mercredi 31 décembre 2025

Fraudes massives au Minnesota : l’ampleur du scandale des garderies et l’effet catalyseur de l’enquête de Nick Shirley

Fin décembre 2025, le Minnesota se retrouve au centre d’un scandale de fraudes d’une ampleur exceptionnelle touchant plusieurs programmes sociaux majeurs, notamment les aides aux garderies, les thérapies pour l’autisme et les dispositifs d’aide alimentaire. Selon des procureurs fédéraux, le montant total des fonds publics potentiellement détournés depuis 2018 pourrait dépasser 9 milliards de dollars. Une part significative des structures mises en cause serait liée à des organisations gérées par des membres de la communauté somalienne, qui constitue la plus importante diaspora somalienne des États-Unis. 

L’enquête virale de Nick Shirley : un accélérateur décisif

Le 26 décembre 2025, le journaliste indépendant et vidéaste Nick Shirley publie une enquête de 42 minutes intitulée I Investigated Minnesota’s Billion Dollar Fraud Scandal. Réalisée avec l’aide d’un enquêteur local se présentant sous le pseudonyme de « David », la vidéo documente la visite d’une dizaine de garderies à Minneapolis et dans ses environs, officiellement enregistrées comme accueillant des dizaines d’enfants.

Les images montrent pourtant des établissements apparemment inactifs : portes closes, fenêtres obturées, absence totale d’enfants ou de personnel,
et signalétique parfois approximative, comme une enseigne affichant « Quality Learing [sic] Center ». Or, ces structures auraient perçu des sommes considérables via le Child Care Assistance Program (CCAP). Le seul Quality Learning Center aurait ainsi reçu environ 1,9 million de dollars en 2025, et jusqu’à 4 millions de dollars cumulés, malgré des indices manifestes d’inactivité.

Selon Shirley, une seule journée d’investigation aurait permis d’identifier plus de 110 millions de dollars de paiements jugés suspect.

La diffusion de la vidéo provoque une onde de choc immédiate : elle cumule, en quelques jours, plus de 129 millions de vues sur X et 1,6 million de vues sur YouTube (chiffres au 30 décembre 2025). Relayée par Elon Musk, JD Vance et plusieurs figures conservatrices de premier plan, elle précipite une réaction fédérale rapide.


Réactions fédérales et premières conséquences

À la suite de cette médiatisation, le Département fédéral de la Santé et des Services humains (HHS) annonce le gel immédiat de l’ensemble des paiements fédéraux aux garderies du Minnesota, jusqu’à la réalisation d’audits exhaustifs. Désormais, tout versement est conditionné à la production de justificatifs détaillés (factures, preuves photographiques, documents d’activité).

L’attorney générale (ministre de la Justice) Pam Bondi déclare que 98 personnes ont été inculpées dans l’ensemble des affaires de fraude liées aux programmes sociaux du Minnesota, dont 85 seraient d’origine somalienne, soit environ 87 % des mis en cause, et que plus de 60 condamnations ont déjà été prononcées. Elle évoque publiquement de nouvelles poursuites à venir. Parallèlement, le FBI et le Department of Homeland Security annoncent le déploiement d’agents supplémentaires pour mener des enquêtes qualifiées de « massives » sur les garderies et d’autres programmes sociaux.

Un système de fraudes installé dans la durée ?

Ces révélations s’inscrivent dans une succession de scandales antérieurs qui laissent entrevoir un phénomène de nature potentiellement structurelle :

  • Feeding Our Future : environ 250 millions de dollars détournés pendant la pandémie ; plus de 78 inculpés, majoritairement d’origine somalienne, et plus de 60 condamnations (pour les détails, voir l’encadré ci-dessous).
  • Programme EIDBI (thérapies pour l’autisme) : soupçons de facturation de services inexistants ; envolée des dépenses publiques dans ce domaine, atteignant 228 millions de dollars en 2024.
  • Aides au logement et autres programmes Medicaid : selon les procureurs, jusqu’à la moitié des 18 milliards de dollars alloués depuis 2018 pourrait avoir été frauduleusement siphonnée.

Un aveuglement des autorités locales ?

La question de la responsabilité politique et administrative constitue désormais un enjeu central. Plusieurs lanceurs d’alerte et rapports internes auraient, selon diverses sources, signalé des irrégularités dès la période 2013–2018, notamment dans les programmes liés aux garderies et aux organisations communautaires somaliennes, sans déclencher de réponse proportionnée.

Des responsables républicains accusent l’administration du gouverneur Tim Walz (ancien colistier de Kamala Harris lors de la campagne présidentielle de 2024) d’avoir minimisé ou ignoré ces alertes, par crainte d’accusations de racisme ou de stigmatisation d’une communauté immigrée électoralement sensible. Selon ces critiques, des flux financiers auraient continué malgré des soupçons documentés.

Un audit publié en 2024 pointe une « surveillance inadéquate » du Ministère de l’Éducation du Minnesota, qui aurait créé un terrain favorable à des abus à grande échelle. Tim Walz affirme pour sa part que son administration a renforcé les contrôles en 2025 et transmis plusieurs dossiers au FBI. Ses opposants soutiennent néanmoins que ces mesures seraient tardives et insuffisantes au regard de la durée et de l’ampleur des fraudes alléguées.

Certains observateurs évoquent une combinaison de laxisme bureaucratique, de prudence politique excessive et d’une priorisation de l’intégration communautaire au détriment de la rigueur budgétaire. D’autres rappellent que des enquêtes fédérales étaient déjà en cours avant la publication de la vidéo, tout en estimant que l’inaction locale aurait permis au phénomène de prospérer.

Réactions médiatiques et sur les réseaux sociaux

Fox News consacre une couverture intensive à l’affaire, qualifiant le Minnesota d’« épicentre national de la fraude aux programmes sociaux ». Sur 𝕏, les mots-dièse #MinnesotaFraud et #SomaliFraud connaissent une diffusion massive. Des personnalités comme JD Vance, Elon Musk ou Pam Bondi relaient l’évolution des enquêtes, tandis que les réactions oscillent entre indignation, appels à des mesures migratoires drastiques, et dénonciations d’une stigmatisation collective par des défenseurs des droits des immigrés.

Nick Shirley affirme, de son côté, recevoir des menaces ainsi que des tentatives de mise à prix liées à son travail d’investigation.

Ce scandale, largement révélé par le travail d’un journaliste indépendant, met en lumière les vulnérabilités profondes de programmes sociaux particulièrement généreux lorsqu’ils sont insuffisamment contrôlés. Il ravive un débat national sensible sur l’immigration, l’intégration, la gouvernance locale et la lutte contre la fraude aux fonds publics. Les enquêtes fédérales se poursuivent, avec la promesse affichée de récupérations financières substantielles et de sanctions exemplaires.

Le scandale Feeding Our Future : la plus vaste fraude pandémique liée à la nutrition infantile aux États-Unis ?

L’affaire Feeding Our Future (FOF) constituerait le plus important scandale de fraude lié aux programmes alimentaires mis en place pendant la pandémie de COVID-19 aux États-Unis. Cette organisation à but non lucratif, basée à Minneapolis, était officiellement chargée de distribuer des repas gratuits aux enfants défavorisés dans le cadre des Federal Child Nutrition Programs, financés par l’USDA et administrés localement par le Ministère de l’Éducation du Minnesota.

Afin de répondre à l’urgence sanitaire, les règles de fonctionnement de ces programmes ont été considérablement assouplies à partir de 2020 : distribution hors cadre scolaire, contrôles allégés, validation rapide des demandes de remboursement. Ces adaptations, conçues pour éviter les ruptures d’aide alimentaire, auraient en pratique ouvert la voie à une fraude d’ampleur industrielle.


Mécanisme de la fraude

Fondée par Aimee Bock, Feeding Our Future agissait comme commanditaire : l’organisation recrutait des sites de distribution (restaurants, associations, centres communautaires) et déposait auprès du Ministère de l’Éducation du Minnesota les demandes de remboursement pour les repas prétendument servis.

Selon les procureurs fédéraux, le système reposait sur plusieurs pratiques frauduleuses combinées :
  • création de centaines de sites fictifs ou largement inactifs ;
  • gonflement massif du nombre de repas déclarés, parfois plusieurs milliers par jour dans des lieux vides ou inexistants ;
  • production de fausses factures, de listes d’enfants inventées ou manifestement falsifiées (noms absurdes, listes dupliquées) ;
  • détournement des fonds fédéraux à des fins personnelles : immobilier de luxe aux États-Unis et à l’étranger (Kenya, Turquie), véhicules haut de gamme, voyages somptuaires, transferts via des sociétés-écrans.
En contrepartie, Feeding Our Future aurait perçu plus de 18 millions de dollars de frais administratifs illégitimes, ainsi que des commissions occultes et pots-de-vin versés par les sites commandités.

Le montant total des fonds détournés est estimé entre 250 et 300 millions de dollars, dont environ 60 millions seulement ont été récupérés à ce jour.

Chiffres judiciaires clés (fin 2025)
  • 78 personnes inculpées dans l’affaire FOF seule (dernier acte d’accusation en novembre 2025) ;
  • 57 à 60 condamnations, dont plus de 50 aveux de culpabilité et plusieurs condamnations après procès ;
  • Aimee Bock et son principal coaccusé, Salim Said, ont été reconnus coupables en mars 2025 ;
Environ 89 % des accusés sont d’origine somalienne, reflet du fait que la majorité des sites de distribution impliqués opéraient au sein de la communauté somalienne du Minnesota — la plus importante des États-Unis. La fondatrice, considérée comme l’architecte du système, n’est toutefois pas somalienne ;

Peines particulièrement lourdes : jusqu’à 28 ans de prison pour certains chefs de réseau.

Les enquêteurs ont également mis au jour des connexions avec d’autres fraudes, notamment des détournements au travers de logements communautaires réglementés (pour handicapés ou seniors) et divers programmes Medicaid.

Chronologie et extension du scandale

Des signaux d’alerte auraient été identifiés dès 2018–2019, mais l’explosion du phénomène coïncide avec les assouplissements liés à la pandémie en 2020–2021.

En 2022, le FBI lance une opération d’envergure et procède à une première vague d’inculpations. Les procédures s’intensifient ensuite en 2024–2025, marquées par des tentatives d’intimidation de témoins et de corruption de jurés.

Progressivement, l’affaire FOF apparaît comme le noyau visible d’un écosystème de fraudes plus large, touchant également les programmes d’autisme, de logement et de garderies. Les estimations globales de fraudes aux programmes sociaux au Minnesota dépasseraient désormais le milliard de dollars.