mercredi 27 novembre 2019

Italie — Nouveau nadir démographique

La natalité connaît une nouvelle baisse en 2018. En témoigne le dernier rapport de l’Institut de la statistique italien (Istat) qui passe les naissances de l’année dernière à la loupe, jusqu’aux prénoms les plus diffusés selon la communauté d’origine des parents.

Ce n’est plus une surprise, l’Italie est un pays qui vieillit. C’est encore le cas en 2018 selon le dernier rapport de l’Istat « Natalité et fécondité de la population résidente ».

L’Istat a dénombré 439 747 naissances l’année dernière, soit 18 000 de moins qu’en 2017 et près de 140 000 de moins qu’il y a 10 ans. Parmi elles, 1 enfant sur 5 est né de parents étrangers au nord du pays (Roumains et Marocains en tête).

La plupart des naissances concernent des fratries qui s’agrandissent. Le nombre de premières naissances au sein des familles se réduit en effet d’année en année. Elles étaient 204 883 en 2018, soit près de 80 000 en moins qu’en 2008.

Le nombre d’enfants par femme baisse lui aussi : les Italiennes en ont 1,29, contre 1,59 au Québec (1,5 pour les francophones au Québec) et 1,87 en France selon l’Insee.

L’allongement des études et les effets de la crise économique impactent également les naissances. Les femmes font leur premier enfant plus tard, à 31,8 ans en moyenne en 2018, soit trois ans de plus qu’en 1995.

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DÉMOGRAPHIQUES

Années 2008, 2010, 2012 et 2014-2018


2008
2010
2012
2014
2015
2016
2017
 2018
Total naissances
576 659
561 944
534 186
502 596
485 780
473 438
458 151
439 747
Premiers enfants
283 922
274 750
262 836
244 646
230 778
227 412
214 267
204 883
Nés d’au moins un parent étranger
96 442
104 773
107 339
104 056
100 766
100 363
99 211
96 578
Nés de parents étrangers
72 472
78 082
79 894
75 067
72 096
69 379
67. 933
65 444
Nés de couples italiens
480 217
457 171
426 847
398 540
385 014
373 075
358 940
343 169
Nés hors mariage
112 849
123 420
132 379
138 680
139 611
141 757
141 608
141 979
Nés hors mariage (%)
19,6
22,0
24,8
27,6
28,7
29,9
30,9
32,3
Taux de fécondité
1,45
1,46
1,42
1,37
1,35
1,34
1,32
1,29
Âge moyen des mères à l’accouchement 
31,1
31,3
31,4
31,5
31,7
31,8
31,9
32,0
Taux de fécondité des femmes italiennes
1,34
1,34
1,29
1,29
1,27
1,26
1,24
1,21
Âge moyen des Italiennes à l’accouchement
31,7
31,9
32,0
32,1
32,3
32,4
32,5
32,5
Taux de fécondité des étrangères
2,65
2,43
2,37
1,97
1,94
1,97
1,98
1,94
Âge moyen des étrangères à l’accouchement
27,5
28,1
28,4
28,6
28,7
28,7
28,9
29,0

Une naissance sur trois hors mariage

Dans un contexte de diminution des naissances, les naissances hors mariage augmentent de plus de 29 000 par rapport à 2008 pour atteindre 141 979 enfants nés de parents non mariés en 2018. Leur poids relatif ne cesse de croître (32,3 % en 2018).

La Toscane se distingue avec 40,8 % de naissances hors mariage, tandis que dans le Nord-Est, la proportion la plus élevée est enregistrée à Bolzano près de l’Autriche avec 46,5 % de naissances hors mariage (la valeur la plus élevée au niveau national). Dans l’Italie méridionale, seuls 25,8 % des naissances sont hors mariage, les pourcentages les plus faibles étant ceux de la Basilicate (20,7 %) et de la Calabre (21,1 %).

Le nombre de naissances hors mariage quand les deux parents sont italiens est de 34,7 %. Le taux de naissance hors mariage est plus élevé dans le cas des couples mixtes si le père est étranger (36,6 %) ; alors que quand la mère est étrangère, la proportion est plus faible (27,2 %). C’est lorsque les deux parents sont étrangers que le taux est le plus bas avec 16,8 % de naissances hors mariage.

La contribution des étrangers à la natalité diminue

De 2012 à 2018, le nombre de naissances dont au moins un parent est étranger a diminué pour se fixer à 96 578, soit 22 % du total des naissances. Il s’agit d’une diminution de près de 11 000 naissances sur cette période et d’une réduction de plus de 2 600 unités au cours de la seule année 2018. Cette baisse est presque exclusivement attribuable à ceux nés des deux parents étrangers : ils sont tombés sous la barre de 70 000 pour la première fois en 2016 (69 379). Ces naissances se situent en 2018 à 65 444 (14,9 % du total des naissances), soit une baisse de près de 2 500 par rapport à 2017.

Les étrangers résidents, qui ont jusqu’à présent partiellement comblé le « manque » de la population féminine que l’on peut voir dans la structure d’âge des femmes italiennes, sont à leur tour rentrés dans une phase de « vieillissement » : la part des étrangers de 35-49 ans parmi le nombre total de citoyens étrangers est passée de 42,7 % au 1er janvier 2008 à 52,7 % au 1er janvier 2019.

Cette transformation est une conséquence de la dynamique migratoire de la dernière décennie. Les grandes régularisations de 2002 ont donné lieu, dans les années 2003-2004, à l’octroi d’environ 650 000 permis de séjour, largement traduits par un « boom » des inscriptions dans le registre des étrangers (plus de 1,1 million au total), qui a doublé la migration nette par rapport aux deux années précédentes.

Les femmes sans enfants augmentent de génération en génération

Au niveau national, la proportion de femmes sans enfants augmente constamment d’une génération à l’autre. Pour celles nées en 1978, à la fin de leur cycle de reproduction, ce taux aura doublé (22,5 %) par rapport à ce taux pour les femmes nées en 1950 (11,1 %).

Roumains et Chinois choisissent souvent des prénoms italiens

Francesco perd sa place de prénom préféré des Italiens, qu’il s’arrogeait depuis 2001. Il descend à la deuxième marche du podium, juste derrière Leonardo, alors qu’Alessandro devient le 3e prénom le plus donné en Italie. Côté filles, les prénoms les plus diffusés en 2018 sont Sofia, Giulia et Aurora.

Les Italiens ne cherchent pas l’originalité à tout prix : les 30 prénoms les plus donnés couvrent quasiment 45 % de l’ensemble des prénoms attribués.

Les préférences des parents étrangers dans le choix des prénoms diffèrent selon la citoyenneté. La tendance à choisir un prénom italien pour leurs enfants est plus prononcée pour les communautés roumaine et chinoise. Ainsi, il est courant que les enfants roumains s’appellent Luca, Matteo ou Leonardo, mais aussi David et Gabriel ; les noms des filles roumaines sont Sofia, Sofia Maria, Emma, ​​Giulia et Maria.

Les enfants chinois s’appellent principalement Lonardo, Matteo, Leo et Andrea, mais aussi Kevin. Les noms des filles chinoises sont Emma, ​​Emily, Sofia, Gioia et Angela. Les enfants albanais inscrits au registre des naissances sont plus fréquemment appelés Aron, Noel et Liam, mais aussi Mattia et Matteo ; le prénom le plus courant chez les filles est Aurora, suivi d’Amelia, Emily, Emma et Noemi.

Un comportement opposé est observé chez les parents marocains, qui préfèrent pour leurs enfants des noms liés aux traditions de leur pays d’origine: notamment Amir, Adam, Rayan, Youssef et Imran et pour les enfants, Amira, Sara, Jannat, Nour et Malak pour les filles.


Économie — Éloge de l'inégalité : un livre qui commence bien puis tombe dans les clichés des années 80

Chronique d’Éric Zemmour sur le dernier ouvrage de Jean-Philippe Delsol, Éloge de l’inégalité, paru aux éditions Manitoba. 


Tout avait bien commencé. Le titre claquait comme une provocation stimulante. L’éloge de l’inégalité s’avouait en clin d’œil à l’éloge de la folie d’Érasme. Dès les premières pages, Jean-Philippe Delsol nuançait finement son approche : « L’égalité et l’inégalité peuvent toutes deux être bonnes ou perverses (…) C’est le dévoiement de l’égalité qui oblige à faire l’éloge de l’inégalité avec la mesure qui y sied. » Il s’attaquait avec une audace tranquille aux totems et tabous égalitaristes d’aujourd’hui, droits animaux, transhumanisme, conformisme, transparence ; il osait même déconstruire habilement la religion de notre époque, l’égalité entre hommes et femmes. Il démolissait avec une jubilation contagieuse les équations absconses et fausses de Piketty. Les références historiques s’accumulaient avec élégance, on passait de la Grèce antique aux Lumières. Sans oublier la phrase de Chateaubriand rituellement citée : « Les Français vont instinctivement au pouvoir ; ils n’aiment point la liberté ; l’égalité seule est leur idole. Or, l’égalité et le despotisme ont des liaisons secrètes. »

Et puis, tout s’est détraqué peu à peu. L’avocat fiscaliste a percé sous l’érudit ; et l’Europe (l’auteur est le président d’un réseau pensant européen) a submergé la France. Delsol opposait Voltaire et Rousseau, 1789 et 1793, dans un manichéisme libéral daté, sans voir que l’égalité rousseauiste ne va pas sans un patriotisme exigeant, et que la Terreur est présente dès le 14 juillet 1789. Notre auteur ne peut s’empêcher de dénoncer l’égalité française, sous-produit de l’envie et de la jalousie, et d’exalter la liberté américaine, qui admire la réussite — ce qui expliquerait les destins divergents de nos deux Révolutions — alors qu’Hannah Arendt a reconnu elle-même que l’égalitarisme farouche de Robespierre et des siens venait de leur découverte de la misère des masses de l’époque, tandis que les élites américaines dirigeaient un immense pays de cocagne, où tous pouvaient prospérer, à l’exception des esclaves noirs dont ils ne se souciaient guère. Et quand elles s’en sont enfin souciées, cela a donné une guerre terrible…

On croit lire les ouvrages des années 1980 de Cohen-Tanugi qui nous vantaient le modèle inégalitaire américain, régenté par l’État de droit, bien supérieur à notre État colbertiste et niveleur. Sauf que depuis lors, des décennies ont passé et on a vu. Delsol ne peut plus nous vanter les mérites du « ruissellement » des riches vers les pauvres et pourtant il le fait ! Il ne peut plus faire l’éloge du libre-échange comme seule condition de la croissance économique. On a envie de lui rappeler que la Grande-Bretagne au XVIIIe siècle, l’Allemagne et les États-Unis au XIXe siècle, la France à la fin de ce même XIXe, jusqu’au Japon dans les années 1950 et la Chine au début du XXIe siècle, se sont développés parce qu’elles se protégeaient à l’abri de droits de douane élevés. Notre auteur s’empêtre alors dans un tissu inextricable de contradictions : il vante la « common decency » d’Orwell (mode de vie décent et digne des gens modestes) tout en nous disant le plus grand bien du « ruissellement ». Il cite longuement la belle tirade de Péguy sur le travail bien fait des ouvriers de l’ancien temps, que la révolution industrielle a tué, tout en exaltant celle-ci. Il nous ressert la légende des inventeurs de la Silicon Valley, au fond de leur garage, en oubliant que, selon le bon mot cité souvent à Washington, leur garage était installé sur le porte-avions de l’armée américaine. Il ose même prétendre que la condition des ouvriers dans les usines du XIXe siècle était meilleure que celle des paysans à la même époque. En visite à Londres, en 1820, Stendhal notait pourtant : « Le travail exorbitant et accablant de l’ouvrier anglais nous venge de Waterloo et de quatre coalitions. » [Financées par l’Angleterre pour mener la guerre à la France à l’époque napoléonienne pour « maintenir l’équilibre européen », comprendre empêcher l’apparition d’un rival continental à l’Angleterre.] Pour Delsol, c’est la redistribution sociale d’après-guerre qui a fini par tuer la croissance dans les pays européens, alors que c’est le système de sécurité sociale qui est une des causes de la croissance des Trente glorieuses ; et que les travaux du Prix Nobel d’économie, Maurice Allais, ont démontré que c’est l’ouverture excessive de nos économies, à partir des années 1970, qui avait causé la baisse de la croissance et la montée du chômage.

D’ailleurs, au détour d’une phrase, notre auteur reconnaît à demi-mot que « la mondialisation a entraîné la stagnation des salaires des non-qualifiés aux États-Unis et le chômage en France » et que « les trop grandes inégalités peuvent générer des incompréhensions immenses et dangereuses ».

Mais tout à sa dénonciation légitime de l’égalitarisme, Delsol ne voit pas que c’est son cher marché mondialisé qui éradique les différences et nous transforme en ces consommateurs sans racines qu’il déteste ; que c’est son « État de droit » tant respecté qui, transformé depuis bien longtemps en gouvernement des juges par une gauche habile, impose la société diversitaire et féministe qu’il dénonce. Il en est resté au monde tocquevillien qui craint la dictature des majorités et organise le respect des minorités, sans voir que nous vivons aujourd’hui sous la tyrannie des minorités.

Sa conclusion est séduisante et même touchante : Delsol nous dit qu’au-delà d’une légitime égalité des chances, l’égalité doit se réfugier sous l’aile bienfaisante et protectrice de l’amour : « L’amour donne et son don n’est pas mépris, il égalise sans heurter celui qui reçoit ; il fait communier, être ensemble, celui qui donne et celui qui reçoit, ce qui est peut-être le summum de l’égalité ». Les lecteurs du Figaro qui me font l’honneur de suivre régulièrement cette chronique se souviennent sans doute du livre Éros Capital de François De Smet (éd. Climats), qui décrivait avec une grande finesse ce qu’il appelait « l’échange économico-sexuel ». Dans cet ouvrage iconoclaste, notre auteur raillait un Occident qui avait imposé le règne de l’argent et de l’inégalité dans tous les domaines et qui, par compensation, avait forgé le mythe de l’amour pur de tout rapport de force et de tout intérêt, alors que les autres civilisations n’ignoraient nullement, elles, que ce mythe occidental était nul et non avenu. Faire pour l’amour, l’éloge de l’inégalité, voilà ce qui aurait été vraiment audacieux !

Un éloge de l’inégalité iconoclaste et audacieux. Dommage qu’il tourne vite à un éloge du libéralisme plus traditionnel, voire contre-productif.


ÉLOGE DE L’INÉGALITÉ
de Jean-Philippe Delsol,
aux éditions Manitoba,
206 pp.,
19,50 €.

Suisse — Enfants privés de chants religieux à l'école

Afin de ne pas froisser les autres communautés religieuses, la direction d’un établissement scolaire a décidé d’effacer des chants de Noël de son répertoire.

À l’approche du spectacle de fin d’année, que les élèves présenteront à leurs familles le 20 décembre prochain, la direction d’une école primaire de Wil (canton de Saint-Gall) a pris une décision qui a étonné ses enseignants. Ces derniers ont été informés il y a quelques jours que trois chants de l’Avent ne seraient plus présentés « par respect pour les autres cultures et religions. »


Les textes supprimés, célébrant la naissance du petit Jésus, se trouvent dans le livre de chants officiels des écoles du canton de Saint-Gall : « Go Tell It on the Mountain » [Va le dire sur la montagne], « Fröhliche Weihnacht überall » [Joyeux Noël partout] et « S’gröschte Gschänk » [Le plus grand cadeau].
 

Des pères échaudés

Selon un F.*, un enseignant souhaitant garder l’anonymat, cette décision intervient après plusieurs incidents ayant eu lieu les années précédentes. Il y a deux ans, un père s’était levé pendant le concert, se plaignant du choix des chansons. Selon lui, les textes s’adressaient davantage aux chrétiens qu’aux musulmans. Un autre spectateur, de confession non musulmane, avait également perturbé le concert de l’année dernière pour évoquer le même « problème ». « Cette décision a été probablement prise, car un nouveau directeur vient d’être nommé. Il souhaite sûrement commencer sa carrière d’un bon pied », continue F*.


« Un programme davantage équilibré »

Le responsable de l’éducation de la ville, Tobias Mattes, a également validé cette décision. « Nous planifions la fête en équipe. Il y a aussi beaucoup de discussions sur la façon dont nous pouvons tous nous impliquer. Le programme devrait davantage être équilibré ».

Incompréhension du côté d’organisations islamiques

Contacté par 20 Minuten, Farhad Afshar, président de la Coordination des organisations islamiques de Suisse, encourage les écoles à ne rien changer à leurs habitudes : « De notre point de vue, il est très regrettable que dans un pays chrétien, il n’y ait plus de chants de cette confession. »

Selon lui, la décision de la direction de l’école témoigne de l’ignorance de l’Islam, car dans de nombreux pays à majorité musulmane, les magasins sont décorés avec des trucs de Noël afin de satisfaire leurs clients chrétiens.