Affichage des articles dont le libellé est gauchisme. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est gauchisme. Afficher tous les articles

samedi 13 septembre 2025

Évolution du spectre politique

Cliquer pour agrandir au besoin

Voir aussi

Charlie Kirk assassiné, la gauche radicale joyeuse

Charlie Kirk, animateur de « Prouvez que j'ai tort », assassiné lors d'un débat en plein air à l'Université d'Utah Valley

États-Unis — une réfugiée ukrainienne poignardée à mort dans le tramway, lourd silence médiatique

Nashville (2023) : 3 enfants et 3 adultes abattus dans une école privée chrétienne par une meurtrière trans (m à j : menaces préalables, motifs écrits)

Robin Westman achète des armes
peu avant le bain de sang
Haine (2022) — le tueur du club LGBTQ se dit « non binaire », veut qu’on utilise « they » comme pronom, né dans une famille décomposée  

Il y a quelques semaines (2025), un transgenre mécontent a ouvert le feu dans une école catholique de Minneapolis. Il y a tué deux enfants et blessé une douzaine d'autres personnes. La psychotranssexualité est l'une des nombreuses nouvelles identités passionnantes de notre époque, mais les médias américains somnolents ne semblent pas intéressés par le sujet. Ils persistent, de manière tout à fait frauduleuse, à désigner Robin Westman par le pronom « elle », alors que M. Westman lui-même avait renoncé à sa transsexualité avant le carnage.

La journaliste Marion Van Renterghem (ci-dessous), récipiendaire de nombreux prix parmi les plus prestigieux au monde — tels que le prix Albert-Londres ou le prix Louise-Weiss —, a été épinglée pour avoir relayé de fausses informations. Elle a notamment partagé un grossier photomontage accusant à tort le présumé assassin de Charlie Kirk de porter un tee-shirt à l'effigie de Donald Trump. 



mercredi 3 septembre 2025

États-Unis — Guerre contre l'IA woke

« Le peuple américain ne veut pas que les modèles d’IA soient imprégnés de la folie marxiste woke », a déclaré le président Donald Trump en juillet, juste avant de signer une série de décrets, dont l’un visait apparemment à empêcher les modèles d’intelligence artificielle (IA) de laver le cerveau des utilisateurs avec de la propagande gauchiste.  

M. Trump n’est pas le seul à s’inquiéter du fait que les grands modèles linguistiques (LLM) tels que ChatGPT d’OpenAI et Gemini de Google, qui ressemblent souvent à des oracles de vérité (même lorsqu’ils débitent des énormités), cachent des préjugés.

Le décret présidentiel de M. Trump, intitulé « Empêcher l’IA woke dans le gouvernement fédéral », s’appuie sur des exemples choquants pour étayer son argumentation. En tête de liste figure le moment où, début 2024, Google a dévoilé une fonctionnalité de génération d’images qui représentait les papes et les Vikings comme ayant la peau noire.

Des études suggèrent que la plupart des LLM, même Grok, penchent à gauche ; les modèles chinois et russes reflètent également les préjugés des systèmes qui les ont engendrés.

Partout dans le monde, les gouvernements s’inquiètent des différents types de préjugés dans l’IA. Il s’agit notamment de la discrimination fondée sur le sexe et la race, comme dans l’Union européenne (UE), de l’accès inégal aux modèles dans les langues nationales, comme au Japon et en Asie du Sud-Est, et de l’importation des normes culturelles occidentales, qui suscite une inquiétude généralisée. Mais comme M. Trump, de nombreux universitaires se sont concentrés sur les préjugés idéologiques et politiques.

Il est facile de trouver des exemples d’IA « woke ». Ce que les universitaires tentent de faire, c’est de prouver à quel point ces biais sont systématiques. La manière la plus évidente d’y parvenir est de demander à un LLM de répondre par oui ou par non à une série de questions qui révéleraient son orientation politique, telles que « Un gouvernement devrait-il restreindre les propos que certains trouvent offensants ? ». Mais cette méthode n’est pas optimale, car peu de gens utiliseraient l’IA de cette manière. Les chercheurs doivent donc trouver des alternatives plus réalistes.

Une approche utilisée par David Rozado, de l’Otago Polytechnic en Nouvelle-Zélande, consiste à mesurer la similitude entre le langage utilisé par les LLM et celui utilisé par les législateurs républicains et démocrates aux États-Unis (par exemple, « budget équilibré » et « immigrants illégaux » pour les premiers, et « soins abordables » et « violence par arme à feu » pour les seconds). Il a constaté que lorsqu’on leur demande des propositions politiques, les LLM utilisent presque toujours un langage plus proche de celui des démocrates. Seul un LLM spécialement conçu, qu’il a appelé « GPT de droite », penchait en faveur des républicains (voir graphique 1 ci-contre).

Une autre approche consiste à évaluer la manière dont les utilisateurs perçoivent l’orientation politique d’un modèle. Des chercheurs du Dartmouth College et de l’université de Stanford ont demandé à différents LLM de répondre à des questions telles que « Le gouvernement américain devrait-il augmenter les impôts des riches ou les maintenir à leur niveau actuel ? ». Ils ont ensuite demandé à des Américains d’évaluer les réponses en fonction de leur orientation politique (voir graphique 2). Ils ont constaté que « presque tous les principaux modèles sont considérés comme étant de gauche, même par les répondants démocrates ».

Certains universitaires adoptent une approche plus globale. Maarten Buyl et Tijl De Bie, de l’université de Gand en Belgique, ont mené une étude lors de laquelle on posait des questions à des LLM de différentes régions et dans différentes langues leur demandant d’évaluer des milliers de personnalités politiques couvrant un large éventail de points de vue idéologiques. Ils ont conclu que dans la plupart des cas, les LLM reflètent l’idéologie de leurs créateurs. Les modèles russes, par exemple, étaient généralement plus positifs à l’égard des personnes critiques envers l’Union européenne. Les modèles en langue chinoise étaient beaucoup plus négatifs à l’égard des politiciens hongkongais et taïwanais critiques envers la Chine.


 

jeudi 14 août 2025

Universités : écoles de l'autocensure, de la duplicité et du conformisme ?

Forest Romm et Kevin Waldman sont des chercheurs en psychologie rattachés à l’Université Northwestern à Chicago.

Entre 2023 et 2025, ils ont interviewé confidentiellement 1452 étudiants de premier cycle à Northwestern et à l’Université du Michigan.

Données

Leur but: vérifier si les opinions exprimées à voix haute par ces jeunes reflètent ou non leurs vraies convictions.
  • 88% de ces jeunes disent avoir déjà exprimé des vues plus à gauche que leurs convictions réelles pour réussir à l’université ou pour être acceptés socialement.
  • 78% disent s’autocensurer quand il est question de l’identité de genre.
  • 77% désapprouvent l’idée que le ressenti devrait primer sur la réalité biologique dans les sports, les soins de santé ou l’identification sur les documents officiels, mais avouent qu’ils ne le diront pas publiquement.
  • 87% disent croire que le sexe est fondamentalement binaire.
  • Ils ne sont que 7% à dire que le sexe est un spectre large, et la plupart de ceux qui disaient cela étaient des activistes.
  • 72% s’autocensurent dès qu’il s’agit de parler politique.
  • 80% disent avoir remis des travaux reflétant ce qu’ils pensent que leur professeur veut lire, plutôt que d’exprimer le fond de leur pensée.
Vous trouverez l'article ici.

Si on connaît un peu le milieu universitaire québécois et canadien, on sait que ce phénomène d’autocensure et de conformisme qui clignote à gauche y est aussi massif.

Et détrompez-vous si vous pensez que ce virus ne contamine que les sciences humaines. À des degrés divers, tous les secteurs sont infectés.

Et certains prétendent que le wokisme est inexistant ou marginal!

Si la bêtise est infinie, la mauvaise foi l’est tout autant.

On aurait tort, disent Romm et Waldman, de critiquer ces jeunes. Ils ne sont pas cyniques: ils se protègent.

Ils épousent les vents dominants parce que leurs notes et leur insertion dans les réseaux formels et informels détermineront leur avenir professionnel.

Il ne doit pas être facile de vivre continuellement ce grand écart entre ce que vous dites et ce que vous pensez.

Le milieu les pousse à jouer double jeu en permanence, sauf pendant les moments où, entre vrais amis, autour de quelques bières, ou devant leur écran, ils peuvent réconcilier leur être et leur paraître.

Pourtant, l’université n’est-elle pas l’institution où l’on est censé apprendre à penser par soi-même avec rigueur, mais en toute liberté?

C’est d’autant plus préoccupant, notent Romm et Waldman, que cette duplicité est vécue à un moment critique du développement personnel, celui où le jeune adulte combine ses expériences vécues et les valeurs héritées pour construire les fondations de sa pensée éthique ultérieure, de sa cohérence civique et de sa résilience émotionnelle.

Crise
 
Bref, l’institution fabrique de petits soldats moralisateurs, mais qui sont aussi anxieux et fragiles sur le plan psychologique.

L’université a troqué la quête de la vérité fondée sur les faits pour le faux consensus politique et moral.

Source : Journal de Montréal
 
Voir aussi 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

dimanche 10 août 2025

Forger une identité canadienne très à gauche pour se distinguer des États-Unis de Trump ?

Dès le début de son mandat, le Premier ministre Mark Carney a mis en avant le Canada comme un pays progressiste assumé, distinct des États-Unis dans sa posture socio-politique.

C'est ainsi que, dès le début de son mandat en 2025, Carney a personnellement participé au lever officiel du drapeau Progress Pride sur la Colline du Parlement. Il y présenta la Pride comme à la fois « une célébration de l’amour qui a déjà triomphé » et un engagement à veiller à la protection des droits de toutes et tous. Le gouvernement a confirmé une enveloppe de 1,5 million de dollars pour la sécurité et l’assurance des festivals de la Fierté, en plus des 15 millions déjà engagés dans son « Plan d’action contre la haine » [sic]. 

Parmi les gestes symboliques les plus discutés du mandat de Mark Carney, sa déclaration controversée lors d’une célébration de l’Aïd al-Adha à Ottawa en juin 2025 a particulièrement défrayé la chronique. S’adressant à l’audience rassemblée, il a affirmé :

Les valeurs de communauté, de générosité et, oui, de sacrifice. Ce sont des valeurs musulmanes. Ce sont des valeurs canadiennes.

Après une rencontre avec le premier ministre de la Colombie-Britannique, Carney a émergé lors de la parade pour marcher avec les participants, se présenter comme une figure proche des communautés LGBTQ+ et qualifier l’événement de « meilleure illustration du Canada », symbolisant la célébration de la diversité. La prestation de Carney est même devenue virale : une photo le montrant à côté d’un homme seulement vêtu d’un string rose a fait le tour des réseaux sociaux.

Dans une annonce récente, le gouvernement Carney a détaillé plus de 14,4 millions de dollars de nouvelles dépenses pour 17 projets visant à « donner aux jeunes Canadiens les moyens de lutter contre le changement climatique ». Ces 14,4 millions de dollars ne sont que la dernière tranche d'un financement total de 206 millions de dollars prévu sur cinq ans. L'objectif du « Fonds d'action et de sensibilisation au climat », comme l'appelle le gouvernement, est essentiellement d'accroître la préoccupation du public à l'égard du changement climatique. 

Dans un contexte où les relations américano-canadiennes sont tendues (avec notamment des discussions autour de tarifs, de la souveraineté et d’une rivalité commerciale et diplomatique), ce positionnement progressiste devient un marqueur identitaire conscient, que le Canada exploite pour se distinguer de son grand voisin. Carney a lui-même souligné la nécessité de montrer que le Canada est un acteur indépendant, solidaire de « ses valeurs » — des valeurs souvent opposées à celles affichées par l'administration américaine actuelle.

Voir aussi

Trudeau n'est peut-être plus là, mais la folie du genre continue

Mark Carney (PM du Canada) hisse officiellement le drapeau de la fierté 2SLGBTQIAA+ au parlement d'Ottawa

Canada — Le Premier ministre Carney déclare que les valeurs de l'Aïd sont des valeurs canadiennes

Mark Carney et le Québec, un rapport trouble (euphémisme)

Mark Carney accusé de plagiat pour sa thèse de doctorat de 1995 à Oxford

Canada — Mark Carney patine, bafouille et trébuche sur des questions simples liées au genre

Carney maintient le cap Trudeau en ce qui a trait aux traitements chimiques et chirurgicaux des enfants qui se disent trans

Le gouvernement Carney prévoit de dépenser 14 millions pour convaincre les jeunes Canadiens de l'« urgence climatique »

mercredi 11 juin 2025

La chute de la maison Sciences Po

La Chute de la maison Sciences Po: extraits de l’enquête au cœur de la crise des élites. 
 
Dans un ouvrage dense et éclairant, Caroline Beyer raconte les vingt dernières années de la « fabrique des élites », prise aujourd’hui dans la tourmente. De la disparition de Richard Descoings à l’amphi « Gaza », elle retrace les événements et les décisions qui ont fait trembler l’institution. Caroline Beyer est grande reporter au Figaro . Son enquête «La Chute de la maison Sciences Po» est parue aux éditions du Cerf. 
 
Si Sciences Po fait tant parler d’elle, c’est qu’elle se plaît à alimenter son image d’école du pouvoir. Passage quasi obligé pour accéder à la haute fonction publique, elle compte parmi ses anciens une ribambelle de figures de la politique et du monde des affaires. Rue Saint-Guillaume se tiennent ainsi une multitude de conférences, données par des invités prestigieux. Parmi sa flotte d’enseignants vacataires, elle compte le Tout-Paris. Ici, les mythes et les codes sont soigneusement entretenus. Dans son hall d’entrée, se dresse la « Péniche », un grand banc en bois. 
 
Au coin de la rue Saint-Guillaume, Le Basile, brasserie appréciée des étudiants, semble résister au temps qui passe. Sciences Po a aussi ses « conférences de méthode », qui désignent les cours en petits groupes, et ses « académiques », qui ne sont rien d’autre que des professeurs. Mais à trop vouloir attirer l’attention, elle s’est brûlé les ailes. Avant la déflagration de l’amphi « Gaza », le bateau a régulièrement tangué, secoué par les démissions fracassantes de ses directeurs et les polémiques en tout genre. 
 
La crise de réputation s’est imposée comme une évidence avec les mobilisations propalestiniennes de 2024. Mais comment en est-elle arrivée là ? Rue Saint-Guillaume, les professeurs qui regrettent les grands esprits de Raymond Aron ou de René Rémond et l’époque où Sciences Po était un salon bourgeois, retournent cette question dans leur tête. Dans les cercles des anciens et au-delà, le mouvement militant étudiant interroge, même si l’école est connue pour son ancrage à gauche. Est-il le fait d’une jeunesse bourgeoise qui, en ce XXIe siècle, embrasse le combat pour la défense des minorités, emmené par l’extrême gauche nouvelle, ou le résultat de l’ouverture sociale et internationale ? Comment une minorité agissante a-t-elle pu occuper tant d’espace, au point d’incarner le visage de l’école des élites ? » 
 
Dans les lycées d’élite de la capitale, et surtout dans les lycées privés catholiques, s’installe le soupçon d’un recrutement idéologique, avec un « malus à l’élitisme » et au privé. Depuis 2021, le nombre d’admis venus de « Stan », fleuron de l’enseignement catholique parisien, oscille entre zéro et deux. Avant cela, ils étaient une petite dizaine. Alors que les témoignages se répandent dans les médias, le sujet scandalise aussi les cercles bourgeois. 

Le DRH d’une entreprise du CAC 40 se souvient des mots que l’associé d’un grand cabinet de conseil lui lâche, lors d’un dîner : «  Les élèves du privé sont blacklistés ! Tu te rends compte, ils n’ont pris aucun élève de Franklin depuis trois ans ! » « Jusque-là, Sciences Po était culturellement proche de cet établissement jésuite du 16e arrondissement », ajoute ce DRH, lui-même un ancien de l’école. Pour se défendre de l’accusation de « boycott » des lycées privés, l’école va jusqu’à tenir une conférence de presse, en août 2021. Le directeur, Mathias Vicherat, répétera ensuite qu’« aucune discrimination n’est faite envers les lycées privés ou l’origine géographique » et que, comme par le passé, 35 % des admis viennent du privé. 
 
Mais avec la nouvelle procédure d’admission et l’entrée de l’école sur la plateforme d’orientation vers le supérieur Parcoursup, qui lui a donné davantage de visibilité, l’origine géographique des admis est beaucoup plus hétérogène. Ce dont se félicite la direction. En 2024, les inscrits en première année viennent de 843 lycées différents en France et dans le monde, et seuls 22 % sont issus d’Île-de-France. « Avant, les épreuves écrites amenaient à Sciences Po les élèves des meilleurs lycées de France. Avec le dossier et l’injonction à la discrimination positive, on regarde Henri-IV, mais aussi le lycée d’Albi ! », résume un professeur. » 
 
«  Je vois passer des candidats qui aident les réfugiés, qui se battent pour la planète, qui militent pour l’égalité homme-femme. Je ne sais si ces dossiers sont sincères ou insincères, mais le recrutement est assurément marqué à gauche ! », constate pour sa part un professeur qui examine ces dossiers depuis plusieurs années. « Sciences Po a fait le choix d’une sélection à l’anglo-saxonne. Avant, lorsqu’on était admis, on était considérés comme des petits génies. L’art de la dissertation, de l’argumentation… Cela correspondait à l’esprit français, c’était prestigieux  », déplore un ancien, passé par le lycée du Parc à Lyon, qui travaille aujourd’hui au côté d’un député de la majorité présidentielle. « Je ne sais pas si le Sciences Po d’aujourd’hui m’aurait autant séduit », ajoute-t-il. Une école woke ? « Après l’assassinat de Samuel Paty, j’ai quand même eu une prof d’histoire qui nous avait expliqué qu’elle avait plus peur du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin que des terroristes ! », raconte Quentin Coton . 
 
«  En sociologie, il n’y a qu’un seul discours : la méritocratie n’existe pas. Mon histoire personnelle prouve le contraire, mais nous sommes bien obligés de nous conformer à ce postulat pour avoir de bonnes notes », raconte Pierre, en troisième année. Aujourd’hui diplômé de Sciences Po, Alexandre a pu constater le poids et le pouvoir de la sociologie à l’école. Lorsqu’il intègre Sciences Po, le jeune homme est admis dans la formation « scube », un double cursus ultra-sélectif, « pire que la prépa », qui permet de mener de front le parcours à Sciences Po et une formation scientifique à l’université Pierre-et-Marie-Curie. Sur les 40 élèves de sa promotion, trois ont ensuite intégré Polytechnique, tandis que deux autres ont rejoint Normale Sup. «  On suivait des cours de maths et de physique, tout en se formant aux politiques publiques », explique-t-il. Mais les choses prennent une allure bien différente lorsque Sciences Po charge un sociologue de revoir le cursus, à l’occasion d’un changement de partenaire universitaire. « Au lieu de faire des sciences dures en parallèle des sciences humaines, il a voulu faire de l’interdisciplinarité. C’est donc devenu des pseudosciences », regrette Alexandre, qui garde un souvenir intact d’un cours de sociologie sur les ponts aux États-Unis. « Le prof nous a expliqué que les ponts étant trop bas, ils rallongeaient les trajets des personnes qui prenaient le bus. Ces personnes étant issues des minorités, il y avait donc une volonté de discriminer. Conclusion : les ponts américains sont racistes ! De l’idéologie absurde », raconte-t-il, encore éberlué.

Une nouvelle tête qui tombe

Lorsqu’il arrive Rue Saint-Guillaume, Mathias Vicherat retrousse les manches de son impeccable costume tendance, pour s’attaquer comme il se doit aux « VSS » (violences sexistes et sexuelles, NDLR). Le directeur de 46 ans, qui se veut proche des préoccupations de la jeune génération, promet d’en faire « une priorité absolue ». Tout signalement déclenchera systématiquement une enquête de la cellule d’enquête interne préalable (CEIP), qui sera présidée par une magistrate. « Une formation aux VSS a été mise en place sur Zoom pour tous les élèves », raconte un étudiant. Las, le 4 décembre 2023, l’école et le Tout-Paris apprennent, stupéfaits, que Mathias Vicherat et sa compagne ont été placés en garde à vue, à l’issue d’une dispute aux portes du palace parisien Lutetia. Ils s’accusent mutuellement de violences conjugales. La « malédiction » a encore frappé la gouvernance de Sciences Po. De manière parfaitement lamentable. 
 
« C’est le wokisme qui se mord la queue, l’arroseur arrosé », ricanent alors les mauvais esprits de l’école. L’institution s’embrase. Le jusqu’alors sympathique directeur devient l’homme à abattre . Dès le lendemain, le campus de Paris est bloqué. Sa démission est exigée par les syndicats d’extrême gauche Solidaires, proche du NPA (Nouveau Parti anticapitaliste), et l’Union étudiante. Cette dernière, sur le réseau social X s’explique : « Victime, on te croit. Nous ne pouvons avoir un directeur auteur de violence. » Dans le hall de l’école, des affiches représentant la silhouette noire de Mathias Vicherat sur fond orange sont placardées, appelant à son départ. La députée Europe Écologie-Les Verts (EELV) Sandrine Rousseau fait le déplacement à Saint-Germain-des-Prés pour soutenir les étudiants. L’association Garces de Sciences Po, qui se définit sur Instagram comme un « collectif féministe radical intersectionnel » agissant « en mixité choisie sans hommes », monte au front. » 
 
La communauté enseignante n’est pas en reste. Le département de sociologie réclame la tête de Vicherat. «  C’était une véritable chasse à l’homme. On ne pouvait pas faire entendre un discours de raison, témoigne un professeur de politique. Il ne pouvait que démissionner. Mais l’emballement de l’institution montrait à quel point elle était instable.  » Sur le groupe WhatsApp des enseignants vacataires, certains se déchaînent. «  Dès la garde à vue, ils piétinaient la présomption d’innocence  », rapporte un membre de cette boucle réunissant 250 personnes. Lorsque le tribunal rendra sa décision, un an plus tard, il condamnera Mathias Vicherat, mais aussi son ex-compagne : cinq mois de prison avec sursis pour lui, huit pour elle. La justice fera état d’«  une relation particulièrement dysfonctionnelle depuis de nombreux mois  ». 

Un avant et un après Gaza

«  Il y a eu un avant et un après Gaza.  » Lancinante, cette phrase revient, de la bouche de professeurs de Sciences Po, d’étudiants, mais aussi de recruteurs et d’anciens, qui occupent des postes clés dans une multitude de secteurs. Et qui se désespèrent. Les plus aveugles, ou les plus confiants, auront beau balayer cela d’un revers de main, l’assertion correspond à une réalité. Après l’affaire de l’amphi Boutmy rebaptisé « Gaza » en avril 2024, les vidéos et les images qui ont circulé dans les médias, agrémentées d’abondants commentaires de la classe politique, ont été dévastatrices pour la réputation de l’institution. Elles ont montré une école aux prises avec des militants masqués, martelant des slogans propalestiniens coiffés de keffiehs, et une direction dans l’impasse, incapable de gérer le désordre. » 
 
Si l’amphi « Gaza », les manifestations et les bloqueurs évacués par la police ont fait l’effet d’un séisme, c’est aussi la goutte d’eau dans une tempête qui semble plus vaste. Voilà une dizaine d’années que Sciences Po fait les gros titres de la presse avec sa valse des directeurs et ses coups successifs portés à l’élitisme à la française, qui ont eu pour point d’orgue la suppression de son concours. Dès mai 2024, sur le réseau social X, les publications sur la « démonétisation » du diplôme et des CV que les recruteurs jetteraient directement « à la poubelle » se multiplient. Ces employeurs du privé, ayant «  pris conscience qu’intégrer des Sciences Po est un risque  », seraient en train de les «  blackbouler », tandis qu’en parallèle beaucoup de diplômés iraient «  s’incruster dans la fonction publique  », peut-on lire, en substance, sur ce réseau social peu réputé pour sa nuance, mais à forte influence. 
 
Vers un nouvel horizon

Par-delà le brouhaha ambiant, c’est justement des dossiers de fond qui attendent le directeur. Depuis la suppression du concours écrit en 2021, les critères de sélection de l’école ont été vivement interrogés. Les lycées élitistes publics et privés, ainsi que la bourgeoisie parisienne se sont sentis mis de côté, et l’ont fait savoir dans leurs cercles d’influence. En octobre 2024, quinze jours à peine après sa prise de fonction, Luis Vassy annonce, dans une interview aux Échos, une réforme de la procédure d’admission. «  Nous recrutons les plus compétents, pas les plus militants », promet-il, à l’adresse des candidats de la session 2025. » 
 
 Les lettres sur l’engagement et le projet de l’étudiant, qui étaient jointes au dossier, n’auront plus cours. 
 
Demander à des élèves de 16 ans de démontrer leur engagement social, c’est « faire peser une responsabilité très lourde » sur leurs épaules et celles de leurs familles, estime-t-il. Les notes obtenues au bac de français, une épreuve nationale et anonyme, seront surpondérées à 60 %, contre tout juste 7 % à 8 % auparavant. Il s’agit de laisser moins de place au « contrôle continu », ces notes données au cours de l’année par les professeurs du lycée. Elles flirtent aujourd’hui avec de si hauts sommets qu’il devient difficile de distinguer les dossiers les plus performants. Avec ce petit changement qui pourrait faire évoluer à la marge les profils des candidats retenus, Sciences Po espère voir les choses bouger.
 
 
LA CHUTE DE LA MAISON SCIENCES PO
de BEYER CAROLINE,
publié aux éditions du CERF,
le 28 mars 2025,
à Paris,
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2204171298

Voir aussi
 
 
 

 Très fort tropisme à gauche des étudiants de Sciences Po (Paris)

Anglo-saxonisation de Sciences Po, source de sa radicalisation gauchiste

Sciences Po a supprimé son concours d'entrée, plus personne n'en parle (2019)  

À l’instar des universités anglo-saxonnes, Sciences Po de Paris supprime les épreuves sur table (2021)

Sciences Po secouée par l’affaire Duhamel, Des étudiants veulent la démission du directeur de l’école Frédéric Mion. Il aurait eu vent des rumeurs d’inceste et de pédophilie homosexuelle visant le président de la Fondation nationale des sciences politiques.

En 2011, Sciences Po annonçait la suppression l'épreuve de culture générale. Richard Descoings, son directeur mort dans des circonstances sordides en avril 2012 aux États-Unis qu'il adulait, avait supprimé du concours d’entrée l’épreuve écrite de culture générale pour les titulaires d’une mention "Très Bien" au baccalauréat et instauré une procédure d’entrée "convention d’éducation prioritaire" [zone d'éducation prioritaire est un euphémisme pour banlieue immigrée] afin d'ouvrir «socialement» l’école.

Université — Liste de lecture anti-blanche de Sciences Po fait polémique

Eschyle interdit, Finkielkraut insulté: sectarisme à l’université

Baisse du niveau des examens d'entrée pour intégrer plus d'immigrés à Sciences Po de Paris

Baisse de niveau à Sciences Po, l'école recrute sur d’autres critères que ceux de l’excellence scolaire, dont l’engagement associatif

 

mercredi 14 mai 2025

Grenoble : l'université retire des dizaines d'inscriptions « artistiques » conspuant les « mâles blancs »

Des messages « à caractère raciste » qui ont scandalisé l’UNI (l'Union nationale inter-universitaire). « Ces messages inacceptables encouragent le racisme à l’encontre des personnes blanches et diffuse l’idée woke selon laquelle nous serions dans une société systématiquement raciste », a dénoncé l'association de droite qui a lancé une pétition pour que l’université de Grenoble retire les inscriptions.

La direction a condamné cette initiative. «Il y a des messages qui ont débordé le cadre acceptable. Ce sont des messages qui sont intolérables pour l’université, qui ne sont pas compatibles avec les valeurs universitaires et républicaines», a-t-il déclaré au micro de CNEWS.

Sur X, l’université Grenoble Alpes a de son côté confirmé, mercredi 14 mai, que les messages ont été effacés. « Le contenu de ces inscriptions, réalisées dans le cadre d'un atelier artistique, n’est pas à l’initiative de l’Université Grenoble Alpes et ne reflètent pas la position de l’établissement », est-il écrit.

vendredi 25 avril 2025

Mathieu Bock-Coté : Qui est Mark Carney ?


Voir aussi 

Mark Carney accusé de plagiat pour sa thèse de doctorat de 1995 à Oxford

Canada — Mark Carney patine, bafouille et trébuche sur des questions simples liées au genre

Carney maintient le cap Trudeau en ce qui a trait aux traitements chimiques et chirurgicaux des enfants qui se disent trans

Le Premier ministre canadien Mark Carney a invité à son conseil un confondateur de l'Initiative du Siècle

Sondage (n=1500) — Près des 2/3 des Canadiens contre le triplement de la population du Canada d'ici 2100 (le plan de l'Initiative du Siècle)

Le chef libéral Mark Carney a été accusé de s'approprier les idées des autres au cours de la campagne électorale fédérale (en anglais, Globe and Mail)

Les Britanniques avertissent que le nouveau premier ministre canadien a une « touche Midas inversée ». La réputation de Mark Carney en tant que gouverneur de la Banque d'Angleterre est plus entachée qu'il ne le laisse entendre (en anglais, National Post)

Tenir compte des avertissements sévères de la Grande-Bretagne à l'égard de Mark Carney. La presse britannique tant de gauche que de droit s'est montrée beaucoup plus critique à l'égard de notre nouveau premier ministre que la nôtre.  (en anglais, National Post)

 

jeudi 17 avril 2025

Pourquoi les intellectuels se trompent (si souvent)


 

Chronique d'Eugénie Bastié sur le dernier livre de Samuel Fitoussi.

Lors des législatives anticipées de juin dernier des intellectuels et écrivains français, mais aussi du monde entier, ont appelé à voter pour le Nouveau Front populaire. Des centaines d’économistes bardés de diplômes ont soutenu un programme économique aberrant. Sur les campus des facultés les plus prestigieuses du monde occidental, on a vu des étudiants crier leur haine de l’Occident, juger la médecine « trop blanche » ou proclamer que la différence biologique des sexes n’existait pas. Comment expliquer un tel parti pris dans la frange de la population censée être la plus éduquée ?

« Et si la culture, l’intelligence et l’éducation n’étaient pas gages de sagesse, mais en réalité prédisposaient à l’erreur ? » : c’est la thèse audacieuse du jeune essayiste Samuel Fitoussi dans son dernier livre Pourquoi les intellectuels se trompent (Éditions de l’Observatoire). Dans la lignée d’un Raymond Aron (L’Opium des intellectuels), d’un Raymond Boudon (Pourquoi les intellectuels n’aiment pas le libéralisme), d’un Jean-François Revel (La Connaissance inutile), ou d’un Jean Sévillia (Le Terrorisme intellectuel), Fitoussi se penche sur une question épineuse de notre temps : comment des gens éclairés et cultivés peuvent-ils embrasser les pires options idéologiques ? Le XXe siècle en fut plein d’exemples funestes. L’écrasant soutien des intellectuels au communisme a montré la propension des clercs à s’aveugler sur le pire et même à le justifier. Simone de Beauvoir a fait l’éloge du maoïsme, Jean-Paul Sartre estimait qu’on n’avait pas tué assez pendant la Terreur. Les Khmers rouges, qui ont commis un génocide sur leur propre peuple, étaient dirigés par huit intellectuels francophones qui avaient tous étudié à la Sorbonne. À la conférence de Wannsee où les nazis décidèrent de la Solution finale, la moitié des participants détenaient un doctorat.

Féru de psychologie évolutionniste, cette discipline qui explique les comportements humains à partir de la théorie de l’évolution, Fitoussi cite abondamment (trop, peut-être) des études scientifiques pour expliquer les biais de l’intelligence. L’évolution a, dit-il, favorisé le conformisme. La raison n’est pas seulement une faculté orientée vers la recherche de la vérité, elle est aussi au service de notre réputation. Le souci de la vérité et le souci d’être bien vu s’affrontent en nous. Or les intellectuels ont souvent beaucoup à perdre à reconnaître qu’ils ont fait fausse route : que resterait-il de leur crédit ? C’est pourquoi, note Fitoussi, même « les intellectuels de gauche qui finissent par être en désaccord avec “la gauche” sur la quasi-intégralité des sujets ne passent jamais à droite, mais affirment plutôt vouloir rebâtir une “vraie gauche” ». En revanche l’intellectuel n’a pas grand-chose à perdre s’il se trompe. À la différence d’un entrepreneur qui fait faillite s’il fait les mauvais choix, l’intellectuel paie rarement le prix de ses erreurs. Le biais de confirmation, qui nous fait sélectionner des informations allant déjà dans le sens de nos croyances, et la douceur du déni, qui fait que notre cerveau évite au maximum les informations désagréables, font qu’il est très difficile à un intellectuel d’admettre avoir eu tort.

L’intellectuel est en outre prédisposé à l’idéologie car celle-ci lui donne un rôle prépondérant de grand organisateur social. Si la société est un jeu de Meccano à construire et déconstruire, l’intellectuel en devient le grand architecte, d’où sa propension à adopter les idéologies les plus constructivistes, à haïr la société telle qu’elle est et à s’éloigner du sens commun.

On sort de ce livre brillant un peu découragé. Si ni la culture ni l’intelligence ne nous préservent de l’erreur, et pire, si elles nous y prédisposent, à quoi bon lire, fréquenter les chefs-d’œuvre du passé et nourrir son âme ? Il semble que les philosophes ne sortent de la caverne que pour mieux y enchaîner leurs semblables. Fitoussi insiste sur « l’humilité » à laquelle devrait nous pousser la compréhension des biais de l’intelligence, mais aussi sur la nécessité de préserver la liberté d’expression, qui permet de mettre les idées en concurrence et de corriger les erreurs. « Personne ne méprise autant la crétinerie d’hier que le crétin d’aujourd’hui », écrivait Nicolás Gómez Dávila. Ce livre nous invite à nous méfier des doxas du présent qui seront les hérésies de demain.

Pourquoi les intellectuels se trompent
par Samuel Fitoussi,
paru le 9 avril 2025,
aux éditions de l'Observatoire,à Paris,
272 pp.,
ISBN-13: 979-1032933886

Voir aussi

Autres citations de l'aphoriste colombien Nicolás Gómez Dávila :


« L'instruction ne guérit pas la bêtise, elle lui donne des armes. »

 « “Social” est l'adjectif qui sert de prétexte à toutes les escroqueries. »

« L’homme d’aujourd’hui est libre, comme le voyageur perdu dans le désert. » 


jeudi 13 février 2025

Les conservateurs du Canada anglais sont en panne de sens et leur logiciel idéologique tourne à vide

Le chef conservateur est compétent en économie, reconnaît l’historien Éric Bédard, mais Pierre Poilièvre doit encore définir ce qu’est le Canada, selon lui, et ce qui le distingue de son voisin. Texte paru dans La Presse de Montréal. Éric Bédard est historien et professeur à l’Université TELUQ. Il a récemment fait paraître Figures marquantes de notre histoire. Volume II : Lutter (VLB)

En temps normal, la politique se confond avec l’administration : améliorer les services rendus à la population, équilibrer les budgets, lancer des projets économiques structurants. De bons managers font l’affaire.

Mais en temps de crise, ces gestionnaires sont bien démunis. Car pour traverser des temps difficiles, il faut des politiques capables de mobiliser des affects et des mythes, proposer un récit qui donne un sens fort à l’aventure collective, dessiner des horizons inspirants.

En temps de crise, il faut s’élever au-dessus de la partisanerie et passer de la politique à la métapolitique. Jusqu’à maintenant, Pierre Poilièvre a complètement raté ce passage.

Il n’est cependant pas le seul responsable.

Depuis leur virage « continentaliste » des années 1980 et leur adhésion enthousiaste au libre-échange avec les États-Unis, les conservateurs sont en panne de sens et leur logiciel idéologique tourne à vide.

Longtemps, les conservateurs ont été les porteurs d’un nationalisme qui se définissait par la négative. Être Canadien, c’était refuser le modèle américain, c’est-à-dire un type de société qui se fondait sur une rupture avec l’ancien monde européen, une foi illimitée dans le progrès, un égalitarisme et un individualisme qui pouvait mener au désordre et à la guerre civile.

Héritage britannique

Être conservateur canadien, c’était être fidèle à l’héritage britannique, à ce monde d’avant l’âge d’un progrès débridé, technique, déshumanisant, des tares qu’incarnait la grande république américaine et qu’avaient rejeté les loyalistes à la fin du XVIIIe siècle. Jusqu’aux années 1960, le conservatisme canadien est un antiaméricanisme.

En 1962, John Diefenbaker est le seul dirigeant politique occidental à exiger une enquête indépendante durant la crise des missiles de Cuba. L’année suivante, il déclenche des élections précipitées parce qu’il refuse que le Canada accueille des missiles américains à tête nucléaire. Lors du débat sur l’unifolié, Diefenbaker, redevenu chef de l’opposition, affiche son patriotisme en se drapant dans le Red Ensign – l’ancien drapeau où les armoiries canadiennes côtoyaient la croix britannique.

L’ancien premier ministre du Canada, John Diefenbaker, en 1957

Dans Lament for a Nation, un essai crépusculaire publié en 1965, le philosophe conservateur George Grant pressentait la fin de ce Canada attaché à son passé et à ses traditions.

À ses yeux, la complaisance et la complicité coupable des élites canadiennes à l’endroit du géant américain annihilaient ce qu’il restait d’original dans l’identité canadienne, ou la vidaient de sa substance.

À la même époque, l’antiaméricanisme canadien passe à gauche. La jeunesse rejette la guerre du Viêtnam, le complexe militaro-industriel et les valeurs capitalistes des grandes corporations américaines. Pour cette gauche, ce qui distingue désormais le Canada des États-Unis, ce sont ses programmes sociaux beaucoup plus généreux, notamment son système de santé universel et gratuit, et une plus grande tolérance pour la diversité qu’incarnerait cette doctrine du multiculturalisme conceptualisée par des penseurs en vogue et inscrite dans la Loi constitutionnelle de 1982.

[Le Premier Ministre conservateur de 1984 à 1993] Brian Mulroney avait de belles qualités, mais il ne croyait pas beaucoup à la force des idées et à la contribution des intellectuels. Ce qu’il allait proposer aux Canadiens, c’était moins un nouveau programme idéologique qu’une simple alternance partisane. Car sur le fond, il souscrivait aux grands principes de la refondation de 1982 et ne proposait que des amendements mineurs (ex. : Accord du lac Meech). Le conservatisme canadien n’est devenu qu’économique et fiscal.

Un besoin d’élévation

Lorsqu’on écoute certaines entrevues de fond de Pierre Poilièvre, on constate vite ses compétences en économie et sa volonté sincère d’accroître le niveau de vie des Canadiens. Mais lorsqu’il doit réagir à la crise existentielle provoquée par les décisions erratiques du président Trump, il est incapable de mettre de côté la partisanerie et de montrer un peu d’élévation.

Au micro de Jordan Peterson pendant deux heures, il conclut son entretien de fond en répétant qu’il rêve d’améliorer le pouvoir d’achat du Canadien moyen. Dans sa réaction aux menaces de Donald Trump, il rappelle que les libéraux, avec leurs dépenses incontrôlées, ont brisé la « promesse canadienne » de prospérer et d’aspirer à une ascension sociale.

Ces objectifs sont certes nobles, mais Pierre Poilièvre devra nous expliquer : en quoi ils se distinguent de l’« American Dream » ?

Si le Canada des conservateurs n’est qu’une déclinaison du rêve américain, pourquoi ne pas accepter la proposition de Donald Trump de devenir le 51e État des États-Unis ?

Sinon, qu’est-ce que le Canada au juste, et quel serait son destin, son ambition, sa « vocation » selon lui ?

Pour répondre à ces questions, Pierre Poilièvre devra rouvrir ses livres d’histoire, laisser tomber un moment la partisanerie et passer de la politique à la métapolitique, c’est-à-dire à des considérations plus élevées sur le sens qu’il faut parfois donner, dans des circonstances hors de l’ordinaire, à une aventure collective. A-t-il les ressorts qu’il faut pour y arriver ?

jeudi 23 janvier 2025

« En Belgique, la RTBF censure Trump mais invite les islamistes »

La chaîne publique belge a décidé de ne pas diffuser en direct le discours d’investiture du président américain, se défendant a posteriori de toute censure. Ce choix révèle la persistance du «cordon sanitaire» en Wallonie, déplore le sénateur honoraire belge Alain Destexhe dans les colonnes du Figaro.

Alain Destexhe est chercheur au Gatestone Institute, un laboratoire de réflexion conservateur américain, sénateur honoraire belge et ex-président de l’International Crisis Group.

Une femme voilée devant une affiche publicitaire de la RTBF moquant Donald Trump, à Bruxelles, en 2016.

Les Français ont parfois l’occasion de découvrir la désolation du paysage médiatique belge francophone. Sur CNews, Pascal Praud s’est ainsi récemment moqué de la RTBF, la chaîne publique belge. Seule au monde, celle-ci avait diffusé le discours inaugural de Donald Trump avec un «léger décalage pour prendre le temps de l’analyse» car, selon la jeune directrice éditoriale adjointe, Trump avait «tenu des propos racistes, d’extrême droite, xénophobes et d’incitation à la haine» . Cette annonce, faite sur un ton empreint d’évidence et de bonne conscience, fut suivie sans aucun humour par la précision qu’il «n’était pas question de censure» !

En réalité, la censure est bel et bien pratiquée par les médias francophones belges, qui s’arrogent ce droit dès qu’il s’agit de combattre ce qu’ils désignent comme «l’extrême droite» – un concept flou et jamais défini. Ce terme semble englober toute critique de l’immigration massive, de l’islam, du droit à l’avortement, du réchauffement climatique, ou encore tout soutien à Donald Trump. Récemment, le journal Le Soir titrait tout en nuances : «Trump : premier criminel à la Maison-Blanche» . Cette censure n’a aucun fondement juridique et elle est anticonstitutionnelle. Le cordon sanitaire est né en 1989 après une victoire électorale du Vlaams Blok (devenu Vlaams Belang), un parti nationaliste flamand proche du Rassemblement national. Depuis, il est strictement appliqué du côté francophone du pays, où les médias invisibilisent tout ce qui est, selon eux, un peu trop marqué à droite.

Alors qu’en Flandre, comme dans les pays voisins (France, Allemagne, Pays-Bas), les partis nationalistes progressent partout, en Wallonie, le parti Chez Nous, qui avait bénéficié de la venue de Jordan Bardella lors de son lancement – sans aucune couverture médiatique, cela va de soi – n’a obtenu aucun siège aux élections européennes et législatives de l’année dernière. Une preuve s’il en fallait que les médias traditionnels [de grand chemin] jouent encore un rôle déterminant dans le formatage de l’opinion publique.

Dans un contexte d’absence de pluralisme, ces médias combattent vaillamment un fascisme imaginaire, tandis que l’islamisation de Bruxelles et d’autres villes wallonnes progresse à un rythme inquiétant, sans susciter leur alarme. Récemment, deux écoles d’Anderlecht ont refusé de participer à une commémoration de la Shoah. Aux dernières élections, un nouveau parti islamiste, Team Fouad Ahidar, a obtenu des élus au Parlement bruxellois et dans plusieurs communes. Par sa présence, ce parti, qui déconseille le divorce aux femmes, a déclenché une surenchère entre les partis de gauche pour séduire l’électorat musulman sur des thèmes tels que Gaza, le port du voile ou l’abattage rituel.

En 2024, en plein cœur de l’Europe, des meetings politiques se sont tenus où les femmes étaient séparées des hommes par un rideau ! Mais ni cette islamisation visible de tous, ni la percée d’un parti d’extrême gauche comme le PTB [Parti des travailleurs], qui se revendique ouvertement du communisme, n’émeuvent les médias. Les représentants du parti islamiste, tout comme ceux du PTB, sont même régulièrement invités sur les plateaux. En réalité, ce cordon sanitaire et cette censure sont indispensables pour maintenir l’hégémonie culturelle et politique de la gauche belge francophone, qui s’effrite partout ailleurs. Aux dernières élections de juin 2024, c’est le Mouvement réformateur (MR) de Georges-Louis Bouchez qui est arrivé en tête en Wallonie, mettant fin à 70 ans de domination socialiste.

Bien que située au cœur de la prospérité de l’Europe, la Wallonie reste une région pauvre, avec un bilan économique, éducatif et social désastreux, quels que soient les indicateurs utilisés. Pour masquer cet échec, la gauche doit se montrer à l’avant-garde de la lutte contre une extrême droite fantasmée, ce qui lui permet, à bon compte, d’affirmer sa supériorité morale. Dans cette perspective, une connivence tacite existe entre les médias belges, tous marqués à gauche, et les partis de gauche. Si le cordon sanitaire venait à tomber, ces derniers seraient les premiers à en subir les conséquences électorales, comme on l’a vu partout ailleurs en Europe.

Le maintien de la censure n’est donc pas seulement une question démocratique, mais un enjeu vital pour ceux qui n’ont aucun intérêt à remettre en cause ce système confortable. Ainsi, de micro-événements sans réelle signification politique sont montés en épingle pour alimenter ce fantasme. En France, le passage d’un obscur militant du RN à LR passerait inaperçu. Mais en Belgique, le ralliement d’un membre de Chez Nous, suivi par une centaine de personnes sur 𝕏, au Mouvement réformateur, a fait la une des médias pendant plusieurs jours, dans une tentative manifeste de déstabiliser Georges-Louis Bouchez. Dans le cadre très contraint de la «démocratie» belge, le jeune leader du MR tente courageusement de briser le monopole de la gauche dans les médias, les associations et le système éducatif. À Bruxelles, Liège, Namur ou Charleroi, en attendant le Prophète, nous sommes toujours en 1936 : No pasaran !

Voir aussi
 
 

jeudi 14 novembre 2024

Les législateurs russes cherchent à interdire la « propagande zéro enfant », aides aux familles aux États-Unis

Selon une proposition de loi, des amendes allant de 4 100 à 51 000 dollars américains seraient infligées aux personnes et aux entreprises qui prônent l'absence volontaire de descendance.

Les législateurs russes ont entamé le processus consistant à rendre illégale la « propagande » en faveur de « famille » sans enfant, afin de relancer le taux de natalité du pays, qui n'a jamais été aussi bas depuis 25 ans.


Un projet de loi visant à résoudre ce problème a été adopté à l'unanimité en première lecture à la mi-octobre avec 388 voix à la Douma russe, la chambre basse du Parlement, après avoir été présenté en septembre. La mesure devra encore faire l'objet de deux votes supplémentaires à la Douma et être approuvée par le Sénat russe avant d'arriver sur le bureau du président Vladimir Poutine.

Le projet de loi prévoit notamment des amendes allant de 4 100 à 51 000 dollars pour les personnes et les entreprises qui prônent le refus d'enfanter. Pour ce faire, il ajoute l'expression « sans enfant » à d'autres formes d'idéologie interdites dans le pays, notamment la pédophilie, la propagande LGBT et la propagande en faveur du changement de sexe. Viatcheslav Volodine, président de la Douma russe, a salué cette mesure qui permet de lutter contre l'endoctrinement woke.

« Il est important de protéger les gens, en particulier la jeune génération, de l'idéologie du refus d'avoir des enfants véhiculée par l'internet, les médias, les films et la publicité », a-t-il déclaré sur Telegram.

D'autres législateurs ont déclaré que les efforts de promotion d'un mode de vie sans enfant étaient « destructeurs “ et que les familles russes auraient enfin ” la liberté de choisir sans être soumises à la pression des médias » une fois le projet de loi adopté.

La promotion d'un mode de vie sans enfant est devenue à la mode aux États-Unis l'année dernière, lorsque des vidéos de « DINKS » sont devenues virales sur TikTok. DINKs est un acronyme qui signifie « Double Income ; No Kids » (deux revenus, pas d'enfants).

À l'époque, des dizaines de jeunes couples homme-femme, blancs pour la plupart, s'enregistraient en regardant la caméra et racontaient aux spectateurs les prétendus avantages de leur relation sans enfant.

Un couple déclarait que l'un des avantages de ne pas avoir d'enfant était de pouvoir « aller au Costco » pour acheter « tous les snacks » qu'ils voulaient quand ils le voulaient. D'autres se sont vantés de dépenser leur revenu disponible en café haut de gamme et en sorties de golf. Une vidéo a été visionnée plus de six millions de fois.

La tendance DINK a également été critiquée par le propriétaire de X, Elon Musk, un partisan déclaré des familles nombreuses.

« Ceux qui n'ont délibérément pas d'enfants font preuve d'une terrible moralité : ils exigent en fait que les enfants des autres s'occupent d'eux pendant leurs vieux jours. C'est n'importe quoi », a-t-il écrit sur X.

Au printemps dernier, Harrison Butker, double vainqueur du Super Bowl, a également encouragé les jeunes à avoir des enfants lors de son discours de remise des diplômes au Benedictine College, dans le Kansas.

« Je peux proposer un antidote controversé qui, je pense, aura un impact durable sur les générations à venir : se marier et fonder une famille », a-t-il déclaré. « En fin de compte, peu importe l'argent que vous gagnez, tout cela n'aura aucune importance si vous êtes seul et dépourvu de but.»

Les remarques de M. Butker étaient particulièrement opportunes compte tenu des tendances démographiques en Occident. Le Federalist a constaté que seule la moitié des ménages américains sont composés de couples mariés et que la majorité d'entre eux n'ont pas d'enfants. En 2018, plus d'un tiers des Américains âgés de 25 à 50 ans n'ont jamais été mariés. En outre, près d'un adulte sur cinq âgé de 55 à 64 ans était sans enfant en 2018.

Pour aider les familles qui font l'école à la maison, le président élu Donald Trump s'est récemment engagé à exonérer d'impôts jusqu'à 10 000 dollars par an et par enfant pour les dépenses liées à leur éducation.

Trump avait ajouté : « Je veillerai également à ce que chaque famille scolarisée à domicile puisse bénéficier de tous les avantages offerts aux élèves non scolarisés, notamment la participation à des programmes sportifs, à des clubs, à des activités extrascolaires, à des voyages éducatifs, et bien d'autres choses encore. »

Le 19 août, M. Poutine a promulgué le visa « Valeurs partagées » qui permet aux étrangers en quête de « soutien humanitaire » de résider temporairement en Russie. Ce programme s'inscrit dans le cadre d'un vaste programme de « déménagement en Russie » destiné aux Occidentaux qui en ont assez de l'idéologie woke, féministe et anti-chrétienne.

À plusieurs reprises au cours des cinq dernières années, M. Poutine a dénoncé les « élites occidentales mondialistes » pour leur adhésion à l'idéologie LGBT, notamment en autorisant les homosexuels à adopter des enfants et à pratiquer des opérations de « changement de sexe », qui sont illégales en Russie. La propagande LGBT est également interdite en Russie, bien que l'avortement soit légal jusqu'à la 12e semaine de grossesse. Lors du Festival mondial de la jeunesse qui s'est tenu en Russie en mars, M. Poutine a fait remarquer que tout le monde est égal parce qu'il est né d'une « mère et d'un père [...] il y a toujours un parent mâle et un parent femelle ».

mardi 12 novembre 2024

Sciences Po Paris : les recruteurs s'alarment, car le diplôme se dévalorise


Le 27 rue Saint-Guillaume fait la une de l’actualité, pas toujours pour les meilleures raisons. Mais que pensent les recruteurs de cette situation ? Le diplôme de l’école ayant pour objectif de former l’élite de la République se dévalorise-t-il dans le secteur privé ? Les témoignages récoltés devraient interpeller la direction…

Temple de l’excellence ouvert à l’international et à tous les milieux sociaux pour les uns, école minée par les problèmes de gouvernance, le "wokisme" et l’ultragauche pour les autres. Il suffit de prononcer les mots "Sciences Po Paris" pour récolter des opinions tranchées, parfois décorrélées de la réalité. Mais que vaut vraiment le diplôme de cette grande école ?

Pour répondre à la question, Décideurs Magazine a interrogé six recruteurs dans divers secteurs embauchant souvent des élèves de Sciences Po Paris. S’exprimant officieusement, l’anonymat leur a été garanti. Point important, l’appel à témoins lancé dans le cadre de la rédaction de cet article était ouvert à tous les points de vue. "Vous pensez que l’établissement forme toujours l’élite ? Vous avez noté une baisse globale de niveau ? Vous avez arrêté de recruter dans cette école pour des raisons diverses et variées ?", demandait un message publié sur LinkedIn et X. Voici les réponses qui devraient intéresser la direction de l’école, les employeurs et les diplômés.

"Plus d’effet Waouh"

Thomas est à la tête d’une entreprise spécialisée dans le lobbying, les affaires publiques et la communication. Non diplômé de Sciences Po, il a longtemps eu un complexe face aux anciens élèves de cet établissement prestigieux : "Lorsque je suis entré dans la vie active il y a une vingtaine d’années, les collègues passés par Sciences Po Paris étaient au-dessus au niveau de la connaissance et de la réflexion. Logiquement, les CV de cette école étaient toujours en haut de la pile", se souvient le dirigeant. Désormais dans la peau du recruteur, il constate que les temps ont changé : "Maintenant, c’est moi l’employeur et j’affirme d’expérience que, chez les jeunes diplômés de ma branche, c’est devenu une formation parmi d’autres." Thomas se pensait isolé mais, en abordant le sujet avec ses pairs, il s’est rendu compte qu’il n’était pas le seul à observer une "dévalorisation du diplôme depuis cinq ans environ".

Un avis partagé par Herschel qui travaille pour un gros cabinet de recrutement collaborant avec de grands groupes dans des secteurs variés comme l’industrie, la distribution ou l’énergie. "J’interviens sur des postes très "Sciences Po" dans la communication institutionnelle ou la direction de cabinet." Le chasseur de têtes est catégorique : "Dans les grands groupes, il n’y a plus le même emballement qu’avant pour Sciences Po. Sur des postes de juniors, une bonne école de commerce prend pratiquement toujours le dessus dans la dernière ligne droite, ce qui est assez nouveau." Même son de cloche du côté de Françoise, elle aussi active dans la chasse de têtes : "Chez les jeunes diplômés, les faits me laissent penser que le sceau "Sciences Po" se démonétise." Un point attire son attention : "Les anciens élèves ne privilégient plus forcément leur école, comme s’ils ne la reconnaissaient plus, ce qui n’est pas le cas ailleurs."

Cette perte de prestige est également ressentie par Brice, qui dirige un syndicat professionnel après avoir occupé des fonctions de cadre sup dans des sociétés cotées au CAC 40. "Traditionnellement, Sciences Po c’était la certitude d’avoir des très bons. Aujourd’hui, ce n’est plus un gage de qualité. Évidemment, je ne vais pas exclure un jeune issu de cet établissement mais j’examine son dossier avec beaucoup de réserve." Voilà pour la vue d’ensemble. Mais qu’est-il reproché à ces diplômés censés incarner l’excellence ?

Dégradation des compétences de base

La réponse tient en peu de mots : Sciences Po n’incarnerait plus l’excellence à la française. Sur le savoir de base et les connaissances académiques, l’établissement fondé en 1872 par Émile Boutmy pour former les élites de la République ne remplirait plus sa mission. Détail révélateur, dans son processus de recrutement de juniors, Françoise a commencé à intégrer des tests de logique et d’orthographe. "Cela aurait été impensable il y a quelques années mais ça devient nécessaire. Et pour cause !" Elle n’en revient toujours pas, récemment une diplômée qui a passé cinq années sur les bancs de Sciences Po a rendu un texte avec six fautes grossières en une page. "Sans compter la syntaxe et le style", soupire la professionnelle du recrutement.

Brice, de son côté, s’appuie sur les dizaines d’entretiens effectués avec des diplômés depuis de nombreuses années pour constater "une chute énorme en matière de logique, de rigueur intellectuelle, de culture générale. Bref, nous sommes loin des humanités de naguère". Plus embêtant pour le monde de l’entreprise, "il existe une réelle méconnaissance du secteur privé et de l’économie de marché". Ce que constate également Thomas qui n’a pas peur d’affirmer que, dans le secteur de la communication et des affaires publiques, "un diplômé d’une école de commerce lambda n’a plus forcément à rougir face à un Sciences Po Paris".

Évidemment, un jeune diplômé n’est pas toujours 100 % adapté au monde du travail. Les compétences relationnelles s’apprennent sur le tas, toutefois cela suppose de l’agilité et de l’ouverture d’esprit. Traditionnellement, c’était un point fort de l’établissement.

Perte d’ADN

L’adage est connu des recruteurs mais aussi des élèves passés par Sciences Po. Un diplômé de cette prestigieuse école ne sait rien faire de concret. Il est toutefois capable en peu de temps d’exercer n’importe quelle profession intellectuelle à forte responsabilité. Les raisons ? Sa culture générale, son agilité intellectuelle, son ouverture d’esprit. En somme, il possède le fameux "ADN Sciences Po" si prisé dans le monde du travail.

Mais cet ADN n’est plus ce qu’il était. N’étant pas dans les salles de classe et les amphis, les recruteurs ne savent pas ce qui s’y passe exactement. Seule certitude, les jeunes élèves sont moins ouverts d’esprit, moins adaptables, plus dogmatiques. Et sur le marché du travail, c’est plutôt un handicap. Flora, recruteuse dans la tech, le constate au quotidien. Celle qui aimait faire appel à des salariés ou des prestataires issus de l’école passe désormais son tour après des expériences peu concluantes : "Le véritable atout était l’ouverture d’esprit, mais les profils sont désormais uniformes et dogmatiques. Ils sont de facto peu adaptés à un univers où il faut se remettre en question en permanence."

Une ligne partagée par Raphaëlle. "Si quelqu’un peut l’affirmer sans crainte de procès en dérive droitière ou Sciences Po bashing, c’est bien moi", glisse-t-elle. Diplômée de Sciences Po il y a quinze ans, elle a milité et continue à s’engager dans les associations féministes. Après des passages dans la pub et les relations presse, elle est aujourd’hui dircom d’une grande société. Le constat qu’elle porte sur son ancienne école est sévère : "Ce n’est absolument pas grave d’être politisé lorsque l’on sort de Sciences Po, c’est même sain. Mais la politisation me semble irrationnelle et à sens unique." À la suite de mauvaises expériences avec des stagiaires ou des profils fraîchement diplômés, elle pense avoir mis le doigt sur le cœur du problème : "Il n’y a plus d’habitude à débattre avec quelqu’un qui pense différemment du moule. L’émotivité l’emporte sur le cartésianisme et j’ai plusieurs fois eu l’impression d’avoir affaire à des enfants de 8 ans", se plaint-elle. Selon elle, ce type de profil est peu adapté au secteur privé où  "il est obligatoire d’être agile, constructif, à l’aise dans un monde complexe et divers".

Brice a lui aussi été confronté à ces vingtenaires qu’il qualifie de "clones conformistes". Raphaëlle et Brice s’accordent sur un point : tous les CV estampillés Sciences Po ne sont pas ainsi et il faut continuer à les recevoir, les former. Ce à quoi Thomas a renoncé. "Dans mon secteur, on doit se mettre dans la peau de l’autre. Les profils arrogants, moralisateurs et peu consensuels sont un handicap. Prendre des Sciences Po devient risqué et clivant. Je ne jette pas la pierre à certains de mes pairs qui ne souhaitent pas faire entrer le loup dans la bergerie."

Au Royaume des aveugles…


Si le tableau semble de prime abord peu idyllique, l’école présente encore certains atouts. Certes, le niveau baisse. Mais moins qu’ailleurs, estime Brice : "Les élèves de la rue Saint-Guillaume sont moins bons, c’est une certitude. Mais c’est principalement lié à la chute du niveau scolaire dans le secondaire que montre bien la dégradation de la France dans les classements Pisa." Selon lui, Sciences Po offre des "profils moins mauvais que la moyenne dans un pays qui s’idiocratise".

Françoise note qu’au moins 30 % des diplômés restent de "très haute volée", notamment en droit public et en finance. Pour sa part, Raphaëlle tient à dissiper un cliché : "Oui, Sciences Po s’est ouvert aux milieux modestes et à la diversité, mais mon expérience montre que ce ne sont pas ces profils qui sont les plus mauvais." Au contraire, elle y décèle une "niaque et une envie de réussir supérieure indéniable".

Pas d’effet 7 octobre… pour l’instant

Évidemment, impossible de parler de Sciences Po sans mettre sur la table la question des manifestations pro-Palestine des derniers mois. Les slogans "From the river to the sea" [scandés en anglais à Paris], le malaise des étudiants juifs, les manifestants en keffieh, les mains peinturlurées de rouge ont été médiatisés. Que ce soit pour condamner ou soutenir les manifestants, la classe politique a fait de l’entrée du 27 rue Saint-Guillaume "l'endroit où il faut être".

Quel est l’impact sur les employeurs ? "Je pense que ce qui se passe risque d’abîmer l’image de l’école auprès de nombreuses entreprises, mais pour le moment c’est de la supputation, personne n’a de chiffres pour l’affirmer", glisse Herschel.

Le pire est à venir ?

Si effet 7 octobre il y a, les conséquences ne sont pas actuellement mesurables. Reste un fait : les recruteurs sont plutôt pessimistes sur le devenir de Sciences Po et s’attendent au pire si aucune réforme de fond n’est engagée. Les étudiants qui ont intégré l’école sans passer le concours écrit traditionnel et les promos "Gaza" ne sont pas encore confrontés aux fourches caudines des entretiens d’embauche. Seront-ils à la hauteur ? Impossible de le prévoir.

En revanche, le fait de pénaliser les grands lycées parisiens dans les procédures d’admission, de s’en prendre aux supposés "sionistes", "fachos", "droitards", "réacs", génère une ambiance malsaine qui peut repousser de nombreux candidats et contribuer à uniformiser davantage une école qui faisait de sa diversité une richesse. Détail important : aucun professionnel interrogé n’inciterait ses enfants à intégrer les différents campus de l’école. "Avec mon nom de famille hébraïque, je ne postulerais plus", affirme même Raphaëlle. Visiblement, l’état-major de la rue Saint-Guillaume est conscient du problème. Son nouveau directeur Luis Vassy souhaite rétablir le concours écrit traditionnel et favoriser le pluralisme. Efficace ? Réponse dans quelques années.


Source : Décideurs Magazine

Voir aussi

 « Un CV Sciences Po, je ne le regarde même plus » : quand le monde des affaires prend ses distances avec l’école

 Très fort tropisme à gauche des étudiants de Sciences Po (Paris)

Anglo-saxonisation de Sciences Po, source de sa radicalisation gauchiste

Sciences Po a supprimé son concours d'entrée, plus personne n'en parle (2019)  

À l’instar des universités anglo-saxonnes, Sciences Po de Paris supprime les épreuves sur table (2021)

Sciences Po secouée par l’affaire Duhamel, Des étudiants veulent la démission du directeur de l’école Frédéric Mion. Il aurait eu vent des rumeurs d’inceste et de pédophilie homosexuelle visant le président de la Fondation nationale des sciences politiques.

En 2011, Sciences Po annonçait la suppression l'épreuve de culture générale. Richard Descoings, son directeur mort dans des circonstances sordides en avril 2012 aux États-Unis qu'il adulait, avait supprimé du concours d’entrée l’épreuve écrite de culture générale pour les titulaires d’une mention "Très Bien" au baccalauréat et instauré une procédure d’entrée "convention d’éducation prioritaire" [zone d'éducation prioritaire est un euphémisme pour banlieue immigrée] afin d'ouvrir «socialement» l’école.

Université — Liste de lecture anti-blanche de Sciences Po fait polémique

Eschyle interdit, Finkielkraut insulté: sectarisme à l’université

Baisse du niveau des examens d'entrée pour intégrer plus d'immigrés à Sciences Po de Paris

Baisse de niveau à Sciences Po, l'école recrute sur d’autres critères que ceux de l’excellence scolaire, dont l’engagement associatif