Les paroles apaisantes du nouvel homme fort de Syrie, Ahmed al-Chaara, ne suffisent pas à rassurer. Sans sécurité, les communautés chrétiennes seront tentées plus que jamais par l’exode. Un texte par Benjamin Blanchard, directeur général de SOS Chrétiens d’Orient.
Au début de l’été, j’étais en Syrie. C’était ma première visite dans ce pays depuis la révolution qui a vu, en décembre 2024, la victoire et l’arrivée au pouvoir de djihadistes. Je suis arrivé quelques jours après l’attentat de l’église Saint-Élie de Damas. Le dimanche 22 juin dernier, souvenons-nous, un djihadiste a fait sauter sa ceinture d’explosifs en pleine messe, laissant derrière lui 25 morts, plus de 60 blessés et une église largement endommagée.
Syrie — Au moins 20 morts dans un attentat contre une église grecque-orthodoxe
Pour les chrétiens de Syrie, ce lâche attentat est particulièrement douloureux et inquiétant. Jamais, même au plus fort de la guerre, ils n’avaient connu un tel drame. Dans son sermon à l’occasion des funérailles des victimes, le patriarche d’Antioche des Grecs orthodoxes, Jean X, n’a pas manqué de le rappeler. Il a surtout vivement demandé « la sécurité et la paix » pour tous les Syriens et, parmi eux, pour les chrétiens. Parce que sans sécurité, ces derniers ne pourront faire face aux multiples groupes djihadistes qui pullulent dans le pays, sèment la terreur et cherchent à les faire partir de Syrie. « Les Alaouites à la mer, les chrétiens à Beyrouth », clamait-on déjà dans les manifestations il y a presque quinze ans.
Les paroles apaisantes du nouvel homme fort de Syrie, Ahmed al-Chaara, ne suffiront pas à rassurer. Sans sécurité, à Damas, à Alep ou Homs, au sein des communautés chrétiennes, largement affaiblies par l’émigration, la tentation de l’exil se posera plus que jamais. Et derrière elle, celle de la disparition définitive des chrétiens d’Orient…
Mon propos semble excessif ? Il ne l’est pas. D’un point de vue purement arithmétique, le constat est déjà plus qu’alarmant : les chrétiens d’Orient sont de moins en moins nombreux sur les terres qui ont vu naître le christianisme.
Trois exemples. En Syrie, avant la guerre, les chrétiens étaient 1,5 million. Ils ne sont plus qu’entre 400000 et 700 000… En Irak, on compte aujourd’hui entre 150 000 et 180 000 chrétiens, installés principalement dans la région autonome du Kurdistan irakien. Ils étaient 1,2 million il y a vingt-cinq ans. Enfin, au Liban, s’il n’existe pas de chiffres fiables, force est de constater que le poids démographique des chrétiens s’érode un peu plus chaque année. La pauvreté, les guerres, les persécutions sont passées par là, avec comme conséquence, notamment, l’exil, l’arrachement à la terre natale pour de nombreuses familles. L’histoire montre d’ailleurs que ce n’est pas la première fois que les chrétiens de ces contrées orientales sont forcés au départ définitif. Ainsi, à partir de 1915, des centaines de milliers d’Arméniens fuient leurs génocidaires turcs et fondent une puissante diaspora partout dans le monde. Plus récemment, il y a seulement deux ans, l’Artsakh a été vidé, en quelques jours, de toute sa population chrétienne.
Aujourd’hui comme hier, la question de l’avenir des populations chrétiennes en Orient se pose. C’est pour cela que SOS Chrétiens d’Orient réunit, à Paris, le 11 octobre prochain, spécialistes, universitaires, diplomates, religieux mais aussi hommes et femmes de terrain, autour de la question suivante : l’exil des chrétiens d’Orient est-il une fatalité ?
Il s’agira de répondre, par des rappels historiques, des analyses géopolitiques, des témoignages, des exemples de chrétiens ayant fait le choix du retour dans leur pays d’origine, à cette question existentielle des chrétientés orientales.