulier l’utilisation d’ordinateur, a permis à plusieurs enfants, notamment ceux qui souffrent de dyslexie grave, de poursuivre des études à des niveaux supérieurs. Cependant, chaque technologie ne se vaut pas! Ce n’est pas parce que vous avez un nouveau logiciel ou encore un superbe tableau avec lequel vous pouvez écrire avec vos doigts que l’élève va retrouver sa motivation scolaire. La pédagogie, ce n’est pas une subdivision de la magie!

D’ailleurs, une étude sur les TBI réalisée par le professeur Karsenti de l’Université de Montréal dressait un sombre tableau pour la nouvelle technologie en 2013.


Tableaux blancs, la revanche

Au coût de 5000 $ chacun, nous sommes en droit de nous demander si cet investissement n’est pas un peu déraisonnable compte tenu que plusieurs écoles souffrent de problèmes de salubrité. Ne serait-il pas plus simple d’investir dans la construction ou la reconstruction de nouvelles écoles qui permettent aux enfants de s’instruire sans avoir un risque de souffrir de troubles respiratoires?

Aussi, avec 5000 $ vous pouvez facilement embaucher une journée par semaine un orthopédagogue qui travaillera de façon plus individualisée avec les élèves en difficulté. Ce qui aurait pour effet de favoriser le travail en classe avec l’enseignant(e) et le reste des élèves. C’est une mesure par contre qui n’est pas aussi visible qu’un cadre blanc dans une classe, mais elle est prouvée d’une efficacité redoutable.

Plusieurs collègues en éducation m’ont aussi fait remarquer que ces tableaux blancs interactifs avaient fait l’objet d’une petite controverse lorsqu’en mars 2012 Vincent Marissal et son collègue André Noël avait révélé dans leur article que les tableaux achetés par les écoles provenaient principalement (de façon inhabituelle) d’un seul fournisseur le Smart Technologies dont le lobbyiste était un ancien membre du cabinet de monsieur Charest.


Recherche en sciences de l’éducation

Il faut voir l’ensemble de la recherche en éducation qui discute de la motivation scolaire ou encore le nombre de chaire de recherche ou de travaux que l’on finance chaque année qui traitent du sujet de la technologie de l’information pour se rendre compte que nous avons les moyens de travailler intelligemment dans le milieu de l’éducation. Chaque année, plusieurs propositions et moyens sont trouvés et testés pour permettre aux élèves d’améliorer leur résultats. Si ces propositions sont moins dispendieuses que celles proposées par le gouvernement, elles sont aussi moins flamboyantes. C’est peut-être pour cette raison que le système de l’éducation est toujours peu écouté par la sphère politique. Ces intervenants ne font pas dans le spectacle, mais ils travaillent dans la dure réalité scolaire! »

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mercredi 6 août 2014

Livres LGBTQ — Les gens dits « homophobes » ont droit à leur opinion, mais l'école rééduquera leurs enfants ?

Le Devoir est revenu en première page sur la liste de livres LGBTQ proposée par la CSQ et destinée aux garderies, aux maternelles et aux écoles que nous avions publiée. Liste qui n'a pas encore été rendue publique par la CSQ. Notons au passage que notre billet a été lu des milliers de fois sur ce site, ainsi que sur les sites miroir et sur les médias sociaux qui l'ont répercuté.

 

« Aborder » les questions
 
L'article du Devoir affirme qu'« il a [finalement !] obtenu copie [de la liste] dressée pour aborder les questions de l’homosexualité, la bisexualité, des transgenres, de la diversité des familles et de l’intimidation. Ce genre d’initiative a suscité ces derniers mois une vive opposition en France. »

Remarquons d'emblée qu'il ne s'agit pas d'aborder de n'importe quelle manière ces questions, mais bien de normaliser, de valoriser ces comportements. Le Devoir serait plus honnête en l'écrivant clairement. Radio-Canada a repris ces euphémismes dans son article de ce mercredi : « Des livres pour expliquer la diversité sexuelle aux jeunes enfants ». Ben non, pas juste expliquer, mais présenter comme acceptable et même souhaitable (qui est contre la diversité ?)

Lutter contre l'intimidation sexuelle, en garderie ?

Quant à la lutte « contre l'intimidation », véritable tarte à la crème, on ne sache pas qu'en garderie les enfants soient tellement concernés par la bisexualité ou les transgenres. Mardi, Radio-Canada sur la 1re chaine radio vers 16 h a répété les mêmes éléments de langage relatifs à la lutte contre l'intimidation. C'est du pipeau.  Il s'agit à nouveau de formater les esprits le plus tôt possible, l'esprit des enfants des autres. Rappelons aussi que l'« intimidation » ne se résume pas — tant s'en faut — à des quolibets sur l'orientation sexuelle. En effet, on aimerait voir les chiffres de l'intimidation en garderie et ses causes... On trouvera ci-dessous les causes d'intimidation en secondaire (quand la sexualité devient nettement plus prégnante) selon une étude ontarienne. On remarquera que la sexualité n'en constitue qu'une toute petite partie de 4 à 6 % ! Or, on ne semble parler que d'elle !

Source: Maria Yau et Janet O'Reilly, « 2006 Student Census, Grades 9-12 »


Le Devoir a interrogé Jacques Pétrin, le président du « Comité pour la diversité sexuelle et l’identité de genre » de la CSQ qui a établi la liste de lecture LGBTQ. Ce comité portait un nom plus franc jusqu'il y a peu : « Comité pour la défense des droits des gais et lesbiennes ». Mais voilà, « diversité » est plus vendeur, fait moins partisan. Jacques Pétrin est retraité, ouvertement homosexuel, et un des pères de sa « famille ».

La CSQ très militante LGBTQ

Jacques Pétrin (président du Comité pour la diversité sexuelle de la CSQ) et Pierre Jobin (vice-président de la CSQ) au « Gala Arc-en-ciel » (homosexuel, bi, trans, etc.) 2012
La CSQ milite activement pour la normalisation de l'homosexualité, de la bisexualité, de la transsexualité et du transgenre. Elle a notamment fait des représentations pour voir modifier le projet de loi 35 pour que les transsexuels puissent changer de sexe officiellement sans avoir subi de traitements médicaux ou d'opérations chirurgicales. Elle avait également lutté pour l'union civile ouverte aux homosexuels. La CSQ s'est aussi opposée à l'adoption avec maintien du lien préexistant de filiation (ou alors en dernier recours) et demandait que les juges « soient conscientisés et informés sur le phénomène de l’homophobie et sur les réalités touchant les personnes de minorités sexuelles » parce qu'elle craignait que des juges trop traditionnels se prononcent trop souvent pour le maintien  du lien préexistant de filiation quand un enfant était adopté par un couple homosexuel. La CSQ avait envoyé une délégation de trois membres au parlement de Québec pour faire pression dans ce sens, dans la délégation se trouvaient Jacques Pétrin (président du Comité pour la diversité sexuelle de la CSQ) et Pierre Jobin (vice-président de la CSQ).

Briser le mythe de l'« hétérosexisme »

« Si on veut être en mesure de développer cette ouverture à la diversité, il faut briser le mythe de l’hétérosexisme dès le plus bas âge. Si on ne prend pas les enfants en CPE, ils prennent déjà le moule et perpétuent le mythe, notamment que les petits gars qui aiment le rose sont des tapettes », affirme sans ambages M. Pétrin, qui milite depuis des années en faveur de la communauté LGBTQ.

On attend une étude sérieuse qui montre que les tout-petits pensent que les « petits gars [en garderie] qui aiment le rose sont des tapettes »... Le mot tapette a-t-il même un sens à trois ou quatre ans ?

Il faut aussi décrypter cette phrase et son jargon. Qu'est-ce que l'hétérosexisme ? C'est un terme de la coterie LGBTQ pour désigner l'idée que l'hétérosexualité serait plus normale que l'homosexualité. Pour le lobby homosexuel, il faut absolument lutter contre cette idée traditionnelle. Le parlement québécois (sous le précédent gouvernement libéral de Jean Charest) a adopté le point de vue de ce groupe de pression et a fait de la « lutte contre l'hétérosexisme » un combat interministériel. (Voir Lutte à « l'hétérosexisme » : manque de modestie consti­tution­nelle du gouver­nement québécois de Douglas Farrow.)

« Débat délicat » selon le Devoir

Le Devoir nous apprend que « la proposition de la CSQ d’intégrer la littérature LGBT dans les CPE et les écoles suscite déjà une variété de réactions sur les réseaux sociaux. » Merci à nos lecteurs ! Certains parents se demandent à quoi servirait de lire ce genre d’histoires aux jeunes enfants qui ne se questionnent pas encore sur leur identité sexuelle. D'autres craignent même que leurs enfants aient envie de changer de sexe ou soient attirés par de pratiques sexuelles que ces parents réprouvent. En France, le débat a été des plus houleux ces derniers mois alors que des parents se sont opposés à un programme baptisé « d’égalité » qui prétendait lutter contre les stéréotypes sexués.

« On n’enseigne pas aux enfants à choisir leur sexe ni même leur orientation sexuelle », lance Michel Dorais, professeur à l’école de travail social à l’Université Laval. Voilà, c'est assené comme une vérité. Il reste, toutefois, à prouver que la normalisation, voire la promotion, de ces comportements sexuels minoritaires n'a aucune influence sur les comportements sexuels ultérieurs. En effet, la nature strictement et uniquement innée de ces orientations sexuelles est sujette à débat. Ajoutons que, pour certaines religions, même si cette orientation était innée, y céder serait condamnable. Faut-il encore mentionner ici que l'Église catholique accueille les gens qui auraient des pulsions homosexuelles, mais s'oppose aux actes homosexuels ? Elle rejette d'ailleurs l'accusation d'homophobie si facilement dispensée de nos jours à son égard. Enfin, pour certains universitaires québécois, la pédophilie est une orientation sexuelle comme l'hétérosexualité. Faut-il pour autant accepter la pédophilie et l'aborder positivement en garderie ?

Notons que Le Devoir sait interroger les experts qui vont dans le « bon sens » : Michel Dorais a été cet expert qui défendit, avec succès, la première cause de discrimination envers une personne transsexuelle. Il a également travaillé à la conception des programmes de formation Pour une nouvelle vision de l’homosexualité et Adapter nos interventions à la diversité des orientations sexuelles qui ont été « offerts » à plus de 20 000 intervenants de la santé et des services sociaux. Qui a payé ces formations si ce n'est le contribuable à qui l'on n'a rien demandé ?

Le Devoir poursuit : « Ce sociologue spécialiste de la sexualité s’est d’ailleurs réjoui d’apprendre que la CSQ avait dressé une liste de lecture pour aider à enseigner la diversité sexuelle. » Tiens donc !

Néanmoins, selon le journal montréalais, M. Dorais reconnaît que certains parents pourraient être réticents que des lectures concernant les LGBT soient éventuellement imposées dans les CPE et les écoles. « Les gens qui s’opposent au respect de la diversité humaine, qu’ils soient racistes [et vlan, l'amalgame !], sexistes ou homophobes, ils ont droit à leur opinion. Mais la société québécoise et canadienne a fait, par ses lois et ses Chartes, d’autres choix », maintient-il.

L'État pourra donc rééduquer les enfants des parents vite décrétés homophobes ? C'est cela ? Dès la garderie ? Uniquement dans les écoles publiques ? Pourquoi priver les enfants des écoles privées (confessionnelles ou non) de cette rééducation qui fait tant plaisir au lobby LGBTQ ?

La dissidence — oser penser, par exemple, qu'il vaut mieux qu'un enfant grandisse avec un père et une mère — sera-t-elle encore tolérée dans les écoles avec un syndicat comme la CSQ ? Et si les parents ont la témérité de préférer que leurs enfants fondent une famille traditionnelle, hétérosexuelle ? Est-il encore permis de penser cela et de vouloir l'inculquer à ses enfants  à l'heure de la lutte interministérielle contre l'hétérosexisme ?

Campagne de promotion et de pressions

Dès la semaine prochaine, la liste de la CSQ sera disponible lors de « Fierté Montréal » et sera mise en ligne sur le site de la CSQ. Elle est déjà sur notre site depuis plus d'une semaine... M. Pétrin compte également la soumettre aux bibliothécaires dans les institutions scolaires et des démarches seront éventuellement entamées auprès des syndicats des éducatrices en garderies et des enseignants avant d’approcher le ministère de l’Éducation. À l’automne, des guides dits pédagogiques sur quelques ouvrages destinés aux élèves de deuxième cycle primaire et du secondaire élaborés par des enseignants et des psychologues pro-LGBTQ seront aussi disponibles sur Internet. Qui paie pour tout cela ? Nos impôts ?  On retrouvera, entre autres matériels « pédagogiques », un guide sur Philippe avec un grand H (déjà imposé dans une école censément catholique), ou encore Ulysse, alias Easy Loup Galop.
 

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mardi 5 août 2014

Les chrétiens du IVe siècle, des persécuteurs comme les païens avant eux ?

Un collectif d’historiens, dirigé par Marie-Françoise Baslez, fait la part des réalités et des légendes dans l’histoire des violences religieuses du IVe siècle.

Voltaire avait statué, dans son Dictionnaire philosophique, à l’intention de l’intelligentsia de son temps : Constantin avait bien pu proclamer la liberté de religion dans son édit de Milan (313) ; lui et ses successeurs n’avaient rien eu de plus pressé que de persécuter les religions concurrentes d’un christianisme devenu triomphant. L’entreprise les avait occupés au point qu’elle leur en avait fait perdre le sens des devoirs de leur charge et les avait conduits à négliger la défense des frontières face aux incursions des Barbares.

La caricature a traversé les siècles. Elle inspire encore aujourd’hui documentaires et œuvres de fiction. Elle a été relayée par un courant historiographique que le spectacle du fondamentalisme musulman a conduit depuis 2001 à populariser l’idée d’une violence intrinsèque aux monothéismes, et plus généralement, à toutes les religions fondées sur une communauté de foi.

Dans une veine similaire, le philosophe Georges Leroux, un des pères du cours d’éthique et de culture religieuse, avait écrit en oubliant sans doute la Première Guerre mondiale, le nazisme et le stalinisme : « Alors que la période prémoderne se caractérisait par la recherche de l’hégémonie religieuse et par le prosélytisme qui conduisit l’Europe aux guerres les plus meurtrières de son histoire, la période moderne se caractérise par la sécularisation, la tolérance et le respect mutuel dans l’aire occidentale. » (page 24 de son Rapport d’expert présenté dans la requête Suzanne Lavallée et Daniel Jutras relative au programme d’éthique et culture religieuse, février 2009). Il assènera la même assertion dans son expertise remise dans l’affaire Loyola c. le Monopole de l’Éducation du Québec qui s’est également rendue jusqu’en Cour suprême du Canada et dont on attend avec impatience la décision.

Spécialiste de l’Orient hellénistique et du christianisme primitif (elle est l’auteur d’une biographie de Saint Paul, aux éditions Pluriel), professeur d’histoire des religions de l’Antiquité à la Sorbonne, Marie-Françoise Basiez avait consacré en 2007 à la question des persécutions durant l’Antiquité une somme couronnée par le prix Chateaubriand (Les Persécutions dans l’Antiquité. Victimes, héros, martyrs, chez Fayard). Elle a réuni aujourd’hui une équipe pluridisciplinaire pour ouvrir à nouveaux frais le dossier des persécutions dont se seraient rendus coupables les chrétiens. Privilégiant l’étude de cas, la contextualisation des sources, la confrontation méthodique des témoignages littéraires avec les découvertes de l’archéologie, Chrétiens persécuteurs, le recueil qui en réunit les contributions, offre, en dépit du caractère unilatéral de son titre, un antidote aux généralités marquées du sceau de l’anachronisme en même temps qu’un tableau tout en nuances de l’histoire religieuse d’un siècle charnière.

Le Figaro Histoire a rencontré Mme Baslez, nous en reproduisons les grandes lignes. Nous tenons à préciser qu’il faut se garder, notamment, de confondre des hommes de pouvoir qui se disent chrétiens, parfois par opportunisme, et le christianisme véritable.

Question – Votre titre reprend à son compte le paradoxe de Voltaire, selon lequel, à peine réchappés des persécutions dont ils avaient été victimes, les chrétiens seraient eux-mêmes devenus persécuteurs des païens. S’agissait-il dans votre esprit d’illustrer ce paradoxe ou de le mettre à l’épreuve des faits ?

Mme Baslez – Nous sommes surtout partis du choc provoqué chez ceux qui l’ont vu par un film récent, Agora, qui retraçait l’histoire d’Hypatie, cette philosophe païenne lynchée dans les rues d’Alexandrie en 415. Le film désignait en effet le patriarche Cyrille comme l’instigateur du crime et faisait des parabalani, cette confrérie chrétienne chargée de soigner les pauvres, les exécuteurs de ses basses œuvres, dans un climat d’intolérance exacerbé.

Scène du film Agora d'Alejandro Amenabar (2009) qui raconte de façon romancée l'histoire d'Hypatie, philosophe païenne lynchée à Alexandrie au Ve siècle
Notre titre est évidemment provocant, et il aurait sans doute été plus clair en le dotant d’un point d’interrogation. Nous avons en effet voulu partir du préjugé qui nous a paru dominant, et dont ce film donnait l’illustration, préjugé selon lequel, en dépit de la tolérance proclamée en principe par Constantin en 313, dans son fameux édit de Milan, les chrétiens seraient devenus persécuteurs dès qu’ils en auraient eu les moyens. La christianisation du monde romain avait-elle été pacifique ou violente ? L’âpreté des luttes religieuses de l’époque était-elle liée à la romanité, aux mœurs de l’Antiquité tardive ou à la nature propre du christianisme ? Notre équipe pluridisciplinaire, qui compte aussi bien dans ses rangs des historiens de Rome que des professeurs de littératures anciennes, des juristes, des spécialistes de Byzance, du judaïsme ou du christianisme, s’est donné l’objectif de faire justice des idées reçues en passant les faits au crible de la critique historique.

Comment définir ce qu’est une persécution ?

– Il s’agit au départ d’un terme juridique désignant les poursuites ordonnées lors d’une instruction judiciaire. Il a été utilisé par les chrétiens au IIe siècle pour dénoncer l’injustice de la répression dont ils faisaient l’objet de la part des autorités romaines. Le terme a dès lors été marqué d’une connotation subjective, exprimant le ressenti des victimes. L’historien ne peut évidemment se contenter de ce point de vue.


Il lui appartient de le confronter à d’autres, et singulièrement à celui de l’État, tel qu’il s’exprime dans les formes de répression légales.

Nos contemporains parlent de persécution lorsque cette répression porte atteinte aux droits de l’homme. Ce critère n’est évidemment pas applicable à l’Antiquité. L’historien doit trouver autre
chose. Ma proposition a été de recourir au contexte et de considérer comme persécution tout ce qui, dans l’inventaire des mesures policières, militaires, légales ou illégales contre un groupe religieux, dépassait la norme de la répression ordinaire. J’y ajouterai le choix de donner à cette répression une forme symbolique : il me semble en effet que ce n’est pas la même chose de tuer un prêtre ou un évêque au cours d’une manifestation, parmi d’autres, ou de l’assassiner dans sa cathédrale en habits sacerdotaux, comme on l’a fait au Moyen Âge pour Thomas Becket ou de nos jours au Salvador pour Mgr Romero.

Comment est-on passé de la proclamation de la liberté de religion par Constantin, en 313, à la fermeture des temples par Théodose quatre-vingts ans plus tard ?

– La religion faisait traditionnellement partie chez les Romains des éléments constitutifs de la communauté politique et de l’État. L’idée d’une séparation leur était absolument étrangère (comme elle l’était d’ailleurs à Saint Paul et aux Pères de l’Église). L’unité politique reposait à leurs yeux sur l’unité de religion.

Constantin proclama en 313 la liberté de chacun de prier « la divinité » de la manière de son choix. Il n’en souhaitait pas moins, dès l’origine, le rétablissement de l’unité religieuse par l’élimination progressive des religions concurrentes à celle qu’il identifiait comme « la véritable religion ». La phase de christianisation était, à ses yeux, transitoire. Elle devait aboutir à la disparition du paganisme.

Comme leurs prédécesseurs et tous les gouvernants romains du temps de la République, les empereurs chrétiens estimaient qu’ils devaient s’appuyer sur la religion et pourfendre les superstitions. À l’époque de Constantin, celles-ci ne vont être assimilées qu’aux pratiques divinatoires : magie, divination, haruspicine étrusque. Petit à petit, la définition de la superstition va pourtant s’élargir pour englober d’autres manifestations du polythéisme. Il y avait, par exemple, une désaffection générale pour les sacrifices sanglants. Ils inspiraient un même dégoût aux chrétiens, aux juifs et aux néoplatoniciens, qui étaient adeptes du culte des images. Cela a permis à Constantin et à ses successeurs de les inclure parmi les superstitions prohibées. In fine, à la fin du siècle, Théodose va étendre le concept à tous les cultes non chrétiens.


Le temple de Zeus à Olympie. Il était l'un des plus importants lieux du culte panhéllénique de 456 av. J.-C. à 393 apr. J.-C. quand l'empereur Théodose Ier interdit les Jeux olympiques. Il fut complètement détruit lors d'un tremblement de terre au VIe siècle.

La persécution du christianisme avait été fondée aux trois premiers siècles sur une prohibition légale d’une religion considérée, en soi, comme « illicite » et qu’il suffisait de confesser pour être condamné au supplice. Elle avait pris, sous Dèce, sous Valérien et sous les Tétrarques, la forme d’une persécution d’État frappant de la peine de mort ceux qui refusaient de pratiquer les anciens cultes. Trouve-t-on, au IVe siècle, des pratiques analogues à l’encontre, cette fois, des païens ?

– C’est poser la question en termes de pratique répressive, ce que l’on fait rarement. Toute une littérature est en effet fondée sur la systématisation de considérations théoriques selon lesquelles
ceux qui avaient été capables, au cours des trois premiers siècles, de mourir pour Dieu seraient naturellement passés à l’idée de tuer pour Lui, le lien se faisant autour de la notion de mort expiatoire.

Dans une série d’émissions télévisées consacrées à l’Apocalypse qui a eu un grand retentissement, Jérôme Prieur et Gérard Mordillat voyaient déjà dans Ignace d’Antioche le prototype des fous de Dieu parce qu’il avait accepté avec sérénité de mourir martyr.

Ce que doit constater tout historien honnête de cette période, c’est qu’aucune comparaison symétrique ne peut être dressée entre les persécutions des chrétiens au cours des trois premiers siècles de notre ère et ce qui s’est passé lors de la christianisation de l’empire au IVe siècle. L’interdit légal du polythéisme, accompagné de la fermeture des temples et des écoles philosophiques, de la prohibition des mystères d’Éleusis et de la suppression des Jeux olympiques, n’est en effet intervenu qu’à la fin du siècle, alors que la christianisation de l’empire avait touché la majorité de la population, dans un contexte où l’on s’attendait à la mort naturelle du paganisme, auquel il ne s’agissait que de donner le coup de grâce. Ce fut en outre une prohibition des pratiques du culte qui ne visait pas les convictions personnelles.

Il n’était nullement interdit aux polythéistes de continuer à croire aux anciens dieux et de le dire dans leurs livres : les écrits néoplatoniciens fleurissent au contraire au IVe siècle sans que leurs auteurs soient inquiétés par l’État. Certains païens firent certes parfois l’objet de condamnations, mais toujours dans le cadre de conspirations politiques auxquelles ils étaient soupçonnés d’avoir participé. Au contraire de ce qui s’était passé lors de la persécution des chrétiens, il n’y a pas d’exemple de condamnations à mort prononcées pour des raisons religieuses.

Les cultes païens n’en ont pas moins fait l’objet de restrictions de plus en plus sévères dans la législation impériale du IVe siècle.

– Il y a là probablement une illusion d’optique, due au recueil ultérieur de ces textes dans le Code théodosien, une compilation réalisée au Ve siècle. Au IVe siècle, les empereurs chrétiens ont en réalité multiplié les mesures ponctuelles pour encadrer les anciens cultes. Il s’agit pour l’essentiel de rescrits, c’est-à-dire de réponses données par le gouvernement impérial aux autorités locales qui les interrogeaient sur les mesures applicables aux païens. Cela montre que les conflits religieux restaient à l’époque des affaires locales. La lecture du Code théodosien donne aujourd’hui le sentiment d’une législation insistante et répétitive, mais cette impression est anachronique. On a cru que les nombreuses réitérations contenues dans ces textes successifs montraient que les prohibitions n’étaient pas respectées, ce qui avait obligé les empereurs à revenir sans cesse sur le même sujet. On pense aujourd’hui qu’il s’agissait plutôt de mesures locales qui ne s’appliquaient pas à l’ensemble de l’empire.


Julien l'Apostat, durant un règne
de vingt mois (361-363),
 tenta d'opérer un retour
au paganisme
Il ne faut pas négliger non plus le fait que ces textes relèvent parfois aussi de la propagande. Au moment où l’empereur est amené à sévir contre un certain nombre de chrétiens en prenant parti dans leurs disputes théologiques, où il exile des évêques et met le bras séculier au service d’une partie de la hiérarchie ecclésiastique contre une autre, il est important pour lui d’apparaître, en promulguant de tels textes contre les païens, comme un intrépide défenseur de la foi. Ces textes étaient-ils, en pratique, strictement appliqués ? Il est difficile d’arriver, en la matière, à des conclusions générales. Ce qui est sûr, c’est que dans l’état actuel de la documentation, ils ne semblent l’avoir été ni partout ni tout le temps.

N’assiste-t-on pas, au moins, à une chasse aux sorcières visant à exclure les païens des hauts postes de l’administration ?

– Absolument pas. Des païens affichés ont occupé des postes considérables sous Constantin et ses fils et jusqu’à Théodose, pourtant réputé avoir fait du christianisme la religion de l’État romain. Le sénat de Rome est demeuré païen jusqu’à la fin du siècle et il n’en est pas moins resté la pépinière d’où les empereurs chrétiens tiraient les membres de la haute administration. Ami de l’empereur Julien, cet empereur qui avait entrepris, pendant ses trois années de règne, de restaurer le paganisme dans ses privilèges et de marginaliser les chrétiens, Libanios d’Antioche, qui était lui-même un païen engagé, a écrit un discours pour la défense des temples qui a pu laisser croire que les partisans de Julien avaient été victimes d’une épuration de la part de ses successeurs chrétiens.

Nous avons effectué à ce sujet un travail statistique en suivant leurs carrières après sa mort. Le résultat de cette approche quantitative est très clair : ils n’ont en aucun cas été victimes d’une chasse aux sorcières. Ils sont, au contraire, à deux ou trois exceptions près – dont la mise à l’écart s’est, encore une fois, expliquée par des considérations politiques, et non pas religieuses –, restés en place à des postes très importants.

Parmi les manifestations de l’intolérance chrétienne, on cite souvent l’exemple des destructions de temples, qui fait l’objet de témoignages recoupés, puisque des païens comme Libanios s’en plaignent, tandis que des auteurs chrétiens les célèbrent. Cela ne suffit-il pas à l’historien pour tenir de tels faits comme établis ?


– C’est un point d’histoire que l’archéologie permet de trancher. Il y a eu des destructions, dont la plus célèbre reste celle du Sérapéum d’Alexandrie. Mais elles n’ont pas eu le caractère systématique qu’on leur a prêté sur la foi d’une mauvaise interprétation des sources. Car ce qui est revendiqué dans des hagiographies chrétiennes comme une destruction délibérée, et donc significative d’un climat de violence religieuse, a souvent relevé de catastrophes naturelles, comme des séismes, ou d’accidents, comme des incendies.

La Vie de saint Martin écrite par Sulpice Sévère présente ainsi l’évangélisateur des Gaules comme un infatigable destructeur de temples. Il s’agit en réalité d’une récupération de phénomènes purement accidentels. Les écroulements ont été perçus par les chrétiens de l’époque comme autant de châtiments divins, suscités par la médiation du saint.


Il y a eu moins de destructions que d’abandons ou de réaffectations au culte chrétien. Celles-ci ont en réalité sauvé les bâtiments de la destruction à laquelle paraissait les vouer leur désaffectation.

On assiste en effet à l’époque à une séparation entre le culturel et le religieux, puisque les chrétiens prennent conscience de la beauté formelle des temples, comme de la valeur artistique des statues qui représentent les dieux païens et qu’ils acceptent, de ce fait, de participer à leur sauvegarde, non comme objets ou édifices de culte, mais comme objets d’art. Cette distinction constitue l’une des révolutions intellectuelles apportées par la christianisation. C’est elle qui permettra la sauvegarde du Parthénon ou celle du temple de Syracuse, intégré dans les murs de la cathédrale. Elle qui conduira Constantin et ses successeurs à peupler les rues de Constantinople avec des statues enlevées aux temples du paganisme. Parmi elles, la colonne serpentine de Delphes, que l’on peut voir encore aujourd’hui à Istanbul.

La christianisation n’a pas remis en question l’une des valeurs constitutives de la pensée antique, qui est le respect de l’héritage reçu des ancêtres. Elle a dès lors débouché sur l’émergence de la notion de patrimoine culturel. Cela se vérifie au IVe siècle dans la pratique, avant d’être sanctionné, au tournant du IVe et du Ve, par le droit, avec la publication de nombreuses lois prévoyant la sauvegarde des chefs-d’œuvre artistiques qui avaient été liés à l’exercice de la religion païenne.

[…]

Les grands sanctuaires oraculaires auraient dû logiquement être détruits, dans la mesure où ils étaient liés à des pratiques magiques qui faisaient l’objet de la plus forte réprobation, notamment de la part des autorités. On a souvent préféré les transformer en églises dédiées aux martyrs pour préserver l’identité locale, les traditions qui voulaient qu’ils soient des lieux de réunion et d’identification. Le christianisme a voulu éviter par là une rupture brutale qui aurait désorienté les populations.

En l’absence d’une véritable répression d’État, la persécution des païens n’a-t-elle pas été le fait de pogroms ou d’émeutes dont ceux-ci auraient été les victimes de la part des chrétiens ?

– De même qu’il faut distinguer dans l’action de l’État ce qui relève de la politique et ce qui relève de l’intolérance religieuse, il faut distinguer dans les mouvements sociaux ce qui relève de la violence sociale et ce qui relève de la violence religieuse. Les chrétiens sont en effet des acteurs du jeu social, dont toute l’identité ne se résume pas à leur appartenance religieuse, comme l’illustre l’affaire du lynchage d’Hypatie. Celle-ci est devenue la figure emblématique du paganisme persécuté par le christianisme.

 

Affiche du film Agora (2009)
Sans doute moins jeune et moins séduisante que ne l’a représentée le cinéma, c’était une philosophe assez éclectique qui enseignait à Alexandrie, au début du Ve siècle. Une spirale de violence avait alors entraîné dans une série de conflits les juifs et les chrétiens, le gouverneur d’Égypte, un chrétien du nom d’Oreste et le patriarche Cyrille d’Alexandrie. Dans ce contexte de tension, Hypatie fut, alors qu’elle se promenait en ville, agressée et lynchée, son corps étant même mis en pièces dans l’excitation de l’émeute par les moines du désert auquel le patriarche avait, comme ses prédécesseurs, pris l’habitude de faire appel pour marquer une forte présence dans les rues de la ville et exercer une certaine pression contre les adversaires du christianisme. Femme, philosophe, païenne et victime, Hypatie a pris depuis les Lumières une dimension mythique, tandis qu’était incriminée la responsabilité directe d’un patriarche devenu l’un des Pères de l’Église.

L’exemple est spectaculaire et il a quelque chose de terrible. Mais lorsqu’on lui applique une stricte méthode historique, on est obligé de constater qu’il a été surinvesti pour prêter une signification exemplaire à un cas isolé dans l’histoire du christianisme, mais commun dans celle d’Alexandrie, de manière à donner une consistance à des présupposés que rien d’autre ne justifie. Si l’on fait des lectures croisées de l’événement, si on le contextualise, on constate qu’il n’est pas réductible à une opposition entre écoles philosophiques païennes et Église, puisque Hypatie comptait des chrétiens parmi ses élèves, notamment Synésios de Cyrène, futur évêque de Ptolémaïs. On découvre que l’événement n’a eu qu’une portée locale, l’empereur n’en ayant nullement été saisi, ce qui n’aurait pas manqué si un personnage aussi considérable que le patriarche avait été impliqué dans l’affaire. On doit rappeler par ailleurs que le contexte alexandrin est traditionnellement d’une extrême violence et que les émeutes de rue étaient considérées par les contemporains comme des phénomènes endémiques à Alexandrie : on y avait déjà coupé des femmes en morceaux aux IIe et IIIe siècles, et même, auparavant, à l’époque hellénistique, du temps de Cléopâtre.


Il s’agit donc d’un lynchage commis au cours d’une émeute dans une ville en ébullition du fait de la violence des tensions intercommunautaires, et non de la mise à mort symbolique d’une figure de la philosophie, qui serait symptomatique de la volonté d’éradiquer le paganisme. Le film Agora qui a été l’un de nos points de départ attribue son exécution aux parabalani, qu’il représente comme une milice au service du patriarche, sur le modèle de ce qu’ont pu être les gardiens de la Révolution dans l’Iran de l’ayatollah Khomeiny. Il s’agissait en réalité d’une confrérie charitable liée au patriarche, formée de jeunes gens de la bonne société, et dont l’essentiel de l’activité consistait à soigner gratuitement les malades indigents. Le seul indice existant à leur encontre est une loi postérieure de plusieurs années, qui a encadré plus strictement leurs conditions de recrutement et limité leur dépendance vis-à-vis du patriarche. C’est un peu léger pour prétendre qu’ils avaient joué un rôle de premier plan dans la mise à mort d’Hypatie.

La destruction de la synagogue de Callinicon par des moines chrétiens de Syrie en 388, est un autre symbole de l’intolérance chrétienne. L’affaire était remontée jusqu’à l’empereur, qui avait ordonné à l’évêque du lieu de faire reconstruire immédiatement la synagogue en question, mais il en avait été dissuadé par saint Ambroise, qui l’avait exhorté à laisser les choses en l’état. L’épisode ne témoigne-t-il pas de l’émergence d’un certain antijudaïsme chrétien ?

– Il faut, là encore, appliquer la méthode historique. Or, lorsqu’on considère le dossier dans son ensemble, on constate qu’une chapelle de valentiniens, des dissidents chrétiens, avait été détruite
dans le même mouvement. Cela conduit à considérer que s’il y a bien là un cas d’intolérance religieuse et d’engagement de certaines factions monastiques dans des manifestations de violence, il ne s’agit pas pour autant d’une manifestation d’antisémitisme.

Il faut aussi rappeler que le judaïsme était resté, dans l’empire chrétien, ce qu’il était depuis César et Auguste : une religion licite. De grandes synagogues monumentales furent construites au IVe siècle en Palestine et en Asie Mineure. Dans ce contexte, la réaction d’Ambroise de Milan paraît moins relever de l’antijudaïsme que de la volonté, traditionnelle sous l’empire, d’entraver le prosélytisme juif.

S’ils n’ont pas véritablement persécuté le paganisme ou le judaïsme, les empereurs chrétiens sont en revanche intervenus dans les affaires internes de l’Église. Qu’est-ce qui les y a conduits ?

– La préoccupation majeure des empereurs est là encore celle de l’unité romaine. Inaugurant le concile de Nicée en 325, Constantin fait un parallèle entre son action militaire pour mettre fin aux périls extérieurs et la nécessité d’assurer la paix à l’intérieur en réglant les conflits internes au christianisme. Le bonheur de l’empire dépend de la paix avec la divinité qui est au ciel. Celle-ci ne peut considérer qu’avec horreur les dissidences.

En s’efforçant d’y mettre fin, les empereurs ne cessent donc pas de faire de la politique. Ils y sont appelés par les chrétiens eux-mêmes – donatistes, ariens ou orthodoxes –, toutes communautés confondues. Plus que leur propre point de vue, ils appliquent très généralement l’avis de la majorité des évêques, tel qu’il se dégage des conciles. Ils fondent l’unité sur la majorité, comme c’était la règle dans la Cité antique.

Le comportement des empereurs est, en outre, conditionné par ce qu’il y a de plus traditionnel dans la mentalité romaine, qui est la théologie de la Victoire : l’idée que les succès que l’on remporte sur cette terre sont dus au premier chef à la faveur divine. C’est ce que pensaient jusqu’à la fin du IIIe siècle les empereurs païens qui persécutaient les chrétiens parce qu’ils refusaient de rendre aux anciens dieux le culte qui leur était dû. C’est ce que croient aussi Constantin et ses successeurs. Constantin est convaincu que c’est le Dieu des chrétiens qui lui a donné la victoire sur ses adversaires et que cela lui crée donc, envers lui, des obligations. Les honneurs rendus à la divinité ne relèvent pas seulement pour lui de la reconnaissance, ils sont la condition même de ses succès à venir, et par là, de la paix et du bonheur de l’empire. En intervenant dans les querelles religieuses, les empereurs chrétiens ne croient pas, dès lors, se détourner de leurs devoirs de chefs d’État, mais au contraire les accomplir.

Parmi les idées reçues, domine celle qu’à la racine de l’intolérance chrétienne se trouverait le fait que les religions de foi seraient englobantes et persécutrices, à l’opposé du polythéisme, dont l’absence de doctrine garantirait au contraire le « libéralisme ».

– C’est toute la pensée antique qui est par nature englobante, au contraire. Le souci de l’unité y prime celui de la liberté individuelle. La Cité grecque est intolérante : elle l’a montré en mettant à mort Socrate parce qu’il ne respectait pas les dieux de la Cité. La liberté y est circonscrite à la sphère du privé, où l’on reste libre de penser ce que l’on veut pourvu qu’on ne fasse pas état des opinions dissidentes et que l’on participe aux manifestations publiques qui sont constitutives du vivre ensemble.

Un courant historiographique marqué, aux États-Unis, par la prise de conscience de la menace islamiste tend aujourd’hui à identifier foi et intolérance. Les djihadistes du Hamas et les démolisseurs des bouddhas de Bamiyan y ont influencé le regard posé sur les moines syriens du IVe siècle, comme si tous les monothéismes étaient à la fois identiques et monolithiques, dans toutes les régions du monde et dans tous les temps. Il s’agit d’une grille idéologique qui déforme notre regard sur l’histoire.



Chrétiens persécuteurs
sous la direction de Marie, Françoise Baslez
avec Jaime Alvar, Philippe Blaudeau, Jean Bouffartigue, Bernadette Cabouret, Béatrice Caseau, Laurent Guichard, Pierluigi Lanfranchi, Yann Le Bohec, Pierre Maraval, Clelia Martinez Maza, Sébastien Morlet, Capucine Nemo-Pekelman, Christian R. Raschle, François-Xavier Romanacce et Emmanuel Soler.
Destructions, exclusions, violences religieuses au IVe siècle
publié chez Albin Michel
le 7 mai 201,
à Paris
460 pages
25 €






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