mardi 25 décembre 2018

Pause des fêtes de Noël et de l'an nouveau




Le carnet Pour une école libre au Québec prend quelques jours de congé pour fêter dignement en famille les fêtes de Noël et de nouvel an.

Nous souhaitons à nos lecteurs, de plus en plus nombreux, les meilleurs vœux pour 2019 !

Militia est vita hominis super terram



lundi 24 décembre 2018

« Des coraux plus résistants à la chaleur » ou des études précédentes peu fiables et alarmistes ?

Selon une dépêche de l’AFP, les espèces de la Grande barrière de corail qui ont survécu au blanchissement dû à l’augmentation de la température de l’eau sont plus résistantes face aux nouveaux épisodes de réchauffement l’année suivante, ont indiqué mardi des scientifiques voyant « le bon côté des choses » pour cet écosystème en danger. La Grande barrière de corail, ensemble de récifs de 2300 km situé au nord-est de l’Australie et classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, avait été frappée par deux vagues consécutives de blanchissement, en 2016 et 2017.

Sous la pression de facteurs environnementaux inhabituels, comme le réchauffement de l’eau, les coraux stressés expulsent les petites algues avec lesquelles ils ont une relation symbiotique, qui leur donnent couleur et énergie.

Le blanchissement est un phénomène de dépérissement qui est réversible, puisque les coraux touchés peuvent ensuite retrouver leur couleur si la température de l’eau baisse et que les algues expulsées s’y implantent de nouveau.

En 2016 et 2017, des bandes entières de corail ont été endommagées ou sont mortes durant une vague d’événements climatiques sans précédent, en particulier parmi les ramifications en forme de plateaux qui sont les plus sensibles à la chaleur.

Mais une récente étude publiée dans la revue scientifique britannique Nature Climate Change a montré que la réponse du récif avait varié entre les deux années.

« Nous étions stupéfaits de trouver moins de blanchissement en 2017, alors que les températures étaient encore plus hautes que l’année précédente », a expliqué le professeur Terry Hughes de l’Université James Cook (Australie), qui a dirigé l’étude.

La partie nord de la barrière, qui avait le plus souffert en 2016, a « beaucoup moins » blanchi en 2017, bien que certains récifs aient été soumis à des niveaux de stress thermique similaires les deux étés.

Dans les zones centrales du récif, les scientifiques ont observé les mêmes niveaux de blanchissement en 2016 et 2017, alors même que la zone a été plus exposée à la chaleur en 2017.

En outre, les coraux de la zone sud — la moins touchée de la Grande barrière —, qui avaient souffert d’un blanchissement minime la première année, n’ont fait état d’aucun blanchissement la seconde.

« Cela nous a surpris, parce que si les coraux de la zone sud s’étaient comportés de la même façon la deuxième année que la première, 20 à 30 % d’entre eux auraient dû blanchir et ça n’a pas été le cas », a expliqué Terry Hughes à l’AFP.

« Il semblerait donc que la trace des expériences subies la première année a renforcé les coraux de façon à les acclimater à de plus fortes chaleurs la deuxième année... C’est en quelque sorte le bon côté des choses. »

Selon le professeur Hughes, il est encore trop tôt pour dire si le plus grand récif corallien du monde sera frappé début 2019 par une nouvelle vague de blanchissement, après le printemps caniculaire qui a touché le Queensland, un État australien qui borde la Grande Barrière.

Des études plus anciennes ont montré que les récifs coralliens risquent l’extinction à l’échelle mondiale si la température à la surface de la Terre augmente de deux degrés Celsius par rapport aux niveaux de l’ère préindustrielle.

Les récifs coralliens constituent moins de 1 % de l’environnement marin sur la Terre, mais sont reconnus comme l’habitat naturel d’environ 25 % de la vie marine, jouant le rôle de berceau pour de nombreuses espèces de poissons.

Le cas de Peter Ridd également de l’université James Cook

Article du 29 mai 2017 du Télégraph de Londres :
la Grande barrière de Corail ne peut plus être sauvée
Quand l’océanographe biologiste Peter Ridd a soupçonné que quelque chose clochait avec des photographies utilisées pour souligner le déclin rapide de la Grande Barrière de Corail, il a fait ce que tout bon scientifique devrait faire : il a envoyé une équipe sur place vérifier les faits.


Après avoir tenté d’alerter le public sur ce que son équipe avait trouvé — des coraux en bonne santé —, le professeur Ridd a été censuré par l’Université James Cook, elle l’a menacé de limogeage s’il parlait encore de ce sujet, puis l’a finalement licencié pour « manquement à la discipline collégiale ». (Il a intenté un procès contre son université lequel devrait commencé en février 2019)

Ainsi donc, après une enquête de l'université, le professeur Ridd — un ardent défenseur du renommé du Laboratoire de géophysique marine de la JCU en faveur d'une assurance de la qualité des recherches sur le corail — a été reconnu coupable « de ne pas avoir agi de manière collégiale et dans l’esprit universitaire de l’institution ».

Son crime était d’avoir mis en doute les dires de deux des plus grandes institutions reliées aux récifs australiens, le Centre d’excellence pour les études coralliennes et l’Autorité du parc marin de la grande barrière de corail et de leur avoir signalé les photographies qu’ils avaient publiées et qui prétendaient illustrer la mort à long terme du récif pouvaient être trompeuses et erronées... Les photographies ont été prises près de Stone Island, près de Bowen. Une photographie prise à la fin du 19e siècle montrait des coraux sains. Une photo en vis-à-vis censée représenter le même récif en 1994 le montrait nu et dépourvu de corail. Le professeur Ridd a expliqué qu’on ne pouvait qu’estimer, à un ou deux kilomètres près, l’endroit où la photo originale avait été prise, mais qu’il n’était pas inhabituel de trouver un récif de corail en excellente santé à endroit, alors qu’il n’y avait aucun corail à un kilomètre de là. C’était ce que ses chercheurs avaient ramené de leurs observations. Il n’était pas non plus possible de dire ce qui avait tué le corail dans la photo de 1994.

Pourtant, dès 2016, une étude des récifs au nord du Queensland a révélé une augmentation de la quantité de coraux en dépit du récent blanchissement survenu dans la grande barrière de corail. Des scientifiques de l’Institut australien des sciences de la mer (AIMS) ont examiné 12 récifs au large de la côte de Townsville, entre le nord de Hinchinbrook et le cap Bowling Green. L’AIMS a découvert que 11 récifs avaient continué de se rétablir depuis leur destruction par le cyclone Yasi en 2011. Les scientifiques ont également découvert que la couverture corallienne de sept récifs était à son plus haut niveau depuis leur étude, il y a 30 ans...

Plus d'un milliard de subventions par an à l’œuvre. Radio-Canada en 2016 dans son rôle écocatastrophiste habituel.

Il n’est pas étonnant que Peter Ridd se demande si l’on n’assiste pas simplement de la part de l’université James Cook et de Terry Hugues à un lent rétropédalage... Nous proposons la traduction d’un billet qu’il a publié sur cette nouvelle étude :

Les nouvelles alarmistes au sujet de la Grande Barrière de corail ont commencé dans les années 1960, lorsque les scientifiques ont commencé à travailler sur le récif. Depuis, ils ne cessent de crier au loup.

Des scientifiques de l’Université James Cook viennent de publier un article sur le blanchiment et la mort des coraux sur la Grande Barrière de Corail (GBC). Ils ont été surpris de constater que le taux de mortalité était inférieur à leurs attentes en raison de la capacité d’adaptation des coraux aux changements de température. On dirait plutôt qu’ils ont exagéré leurs revendications initiales et qu’ils rétropédalent tranquillement. En paraphrasant Oscar Wilde, exagérer une fois est de la malchance, le faire deux fois ressemble à de la négligence, mais le faire à plusieurs reprises ressemble à un manque de fiabilité systémique impardonnable de la part de certaines de nos principales organisations scientifiques.

Il est bien connu que les coraux peuvent s’adapter très rapidement aux températures élevées et que si vous les chauffez une année, ils ont tendance à être moins susceptibles de surchauffer les années suivantes. C’est la raison pour laquelle les coraux sont l’une des espèces les moins susceptibles d’être touchées par le changement climatique, que vous croyiez ou non que le climat change en raison de fluctuations naturelles ou d’influences humaines.

Les coraux ont une façon unique de gérer les changements de température en modifiant les plantes microscopiques qui y vivent. Ces plantes microscopiques appelées zooxanthelles transforment par photosynthèse le rayonnement du soleil en énergie et la fournissent au corail en échange d’une maison confortable à l’intérieur du corail. Mais quand l’eau devient chaude, ces petites plantes deviennent effectivement des poisons pour le corail et le corail rejette ces plantes, le corail blanchit alors. Mais la plupart du temps, le corail se remettra du blanchissement. Grâce à une astuce : ils prennent de nouvelles zooxanthelles, qui flottent dans l’eau tout à fait naturellement, et peuvent sélectionner différentes espèces de zooxanthelles pour qu’elles soient mieux adaptées au temps chaud. La plupart des autres organismes doivent modifier leur constitution génétique pour faire face aux changements de température, ce qui peut prendre plusieurs générations. Mais les coraux peuvent le faire en quelques semaines en changeant simplement les plantes qu’ils hébergent. Les coraux ont appris une chose ou deux en quelques centaines de millions d’années d’évolution.

Le problème ici est que les scientifiques ont complètement induit en erreur le monde sur les effets du blanchiment et ont rarement mentionné la reprise spectaculaire qui se produit. Par exemple, l’événement de blanchiment de 2016 aurait tué 95 %, 50 % ou 30 % du récif, selon les titres de presse ou le scientifique alarmiste sur lequel vous tombez. Mais les scientifiques ne se sont penchés que sur les coraux d’eaux très peu profondes - moins de 2 mètres sous la surface, ce qui ne représente qu’une petite fraction de tous les coraux, mais de loin les plus susceptibles à réchauffer sous le soleil tropical. Une étude récente a révélé que le corail d’eau profonde (jusqu’à plus de 40 m) subissait beaucoup moins de blanchissement qu’escompté. J’estime que moins de 8 % des coraux de la GBC sont morts. Cela peut encore sembler beaucoup, mais étant donné qu’il y a eu une augmentation de 250 % des coraux entre 2011 et 2016 pour l’ensemble de la zone sud de la GBC, une diminution de 8 % n’est pas inquiétante. Le corail se rétablit rapidement.

Mais ce n’est là que la pointe de l’iceberg alarmiste. Certains scientifiques très éminents affirment qu’aucun blanchiment n’a jamais eu lieu avant les années 1980 et qu’il s’agit d’un phénomène entièrement artificiel. C’est une proposition tout simplement ridicule. Une étude récente sur des coraux vieux de 400 ans a révélé que le blanchissement avait toujours eu lieu et qu’il n’était pas plus courant maintenant que par le passé. Les scientifiques ont également affirmé qu’il y avait eu une réduction de 15 % du taux de croissance des coraux. Cependant, certains de mes collègues et moi-même avons démontré que leur travail était entaché d’erreurs graves et qu’il y avait eu une légère augmentation du taux de croissance des coraux au cours des 100 dernières années. C’est ce à quoi on pourrait s’attendre dans un climat qui se réchauffe doucement. Les coraux croissent deux fois plus vite dans les eaux plus chaudes de la Papouasie–Nouvelle-Guinée et du nord de la GBC que dans le sud de la GBC. Je pourrais aligner nombre d’autres exemples de ce type.

Ce manque de fiabilité de la science est désormais un scandale largement accepté dans de nombreux autres domaines d’étude et porte désormais un nom. « La crise de la réplication ». Lorsqu’on effectue des contrôles pour reproduire ou confirmer les résultats scientifiques, on constate régulièrement que près de la moitié présente des défauts. C’est une situation incroyable et scandaleuse et je ne suis pas le seul à le dire, des rédacteurs d’éminents journaux et de nombreuses institutions scientifiques s’en scandalisent aussi. On déploie actuellement de considérables efforts pour résoudre ce problème, en particulier dans les sciences biomédicales où, pour la première fois, on a reconnu publiquement l’existence de ce problème.

Mais pas pour la recherche qui porte sur la GBC. Les institutions scientifiques nient l’existence d’un problème et ne corrigent pas leurs recherches erronées. Lorsque Piers Larcombe et moi avons écrit un article dans une revue scientifique suggérant qu’il fallait mieux vérifier la recherche entourant la GBC, de nombreux scientifiques très éminents ont répondu qu’il n’en était rien et que cela n’était pas nécessaire. Tout était pour le mieux. Je ne suis pas sûr s’il s’agit là d’un optimisme béat et aveugle ou d’une négligence volontaire, mais pourquoi quelqu’un s’opposerait-il à ce qu’on vérifie plus les résultats ? Cela ne coûterait que quelques millions de dollars, une infime fraction de ce que les gouvernements dépenseront pour le récif.

Mais la vérité finira par percer. Les histoires alarmistes concernant la Grande barrière de corail (GBC) ont commencé dans les années 1960, lorsque les scientifiques ont débuté leurs travaux sur le récif. Depuis, ils ne cessent de crier au loup. Mais les données continuent à arriver et, oui, parfois, beaucoup de coraux meurent de manière spectaculaire au son de la fanfare funèbre des médias. C’est comme un feu de brousse sur le continent, c’est terrible au premier abord, mais la brousse se régénère rapidement, sans fanfare, prête pour l’incendie suivant que les scientifiques expliqueront à nouveau dans des termes apocalyptiques.

Dr Peter Ridd
Jusqu’à son licenciement cette année, le Dr Ridd était physicien au laboratoire de géophysique marine de l’Université James Cook.


Voir aussi

Comment la science se trompe.... Dans The Economist du 26 octobre, un dossier sur l’évolution du système mondial de recherche scientifique : « How science goes wrong ». On y apprend notamment qu’un nombre important et croissant de publications souffrent de biais statistiques ou défauts méthodologiques qui devraient inciter à la prudence sur les conclusions, quand il ne s’agit pas d’erreurs pures et simples.

Danemark — chanson traditionnelle sur une « fille blonde » interdite car prof d’origine étrangère se dit offensée

Une chanson traditionnelle a récemment suscité la controverse. Une enseignante de l’École de commerce de Copenhague (CBS) s’est dite offensée par les paroles d’une chanson interprétée lors d’une réunion universitaire. Elle a dit se sentir « exclue » par la chanson. L’enseignante est qualifiée de « brune » par le Kristeligt Dagblad et d’« une ethnie autre que danoise » par le diffuseur étatique DR.

Le titre de la chanson est « Den danske sang er en ung blond pige » (« La chanson danoise est une jeune fille blonde ») — une chanson évoquant la beauté et l’âme du Danemark et des Danois. La chanson est un classique du Recueil de chansons du collège (Højskolesangbogens).

L’école de commerce s’est rapidement excusée, a fait savoir que ce classique ne serait plus chanté dans l’établissement et a remercié l’enseignante pour sa vigilance.




Premier quatre vers de la chanson.

La chanson danoise est une jeune fille blonde
Elle fredonne en marchant dans la maison de la nation,

Là où les hêtres écoutent la musique des ondes,
Enfant du royaume bleu marin, chargée d’émotions.




Le Premier ministre Lars Løkke Rasmussen a fait part de son incrédulité au sujet de cette affaire : « Je suis conciliant et je ne juge pas quelqu’un en fonction de sa couleur de peau ou de sa religion, mais il ne peut tout simplement pas être admis que nous ne puissions plus chanter des chansons traditionnelles dans cet établissement universitaire », écrit Rasmussen sur Facebook (réaction reproduite ci-dessus).



Chœur de jeunes filles danoises chantant Dejlig er den himmel blå (Beau est le ciel bleu)



dimanche 23 décembre 2018

L'informatique peut améliorer l'enseignement dans certains pays pauvres

Tusome — « Lisons », en souahéli — est un énorme programme financé par l’USAID, l’Agence gouvernementale des États-Unis pour le développement international, à hauteur de 74 millions de dollars sur cinq ans.

Il a été adopté par le gouvernement kényan et est utilisé par 3,4 millions d’enfants dans 23 000 écoles primaires et 1 500 écoles privées. Un de ses éléments est un programme scolaire basé sur la méthode phonétique (largement utilisé dans les écoles des pays développés). Vingt-trois millions de livres ont été distribués, ainsi que des plans de cours détaillés pour faciliter la vie des enseignants.

Les coûts liés à ce programme sont bas — environ 4 dollars par enfant et par an — et les résultats sont impressionnants. Au cours de la première année d’exploitation de Tusome, la proportion d’élèves de 2e année capables de lire 30 mots à la minute est passée d’environ un tiers à deux tiers. Notons, toutefois, que selon les normes des pays riches, ces niveaux sont médiocres : les jeunes écoliers américains doivent savoir lire 60 mots à la minute au début de la 2e année et 90 mots par minute à la fin. Même en tenant compte de la difficulté d’utiliser une deuxième langue (une langue européenne comme le français, le portugais ou l’anglais en Afrique), l’écart entre les pays riches et les pays pauvres, dès le début de leur scolarité, est ahurissant.

L’objectif n° 2 du millénaire pour le développement de l’ONU visait à ce que tous les enfants, garçons et filles, partout dans le monde, puissent bénéficier d’ici 2015 d’un cycle complet d’études primaires. Grâce à ces objectifs, presque tous les enfants du monde ont droit à une éducation primaire complète.

Mais dans beaucoup de ces écoles, les enfants n’apprennent presque rien. Des recherches effectuées par la Banque mondiale dans sept pays d’Afrique subsaharienne, par exemple, ont montré la faiblesse des acquis scolaires dans la région : trois quarts des élèves de deuxième année évalués sur leurs compétences en calcul dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne étaient incapables de compter au-delà de 80 et 40 % ne parvenaient pas à effectuer une addition simple à un chiffre. En lecture, entre 50 et 80 % des élèves de deuxième année ne pouvaient pas répondre à une seule question tirée d’un court passage lu et un grand nombre étaient incapables de lire le moindre mot. La moitié des élèves de 4e année ne peuvent pas lire un mot simple ; près des trois quarts ne peuvent pas lire tous les mots dans une phrase simple ; 12 % ne peuvent pas reconnaître les chiffres ; 24 % ne peuvent pas ajouter des chiffres uniques ; et 70 % ne peuvent pas soustraire les doubles chiffres. Ce problème ne se limite pas qu’à l’Afrique. Une étude récente réalisée en Inde montre que 38 % des enfants de 3e année dans les écoles publiques ne peuvent pas lire des mots simples et que 27 % seulement peuvent effectuer une soustraction à deux chiffres.

Le gros problème, ce sont les enseignants : souvent trop peu nombreux, trop ignorants ou tout simplement absents.

Des visites inopinées de la Banque mondiale dans des classes de sept pays d’Afrique subsaharienne ont révélé que dans près de la moitié d’entre eux, l’enseignant était absent.

Beaucoup d’enseignants qui se présentent sont étonnamment sous-qualifiés. Au Bihar, dans le nord de l’Inde, par exemple, seuls 11 % des enseignants des écoles publiques pourraient résoudre un problème de division à trois chiffres par un chiffre et indiquer les étapes à suivre pour le résoudre.

Payer davantage les enseignants n’est pas de nature à améliorer la situation. Comme le montrent les recherches de Justin Sandefur du Center for Global Development, les enseignants des pays pauvres ont tendance à être remarquablement bien payés, selon les normes locales (voir graphique ci-dessus).

Et des preuves provenant de pays aussi divers que l’Indonésie et le Pakistan suggèrent que les niveaux de rémunération des enseignants ont peu d’impact sur l’apprentissage.

Idéalement, les gouvernements devraient investir dans une formation appropriée des enseignants, leur donner de l’avancer ou les licencier en fonction de leurs performances. Mais la première de ces ambitions requiert une volonté politique absente dans de nombreux pays en développement et une planification qui dépasse le court terme qui constitue l’horizon de nombreux gouvernements élus. Le second est souvent irréaliste du point de vue politique : les syndicats d’enseignants peuvent être extrêmement puissants pour diverses raisons, notamment le fait que les bureaux de vote se trouvent souvent dans des écoles et sont gérés par des enseignants. C’est, notamment, ce qui explique la faiblesse de l’enseignement en Afrique du Sud depuis l’apartheid malgré des dépenses très importantes dans ce domaine : les syndicats d’enseignants y ont réussi à embaucher de très nombreux enseignants sous-qualifiés à la fin de l’Apartheid et se sont toujours opposés à leur licenciement. [Voir Afrique du Sud — Les enseignants en colère, Nouveau scandale dans le système éducatif d’Afrique du Sud, pour Nadine Gordimer l’éducation est « un désastre » et Curiosité du jour : augmenter de 25 % les notes de tous les finissants sud-africains ?]

L’informatique ne remplace pas des enseignants qualifiés et motivés, mais, utilisée à bon escient, elle peut atténuer les problèmes. Cette précision est importante. En 2006, Nicholas Negroponte, fondateur du MIT Media Lab, a lancé l’initiative Un ordinateur portable par enfant (OLPC) visant à mettre les ordinateurs entre les mains des enfants pauvres du monde. Il avait alors déclaré : « Nous allons prendre ces tablettes et littéralement les larguer par hélicoptères. » Elles ne furent pas larguées ; mais même lorsque les ordinateurs portables bon marché ont été livrés (par la route) aux écoles des pays pauvres, ils n’ont pas améliorer pas les niveaux d’apprentissage. En Uruguay, par exemple, 1 million de ces tablettes a été distribué, mais ces ordinateurs n’ont eu aucune incidence sur les résultats aux examens scolaires.

Le cas d’OLPC illustre ce que Michael Trucano, spécialiste en technologies de l’information à la Banque mondiale, considère comme une loi fondamentale des interventions technologiques : « Si vous larguez du matériel informatique dans les écoles et vous vouez attendez à de la magie, il n’en sera rien. » Mais il pense également que « les solutions qui réussissent sont ceux qui échouent, tirent les leçons de l’échec et apportent des améliorations sur la base de ce qui a été appris. »

Des études récentes suggèrent que certains endroits ont enfin réussi — et que l’informatique est la plus utile dans les pays pauvres. Une étude des initiatives informatiques en éducation dans le monde entier réalisée par George Bulman et Robert Fairlie de l’Université de Californie à Santa Cruz, publiée par le National Bureau of Economic Research de l’Amérique, un groupe de réflexion, a révélé que les preuves d’effets positifs semblent être les plus fortes dans les pays en développement ». Ils ont suggéré que cela pourrait être dû au fait que « ces programmes informatiques remplacent une instruction médiocre dans ces pays ».

L’informatique peut aider à résoudre nombre des problèmes auxquels sont confrontés les systèmes éducatifs des pays en développement. Prenez l’absentéisme des enseignants. Les données enregistrées par le tutoriel Tusome sur sa tablette, combinées aux données GPS, indiquent au directeur régional de l’éducation si l’enseignant et le formateur étaient sur place. Certaines régions ignorent ces données ; certains l’utilisent pour demander des comptes aux enseignants. (Les enseignants n'ont pas été licenciés — leur syndicat est trop puissant — mais certains formateurs l’ont été.)

La technologie peut également aider les enseignants à gérer un large éventail de capacités dans une classe. En Inde, par exemple, plus de la moitié des élèves de 5e année ne savent pas lire au niveau 2. Les enfants qui n’apprennent jamais à lire correctement sont condamnés économiquement. Mindspark, un logiciel interactif mis au point en Inde, a permis de faire une grande différence parmi les enfants choisis au hasard dans les écoles publiques de Delhi. Il adapte le niveau de difficulté des leçons au niveau initial des écoliers. Les enfants les plus faibles en ont bénéficié le plus. Si un logiciel peut aider à empêcher les enfants de décrocher, c’est un gain énorme.

La technologie peut également alléger le fardeau d’enseignants surchargés. Un logiciel interactif produit par Onebillion, un groupe britannique à but non lucratif, a été testé au Malawi, où la classe moyenne du primaire compte 76 élèves. Andrew Ashe, cofondateur de Onebillion, a déclaré avoir assisté à une classe de 250 élèves... Pour le lancement du logiciel, les enfants ont quitté leur classe surpeuplée et placés en groupes de 25 et dotés de tablettes contenant un logiciel de calcul ; Des groupes de taille similaire ont reçu des tablettes sans le logiciel de mathématiques, afin de contrôler la possibilité que les enfants puissent tirer profit de toute instruction donnée dans des groupes plus petits. Ceux avec le logiciel de mathématiques ont fait des gains significatifs.

Voir aussi

L’école au service de l’apprentissage en Afrique (PDF, 70 pages)

Bobards et intox — Journaliste primé du « Spiegel » licencié

L’affaire Relotius va ébranler pour longtemps la réputation du Spiegel, l’hebdomadaire de référence, très politiquement correct. Son journaliste-vedette, Claas Relotius, 33 ans, a rendu hier les prix dont il avait été distingué, dont quatre prix du reportage allemand de l’année et celui de journaliste de l’année en 2014 pour CNN (« Fake News Network » selon Trump).

Au début du mois encore, il était récompensé pour son reportage « Jeux d’enfants », « pour sa légèreté sans pareil, sa densité et la pertinence qui ne laisse jamais de doute sur les sources de cet article ». Paru en juin dernier, l’article détaillait les conversations WhatsApp avec un enfant de la révolution syrienne, dont le graffiti anti-Assad aurait provoqué le début des émeutes il y a sept ans dans la ville de Deraa. Avec une poignante dramaturgie, l’auteur décrivait le garçon devenu combattant qui se filmait devant le pan de mur en ruine. Une histoire inventée de fond en comble, « bidonnée », comme on dit en jargon journalistique.

Plusieurs passages (ici et en allemand) d’un entretien que Claas Relotius dit avoir eu avec la dernière survivante de la Rose Blanche, ce mouvement chrétien de résistance au nazisme, semblent également falsifiés et dans un sens politique bien déterminé. Dans cet entretien, Relotius fait parler Traute Lafrenz de 99 ans au sujet des manifestations anti-immigration à Chemnitz en août : « Les Allemands, qui ont tendu le bras droit dans la rue, font le salut à Hitler, comme auparavant. » Elle n’a jamais prononcé ces mots, dit Traute Lafrenz interrogé par la suite. Elle n’avait jamais vu de telles photos des défilés à Chemnitz dans les journaux américains.

Embauché il y a un an et demi par l’hebdomadaire basé à Hambourg, Relotius avait rédigé 60 articles pour le Spiegel, dont 14 au moins ont été falsifiés. Auparavant journaliste indépendant, ses articles pour Die Welt, Die Tageszeitung et le Neue Zürcher Zeitung (Suisse) font également l’objet de vérifications.

Soupçons de détournement de dons

L’influent hebdomadaire allemand Der Spiegel a déclaré ce dimanche 23 décembre 2018 porter plainte contre un de ses anciens journalistes, Claas Relotius, le soupçonnant d’avoir détourné des dons en faveur d’orphelins syriens. Ces derniers avaient été mis à l’honneur dans l’un de ses articles, dont la crédibilité est elle-même en cause.

Claas Relotius — journaliste vedette du titre, déchu pour falsification — aurait lancé une collecte d’argent auprès de ses lecteurs pour aider ces victimes dont le sort était évoqué dans l’un de ses articles. Mais il aurait fourni aux donateurs ses coordonnées bancaires personnelles. « Der Spiegel donnera toutes les informations qu’il a réunies au parquet, dans le cadre d’une plainte », a annoncé le magazine sur son site internet.

Le journaliste de 33 ans avait admis avoir imaginé des histoires et inventé de toutes pièces des personnages dans une douzaine d’articles. Le scandale a été révélé mercredi par le magazine allemand, après que Claas Relotius a démissionné le 16 décembre. Des lecteurs inquiets ont alors signalé ces derniers jours à la rédaction l’appel aux dons de Claas Relotius en faveur d’orphelins syriens vivant dans les rues en Turquie, protagonistes d’un de ses articles publié en juillet 2016.

Contrition

C’est la vigilance d’un collègue qui a entraîné la chute de la supervedette allemande du journalisme. Ensemble, ils ont travaillé sur un reportage intitulé « Chasseurs de frontière » sur une milice citoyenne d’Américains. Un article écrit à quatre mains avec Juan Moreno, chargé du reportage côté mexicain. Dans une vidéo publiée sur le site Internet du Spiegel, Moreno explique comment les doutes lui sont venus « quand les miliciens racontaient au journaliste des choses incroyables, comment ils avaient intercepté et emprisonné des Mexicains avec la complicité de la police locale, mais qu’ils refusaient de se faire prendre en photo. Quelque chose ne collait pas ».

À force d’entêtement, car la hiérarchie et les confrères du journaliste refusaient de croire les accusations portées contre ce collègue sympathique et modeste, Moreno obtient le droit de vérifier sur place. Dans l’Arizona, il tombe sur un protagoniste cité dans l’article qui se souvient : « Ah oui, le journaliste du Spiegel ! Il nous a envoyé un courriel, mais il n’est jamais venu… » En mélangeant réel et inventions, de fausses citations avec de vrais personnages, Claas Relotius a confondu journalisme et littérature.

Il a ainsi dupé les lecteurs et le comité de vérification du Spiegel, composé de 60 personnes chargées de contrôler les informations et leurs sources. Peut-être parce que les articles de Relotius allaient dans le sens des préjugés politiquement corrects de gauche de ses collègues du comité de relecture ?

Tout en contrition, Der Spiegel a admis que la « Dok », comme elle est appelée en interne, « ne vérifie pas les notes de frais et si les kilomètres de la voiture de location correspondent au voyage que décrit l’auteur ». Désormais accusé par les populistes d’être le porte-étendard de la presse mensongère, le « Miroir » veut restaurer sa crédibilité, à la hauteur d’une histoire très riche en primeurs bien réelles. « Claas Relotius avait le sentiment d’être à la hauteur de nos attentes seulement quand il écrivait d’excellentes histoires », écrit le rédacteur en chef, Dirk Kurbjuweit.

Réactions

La DJU, le syndicat des journalistes allemands, a qualifié cette affaire de « plus grand scandale de fraude dans le journalisme que de journaux hitlériens », publiée en 1983 par le magazine allemand Stern et qui s’est révélée être un faux.

« Qui est assez naïf pour croire qu’il s’agit d’un cas isolé ? » a tweeté mercredi la section AfD de Heidelberg (sud-ouest de l’Allemagne), tandis que le groupuscule ProChemnitz postait sur Facebook : « Le Spiegel, c’est donc bien de la presse mensongère », reprenant le terme de « Lügenpresse » cher aux manifestants de droite allemands.

Précédents

L’affaire rappelle l’histoire de Jayson Blair, journaliste du New York Times épinglé en 2003 pour avoir notamment inventé l’interview de la famille d’un soldat tué en Irak.

Les révélations de Spiegel font écho à des cas de fraude journalistique commis par des reporters ailleurs, notamment Christopher Newton de l’Associated Press et Janet Cooke, dont l’article en 1980 sur un enfant accro à l’héroïne a remporté un prix Pulitzer du Washington Post c’était exposé comme faux.

En 2002 Matthew Engel du Guardian (journal « progressiste » britannique, très souvent cité par les radioteurs de Radio-Canada) s’était aventuré « au plus profond de l’Alabama pour découvrir ce que l’Américain moyen pense vraiment des Européens ». S’en suivaient bobards confirmant les préjugés les plus sombres que des progressistes pouvaient couver. Le tout fut démonté par James Lileks.

Aujourd’hui, la chaîne d’info américaine CNN est également touchée par le scandale Relotius, elle qui avait couronné l’Allemand « journaliste de l’année » en 2014. 



Mark Steyn sur Fox News : la réalité n’a pas empêché ces journalistes (Relotius et Matthew Engel) d’écrire les histoires que leurs éditeurs ou lecteurs voulaient lire sur l’Amérique profonde. La mentalité grégaire des journalistes est bien pire qu’il y a 30 ou 40 ans.





L’affabulation de Relotius sur l’Amérique blanche qui prie pour Trump


La démystification d’une habitante de la petite ville décrite dans l’article affabulé par Relotius.

En février 2017, mon mari et moi devions assister à un concert et sirotions un verre de vin dans le hall du théâtre local avant le début du spectacle. Des amis sont alors venus nous voir avec enthousiasme en nous demandant : Avez-vous rencontré l’Allemand ?

Je ne l’avais pas encore rencontré, mais mes instincts étaient en éveil quand j’ai appris qu’il travaillait pour Der Spiegel, un hebdo basé à Hambourg, et qu’il faisait un reportage sur l’état de l’Amérique rurale au lendemain de l’élection de Trump.

Je ne suis pas la seule défendeur de l’Amérique rural qui se me méfie du regard anthropologique sur l’Amérique rurale post-élections de 2016 et j’ai du mal à savoir comment répondre à cet intérêt soudain que les médias ont désormais pour nous alors qu’ils nous ignoraient totalement par le passé.

Tout à coup, l’Américain de la campagne est le centre de toutes les attentions, mais uniquement parce que le commentariat veut prétendre avoir percé le mystère de l’âme rurale contemporaine.

Ces journaleux ne semblent pouvoir arriver qu’à une de ces deux conclusions :

  • nous sommes des arriérés, vivant dans le passé, bêtes comme nos pieds, ou
  • nous ressemblons à des animaux stupides, mais attachants, qui ont juste besoin d’un peu d’attention pour éviter que nous dévorions le reste du monde.

Dans cet esprit, j’ai d’abord été rassurée d’apprendre que Claas Relotius, ce journaliste allemand, avait rencontré des gens qui pouvaient brosser un tableau fidèle de la situation complexe de Fergus Falls, des individus aptes à débattre de façon sensée sur des questions locales et nationales.

Même si je me doutais que Relotius allait se concentrer sur des profils plutôt conservateurs, j’avais encore un peu confiance dans le journalisme. Il faut dire qu’il avait reçu plusieurs prix internationaux de journalisme de reportage et qu’il allait passer plusieurs semaines dans notre communauté.

J’imaginais qu’il apporterait quelques nuances sur la façon dont nous réussissons tous à coexister dans l’Amérique de Trump, sans brûler la maison de notre voisin, dès lors qu’ils ne partage pas nos convictions. J’étais cependant méfiante… comment allait-il décrire notre ville ?

Ce qui est arrivé dépasse de loin ce que je n’aurais jamais pu imaginer. Son reportage intitulé « Là où les gens prient pour Trump le dimanche » est une véritable insulte au journalisme.

Tels que décrits dans le reportage de Relotius, Fergus Falls et ses habitants — que je côtoie pourtant tous les jours — sont parfaitement méconnaissables. Tout y est noirci, caricaturé, absolument faux. Cette représentation de l’endroit que j’aime m’a laissé une sensation de grand malaise, une véritable boule au fond de l’estomac.

C’était un sentiment inédit. Savoir que des étrangers, à la lecture de cet article, vont ressentir du dégoût pour la ville que j’aime et vont partager l’article sur Facebook et Twitter en le commentant d’un « Voilà ces gens qui ne pensent que l’électricité n’existe pas » me révolte.

Et dire que Relotius a reçu des éloges pour avoir eu le courage de vivre parmi nous pendant plusieurs semaines… En 7 300 mots, les seules vérités que j’ai trouvées sont le décompte de la population, la température annuelle moyenne de notre ville, ainsi que quelques autres informations de base, tels que les noms d’entreprises et de personnalités publiques, bref, ce qu’un enfant aurait pu faire à l’aide d’une recherche sur Google. Le reste est une affabulation décomplexée. Cela commence par les citations de chiffres bâclés comme le 70,4 % de soutien électoral dans toute la ville pour Trump, alors que ce chiffre était en réalité de 62,6 %.

Tout ceci soulève la question de savoir pourquoi Der Spiegel a même investi dans le voyage de trois semaines de Relotius aux États-Unis ? Ils devraient lui demander de rembourser ces frais. Et quel genre de défaillance institutionnelle a conduit l’équipe de vérification de faits, prétendument de classe mondiale, du Spiegel, à échouer aussi lamentablement.

Les mensonges sont tellement légion que mon ami Jake et moi-même avons dû sélectionner les onze mensonges les plus absurdes afin d’écrire cet article. Nous y avons passé plus d’un an (l’article de Relotius date du printemps 2017), mais avons dû le laisser de côté de temps à autre pour s’occuper de nos vies avant d’y revenir cet automne.

1. Le dragon endormi

« Après 3 heures de route, le bus quitte l’autoroute pour une rue étroite et en pente, qui traverse une forêt sombre qui pourrait tout à fait être peuplée de dragons. À l’entrée, juste avant la gare, une pancarte constituée du drapeau américain vous accueille de cette phrase : Bienvenue à Fergus Falls, ici vivent de sacrées bonnes personnes ».

Fergus Falls est située dans les Prairies (la Plaine centrale des États-Unis et du Canada) — ce qui signifie que notre paysage est principalement constitué de hautes herbes et de lacs. Il y a certes quelques arbres, mais il n’existe pas de forêts autour de notre ville, ou sur l’itinéraire du bus que Relotius aurait emprunté depuis Minneapolis. Et malheureusement, notre signe de bienvenue est des plus banal…


2. L’administrateur ville, le vierge fou de la gâchette

« Andrew Bremseth aimerait se marier bientôt, mais il n’a jamais été avec une femme. De plus, il n’a jamais vu l’océan. »

Relotius a choisi de mettre en vedette l’administrateur de la ville de Fergus Falls, Andrew Bremseth, en tant que personnage principal de son article. Après l’avoir rencontré, seules 3 affirmations sont avérées :
  • il a bien 27 ans, 
  • il a grandi à Fergus Falls et 
  • est diplômé de l’université du Dakota du Sud
Tout le reste de l’article est faux :
  • le fait qu’il porte un Beretta 9mm sur lui lors de son travail (il ne possède pas d’arme),
  • son dédain pour une potentielle présidente des É.-U.,
  • le fait qu’il soit un admirateur absolu de Trump,
  • son goût pour les philosophes français du XVIIe siècle (qu’il n’a jamais lu),
  • et même sa passion pour l’équipe des « New England Patriots » est une fiction complète. « Ce portrait est le plus éloigné de ce que je représente ».
Enfin, au sujet de sa virginité et du fait qu’il n’aurait jamais vu la mer… Le voici avec sa compagne au bord de l’océan.

3. Une ville obsédée par le film « Tireur d’élite américain »

« Il y a un cinéma en dehors de la ville, casé entre deux restaurants-minute. Ce vendredi, deux films sont projetés. La salle de “La La Land”, cette une comédie musicale qui présente une romance entre des artistes de Los Angeles est pratiquement vide. L’autre salle passe “Tireur d’élite américain” (American Sniper à Paris), un film de guerre de Clint Eastwood est en revanche pleine à craquer. Bien que le film ait déjà deux ans et que près de 40 millions d’Américains l’ont vu, mais il continue de tourner à Fergus Falls. »

Cette anecdote qui corroborait le fait que notre ville est obsédée par les armes était la plus facile à vérifier et un des mensonges les plus étonnants qu’il ait imaginés. Le film Tireur d’élite américain n’a été présenté à Fergus Falls qu’à sa sortie, en 2015, comme en témoigne ce SMS du gérant du Westridge Theatre.

Diffusé en salles à Fergus Falls du 16 janvier au 19 février 2015

4. Neil Becker, l’employé de la centrale thermique au charbon…

« Neil Becker, 57 ans, marié, me parle d’une voix grave. Son visage est inexpressif. Lui n’est pas agriculteur, il travaille dans la centrale à charbon voisine, ses mains sont toujours noires. »

« Doug Becker » qui est en fait Neil Becker (photo extraite de l’article du Spiegel)

» homme que décrit Relotius et dont il illustre l’article du Spiegel d’une photo, nous le connaissons tous… C’est le seul et unique Doug Becker, qui travaille pour UPS et a dirigé le centre de musculation de Fergus Falls pendant des années. C’est probablement le seul endroit du Minnesota où vous pouvez écouter une collection de vinyles rétro tout en soulevant des poids… Rien à voir donc avec la description…

5. Le cas d’Israël et de Maria

« Maria Rodriguez, qui gère un restaurant mexicain, est arrivée aux États-Unis il y a plusieurs années. Elle aussi a vu en Trump un sauveur ».

« Israël » qui est en réalité Pablo Rodriguez (Photo extraite de l’article du Spiegel)

Relotius a beaucoup utilisé le cadre du restaurant « Don Pablo » pour son article. Relotius conte l’histoire de Maria, une restauratrice devenue soutien de Trump, dont le traitement pour une maladie rénale devient de plus en plus onéreux sans Obamacare, et celle d’Israël, son fils de 15 ans, qui subit les préjugés de la part de ses camarades de classe de Fergus Falls du fait de ses origines. »

Là encore, un mensonge total.

Nous avons longuement conversé avec Pablo Rodriguez, le fils de Maria, que Relotius a surnommé Israël. « Rien de tout cela est vrai », en fait, il n’avait jamais parlé à Relotius. Sa seule interaction avec le journaliste a été de poser pour une photo à l’extérieur du restaurant, photo publiée dans l’article.

Dans le récit de Relotius, « Israël » était un élève du secondaire âgé de 15 ans, alors qu’en réalité, Pablo était en deuxième année d’université. Au Don Pablo, Israël est un serveur d’une vingtaine d’années qui a probablement servi un repas à Relotius et a donné son nom à ce personnage de fiction, point final…

Maria Rodriguez, comme le décrit l’histoire, existe dans la vie réelle, mais c’est là que se termine la vérité. Elle n’est pas propriétaire du restaurant (elle y est serveuse, sa belle-sœur Teresa en est la propriétaire). Elle n’a jamais souffert de maladie rénale et, plus révélateur encore, elle ne s’est même jamais assise pour une interview avec Relotius. Rodriguez a déclaré : « Il voulait juste prendre une photo de moi. Nous n’avons jamais discuté ».

6. La vue depuis le Café Viking

« Vous pouvez voir la centrale électrique depuis fenêtre du resto-cantine, six hautes tours grises, d’où s’élèvent des nuages de vapeur ».

Le Viking Cafe (60 ans d’existence) est l’établissement le plus prisé du centre-ville de Fergus Falls. L’une des raisons pour lesquelles nous l’aimons tellement, c’est que l’atmosphère y est chaleureuse et marginale/souterraine. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a littéralement AUCUNE FENÊTRE à l’intérieur de ce restaurant. La seule vue est celle de petites fenêtres à l’entrée : qui donne sur des magasins de l’autre côté de la rue. La centrale dont parle Relotius se trouve à 3 km environ au nord-est de la ville, ne peut être aperçue, étant masquée par quartier situé sur une grande colline. Elle ne dispose que d’une seule cheminée. Relotius fait preuve d’un certain sens du dramatique afin de donner une vision cinématographique glauque de l’Amérique de Trump. Tout est faux ici.



7. Les mensonges de la bibliothèque


« À la bibliothèque, une ancienne école maternelle, les retraités se rencontrent pour tricoter. L’administrateur de la ville, Andrew Bremseth, dirige à l’hôtel de ville un séminaire intitulé “iPad pour les débutants”, auquel participent quatre personnes. Il organise également une fois par mois un jeu-questionnaire sur les séries télé. Sa série préférée ? “Le Trône de Fer” (Games of Thrones à Paris).

Jake avec qui j’écris l’article, est marié à la bibliothécaire qui s’occupe des livres jeunesse est le mieux placé pour réagir : “Non, dit-il, le bâtiment a été construit en 1986 et n’a servi que de bibliothèque.”

Il n’y a jamais eu de cours d’iPad pour les débutants à la mairie, ces cours sont animés à la bibliothèque et enseignés par l’un des bibliothécaires. Et quant à la soirée de jeu-questionnaire “Trône de Fer” ? Comme pour tout ce qui concerne notre administrateur municipal, c’est un mensonge complet. Bremseth s,en amuse : “Je n’ai pas la télévision câblée… je n’ai jamais vu Trône de Fer et je ne sais même pas de quoi il s’agit”. Quand la réalité dépasse la fiction…

8. Sécurité à l’école secondaire

“Quiconque entre à l’école subit un contrôle de sécurité, passe par trois portes en verre blindé et est inspecté par un scanneur d’armes”.

Bien que nous n’ayons pas testé la solidité des portes donnant sur notre école secondaire, nous sommes tout à fait sûrs que le terme “blindé” est quelque peu exagéré… La vocation de ces vitres est d’isoler l’école du froid hivernal davantage que des armes automatiques. Cela ne veut pas dire que nos terrains ne soient pas sécurisés — toutes les portes sont verrouillées pendant la journée scolaire et les visiteurs doivent passer par le bureau de l’école pour recevoir un laissez-passer avant d’entrer. Bien que cette image d’une école renforcée soit sans aucun doute vraie ailleurs aux États-Unis, ce n’est tout simplement pas le cas à Fergus Falls.

9. Une soirée Super Bowl secrète à la brasserie ?

“La taverne est remplie d’hommes, qui tiennent debout en tenant une sorte de rampe qui surplombe le bar. La télévision passe le Super Bowl. Andrew Bremseth est là, assis sur un tabouret, devant lui une bière brune, il l’aime bien la boire un peu tiède en hiver”.

Le Super Bowl a eu lieu le dimanche 5 février 2017. L’Union Pizza n’était pas ouvert le dimanche à cette heure-là. Par conséquent, Bremseth et Relotius n’auraient certainement pas pu regarder le Super Bowl là-bas et parler de politique. Pour confirmer cela, nous avons brièvement parlé à notre maire, le propriétaire d’Union Pizza, afin de nous assurer qu’il n’aurait pas une sorte fête privée lors du Super Bowl dans son pub. “Le restaurant était-il ouvert pour le Super Bowl et l’aviez-vous ouvert uniquement aux amis et à la famille ?” Sa réponse aux deux questions : “Non”.

Bremseth confirme : “Je n’ai pas regardé le Super Bowl à l’Union Pizza et je ne l’aurais certainement pas regardé avec ce gars. Et j’aime les bières blondes glacées… ».

10. La formidable ‘soirée western’… à laquelle personne n’a été invité.

‘Ce soir-là, Bremseth a déclaré que les habitants de Fergus Falls adoraient les grandes fêtes extravagantes. C’était l’été dernier, dit-il, ils célébraient une soirée western, ici, dans ce bar. Ils ont versé du sable et de la paille au sol, ont fait griller des carcasses entières de bœuf mariné, le tout animé par orchestre country. Toutes les femmes, y compris Maria Rodriguez, dansaient avec des vêtements à l’ancienne, tous les hommes, dont Neil Becker et ses amis habituels, portaient un chapeau ou des bottes de cow-boy’.

Ce passage nous a beaucoup fait rire et nous donnerait presque des idées pour un prochain événement. Cela permettrait à tous les personnages décrits par Relotius dans son article de se retrouver… Ce qui est bien dans une petite ville, c’est qu’aucun de nous ne l’aurait manqué, surtout si notre administrateur, la non-propriétaire de notre restaurant mexicain, et le non-ouvrier de centrale thermique au charbon, étaient au courant et y assistaient.

Encore une fois, nous avons confirmé avec le maire Schierer, juste au cas où nous étions trop occupés, ou tout simplement non invités. ‘Eh, non, il n’y pas eu de fête western dans notre ville…’

11. Le voyage des collégiens à New York

‘Le bus arrive à New York à minuit, les tours de Manhattan s’allument. Les étudiants s’installent dans une auberge de jeunesse à la périphérie de la ville. Le lendemain matin, ils prennent le métro jusqu’à Times Square. Aucun d’entre eux n’est entré illégalement aux É.-U. et leurs parents ne sont jamais allés à New York. Le premier jour, ils se dirigent dans les rues, la tête levée. Ils crachent du haut du Rockefeller Center et montent à bord d’un bateau pour traverser la rivière Hudson. Ils ne vont pas à Liberty Island, la Statue de la Liberté, mais visitent la Trump Tower’.

Nous avons contacté plusieurs sources à ce sujet, et personne ne se souvient d’un voyage de collégiens à New York. Nous avons interrogé deux élèves, un directeur adjoint et un enseignant qui gère les activités annexes de l’école. Il n’y a pas eu de voyage scolaire à New York en 2017. Nous avons cherché dans les archives de notre journal local pour trouver une mention d’un voyage organisé par l’une de nos 29 églises ou d’un de nos clubs. Nous avons demandé à ‘Israël’ et nous avons même contacté notre réseau de contacts sur Facebook pour voir si quelqu’un se rappelait un tel voyage… Personne ne s’en souvenait. Comme beaucoup d’autres passages décrits par Relotius, ceci est une parfaite affabulation.

Alors, qu’est-ce que Relotius a manqué ?

Étant une ardente défenseur des problèmes ruraux et de Fergus Falls, j’ai essayé de rencontrer Relotius en le saluant d’un ‘hi !’ lors d’une réunion publique, mais il m’a lancé un bref coup d’œil et m’a ensuite ignoré parce qu’il était très préoccupé par un drapeau américain de notre mairie qu’il voulait prendre en photo. Ou peut-être a-t-il simplement prétendu ne pas m’entendre parce que je ne cadrais pas avec son récit.

Non seulement a-t-il simplement inventé des scènes dramatiques et des histoires sur Fergus Falls, mais Relotius a passé trois semaines ici et a réussi à passer à côté de la véritable communauté et de ses nombreuses perspectives complexes, ce qui aurait pu offrir une analyse utile de la transition économique, politique et identitaire dans l’Amérique rurale.

Sources : Le Figaro, National Post, Libération, Yahoo!, medium.com, Der Spiegel


Voir aussi

Médias : la nouvelle Inquisition ?

Cours de rhétorique et de décryptage des médias à l’école

Les Marchands de nouvelles

La question de l'immigration, devenue centrale en Belgique, a fait tomber le gouvernement

Marche contre le pacte de Marrakech le 16 décembre 2018
Le sénateur belge Alain Destexhe (Mouvement réformateur, même parti que le Premier ministre démissionnaire, Charles Michel) analyse les tensions autour de l’immigration en Belgique. Le modèle multiculturaliste a échoué, argumente-t-il.

– Pourquoi y a-t-il une crise autour de la question de l’immigration en Belgique ?

Alain DESTEXHE. —Le plus grand parti politique du Royaume, la NV-A (Nouvelle Alliance flamande, un parti « nationaliste » de centre droit), a refusé que le Gouvernement belge signe le « Pacte migratoire » de l’ONU. Dès lors, le Premier ministre, Charles Michel, n’avait plus de majorité au Parlement. Il a tenté de gouverner avec une minorité, mais après quelques jours, il a été contraint de présenter sa démission.

Que reprochait la NV-A au Pacte de Marrakech ?

D’abord, elle avait de sérieux doutes quant au caractère « non contraignant » du Pacte, étant donné que les signataires « s’engageaient à honorer les engagements contenus dans le Pacte ». Ensuite, elle craignait le fait que le Pacte fasse partie de la « droit souple », de la coutume internationale et donc que des ONG, des juges belges, ou la CEDH puissent l’invoquer. Enfin, et surtout, elle rejetait une partie du texte : la non-distinction claire entre migration légale et illégale, l’obligation de tenir compte de la culture des migrants par exemple dans les soins de santé (ce qui pourrait signifier l’obligation de femmes médecins pour soigner les femmes), la protection absolue des enfants et donc l’interdiction de placer en centre fermé une famille pour la rapatrier, même en dernier recours, etc.

Pourquoi la question de l’immigration a-t-elle une telle importance en Belgique ?

Par rapport à sa population, la Belgique a reçu beaucoup plus d’immigrés que ses voisins, y compris la France. Dans les années 2000, le solde migratoire a été quatre fois plus important en Belgique qu’en France ou en Allemagne ! Les problèmes qui en résultent (absence d’intégration, communautarisme, développement de l’islamisme) ont été niés ou minimisés.

Il y a aussi un clivage entre Flamands et Wallons. Au nord du pays, la NV-A et le Vlaams Belang (l’« Intérêt flamand  », parti proche des thèses de Marine Le Pen) se sont emparés depuis longtemps de ces questions migratoires. Au sud du pays, la presse et les partis politiques se sont montrés plus réticents. De plus, le nord du pays vote majoritairement à droite (l’extrême droite et la droite nationaliste comptent pour près de 40 % du corps électoral alors que le sud vote à gauche. Le PTB [Parti des travailleurs de Belgique], un mouvement d’extrême gauche qui se réfère encore au marxisme et au communisme, y effectue une percée spectaculaire. Cette différence est clairement une menace pour l’unité du pays. Le président de la N-VA, Bart de Wever, qui est aussi un intellectuel, a développé la thèse de deux démocraties en Belgique qui ne seraient plus en phase, ce qui justifierait de passer du fédéralisme au confédéralisme. Le débat actuel autour de l’immigration ne peut que renforcer ses convictions.

Le problème est-il plus aigu encore en Belgique qu’en France ?


Dans les années 2000, une politique d’ouverture a été pratiquée en Belgique : facilitation du regroupement familial [qui constitue désormais 50 % de l’immigration], opérations de régularisation des clandestins, tolérance vis-à-vis de l’islamisme, naturalisations en masse… En une vingtaine d’années, presque un million de personnes ont été naturalisées sur une population de dix millions. Beaucoup ne sont pas intégrées. Imaginez que cinq ou six millions de personnes accèdent à la nationalité française sans que leur soit demandée une intégration économique ou culturelle à la société française : cela provoquerait un tollé. Pourtant, c’est, proportionnellement, ce qui s’est passé en Belgique.

À quel point Bruxelles est-elle aujourd’hui une ville multiculturelle ?

Bruxelles compte déjà probablement 30 % de musulmans. En quelques années à peine, les Belges d’origine sont devenus minoritaires à Bruxelles. En soi, ce ne serait pas un problème si l’intégration [en Belgique, on ne parle plus d’assimilation depuis longtemps] avait eu lieu, mais la plupart des indicateurs montrent que ce n’est pas le cas. Prenons des. À chaque élection en Turquie, Erdogan et son parti l’AKP réalisent un score d’environ 10 % supérieur parmi les Belgo-Turcs qu’en Turquie. La plupart, issus de la seconde ou troisième génération d’immigrants, sont pourtant nés en Belgique. La dérive autoritaire et islamiste d’Erdogan ne suscite aucune protestation chez les nombreux élus turcs de Belgique parmi lesquels des députés et un maire, ancien ministre. Chez les musulmans, l’homophobie et l’antisémitisme restent très répandus. Les différentes communautés vivent de plus en plus repliées sur elles-mêmes.

Un nouveau modèle de multiculturalisme bruxellois, très problématique de mon point de vue pour le socle de valeurs communes.

Le Parlement régional bruxellois, où les Belges d’origine étrangère sont en passe de devenir majoritaires, vote des résolutions sur la Palestine ou les Rohingyas de Birmanie, mais ne s’intéresse pas à la situation des droits de l’Homme en Turquie. Dans les écoles primaires publiques bruxelloises, plus de 50 % des enfants suivent le cours de religion musulmane. On assiste à l’émergence d’un nouveau modèle de multiculturalisme bruxellois, très problématique de mon point de vue pour le socle de valeurs communes, mais le discours officiel célèbre cette diversité et le « vivre ensemble ». Le sursaut provoqué par les attentats terroristes est bien loin. Le terrorisme est combattu, mais l’islamisme qui est le plus souvent non violent progresse dans une indifférence quasi générale. Il n’y a pas non plus d’études comme celles de l’Institut Montaigne en France qui tenteraient de mesurer le degré d’intégration. Le monde politique et médiatique préfère ne pas voir les problèmes.

Cette situation est-elle inquiétante ?

Ce modèle diversitaire devrait être étudié objectivement, car avec la poussée migratoire que connaissent la plupart des grandes villes d’Europe de l’Ouest, il pourrait s’imposer progressivement, un peu partout, à travers des élections démocratiques. Comme on le sait, la démocratie c’est le pouvoir du nombre, le pouvoir du peuple, qui ne va pas forcément dans le sens des valeurs libérales ou des notions de laïcité ou de neutralité de l’État [notions parfois peu acceptées par certains immigrés].

La démographie est, ici, une question centrale. Bruxelles est devenue la seconde ville la plus cosmopolite du monde après Dubaï, sans en avoir la richesse. Autrefois, la ville la plus riche du royaume, elle est en voie de paupérisation suite aux vagues migratoires. À Bruxelles, 90 % des allocataires sociaux sont d’origine étrangère. Cela devrait faire réfléchir ceux qui prônent des frontières ouvertes tout en dénonçant la montée des inégalités.

Comment cette évolution est-elle perçue par les autres régions de la Belgique ?

Ce qui se passe à Bruxelles sert de repoussoir à une partie de la Flandre. Sans sombrer dans l’extrême droite, la NV-A a pris conscience des dangers de la société multiculturelle et du besoin d’identité, un thème central dans son discours. Elle a d’ailleurs réussi à attirer quelques jeunes femmes éminentes de la société civile d’origine étrangère, mais qui refusent cette évolution vers le multiculturalisme.

Source

« La Belgique finira arabe »

Jeune Afrique, le 9 décembre 2018, par Fawzia Zouari

L’islamisation des esprits a gagné le Nord et le Sud. Des immigrés traînent une mentalité de « daéchistes » sans le savoir.

J’étais de passage à Bruxelles. Je n’aime pas beaucoup Bruxelles. C’est une « capitale pour rire », disait Baudelaire. Elle est faite de tunnels et de voies de sortie sombres, de ponts moches, de trottoirs défoncés, les belles bâtisses y sont noyées sous des immeubles à l’architecture foireuse et la gare du Midi est une horreur. Cependant, j’adore les Belges ! Je trouve que c’est le peuple le plus doux et le plus innocent de la terre. Et c’est sans doute pour cette raison que je me suis fâchée avec le chauffeur de taxi qui m’emmenait au lieu de conférence où je devais me rendre. Le chauffeur en question est tunisien, comme moi. La trentaine, il est installé depuis dix ans à Bruxelles. Dès qu’il a su d’où je venais, il a fait l’arabe, a abandonné la langue de Molière pour ne parler que la langue du Coran, avec les expressions, les jurons, les wallah et les inch Allah à tout bout de phrase. J’avais l’impression de me retrouver au cœur de la médina de Tunis. Je l’ai branché sur Bruxelles. Il a dit :

« J’y suis très bien, al hamdoullah ! J’ai un travail, une femme et des enfants. En plus, il y a plein de Maghrébins, m’a-t-il répondu.

– Tant que ça ?

– Ah ! oui, ma sœur, nous allons devenir majoritaires ! J’ai quatre enfants, mon voisin marocain en a six. Si Dieu le veut, la Belgique finira arabe et musulmane.

– Et ça te plairait ?

– Ben oui. Nous sommes appelés à peupler la terre entière. »

J’ai regardé le jeune homme. Il n’avait ni barbe ni trace sur le front attestant de sa pratique de la prière. Et j’ai compris le mal. Insidieusement, l’islamisation des esprits a gagné le Nord comme le Sud. De jeunes immigrés trimbalent une mentalité de « daéshistes » sans le savoir.

« Pourquoi as-tu quitté la Tunisie ? l’ai-je interrogé.

– Pour être tranquille. Travailler avec des gens sérieux, pas corrompus, et des administrations qui marchent. »

Jugeant inutile de le raisonner, je me suis contentée de le taquiner à la façon de l’humoriste algérien Fellag : « Tu imagines le jour où la Belgique sera gérée par des Arabes ? Tu crois que tu vas continuer à jouir de ces privilèges ? » Il a calé. J’ai ajouté : « Et puis, ils iront où, les Belges ? » Soudain, il m’a semblé triste et désorienté. J’ai détendu l’atmosphère en lui racontant l’histoire de l’un de mes oncles qui avait décidé de ne plus aller à la mosquée après un prêche du vendredi lors duquel l’imam avait affirmé que le bon croyant était destiné d’office à retrouver au paradis ses cousins, ses voisins et toute la smala : « Si c’est pour tomber sur ces mêmes idiots qui me pourrissent la vie ici-bas, merci ! » Nous avons ri.

Théorie du remplacement

Après la conférence, il y a eu un cocktail et une rencontre avec le public. Là, un gars du même âge que mon chauffeur de taxi s’est avancé vers moi, un verre de champagne à la main. C’était un Tunisien… Ils sont tous en Belgique ou quoi ? Et il va falloir que je demande pour quelles raisons mes compatriotes ont quitté aussi nombreux la Tunisie alors qu’il y a eu la révolution et que Ben Ali est parti. Je pose la question à mon interlocuteur en train de savourer ses bulles : « Il n’y a pas que la politique, madame. “Là-bas”, c’est la corruption à plein régime et “ces gens-là” ne fichent rien de la journée. De toute façon, moi, si je suis venu ici, ce n’est pas pour fréquenter mes coreligionnaires, c’est pour vivre parmi les Belges. Les Arabes, je ne veux plus les voir, même pas en photo ! » Voilà qui est clair.

Je suis rentrée à l’hôtel en repensant à la fameuse théorie du remplacement tenue par l’un et au rejet des siens exprimé par l’autre. Et j’ai dû m’avouer que je ne comprenais pas ce qui passe dans la tête de ces jeunes immigrés, moi qui fais partie de la vieille immigration.

Source : Jeune Afrique


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Changement démographique en Belgique — Bruxelles musulmane dès 2030 ?

Pacte de Marrakech : quand Facebook et Le Monde vous disent que penser

Le Pacte mondial sur les migrations pourrait devenir contraignant

France — plus le revenu d’une famille est élevé, moins les femmes ont d’enfants (m-à-j)

La baisse de la natalité suit en général la courbe des revenus : plus le revenu d’une famille est élevé, moins les femmes ont d’enfants. Ainsi, dans les foyers aisés, la maternité est plus tardive, vers 31 ans, alors que dans les milieux modestes, les femmes ont des enfants vers 28-29 ans.


« La fécondité diminue légèrement en France depuis 2015 » quand on y intègre Mayotte depuis 2014

La démographe Michèle Tribalat souligne que les chiffres de la démographie de la France paraissent plus stables parce qu'on y intègre depuis 2014 ceux de Mayotte (responsable de 1% des naissances en France).

Les femmes immigrées ont un taux de fécondité plus stable

Le taux de fécondité des femmes immigrées, en moyenne plus élevé que celui des femmes non-immigrées, reste stable depuis 2012 avec 2,73 enfants par femme.

Selon l’Insee, le décalage entre les deux taux s’explique en partie par l’effet de l’immigration, qui reporte les naissances après l’arrivée en France. Par ailleurs, le taux de fécondité des femmes immigrées dépend aussi de leur âge d’arrivée dans le pays d’accueil. Ainsi, les femmes ayant immigré en France avant l’âge de 15 ans auraient un taux de fécondité comparable à celui des femmes nées en France.

L’Insee nuance la contribution des femmes immigrées à la fécondité en France. Rapportée au taux de fécondité global en France en 2016, la contribution des femmes immigrées reste limitée à 0,12 enfant par femme. Toutefois, cet indicateurs à tendance à minorer la part de la fécondité des immigrés.

Pour la démographe Michèle Tribalat :

La relative stabilité de la fécondité des immigrées et la baisse de celle des natives se traduisent mécaniquement par une participation progressivement plus importante des immigrées à l’indicateur conjoncturel de fécondité.

Reste que le faible impact des femmes immigrées sur la fécondité suscite toujours beaucoup d’incrédulité. Ces femmes sont plus jeunes et ont plus d’enfants. C’est vrai, mais l’indicateur conjoncturel de fécondité a pour fonction de réduire les effets de la structure par âge, puisqu’il est une addition des taux de fécondité par âge.

Dans une publication précédente consacrée à l’apport démographique, en 2011, de l’immigration étrangère depuis 1960, j’avais estimé l’effet sur l’ICF en 2010 de cet apport démographique à 0,14 enfant (soit 7 %), alors que, sans cette immigration, c’est 27 % des naissances qui auraient manqué (//www.erudit.org/fr/revues/cqd/2015-v44-n2-cqd02448/1035952ar/).

Si, par construction, la contribution des immigrées à l’indicateur conjoncturel de fécondité est relativement faible, tel n’est pas le cas de leur contribution aux naissances sur lesquelles les effets d’âge et de surfécondité jouent à plein. On aimerait que l’Insee soit moins taiseux sur les subtilités de ses calculs et les effets de changements de champ géographique.




L'ostracisme et le gauchisme systémique de l'Université française

Noyé dans les « gilets jaunes », l’appel a fait peu de bruit : fin novembre, 80 intellectuels signaient dans Le Point une tribune pour s’inquiéter de l’offensive de la pensée « décoloniale » — ce courant des sciences sociales réhabilitant la notion de « race » — à l’université, et dénoncer une forme de « terrorisme intellectuel ». Comme pour mieux confirmer leurs alarmes, au même moment, la députée LFI Danièle Obono, réputée pour sa proximité avec la mouvance des Indigènes de la République, était nommée au conseil d’administration de l’UFR de science politique de Paris-I. Cet entrisme préoccupant dans les sciences sociales est l’écume d’un courant plus profond, plus ancien aussi. L’ostracisation par l’université de chercheurs qui abordent, sans déni, les sujets sensibles de l’islam et de l’immigration.

De gauche à droite : Michèle Tribalat, Christophe Guilluy et Stephen Smith

« On ne débat plus, on exécute », se désolait ainsi la démographe Michèle Tribalat sur son blogue le 25 octobre dernier. Elle réagissait à la tentative de mise au ban universitaire du géographe Christophe Guilluy et du professeur américain Stephen Smith, critiqués tous deux pour leurs travaux, l’un sur la « France périphérique » l’autre sur la « ruée vers l’Europe ». Recrutée à l’Ined en 1976 pour traiter des questions migratoires, la chercheuse est elle-même un cas d’école de la disqualification académique. En 1997, dans un article intitulé « Une surprenante réécriture de l’histoire », elle dénonçait les projections qu’elle jugeait erronées du démographe Hervé Le Bras sur l’immigration. Celui-ci lui répondait dans Le Démon des origines (1998), assimilant la tentative de compter les immigrés au protocole nazi de la conférence de Wannsee. S’ensuivait une polémique intense sur les statistiques ethniques qui allait coûter à Michèle Tribalat sa carrière. « Une constante des liquidations professionnelles en sciences sociales est le mélange d’attaques et de critiques qui, pour être percutantes, nécessitent de faire des raccourcis ou une lecture partielle, parfois des démonstrations frauduleuses », écrit la chercheuse. Faute d’arriver à contester ses données, on lui reproche de ne pas avoir fait de thèse. « Aujourd’hui, c’est un parcours obligatoire », déplore-t-elle, rappelant que Louis Henry, père de la démographie française, n’en avait pas non plus. « Les sciences sociales sont aujourd’hui au service des causes à la mode », confie l’auteur des Yeux grands fermés, qui a vu sa carrière stoppée net par le climat de censure.

Processus de délégitimation

Le démographe François Héran, qui était directeur de l’Ined quand Michèle Tribalat a connu sa disgrâce, s’est attaqué en septembre dernier au professeur d’études africaines Stephen Smith. Auteur d’un ouvrage remarqué, La Ruée vers l’Europe (Grasset), analysant les conséquences de l’explosion démographique africaine. Smith a été récompensé par plusieurs prix dont celui de l’Académie française. Son livre s’est vendu à plus de 15 000 exemplaires. Un succès qui dérange ? En septembre 2018, François Héran, titulaire de la chaire « Migrations et sociétés » du Collège de France, prend la plume dans la revue Population et Sociétés pour déconstruire la thèse d’une « ruée vers l’Europe ». Si la démarche se veut alors scientifique, s’appuyant sur la source de la « matrice bilatérale des diasporas », que Smith aurait négligée, le ton l’est beaucoup moins dans la tribune que le chercheur publie dans Libération [Note du carnet : quotidien militant hypersubventionné — 0,27 euro d’aides directes par exemplaire — militant de la gauche libertaire !] quelques jours plus tard pour vulgariser son propos. Il y écrit que les travaux de Smith sont « sans valeur scientifique », l’accuse de « nourrir le fantasme de l’envahissement du Nord par le Sud » et de « caresser l’opinion publique dans le sens de ses peurs ». La Vie des idées, le site rattaché au Collège de France, poursuit ce travail de sape en publiant un article de Julien Brachet, chargé de recherche à la Sorbonne, qui compare le livre de Smith au roman Le Camp des saints de l’écrivain Jean Raspail et le juge « proche du vocabulaire de l’extrême droite ». Le processus de délégitimation est enclenché. En février 2018, la journaliste responsable des migrations du Monde jugeait le livre de Stephen Smith « très documenté », « posé », « chiffré », ayant « vocation à dépassionner le débat ». Mais en septembre 2018, après l’intervention de François Héran, la même journaliste adopte sans recul la thèse inverse du démographe et juge qu’elle « invalide » celle de Stephen Smith qui donnerait, elle, du grain à moudre à la théorie du « grand remplacement ».

Le géographe Christophe Guilluy, renommé pour sa thèse sur la « France périphérique », a subi le même retournement de faveurs. Inconnu et minoritaire, il était interviewé dans le Libération de Serge July. « J’avais fait un papier à la veille de l’élection de Delanoë sur l’embourgeoisement à Paris. À l’époque ils trouvaient ça formidable », raconte-t-il. « Comme je travaillais sur les classes populaires, la question culturelle et identitaire est arrivée très vite, et là ça a coincé. » Lorsque ses thèses commencent à être citées par Nicolas Sarkozy, Manuel Valls, le FN, la machine à disqualification s’enclenche. « J’ai reçu un texto d’un collègue universitaire qui me disait “attention, le nazi (sic) [juif...] Finkielkraut vient de te citer” », se souvient l’auteur de Fractures françaises.

Aujourd’hui, alors que ses essais se vendent à des dizaines de milliers d’exemplaires, Guilluy n’a plus « la carte » auprès d’une certaine gauche. À l’occasion de la sortie de son dernier livre No Society (Flammarion), Libération consacrait une double page au géographe sous le titre « Peut-on débattre avec Christophe Guilluy ? », qualifié non sans perfidie de « géographe de formation ». Le quotidien publiait une tribune, signée par les membres de la revue Métropolitiques, dénonçant le « porte-voix d’une supposée France périphérique », qui sous des « oripeaux scientifiques », « contribue, avec d’autres, à alimenter des visions anxiogènes de la France ». « On me fait un procès en légitimité, mais j’ai une maîtrise de géographie, mention très bien. Alors oui, je n’ai pas fait de doctorat, mais c’est parce qu’il fallait que je bosse », se défend le concerné.

Exemple plus ancien : l’affaire Gouguenheim en 2008. L’historien médiéviste Sylvain Gouguenheim, agrégé d’histoire, enseignant à l’ENS de Lyon, publie aux très sérieuses éditions du Seuil un livre Aristote au Mont-Saint-Michel qui relativise le rôle du monde musulman dans la transmission de l’héritage grec à l’Europe, mettant en avant un canal de traduction chrétien. Encensé à sa sortie par le philosophe Roger Pol-Droit dans Le Monde, le livre est attaqué par pas moins de trois pétitions d’universitaires, dont l’une signée par 200 personnes affirmant que « l’ouvrage de Sylvain Gouguenheim contient un certain nombre de jugements de valeur à propos de l’islam ; il sert actuellement d’argumentaire à des groupes xénophobes et islamophobes qui s’expriment ouvertement sur Internet. » L’historien Patrick Boucheron accusa Sylvain Gouguenheim d’avoir joué du contexte pour faire vendre son livre : « Quand vous écrivez, après le 11 Septembre, que nous ne devons rien aux Arabes, eh bien, vous dites quelque chose qui fait du bien ».

« Un gauchisme systémique »

Tribalat, Gougenheim, Smith, Guilluy. Leur point commun ? Avoir touché à la thématique identitaire dans un sens n’allant pas vers celui d’un multiculturalisme heureux. Dans tous ces cas de figure, le schéma de disqualification est semblable : d’abord, il s’agit de montrer le manque de scientificité de l’auteur, puis de l’accuser de ne pas tenir compte de la complexité du sujet (cette même complexité étant tout à fait récusée lorsqu’il s’agit de dénoncer le capitalisme ou trouver une excuse sociale à la radicalisation), et enfin de lui reprocher de « faire le jeu », selon l’expression consacrée, de thèses extrêmes. Le point ultime étant le refus de débattre. On se souvient des appels au boycottage qu’avaient lancé Édouard Louis et Geoffroy de Lagasnerie contre Marcel Gauchet et Nathalie Heinich. Plus récemment, c’était pendant l’été, le sociologue Pierre Rosanvallon refusait de se rendre dans l’émission « Répliques » d’Alain Finkielkraut. Une constante, en effet, dans ces affaires : s’en prendre à la personne même plutôt qu’à ses arguments. Refuser l’échange contradictoire au nom d’une « intégrité intellectuelle » qui ne se fonde plus sur la recherche inquiète et partagée de la vérité mais plutôt sur une hiérarchie morale au sommet de laquelle l’autorité universitaire dispense nihil obstat, mise à l’index, anathèmes.

Le Collège de France, à travers le trio phare composé du sociologue Pierre Rosanvallon, de François Héran et de Patrick Boucheron, auteur d’Histoire mondiale de la France, semble jouer un rôle important dans ce processus de délégitimation.

Agressivité, jalousie et personnalisation des  « sachants » de gauche

S’ajoutent, enfin, le mépris de la vulgarisation et la jalousie du succès qui parfois l’accompagne. « On creuse l’écart entre l’opinion publique et l’opinion publiée. Si votre livre se vend, c’est que vous êtes un vendu », résume Stephen Smith, qui remarque une « agressivité, une violence et une personnalisation du débat propre au monde académique français, qui seraient mal vues aux États-Unis ».

Aujourd’hui, « un gauchisme systémique » semble s’installer, déplore Laurent Bouvet, professeur de sciences politiques à l’université Saint-Quentin-en-Yvelines, qui a vu sa candidature à la tête du Cevipof rejetée et son avancement stoppé net depuis la publication en 2012 de son livre Le Sens du peuple. « Des institutions autrefois pluralistes élisent des gens à leur tête qui mènent une politique d’éradication du pluralisme. À l’université, le climat est clairement plus pesant dans les sciences humaines et sociales », affirme le théoricien de « l’insécurité culturelle ». « À l’Ined [Institut national d’études démographiques], le climat est pire qu’avant, abonde Michèle Tribalat. On ne s’intéresse plus vraiment à la démographie, on recrute des sociologues qui étudient le genre et les discriminations. »

Si le pluralisme semble s’être renouvelé dans les médias et dans les librairies, une partie de l’université paraît se refermer dans un cercle toujours plus étroit. Stephen Smith, pourtant, veut rester optimiste : « La qualité du débat reste encourageante. Il y a cinq ans on n’aurait même pas pu récompenser mon livre. »