vendredi 8 novembre 2019

Colloque sur le nationalisme : Anglicisation, multiculturalisme et immigration massive

Relation intéressante d’Alexandre Cormier-Denis sur le Colloque sur le nationalisme organisé par l’Institut de recherche sur le Québec. Extraits.



La 12e édition du colloque « Quelque chose comme un grand peuple » organisé par l’Institut de recherche sur le Québec et le Mouvement national des Québécois qui s’est tenu samedi dernier a permis de constater que les politiques migratoires sont désormais au centre de la réflexion des souverainistes institutionnels.

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L’Échec de la loi 101

Frédéric Lacroix, auteur de nombreux articles dénonçant l’anglicisation de la région montréalaise, fit une présentation chiffrée sur l’effondrement du français dans la métropole et ses banlieues et ce, malgré la mise en place de la Charte de la langue française en 1977.

Le fond de son argumentaire réside en une donnée toute simple : malgré l’obligation pour les immigrés d’envoyer leurs enfants à l’école primaire et secondaire francophone, le transfert linguistique des allophones se situe à 55 % en faveur de l’anglais. Pire encore, on dénombre un mouvement d’anglicisation des francophones sur l’île de Montréal à une hauteur de 4 % par année.

M. Lacroix dévoila également une prévision de Statistique Canada qui envisageait que le scénario d’une immigration zéro (ce qui relève de la pure politique-fiction, Trudeau ayant annoncé l’accueil de 350 000 immigrés par an) aurait malgré tout comme conséquence un recul du français en raison du pouvoir d’attraction de l’anglais pour les allophones. Le panéliste fait ainsi le constat dur, mais lucide que Montréal présente toutes les caractéristiques d’une zone francophone hors Québec comme il en existe encore quelques-unes au Canada.

Son constat est sans appel : en termes de démographie linguistique, la sélection de l’immigration francophone fit beaucoup plus pour le maintien du fait français que toutes les lois linguistiques adoptées depuis quarante ans. Il faut donc considérer que la Charte de la langue française fut politiquement double échec puisqu’elle ne parvint pas à endiguer le déclin du français, mais donna également un faux sentiment de sécurité aux francophones.

Le Québec comme État bilingue

L’avocat François Côté, réputé pour avoir mené la charge contre la tentative du Barreau de faire invalider les lois du Québec pour cause de non-conformité avec le bilinguisme canadien, présente un cadre d’action pour faire du français la seule véritable langue officielle du Québec.

Me Côté rappelle que dans le droit, depuis l’arrêt Blaikie de 1979 qui obligea l’Assemblée nationale à traduire ses lois dans les deux langues officielles du Canada, le Québec est de facto un État bilingue.

Trois problèmes résultent de ce bilinguisme imposé par la Cour suprême :
  • Problème symbolique : il envoie le message à la population que l’anglais et le français sont deux langues d’égale importance et ce, au plus haut niveau de l’État.
  • Problème démocratique : la version anglaise des lois n’est pas débattue. Ce sont donc les traducteurs non élus de l’Assemblée nationale qui prennent le rôle des législateurs.
  • Problème juridique : il en résulte une indétermination sémantique des lois québécoises puisqu’on recense jusqu’à 4 000 divergences entre les versions françaises et anglaises, permettant ainsi de rendre des jugements différents selon la langue empruntée.

Pour remédier au bilinguisme de l’État québécois, Me Côté propose quelques pistes d’action : entamer des discussions avec Ottawa pour changer la constitution de manière bilatérale, modifier la constitution de l’État provincial de manière unilatérale ou encore simplement invalider l’arrêt Blaikie en invoquant les dispositions juridiques du Renvoi relatif à la sécession du Québec.

Dans quelques mois, Me Côté sortira un livre coécrit avec Guillaume Rousseau — ex-conseiller du ministre Jolin-Barrette pour la loi 21 — détaillant les propositions politiques afin de remédier à ce bilinguisme étatique.

 Un livre qui risque d’être fort intéressant à lire pour les défenseurs de la langue

La liberté d’expression sacrifiée au nom des émotions

La présentation du sociologue Stéphane Kelly porte sur le présent climat de censure idéologique qui règne dans le milieu collégial et universitaire québécois. Il fait reposer ce phénomène sur la propagation d’une philosophie de l’éducation valorisant l’estime de soi au détriment des savoirs et de la rationalité, celle-là justifiant la censure des discours jugés stigmatisants par des élèves hypersensibles.

Pour démontrer les effets pervers de cette philosophie de l’éducation, M. Kelly cita l’étude américaine The Triple Package démontrant que le prétendu « privilège blanc » est une véritable fumisterie puisque les groupes les plus avantagés socialement dans la hiérarchie sociale américaine sont — exception faite des Juifs — tous issus d’une immigration plutôt récente. La performance sociale de ces groupes repose sur une valorisation de l’excellence rendue possible paradoxalement par le faible degré d’assimilation de ces minorités à la société américaine.

Trois facteurs semblent expliquer ce phénomène : le sentiment d’appartenance communautaire, l’insécurité de leur position collective dans la hiérarchie sociale américaine et une forte discipline familiale se traduisant par une culture de l’effort permettant une réussite scolaire exceptionnelle.

Afin de rétablir une liberté d’expression au sein de la société québécoise, M. Kelly termine sa présentation par un vibrant appel à remplacer la culture de l’excuse par celle de l’effort. Nous ne pouvons que souscrire à cet appel au dépassement de soi alors que règne encore au Québec une mentalité misérabiliste fort néfaste pour la nation.

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La disparition des Canadiens français

L’auteur de l’essai Disparaître ? Afflux migratoire et avenir du Québec, Jacques Houle, fit une présentation sentie dénonçant l’immigration massive que nous subissons en reprenant essentiellement les arguments de son livre.

Les voici : l’immigration est un coût social faramineux vu la surreprésentation des immigrés aux programmes de chômage et d’aides sociales. L’incidence positive sur le PIB est réelle, mais n’affecte pas positivement le niveau de vie des populations. Bien au contraire, l’effet de l’immigration pour contrer le vieillissement de la population est nul.

Malheureusement, sa piste de solution économique nous semble plus faible, soit augmenter le salaire minimum à 15 $ de l’heure, compte tenu de la précarité des petits patrons œuvrant dans les milieux où la demande de main-d’œuvre est la plus grande : hôtellerie, restauration, manufactures, commerce de détail, etc.

Néanmoins, on ne peut que féliciter le courage de cet homme qui ose briser le jovialisme ambiant sur la question migratoire et, qui par sa vie personnelle — il est père de cinq enfants (!) — contribua à freiner le déclin démographique canadien-français.


Un ouvrage qu’il faut lire

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Plaidoyer contre le cours ECR

La professeure de sociologie Joëlle Quérin fait un réquisitoire pour l’abolition du cours Éthique et culture religieuse en démontrant qu’il s’agit d’un véritable programme de rééducation de la jeunesse québécoise en faveur du multiculturalisme canadien. Après une décennie d’enseignement du cours, elle relève que les effets concrets de l’idéologie pluraliste ressortent dans les sondages portant sur la laïcité de l’État : la majorité des 18-24 ans sont désormais opposés à toute règlementation encadrant les signes religieux dans la fonction publique.

Mme Quérin note également la contradiction du présent gouvernement qui impose une loi sur la laïcité tout en laissant la propagande multiculturaliste canadienne se répandre dans les cerveaux de la jeunesse québécoise. Cette absence de cohésion dans la politique menée par la CAQ pourrait lui être fatale puisqu’elle laisse l’école québécoise endoctriner les futurs électeurs qui eux, en fin de compte, s’opposeront au legs laïque du gouvernement.

Elle postule également que l’actuel projet de réforme du cours ne fait qu’ajouter l’enseignement de l’athéisme et serait fusionné avec le très controversé cours de sexualité. Bref, sous la CAQ, le cours ECR combinerait l’horrible propagande multiculturaliste avec la catastrophique déconstruction du genre !

Le cours ECR forme de très bons petits Canadiens multiculturels. [Et des citoyens du monde post-nationalistes... avec la bénédiction de la CAQ, un parti qui se dit nationaliste...]

Conclusion

Le présent colloque fut surtout une réunion des éléments jugés les plus « conservateurs » du mouvement souverainiste — exception faite de Paul Saint-Pierre Plamondon qui nous a entretenus de la social-démocratie, de Myriam D’Arcy qui a vanté son programme d’intégration des immigrés et de Claudia Larochelle qui a parlé de la sous-représentation des femmes dans la littérature québécoise.

L’importance accordée aux questions linguistiques, migratoires et identitaires prouve que le débat politique au sein des sphères souverainistes est tranquillement — trop tranquillement — en train de sortir du politiquement correct imposé par la gauche sociale-démocrate québécoise.


Avec la soumission progressive des souverainistes de gauche au multiculturalisme canadien et le vieillissement des partisans du courant socialisme et indépendance, il y a fort à parier que le renouvellement nationaliste se fera de plus en plus à droite sur l’échiquier politique.

Euthanasie — l'envers du décor

L’euthanasie est dépénalisée chez nos voisins belges depuis 2002 ; une loi, dans le but annoncé d’éradiquer les pratiques clandestines, définit un encadrement du processus de décision et de mise en œuvre, et peut exercer un contrôle a posteriori du respect de ses dispositions.

Le présent ouvrage se présente à la fois comme un état des lieux après dix-sept ans d’application effective de la loi de 2002, et comme un vibrant plaidoyer en faveur de l’objection de conscience et du respect de la vie. Au long de neuf chapitres rédigés par des praticiens de spécialités variées, mais tous confrontés personnellement à l’euthanasie, nous partageons leurs expériences, leurs interrogations, leur souffrance même et aussi leurs belles convictions d’hommes et de femmes engagés au service de leurs patients. De nombreux témoignages concrets vivants et émouvants viennent illustrer leurs propos.

Signalons d’abord « l’effet euthanasie » dans le monde médical et parmi les patients ; l’application d’une telle loi alimente la surenchère des revendications visant notamment à ériger l’euthanasie en droit inaliénable de l’individu ; simultanément, elle exerce un effet corrupteur dans les esprits et par voie de conséquence dans l’usage des antalgiques, des sédatifs et dans l’éthique des soins palliatifs ; du coup, l’objection de conscience est stigmatisée, et on assiste à une instrumentalisation du médecin par la société, et à la montée d’un paternalisme mortifère à l’égard des patients réputés « éligibles » à l’euthanasie.


En défense, l’ouvrage propose une éthique de respect de la vie fondée sur une démarche professionnelle rigoureuse, sur la prise en compte du point de vue du patient, et la recherche d’un choix concerté pour son accompagnement, particulièrement en fin de vie ; le tout en privilégiant l’écoute et une relation de qualité avec le patient. Allant plus loin encore, le docteur Beuselinck préconise de s’inspirer de la « quête du sens » du fondateur de la logothérapie, le médecin-philosophe viennois Viktor Frankl, et notamment de ses trois catégories de raisons de vivre : sens de l’accomplissement, sens de l’amour, sens de la souffrance. Cet ouvrage de haute tenue mais passionnant à lire est à recommander particulièrement aux futurs médecins et infirmiers, qui seront fatalement un jour confrontés la question de l’euthanasie.

Ouvrage collectif auquel ont contribué


Pr Timothy Devos (hématologue), Jacques Ricot (philosophe), Herman De Dijn (philosophe), Eric Vermeer (infirmier éthicien en soins palliatifs), Dr Catherine Dopchie (oncologue), Pr Willem Lemmens (philosophe et éthicien), Dr An Haekens (psychiatre), Dr Rivka Karplus (maladies infectieuses et HIV/SIDA), Dr Marie Frings (médecin en soins palliatifs), Pr Benoit Beuselinck (oncologue), Dr Julie Blanchard (médecin en soins palliatifs), François Trufin (infirmier urgentiste en soins palliatifs)

Euthanasie, l'envers du décor : Réflexions et expériences de soignants
par un collectif de huit soignants belges,
paru aux éditions Mols,
à Wavre,
le 30 mai 2019
232 pp.
ISBN-10 : 2874022454
ISBN-13 : 978-2874022456