Parmi les nombreux défis que les nouveaux dirigeants chinois seront appelés à relever quand ils rentreront en fonction à la mi-novembre, il en est un qui consistera à octroyer aux migrants chinois et à leurs familles les mêmes droits que les citadins. Récemment à Pékin, la simple évocation que les enfants des ruraux ou des migrants d’autres villes puissent passer les examens des universités de la capitale a déclenché un débat féroce et de vifs échanges publics entre groupes rivaux.
Le cœur du problème réside dans la carte de séjour (ou le livret de famille) appelé hukou (户口 prononcé houkoou).
Le gouvernement chinois a mis en place, à la fin des années 1950, un système très restrictif pour contrôler les flux migratoires. Initialement, ce permis de résidence interdisait à toute personne née dans une ville de travailler et de vivre dans une autre, à moins d'obtenir un nouveau hukou, avalisant le changement de résidence. Seul le hukou urbain permet de vivre et de travailler en ville, d'y scolariser son enfant et d'y bénéficier d'une assurance médicale ou d'indemnités de licenciement. Aujourd'hui, malgré des assouplissements, l'obtention d'un permis de résidence urbain reste très difficile. Les grandes villes maintiennent en effet un dispositif discriminatoire à l'encontre des travailleurs migrants, les mingong, qu'elles ne souhaitent pas voir s'installer à leur périphérie. Un moyen pour les villes de contrôler la très forte poussée migratoire que le boom économique provoque.
Pékin a une forte population immigrée, elle abrite également de nombreuses écoles et universités publiques prestigieuses. La ville ne désire pas en faciliter l’accès aux gens dépourvus de la carte de séjour pour Pékin. Même les écoles privées destinées aux enfants de migrants ruraux sont systématiquement rasées par les autorités de la ville. Une sorte d'apartheid est à l'œuvre.
Déjà, en 2008, Lingling, élève de dernière année au cégep (terminale en France) à Pékin, avait tenté de se suicider par empoisonnement. Excellente élève, mais sans papier de résidence pékinois du fait d’une complexe situation familiale, elle ne pouvait s’inscrire au fameux gaokao, le baccalauréat chinois qui conditionne l’entrée à l’université. Lingling était une des nombreuses victimes du système du hukou, le carnet de famille stipulant, le lieu de résidence de tout citoyen chinois. Ce document administratif est un outil de contrôle des flux migratoires : nul n’est supposé habiter ailleurs que le lieu dicté par son hukou. Ce système fait des 200 millions de migrants internes à la Chine, des citoyens de seconde zone ; l’accès aux logements sociaux, école, santé, transports, supposent le bon hukou. Il divise les citoyens chinois en urbains et ruraux : en avoir ou pas.
Même s'ils sont nés dans la capitale, les enfants hérite du hukou d'une ou l'autre de leurs parents. Pour les enfants nés de «gens d’ailleurs», les « horsains », comme on nomme les gens dépourvus du hukou de Pékin, il est devenu quasiment impossible de passer les examens d’entrée aux universités pékinois, car ils doivent passer ceux-ci dans la région indiquée dans le hukou de leurs parents.
Peu importe s’il s’agit d’un lointain patelin que ces enfants n’ont jamais visité ou qu’ils n’y connaissent personne. Pire, le programme des examens d’entrée varie d'un endroit à l'autre. Les enfants doivent donc généralement quitter la maison et s’inscrire dans les écoles secondaires années où ils finiront par passer l'examen d’entrée à l’université. Ceux qui quittent Pékin pour passer l’examen d’entrée universitaire (le gaokao) ont peu de chance de pouvoir fréquenter une université dans la capitale, puisque les universités pékinoises allouent un nombre disproportionné de places aux titulaires de hukou de Pékin.
Les autorités ont fait allusion à des changements prochains. En août 2012, le gouvernement central a demandé aux administrations locales de produire des «plans concrets» d'ici la fin de l'année pour permettre aux étudiants de se présenter au gaokao de leur lieu de résidence plutôt que celui indiqué sur leur hukou. Toutefois, leurs parents sont sceptiques, car la directive demande aux gouvernements locaux de trouver des moyens pour empêcher toute migration liée au gaokao : c’est-à-dire empêcher tout déménagement dans une nouvelle ville afin d’améliorer ses chances d'entrer dans les universités de cette nouvelle ville. La directive sous-entend que les villes peuvent continuer de discriminer envers les étudiants horsains qui souhaitent passer l'examen d’entrée. Elles peuvent exiger une preuve d'emploi de leurs parents, de leurs paiements d'impôts et de leurs contributions à une mutuelle locale. De nombreux migrants ne disposent pas de tels documents. « Cela ne devrait pas dépendre de ce que les parents peuvent prouver», dit une mère en colère, qui, avec plusieurs dizaines de parents outrés s’est rendue à la commission de l'éducation de Pékin afin de manifester en faveur d’exigences moins strictes.
Voir aussi
Émeute des travailleurs migrants
La Chine reconsidère l’« apartheid » paysan (BBC en anglais)
Le cœur du problème réside dans la carte de séjour (ou le livret de famille) appelé hukou (户口 prononcé houkoou).
Le gouvernement chinois a mis en place, à la fin des années 1950, un système très restrictif pour contrôler les flux migratoires. Initialement, ce permis de résidence interdisait à toute personne née dans une ville de travailler et de vivre dans une autre, à moins d'obtenir un nouveau hukou, avalisant le changement de résidence. Seul le hukou urbain permet de vivre et de travailler en ville, d'y scolariser son enfant et d'y bénéficier d'une assurance médicale ou d'indemnités de licenciement. Aujourd'hui, malgré des assouplissements, l'obtention d'un permis de résidence urbain reste très difficile. Les grandes villes maintiennent en effet un dispositif discriminatoire à l'encontre des travailleurs migrants, les mingong, qu'elles ne souhaitent pas voir s'installer à leur périphérie. Un moyen pour les villes de contrôler la très forte poussée migratoire que le boom économique provoque.
Pékin a une forte population immigrée, elle abrite également de nombreuses écoles et universités publiques prestigieuses. La ville ne désire pas en faciliter l’accès aux gens dépourvus de la carte de séjour pour Pékin. Même les écoles privées destinées aux enfants de migrants ruraux sont systématiquement rasées par les autorités de la ville. Une sorte d'apartheid est à l'œuvre.
Déjà, en 2008, Lingling, élève de dernière année au cégep (terminale en France) à Pékin, avait tenté de se suicider par empoisonnement. Excellente élève, mais sans papier de résidence pékinois du fait d’une complexe situation familiale, elle ne pouvait s’inscrire au fameux gaokao, le baccalauréat chinois qui conditionne l’entrée à l’université. Lingling était une des nombreuses victimes du système du hukou, le carnet de famille stipulant, le lieu de résidence de tout citoyen chinois. Ce document administratif est un outil de contrôle des flux migratoires : nul n’est supposé habiter ailleurs que le lieu dicté par son hukou. Ce système fait des 200 millions de migrants internes à la Chine, des citoyens de seconde zone ; l’accès aux logements sociaux, école, santé, transports, supposent le bon hukou. Il divise les citoyens chinois en urbains et ruraux : en avoir ou pas.
Même s'ils sont nés dans la capitale, les enfants hérite du hukou d'une ou l'autre de leurs parents. Pour les enfants nés de «gens d’ailleurs», les « horsains », comme on nomme les gens dépourvus du hukou de Pékin, il est devenu quasiment impossible de passer les examens d’entrée aux universités pékinois, car ils doivent passer ceux-ci dans la région indiquée dans le hukou de leurs parents.
Peu importe s’il s’agit d’un lointain patelin que ces enfants n’ont jamais visité ou qu’ils n’y connaissent personne. Pire, le programme des examens d’entrée varie d'un endroit à l'autre. Les enfants doivent donc généralement quitter la maison et s’inscrire dans les écoles secondaires années où ils finiront par passer l'examen d’entrée à l’université. Ceux qui quittent Pékin pour passer l’examen d’entrée universitaire (le gaokao) ont peu de chance de pouvoir fréquenter une université dans la capitale, puisque les universités pékinoises allouent un nombre disproportionné de places aux titulaires de hukou de Pékin.
Les autorités ont fait allusion à des changements prochains. En août 2012, le gouvernement central a demandé aux administrations locales de produire des «plans concrets» d'ici la fin de l'année pour permettre aux étudiants de se présenter au gaokao de leur lieu de résidence plutôt que celui indiqué sur leur hukou. Toutefois, leurs parents sont sceptiques, car la directive demande aux gouvernements locaux de trouver des moyens pour empêcher toute migration liée au gaokao : c’est-à-dire empêcher tout déménagement dans une nouvelle ville afin d’améliorer ses chances d'entrer dans les universités de cette nouvelle ville. La directive sous-entend que les villes peuvent continuer de discriminer envers les étudiants horsains qui souhaitent passer l'examen d’entrée. Elles peuvent exiger une preuve d'emploi de leurs parents, de leurs paiements d'impôts et de leurs contributions à une mutuelle locale. De nombreux migrants ne disposent pas de tels documents. « Cela ne devrait pas dépendre de ce que les parents peuvent prouver», dit une mère en colère, qui, avec plusieurs dizaines de parents outrés s’est rendue à la commission de l'éducation de Pékin afin de manifester en faveur d’exigences moins strictes.
Voir aussi
Émeute des travailleurs migrants
La Chine reconsidère l’« apartheid » paysan (BBC en anglais)
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